Archive for August, 2020

3 ans après – Le Sommet social de Göteborg

Sunday, August 16th, 2020

Dans le cadre des vidéos que je fais sur l’UE, voici le chapitre du livre (qui n’est toujours pas paru et pour lequel, bon, ben, je ne sais pas s’il verra le jour-papier) qui est consacré au Sommet Social de Göteborg.

N’hésitez pas à le télécharger et à l’utiliser à votre profit.

Pour la bibliographie, je vous renvoie à ce que j’ai déjà publié par le passé, notamment intro et bibliographie.

Voici donc mon commentaire sur “l’Europe Sociale”, vue par Macron, Michel, Juncker, Orban, Renzi, Rajoy, Rutte et tous les autres…

Union Européenne Sociale

Oscillations

Friday, August 14th, 2020

Je travaille beaucoup sur l’Union Européenne, pour l’instant, mais je ne me dispense pas de lectures enrichissantes.
Et quoi que je ne sois pas d’accord avec tout ce qu’on trouve chez lui, j’avoue nourrir mes réflexions de certains passages de Braudel. Ainsi, le suivant.

« Comme tant d’autres forces qui font l’histoire et brassent le monde, [l’]unité grandissante [du monde] n’est pas un courant continu, mais un courant modulé, alternatif. Elle connaît des reculs et des avancées et c’est avec des retours en arrière qu’elle progresse finalement. Reculs ? Avancées ? Songeons à deux époques proches de nous. 1914 tout d’abord : un monde ouvert aux marchandises, aux idées, aux hommes, à tous les échanges. Un vrai monde. On en faisait le tour avec, sur soi, sa seule carte de visite… 1939 : avouons qu’alors, depuis vingt ans, le monde s’était barricadé et fractionné de façon absurde. (…)

« Oscillation entre un monde ouvert et un monde barricadé : le problème de la guerre actuelle n’est-il pas cette oscillation même ? De quel avenir s’agira-t-il ? Ou du morcellement de la terre en espaces autonomes -en planètes (espace grand-allemand, espace grand-asiatique, espaces anglais, américain, russe) ou du maintien -ou de la sauvegarde- de l’unité du monde ?

« Que cette dernière l’emporte, voilà qui me semble probable. Bâtisse qui voudra, en esprit, pour demain, des frontières verrouillées, des économies planifiées, des autarcies monstrueuses ! On a pu s’opposer au monde, de 1919 à 1939, par une puissante action. Honneur en soit rendu à l’égoïsme américain (la loi de 1924 sur l’immigration). L’Europe, coupable elle aussi, a eu l’excuse de ses folies et de sa faiblesse. On ne se transforme pas impunément en champ de bataille, pas plus hier qu’aujourd’hui. Au-delà de cette guerre, je ne pense pas que l’on puisse encore endiguer et contraindre le monde. Je pense qu’il va se contracter sur lui-même, mais en même temps s’ouvrir sur lui-même, de tous ses pores à la fois. Il en est peut-être grand temps.

« Les problèmes de demain, les grands problèmes, ne les sentons-nous pas avec netteté ? Ce sont les problèmes de ces portes ouverts, des vastes courants d’air qui vont secouer nos maisons. Gare aux vieux papiers, je veux dire aux vieilles méthodes, aux idées surannées, aux sociétés surannées, aux civilisations et aux États d’hier.

« Collaboration avec tous les hommes de bonne volonté : comment ne pas s’abandonner un instant à ce rêve de Noël ? Collaboration, entraide, fraternité, croyance en une humanité apaisée et meilleure. Rêves, non pas réalités immédiates, nous le savons tous. Entraide oui, mais luttes aussi, luttes féroces, avec les vastes pays du monde entier, avec les races du monde entier, avec les idées, les économies et les folies du monde entier, avec les haines, avec les égoïsmes, avec les cannibalismes du monde entier, avec les déterminismes et les fatalismes du monde entier. Et toutes ces luttes apparaissent avec leurs longues et monstrueuses liaisons dans l’espace. Qui nous dit que le destin de notre monde à nous, la France, une des îles de l’Occident, ne s’élabore pas aujourd’hui même dans telle profondeur de la Chine, ou de tel autre monde ? Tous les pays de l’univers se touchent et se mêlent dans un corps à corps tumultueux »

Fernand BRAUDEL, L’histoire, mesure du monde, in Les ambitions de l’histoire, Fallois, Livre de Poche, 1997, p. 112-113. Ce texte est extrait de la retranscription d’une conférence prononcée dans un Stalag, en 1941.