Archive for September, 2012

Syriana II

Friday, September 14th, 2012

Les anarchistes, parce qu’ils ne font pas confiance aux Etats, parce qu’ils savent que ceux-ci n’agissent que dans l’intérêt de leurs classes dirigeantes, ne peuvent cautionner le “devoir d’ingérence”, les “guerres humanitaires”, et toutes ces interventions qui prônent la défense des droits de l’homme et l’imposition de la démocratie dans des pays la plupart du temps oubliés avant les campagnes de préparation des populations aux mouvements de troupes et, surtout, après le passage d’icelles au-dessus des cadavres des pays un temps concernés par les éditorialistes et les nouveaux philosophes.

Les anarchistes peuvent comprendre que certains s’organisent, se forment en brigade d’intervention à l’instar de celles auxquelles ils contribuèrent en 1936 pour tenter de sauver l’Espagne de l’oubli des mêmes démocraties qui aujourd’hui s’arrogent des droits exhorbitants. Quand ces brigades horizontales se forment, ce sont les mêmes qui prônent l’intervention et qui se battent. Généralement, lorsqu’un éditorialiste, un ministre appellent à l’intervention, ce sont des ploucs du bas-peuple qu’il envoie au combat, pas son fils, ou ce sont des mercenaires ou des fous de Dieu qu’il arme… Cela, les anarchistes ne peuvent pas le comprendre.

Les anarchistes ne renvoient cependant pas dos à dos les tyrans et les rebelles ou prétendus tels; ils restent lucides sur la réalité de gouvernements qui ne sont pas d’émanation populaire -mais lesquels le sont?-, cependant ils ne se posent pas en juges de l’extérieur, et luttent déjà sur le sol où ils se trouvent contre les injustices produites dans leurs frontières, luttent pour le droit des hommes à se déplacer librement, balaient devant la porte des gouvernements de leurs régions -ou alors, s’ils estiment devoir intervenir ailleurs, ils le font eux-mêmes, en pleine connaissance de cause, pour aider des populations qui les ont convaincus de venir, et non pas des chroniqueurs ou des généraux en mal d’exercice.

Cependant, dans de nombreux cas, les anarchistes, et moi le premier, s’estiment surtout incompétents pour parler de la plupart des régions du monde. Ils ne se prétendent pas spécialistes parce qu’ils ont fait trois sauts de puces quelque part, qu’ils ont partagé le quotidien de dix personnes sur place ou qu’ils se sont retrouvés “embedded” d’un côté ou de l’autre d’un conflit.

En tout cas, c’est ainsi que je vois les anarchistes.

Bahar, mon ami Bahar, n’est pas un anarchiste, ou alors pas publiquement -pas vrai, Bahar?-, mais j’ai la faiblesse de lui faire confiance au moins sur deux sujets qui lui tiennent à coeur. Et ces sujets sont la Turquie et la Syrie. Et si je lui fais confiance, c’est parce que Bahar veut réellement ce qu’il y a de mieux pour les autres comme pour lui-même, parce que ce genre de choses-là, on l’apprend en connaissant Bahar. Aussi, je vous propose de lire les lignes suivantes qui sont de sa main. Histoire de faire un peu contre-poids au discours de guerre ambiant.
(Seuls les mises en évidence et un intertitre ne sont pas de lui; je ne partage pas nécessairement toutes les expressions utilisées par lui, ni certaines conclusions, mais il ne me viendrait pas à l’idée de changer une ligne de son ensemble)

Stop à l’intervention occidentale en Syrie

Jadis, l’Occident menait la Guerre Sainte pour répandre le christianisme et la civilisation. Aujourd’hui, la religion nouvelle s’appelle « droits de l’Homme », « démocratie » ou « protection des civils ». Au nom de ses valeurs et de ses intérêts, l’Occident, Etats-Unis en tête, ne recule devant aucun sale coup : financement de groupes d’opposition et de filières terroristes, désinformation, opérations psychologiques (Psyops), livraison d’armes, formation de mercenaires, actions de sabotages et de déstabilisation, embargos et sanctions, attentats ciblés, attentats aveugles et au besoin, bombardements massifs.

