Une démocratie à l’épreuve des balles

La Colombie, sincère alliée des USA (la plus grande démocratie du monde), est également une république heureuse et prospère, dont la population ne peut s’empêcher d’élire que des libéraux et des conservateurs depuis des décennies. Il doit bien y avoir une raison pour ça… En tout cas, le magazine brésilien Veja y croit dur comme fer.

Il faut dire que les communistes, soit ont été massacrés peu après l’assassinat du libéral modéré (ou populiste selon les sources) Jorge Gaytan, soit se sont constitués en groupes armés qui, selon les dires du président, ne font rien qu’à être des terroristes plein de drogues.
Il faut dire aussi que les dernières élections colombiennes, avec 56 pour-cent d’abstention, n’ont pas été tout à fait clean, niveau fraude. Il faut dire enfin qu’Uribe est le premier président colombien depuis Bolivar à avoir trouvé le moyen de se faire réélire. Comment? en changeant la constitution deux ans avant… Tiens, tiens? Ça ne vous rappelle rien?

Difficile de ne pas reconnaître à Uribe le droit d’intervenir dans un pays laxiste comme l’Équateur pour éliminer de dangereux combattants (surpris en plein sommeil) qui s’y sont réfugiés, les lâches, comme si on jouait à touche-touche-plus-haut…

Le hic, c’est que Raul Reyes, désormais feu, était en pleine négociation pour libérer des otages. Ça la foutrait mal si Uribe n’avait pas trouvé sur le corps dudit un ordinateur portable plein d’informations super-géniales. La première desquelles, répercutées par tous les bons journaux des bonnes librairies, étant que l’infââââme Chávez aurait fourni 300 millions de dollars aux Farc pour les aider à répandre la terreur (dixit Uribe, et notamment reproduite par le très peu déontologique Veja, magazine à l’usage des imbéciles brésiliens -je vois pas d’autres qualificatifs).
Or, que lit-on sur ce fameux lap-top? Un échange de mails entre membres des Farc inclut en effet l’horrible mention suivante, à la date du 23 décembre dernier:

Con relación a 300, que en adelante llamaremos ossierya hay gestiones adelantadas por instrucciones del jefe del cojo, las cuales comentaré en nota aparte. Al jefe lo llamaremos Ángel, y al cojo Ernesto.

Ce qui se traduit par (j’ose espérer que les plus hispanophones d’entre vous me corrigeront si je me suis fourvoyé):
“En relation aux 300, que nous appellerons désormais “dossier”, des efforts se poursuivent selon les instructions du chef du cojo, dont je parlerai dans une note suivante. Appelons le chef Angel et le cojo Ernesto.”

Voilà, voilà… les 300 millions de Chavez (qui prend ici le nom de code “Angel”, mais, dans le reste du mail -et notamment à la ligne suivante-, est appelé… Chávez)…

300 millions de dollars… Alors que le dollar est si bas… Est-ce bien raisonnable?

La suite du mail évoque très clairement la libération d’otages. Le journaliste d’investigation Greg Palast (qui nous fournit le texte du mail) suppose que les 300 se réfèrent à la mention de 300 prisonniers à échanger… Il n’en est pas sûr, mais l’hypothèse a déjà l’air plus vraisemblable que d’envisager 300 millions (pourquoi millions et pas milliards?) de dollars (pourquoi dollars et pas euros?).

Quelques sources un peu alternatives à propos d’Uribe:
http://www.jean-luc-melenchon.fr/?p=578 qu’on peut difficilement taxer de gauchisme: il est sénateur socialiste en France.
http://www.legrandsoir.info/spip.php?article5870 déjà plus radicaux…
http://risal.collectifs.net/spip.php?article1866 de vrais chavistes, ceux-là…

2 Responses to “Une démocratie à l’épreuve des balles”

  1. franz Says:

    Palast, pas Balast

  2. tito Says:

    ah oui… oups… pourtant le p et le b sont loin l’un de l’autre… attraction d’un mot par un autre je suppose. Je corrige aussitôt, merci.

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