Les syndicats se lancent-ils dans la lutte anti-antiterroriste?

Communiqué par un pote syndiqué et militant (ce qui n’est pas toujours incompatible):

DANGER : MENACE…ANTITERRORISTE

Au lendemain des évènements tragiques du 11 septembre 2001, et sous l’influence de l’administration Bush , la lutte contre le terrorisme devient la priorité de la politique internationale. Aux Etats-Unis, au nom de cette priorité, les restrictions aux libertés individuelles se multiplient. Nombreux sont alors ceux qui dénoncent les atteintes multiples au droit à la vie privée, aux libertés d’opinion, d’expression et d’association. Dans ce contexte général, la belgique adopte, en 2003, sous l’impulsion de l’Union européenne, la loi relative aux infractions terroristes.

Une des premières mises en oeuvre de cette législation a eu lieu dans “l’affaire Bahar Kimyongur”, dans laquelle un jeune homme belge s’est vu poursuivre du chef d’infraction terroriste (“apartenance à une organisation terroriste”) alors qu’aucun acte matériel grave ne lui est reproché. Après une longue procédure, au terme de laquelle la Cour de cassation a mis à néant les jugements et condamnations (5 ans de prison !) intervenus, pour défaut d’impartialité des juges, un nouveau verdict sera rendu prochainement. L’occasion, pour nous, de revenir sur les dangers de cette législation “antiterroriste”.

Pour comprendre ces dangers, il n’est pas inutile de rappeler brièvement quelques grands principes qui prévalaient, jusqu’il y a peu, en matière pénale.

La Révolution française a imposé l’idée selon laquelle l’Etat ne peut poursuivre et punir un individu que si celui-ci a commis un acte puni par la loi. Deux conditions apparaissent. Il faut, premièrement, que la loi définisse avec précision les actes qu’elle prohibe et qu’elle veut sanctionner. Deuxièmement, il faut…un “acte” : il n’appartient pas à la loi de s’immiscer dans les consciences et de punir les pensées ou les opinions des individus. Ces principes expriment une méfiance à l’égard du pouvoir de punir de l’Etat. En limitant ce pouvoir aux seuls actes matériels, ces principes consacrent le choix d’une société libre et démocratique, dans laquelle penser différemment, contester une politique ou un système, ou exprimer sa révolte ne constituent pas, en soi, des activités interdites.

La législation antiterroriste en vigueur en Belgique depuis 2003 remet en question ces acquis qui ont permis, au fil des années, aux citoyens de réfléchir ensemble, de s’organiser, de contester et d’améliorer le système dans lequel ils vivent.

En vertu de cette nouvelle législation, une infraction devient “terroriste” sitôt que l’intention de son auteur est “terroriste”. Or qu’est-ce qu’une intention terroriste ? La loi énumère une longue définition très large, trop large. Ainsi, dès lors que l’auteur d’une infraction (telle que la perturbation de l’approvisionnement en électricité, la destruction d’un système de transport, d’une propriété publique ou privée…) sera de “contraindre indûment des pouvoirs publics ou une organisaton internationale à accomplir, ou à s’abstenir d’accomplir un acte”, l’individu devient terroriste. Outre les lourdes peines dont il est alors passible, l’enjeu de cette qualification est le suivant : le caractère terroriste de l’infraction justifie le recours aux méthodes particulières de recherches (mise sous écoute, surveillance…), qui sont spécialementattentatoires à la liberté individuelle et à la vie privée.

D’entrée de jeu, on aperçoit la menace que constitue cette définition très large de l’infraction terroriste pour la contestation sociale et le combat syndical : les modes d’action utilisés par les travaileurs et tous ceux qui luttent contre l’injustice ne visent-ils pas, assez souvent, à “contraindre une autorité publique à s’abstenir d’accomplir un acte” ? Rappelons-nous du mouvement, dur mais combien légitime, contre le Pacte de solidarité entre les générations : il s’agissait bien, alors, d’empêcher le gouvernement d’adopter son plan…

Avec la nouvelle loi, l’intention de l’individu devient suspecte : ce ne sont plus son comportement, ses actes, qui sont poursuivis, mais sa pensée. Redoutable retour en arrière…

Lors de l’élaboration et de l’adoption de la loi de 2003, la FGTB et d’autres organisations progressistes avaient dénoncé les dangers d’une telle législation antiterroriste aveugle, estimant qu’elle risquait d’aboutir à la criminalisation de l’action sociale. Certes, la loi prévoit qu'”une organisation dont l’objet réel est exclusivement politique, syndical, philosophique ou religieux ou qui poursuit exclusivement tout autre but légitime ne peut, en tant que telle, être considérée comme un groupe terroriste”. cette disposition n’est pourtant pas satisfaisante : outre le fait que les termes “objet réel”, “exclusivement” et “but légitime” laissent aux autorités policières et judiciaires une (trop) grande liberté d’appréciation, elle ne met d’aucune manière à l’abri des poursuites pour terrorisme les individus eux-mêmes : c’est l’organisation en tant que telle qui semble plus ou moins protégée, et non l’activité des travailleurs et des citoyens.