Si la Syrie est aujourd’hui dans la ligne de mire de nos Etats, ce n’est certainement pas parce que le régime maltraite ses opposants. Nous avons vu en effet comment nos élites pouvaient faire preuve de compassion et d’indulgence envers leurs alliés régionaux qui ne sont pas moins violents comme le régime de Tel-Aviv, celui d’Ali Abdallah Saleh au Yémen, de Ben Ali en Tunisie, celui des Saoud au Royaume du même nom ou celui des Al Khalifa au Bahreïn.

D’abord, la Syrie paie le prix de son attachement à sa souveraineté nationale. C’est le dernier pays arabe capable de résister au courant néoconservateur qui déferle avec le soutien de l’Occident sur les pays de la région à la faveur du « printemps arabe ».

Ensuite, la Syrie subit des représailles pour son insoumission à Israël. L’alliance stratégique que Damas a tissée avec l’Iran et les organisations de la résistance libanaise et palestinienne est un crime grave et sans appel aux yeux de nos élites. Officiellement en état de guerre avec Israël, l’Etat syrien est de surcroît doté de la dernière armée arabe capable de résister à la superpuissance de Tsahal.

Tous les mémorandums altruistes de l’Occident sur la Syrie ne servent qu’à dissimuler ces deux réalités. Pour se rendre compte de l’imposture humanitaire, est-il besoin de rappeler l’aveu d’Henry Kissinger, ancien secrétaire d’Etat sous le président Ford, affirmant que « les grandes puissances n’ont pas de principes, seulement des intérêts » (cf. Georges Soros, On Globalization, New York Review of Book, 2002, p. 12)?

Nous aurions bien voulu croire que la mission de nos élites soit de répandre le Bien. Mais nous pensons avoir le droit d’être sceptique quant aux intentions et aux moyens mis en œuvre en Syrie par ceux-là même qui nous avaient tant promis l’avènement de la démocratie en Afghanistan, en Irak ou en Libye.

La Libye pour ne citer que cet exemple a curieusement disparu de nos écrans-radars alors que les milices y font régner la terreur et procèdent à une épuration ethnique et religieuse méthodique. Des dizaines de milliers de prisonniers politiques accusés de loyauté envers l’ancien régime et d’émigrés subsahariens croupissent dans plusieurs prisons secrètes. Ces détenus sont quotidiennement torturés et parfois assassinés dans l’indifférence générale. Tous les jours, des attentats sont commis par des inconnus et des règlements de compte opposent des bandes rivales. Les tombeaux des saints considérés comme « hérétiques » sont détruits un à un sous le regard bienveillant des nouvelles forces de « sécurité » (cf. De Morgen, 30 août 2012). Bref, la Libye est en pleine voie de « somalisation ».

Depuis dix-neuf mois, un feu destructeur ravage la Syrie. Affirmer que ce feu est alimenté par la seule intransigeance et la seule brutalité du pouvoir syrien est parfaitement malhonnête. Car ce feu n’est ni une nouveauté ni exclusivement dû à des facteurs intérieurs. Ce feu est en effet entretenu sous forme de guerre larvée par les puissances occidentales depuis la libération de ce pays en 1946 du joug français. Soucieuse de restaurer leur tutelle sur la Syrie, ces puissances coloniales ont indirectement contribué à la militarisation de ce pays en soutenant la création et l’expansion d’Israël (1948) ainsi que toutes les pétromonarchies du Golfe dont le discours religieux sectaire s’avérait utile face au panarabisme prôné entre autres par l’Egypte de Nasser et la Syrie baassiste.
En avril 1949, pour établir leur hégémonie sur la Syrie et soulager Israël, les USA ont soutenu le coup d’Etat du colonel Za’im.
En 1957, soit bien avant l’avènement de la Syrie d’Hafez el-Assad, l’axe américano-britannique a planifié d’assassiner trois dirigeants syriens jugés trop pro-soviétiques (cf. Ben Fenton, The Guardian, Macmillan backed Syria Assassination Plot, 27 septembre 2003). A l’époque, tous les plans de renversement du régime baassiste ont été envisagés par la CIA et le SIS (MI-6) : organisation de troubles, appels à l’insurrection, création d’un « Comité Syrie Libre », armement de l’opposition, « activation des Frères Musulmans à Damas ». Bien naïf serait celui qui nierait la similitude entre cet épisode de l’histoire syrienne et la situation actuelle.

Désinformation

Revenons un moment sur le traitement de l’information à propos des événements récents.
A partir de mars 2011, profitant de l’agitation naissante dans le pays, nos experts en communication ont exagéré le poids de l’opposition et l’ampleur de la violence d’Etat tout en minimisant le réel soutien populaire dont dispose le gouvernement de Damas ce que d’ailleurs l’ambassadeur de France en Syrie Eric Chevalier n’a pas manqué de reprocher à son ministre Alain Juppé. On nous a sciemment caché la militarisation d’une partie de l’opposition syrienne et la présence de groupes terroristes s’infiltrant depuis le Liban, une réalité pourtant constatée dès le mois d’avril 2011 par des journalistes d’Al Jazeera, la chaîne qatarie. La censure imposée par le patron d’Al Jazeera alias émir du Qatar sur les événements qui révéleraient la conspiration anti-syrienne a contraint ces journalistes à faire « défection » pour utiliser un terme que l’on nous sert toujours à sens unique.
Qui plus est, à vouloir dénoncer systématiquement la propagande de l’Etat syrien, la presse mainstream occidentale a soit gobé soit alimenté la propagande de l’opposition radicale allant jusqu’à déguiser des massacres de soldats ou de civils par des terroristes en « crimes de la dictature » comme à Jisr-Al-Choughour (juin 2011), Houla (mai 2012), Deir Ez Zor (mai 2012) ou Daraya (août 2012).
On peut en conclure que l’Occident mène au moins une guerre psychologique contre la Syrie.

Est-il cependant raisonnable de croire que l’Occident n’est pas militairement engagé dans ce pays ?

En automne de l’année dernière, lorsque le gouvernement syrien a appelé les conjurés à déposer les armes, Victoria Nuland, porte-parole du département d’Etat US, a sommé ses protégés syriens de désobéir. Parallèlement, les agents de la CIA et leurs acolytes européens ont incité les soldats syriens à passer dans les rangs d’une armée de mercenaires placée sous commandement de l’OTAN par le truchement de l’armée turque.
Sans surprise, les QG de l’Armée syrienne libre (ASL) installés au Hatay accueille désormais des terroristes du monde entier désireux d’en découdre avec les Syriens patriotes accusés d’être des « infidèles » à la solde de « l’ennemi chiite ». Ces terroristes y reçoivent une formation militaire, des armes, des pick-up surmontés de fusils-mitrailleurs, des MANPAD (systèmes portatifs de défense anti-aérienne) et des appareils de communication performants.
« Nous avons surtout récupéré des roquettes RPG9 puisées sur les stocks de l’armée saoudienne » jubile un rebelle dans les colonnes du Figaro (28 juin 2012) qui ajoute « Elles ont été acheminées par avion, jusqu’à l’aéroport d’Adana, où la sécurité turque a surveillé les déchargements avant de savoir à qui ces roquettes allaient être destinées ». Petits détails: l’armement saoudien est essentiellement américain et la base turque d’Adana dont parle le terroriste, est la base américaine d’Incirlik.
L’Occident s’est longtemps défendu de fournir des « moyens létaux » aux terroristes alors que des agents du Service fédéral de renseignement (BND) croisant au large de la Syrie transmettaient des informations concernant les mouvements des troupes syriennes aux services britanniques et US pour qu’elles parviennent aux rebelles (cf. Bild am Sonntag, 19 août 2012).
Selon le Sunday Times, les services britanniques basés à Chypre ont eux aussi aidé les insurgés à mener plusieurs attaques.
Le fait d’indiquer à ces derniers à quel moment et quel endroit ils doivent tirer sur les troupes syriennes ne revient-il pas de facto à participer militairement au conflit ? L’Occident semble donc loin d’être neutre et habité par de louables intentions. En cette époque de crise et de récession, il peut même se targuer de mener une guerre low cost dans laquelle les seules victimes sont des Arabes.

En rappelant ces faits, notre but n’est absolument pas de minimiser les responsabilités du gouvernement de Damas dans la terrible répression du mouvement de contestation syrien, les crimes d’Etat commis au nom de « la paix et la sécurité », le degré de corruption de certains hauts fonctionnaires de l’Etat, la cruauté de ses services de renseignement, ni l’impunité dont ils ont trop longtemps bénéficié. Tous ces facteurs internes de la tragédie syrienne font partie des éléments déclencheurs de la légitime révolte populaire lancée en mars 2011.