Cette législation est d’autant plus critiquable qu’elle n’était pas nécessaire pour lutter contre le terrorisme : avant 2003, les organisations criminelles, les actes de violence aveugle contre des civils et les crimes contre l’humanité étaient déjà incriminés et poursuivis sur base du droit belge et du droit international.

Pour éviter que des militants syndicaux, politiques ou écologistes ne soient inculpés pour terrorisme, pour qu’il n’y ait plus d'”affaire Kimyongur”, pour que la liberté d’opinion et d’expression soit sauvegardée, il n’y a qu’une solution : abroger la loi du 19 décembre 2003, relative aux infractions terroristes.

SYNDICATS, magazine de la FGTB Bruxelles-Brussel, 8 février 2008, p.2

Et ce commentaire d’une photo de manifestation : Qu’une infraction soit commise à l’occasion d’un mouvement de contestation et qu’elle soit punie est une chose, critiquable à certains égards; qu’elle devienne une infraction terroriste et qu’elle soit punie comme telle en est une autre : totalement inaccceptable.

6 Responses to “Les syndicats se lancent-ils dans la lutte anti-antiterroriste?”

  1. Julien Uh Says:

    Eh oui, cet article est tiré d’une position de la centrale générale FGTB (www.accg.be), elle même inspirée par sa régionale Bruxelles-Brussel/Vlaams Brabant.

    grosso modo, cette position est bien plus radicale que l’aspect liberté d’expression du CLEA (www.leclea.be), prêt à soutenir d’une part n’importe quel islamiste foireux parce que plate-forme absente de toute politisation (ce qui ne signifie pas qu’elle ne compte pas d’individus politisés); et d’autre part bouffé de l’intérieur par son culte à Bahar Kymiongur, oubliant que BK n’était pas le seul prévenu dans l’affaire; et d’autre part encore : le clea est simplement devenu une vitrine de la respectabilité affichée du DHKC en Europe, comme le souhaitait le DHKC. Par rapport au CLEA, la position de la FGTB-Bruxelles, à la structure social-démocrate, administrative, “non alternative”, au sein de laquelle la prise de position ne peut qu’être lente et figée eh ben c’est génial. Vive la professionnalisation de la FGTB hein Thitho (yark yark yark 🙂 )

  2. tito Says:

    oh comment il est lui…

    Alors ça yest? Vous la programmez la générale au finish jsuqu’à la socialisation des moyens de production?

  3. tito Says:

    tiens à propos de culte de la personnalisté, quel est le trou de balle qui a dit:
    “Il faut dire que toute grande industrie mécanique qui constitue précisément la source et la base matérielles de production du socialisme, exige une unité de volonté rigoureuse, absolue, qui permette de régler le travail collectif de centaines, de milliers et de dizaines de milliers d’hommes. Techniquement, économiquement et historiquement, cette nécessité est évidente (sic) et tous ceux qui ont médité sur le socialisme l’ont toujours reconnue comme l’une de ses conditions (re-sic). Mais comment assurer une rigoureuse unité? Par la soumission de la volonté de ces milliers de gens à celle d’une seule. Cette soumission rappellera plutôt la direction délicate d’un chef d’orchestre, si ceux qui participent au travail commun sont parfaitement conscients et disciplinés (re-re-sic). Elle peut revêtir des formes tranchés, dictatoriales, si la parfaite discipline et conscience font défaut. De toute façon, la soumission sans réserves à une volonté unique est absolument indispensable au succès d’un travail organisé sur le modèle de la grande industrie mécanique.”

    Je donne un indice: c’est dans “Les tâches immédiates du pouvoir des societs”, in Oeuvres complètes, t. 27, p. 279, cité et traduit par Skirda, Kronstadt (sic), 1921, Paris, 1971, p. 16-17.

    Un autre indice? Le nom sous lequel il est connu commence par un L.