Nous réitérons au passage notre profonde indignation face au degré de violence du conflit syrien et souhaitons que le peuple syrien puisse accéder à l’improbable démocratie à laquelle il aspire légitimement.

En soulignant le rôle de l’Occident dans la militarisation de l’Etat syrien, nous tenons avant tout à renouveler cet avertissement à ceux qui croient en « la libération » du peuple syrien par la voie des armes : au-delà du caractère illégitime de l’action de nos pompiers pyromanes, celle-ci a pour seul résultat l’augmentation de la souffrance de ce peuple et entraîne inexorablement l’humanité dans une aventure aux conséquences que nul ne peut aujourd’hui mesurer.

Les show médiatique d’un Laurent Fabius qui appelle au meurtre du président syrien (en déclarant qu’il ne mérite pas de vivre), celui d’un Didier Reynders qui vient de plaider au sommet de Paphos pour « le devoir d’ingérence » en Syrie ou les déclarations scandaleusement violentes de l’administration Obama ne font que précipiter l’humanité vers ce chaos.

Hier -au nom du respect de la souveraineté des peuples, de l’humanisme et de la paix-, nous, avons dénoncé l’invasion de l’Afghanistan sans pour autant éprouver de sympathie pour les Talibans. Nous avons manifesté contre l’invasion de l’Irak sans pour autant défendre le président Saddam Hussein. Nous avons protesté contre l’ingérence occidentale en Côte d’Ivoire sans être des laudateurs du président Laurent Gbagbo. Nous nous sommes indignés de l’implication occidentale dans la guerre civile libyenne sans adorer le dirigeant Kadhafi. Et aujourd’hui, nous nous insurgeons contre l’intervention militaire en cours en Syrie sans pour autant être des partisans du président Bachar El-Assad.

Constatant que la destruction de la Syrie ne profite qu’à ses ennemis de toujours, conscients que seules les initiatives prônant la paix, le dialogue et la réconciliation pourront offrir une alternative digne et viable au peuple syrien, nous appelons tous les véritables amis de la Syrie à condamner l’ingérence de nos dirigeants dans les affaires intérieures de ce pays.

Dans le cadre du lancement de notre campagne pour la paix, le dialogue et la réconciliation en Syrie, nous appelons à protester contre l’ingérence militaire occidentale par un rassemblement devant l’ambassade des Etats-Unis à Bruxelles le mardi 25 septembre à partir de 18 heures.

Pour le Comité contre l’ingérence en Syrie (CIS)
Bahar Kimyongür

comitesyrie@hotmail.fr

Ze Marché of ze Nations

Monday, September 10th, 2012

Après Johnny, le “Johnny national” des Français et des Belges, qui fut pourtant longtemps plus étatsunien qu’autre chose, c’est au tour d’un autre pauvre privilégié de la vie de venir demander la nationalité belge, un certain Bernard Arnault, l’homme le plus riche d’Europe, LVMH-man, l’un de ces hommes qui murmurent à l’oreille des présidents, tous partis confondus.

Dans le Canard Enchaîné de cette semaine, page 4, le non-lecteur de la Tribune ou des Echos apprend qu’il pourrait bien devenir moins intéressant pour un Français de mourir en Suisse, à partir de 2014, car le pays par excellence de l’évasion fiscale (bon, avec le Luxembourg, les Iles Caïmans, Gersey, le Liechtenstein, Monaco, Andorre, et une bonne cinquantaine d’autres destinations amusantes) pourrait en venir à taxer les successions comme en France suite à un accord avec son grand voisin.

En Belgique, une information sur un possible arrangement entre la Suisse et la Belgique concernant le secret bancaire et la taxation de capitaux discrets de certains de nos compatriotes a fait un petit buzz cette semaine. Mais comme Reynders n’est plus ministre des Phynances, il est possible que le côté un peu trop “One shot” de l’affaire, porteur électoralement, ne séduise pas tout le monde -mauvais joueurs!

Et on ose dire que le système n’est pas libéral

Qu’est-ce que le libéralisme, sinon la possibilité pour le consommateur de choisir à son gré le produit qu’il désire sur un marché ouvert, en fonction du prix, des conditions, des contraintes? Si je veux acheter une voiture, sur un marché libre, en effet, je dois considérer son prix, ses qualités propres, ses défauts, mais aussi les conditions de vente: la garantie qui l’accompagne, par exemple, mais également les conditions de financement ou les conditions de reprise, bref, plein de choses.

L’intervention des Etats dans ces conditions joue aussi: il arrive que, pour relancer l’économie, un Etat décide de réduire temporairement une taxe sur un produit (le carburant par exemple) ou de proposer de meilleures conditions de reprise de véhicules anciens. Le consommateur averti -et dans un marché libéral idéal, le consommateur est averti- profitera de ces moments également. Donc, le temps devient aussi un facteur à considérer sur le marché de la consommation. Quelque part, l’Etat étend le marché libéral au-delà de l’espace, dans le temps1. Le “lieu” du marché avance dans la quatrième dimension.

Avec la mécanique quantique et la théorie des cordes, qui sait où le marché s’arrêtera…

Ceci pour rappeler que l’Etat, loin d’être un obstacle au libéralisme, en tant qu’acteur agissant sur le marché (que le consommateur, comme le producteur, le distributeur, le vendeur, doit considérer), au contraire, l’entretient, fait jouer les axes de la loi de l’offre et la demande. Geindre sur l’Etat sous prétexte qu’il serait un frein au marché est de la dernière des hypocrisies. Au contraire, l’Etat augmente les facteurs de décision, propose des arguments dynamiques au marché lorsque celui-ci a trop tendance à s’endormir.

C’est l’Etat qui ouvre les vannes de l’immigration, quand les entrepreneurs ont besoin de main-d’oeuvre corvéable et d’un matelas de chômeurs officiels, ou qui les ferme, non pas tant pour réduire ce matelas que pour clandestiniser les nouveaux arrivants pour des raisons aussi économiques que politiques.

C’est aussi l’Etat qui relance les investissements, par le jeu des Partenariats Public-Privé ou par les guerres qu’il provoque un peu partout dans le monde. Sans l’Etat, toute une série de grands chantiers n’auraient pas vu le jour, car le privé, qui aime la sécurité, n’aurait pas osé les entreprendre. Ce qui explique aussi le jeu de balancier entre les privatisations et les nationalisations qui, loin d’être purement idéologiques, suivent également des trajectoires mercantiles, l’Etat intervenant plus souvent lorsque les acteurs privés n’en peuvent mais, ou qu’ils ont besoin d’un coup de pouce par manque de capitaux -après tout, une nation, c’est un très, très vaste capital disponible et qu’il n’est pas inintéressant d’exploiter, mais… il ne faut pas que ça se voie trop…

C’est aussi l’Etat qui joue des coudes pour favoriser -ou non- les entreprises “nationales” (expression bien comique quand on sait que le capital se fiche des frontières), dans un souci certes électoral, mais surtout parce que l’Etat, en tant que facteur agissant sur l’économie, est le lieu d’un marché d’influences très important: avoir un pied, un bras, ou plus, au sein du législatif, ou mieux de l’exécutif, c’est, après tout, un actif au sein de son capital, c’est, pour une entreprise, aussi important que d’avoir des liquidités disponibles ou des biens immobiliers.

Lorsqu’une nation propose de meilleures conditions de vie aux grandes fortunes de ce monde, celles-ci se posent la question: vaut-il la peine de m’exiler pour rejoindre d’autres foyers? Autrement dit, l’investissement de l’ensemble des formalités, en plus du déménagement sera-t-il amorti par les avantages que je trouverai en traversant la frontière et en m’installant à Bâle ou à Uccle? C’est exactement ce genre de raisonnment que se font ces grandes fortunes, et c’est exactement ce genre de raisonnement que l’on se fait lorsqu’on hésite entre conserver sa bonne vieille guimbarde qui consomme un peu trop ou acheter le dernier outil technologique à consommation hybride (qui, par ailleurs, ne préservera guère plus l’environnement que si on avait gardé la vieille, mais nous sortons du sujet). Si vous n’avez pas de voiture, reportez le même raisonnement sur vos récentes hésitations concernant tel outil de communication -téléphone portable, netbook, tablette, que sais-je? C’est exactement la même idée: la France, pour Bernard Arnault, c’était à ses yeux un gros portable en bout de course, et il a décidé de s’offrir la dernière tablette, parce qu’au fond, son utilisation lui reviendra moins chère.

En quoi sortons-nous des principes du libéralisme?

Eclairez-moi, car je ne vois pas…

  1. Oui, je sais, le temps était *déjà* une dimension économique sans l’Etat, oh, on chipote. []