  4. tito Says:

    Petit bilan syndical dans le mouvement des sans papiers

    CRER – Coordination contre les Rafles, les Expulsions et pour la Regularisation
    Fevrier 2008

    Au niveau Syndical

    Depuis ces dernières années l’initiative plus intéressante entreprise par les syndicats a été la « campagne d’affiliation »
    Cette initiative a donné aux travailleurs sans papiers une reconnaissance et une légitimité. A son origine l’idée a été applaudie et félicitée, mais deux ans après qu’en reste-t-il ?
    Pas grande chose, à Bruxelles près de 3000 sans papiers ont bénéficié de cette syndicalisation : ils payent des cotisations, moins chères que les travailleurs légaux mais ne bénéficient pas des mêmes droits. En effet cette syndicalisation est purement « symbolique » car elle ne donne pas le droit à une protection sociale ni juridique
    Par exemple si un travailleur sans papiers est exploité par un patron et que celui-ci ne veut pas lui payer son salaire à sa juste valeur, le syndicat ne peut pas intervenir pour défendre ce travailleur, même si celui-ci est syndiqué ! D’ailleurs les travailleurs sans papiers qui n’arrivent pas à payer leurs cotisations reçoivent des mises en demeure de la part du syndicat avec les menaces de leur retirer la carte.

    Toujours en ce qui concerne les conséquences désastreuses de la politique d’immigration pour des milliers de personnes dans les centres fermés et les expulsions, nous avons également fait des demandes aux appareils syndicaux, comme par exemple ; nous donner des coups de mains, de temps en temps, lors d’une expulsion à l’aéroport de Zaventem.

    Si une équipe sur place avait arrêté de travailler une heure seulement lors de la tentative d’expulsion de la petite Angelica tout le monde aurait apprécié énormément. Malheureusement cette demande pas plus que les autres n’a jamais eu de réponses.
    Aucune réponse non plus quant aux violations des Droits de l’Homme dans les centres fermés. Il a été demandé de rencontrer les délégations syndicales de la FGTB et la CSC du centre fermé 127bis à propos de la situation des enfants, femmes enceintes et personnes âgées enfermés et qui subissent régulièrement des traitements inhumains et dégradants.
    Sur ce point comme pour les autres, si rien n’avait été demandé, nous n’aurions pas obtenu plus !!

    La campagne de syndicalisation qui aurait pu ouvrir le débat sur un permis de travail pour les travailleurs sans droits n’arrive pas à ouvrir les consciences de l’appareil syndical et c’est bien dommage ! Surtout quand, en face, les fédérations patronales et les partis de droite demandent de régulariser les sans papiers à cause du manque de main d’oeuvre dans certains secteurs.

    Dans l’absence de réponses à nos multiples demandes auprès des syndicats, nous avons dû nous-mêmes créer les contacts et chercher les solutions. D’un côté pour combler l’absence de l’organisation sensée nous défendre et d’un autre pour réagir aux attaques de plus en plus agressives de la part du gouvernement et des patrons, lesquels voient aujourd’hui dans l’immigration une manière de gagner plus d’argent sans pour autant respecter les droits de ces travailleurs.
    Un des risques de ces projets est de créer une nouvelle catégorie de travailleurs, admis sur le territoire sur base d’une carte « Green » ou « Bleu » conditionnée à leur durée de travail et sans les mêmes droits que les travailleurs belges, ceci provoquant chez les travailleurs étrangers et autochtones d’énormes injustices.
    D’un côté jouer avec la concurrence pour continuer à faire baisser les salaires chez les autochtones et profiter de la précarité, sans les mêmes droits sociaux, chez les étrangers, ce qui donnera, encore une fois au patrons un maximum de profits.

    D’après notre constat, nous nous dirigeons tout droit vers une politique d’immigration choisie, dans le style Sarkozy mais à la sauce Orange, Bleu et Rouge !

  5. Un Homme Says:

    D’ailleurs, sur le fil info du Soir hier on pouvait lire ceci:
    “Le ministre de l’Intérieur, Patrick Dewael (Open Vld), veut instaurer, à partir du 1er janvier 2009, la liste des professions qui seraient accessibles aux travailleurs hors Union européenne. Une réunion est prévue jeudi entre Patrick Dewael, le ministre fédéral de l’Emploi et les ministres régionaux de l’Emploi pour discuter de l’immigation économique. Le ministre de l’Intérieur propose un agenda concret pour instaurer un système d’immigration économique. Selon cet agenda, les travailleurs des pays devenus membres de l’Union européenne à la date du 1er mai 2004 bénéficieraient de la libre circulation à partir du 1er mai de cette année. À partir de 2009, la libre circulation serait accordée aux travailleurs de Roumanie et de Bulgarie. À dater de 2009 également, les travailleurs des pays hors Union européenne auraient aussi accès à des professions en pénurie.”

  6. Julien Uh Says:

    Clairement, le sujet de la défense syndicale des sans-papiers… interpelle, comme dirait cAt. De même en fait que la défense des intérimaires (ça s’améliore) des chômeurs et des pensionnés.
    Bon je prendrai contact avec la FGTB-BXL pour voir où ça en est.
    Par ailleurs on notera dans le même numéro se Syndicats ou est parue l’info anti-anti-terroriste, que la centrale générale FGTB (celle qui représente entre autres les ouvriers de la construction et du nettoyage) a mis l’accent contre le travail en noir et le travail clandestin.

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