Archive for the ‘discussions piquantes’ Category

Oscillations

Friday, August 14th, 2020

Je travaille beaucoup sur l’Union Européenne, pour l’instant, mais je ne me dispense pas de lectures enrichissantes.
Et quoi que je ne sois pas d’accord avec tout ce qu’on trouve chez lui, j’avoue nourrir mes réflexions de certains passages de Braudel. Ainsi, le suivant.

« Comme tant d’autres forces qui font l’histoire et brassent le monde, [l’]unité grandissante [du monde] n’est pas un courant continu, mais un courant modulé, alternatif. Elle connaît des reculs et des avancées et c’est avec des retours en arrière qu’elle progresse finalement. Reculs ? Avancées ? Songeons à deux époques proches de nous. 1914 tout d’abord : un monde ouvert aux marchandises, aux idées, aux hommes, à tous les échanges. Un vrai monde. On en faisait le tour avec, sur soi, sa seule carte de visite… 1939 : avouons qu’alors, depuis vingt ans, le monde s’était barricadé et fractionné de façon absurde. (…)

« Oscillation entre un monde ouvert et un monde barricadé : le problème de la guerre actuelle n’est-il pas cette oscillation même ? De quel avenir s’agira-t-il ? Ou du morcellement de la terre en espaces autonomes -en planètes (espace grand-allemand, espace grand-asiatique, espaces anglais, américain, russe) ou du maintien -ou de la sauvegarde- de l’unité du monde ?

« Que cette dernière l’emporte, voilà qui me semble probable. Bâtisse qui voudra, en esprit, pour demain, des frontières verrouillées, des économies planifiées, des autarcies monstrueuses ! On a pu s’opposer au monde, de 1919 à 1939, par une puissante action. Honneur en soit rendu à l’égoïsme américain (la loi de 1924 sur l’immigration). L’Europe, coupable elle aussi, a eu l’excuse de ses folies et de sa faiblesse. On ne se transforme pas impunément en champ de bataille, pas plus hier qu’aujourd’hui. Au-delà de cette guerre, je ne pense pas que l’on puisse encore endiguer et contraindre le monde. Je pense qu’il va se contracter sur lui-même, mais en même temps s’ouvrir sur lui-même, de tous ses pores à la fois. Il en est peut-être grand temps.

« Les problèmes de demain, les grands problèmes, ne les sentons-nous pas avec netteté ? Ce sont les problèmes de ces portes ouverts, des vastes courants d’air qui vont secouer nos maisons. Gare aux vieux papiers, je veux dire aux vieilles méthodes, aux idées surannées, aux sociétés surannées, aux civilisations et aux États d’hier.

« Collaboration avec tous les hommes de bonne volonté : comment ne pas s’abandonner un instant à ce rêve de Noël ? Collaboration, entraide, fraternité, croyance en une humanité apaisée et meilleure. Rêves, non pas réalités immédiates, nous le savons tous. Entraide oui, mais luttes aussi, luttes féroces, avec les vastes pays du monde entier, avec les races du monde entier, avec les idées, les économies et les folies du monde entier, avec les haines, avec les égoïsmes, avec les cannibalismes du monde entier, avec les déterminismes et les fatalismes du monde entier. Et toutes ces luttes apparaissent avec leurs longues et monstrueuses liaisons dans l’espace. Qui nous dit que le destin de notre monde à nous, la France, une des îles de l’Occident, ne s’élabore pas aujourd’hui même dans telle profondeur de la Chine, ou de tel autre monde ? Tous les pays de l’univers se touchent et se mêlent dans un corps à corps tumultueux »

Fernand BRAUDEL, L’histoire, mesure du monde, in Les ambitions de l’histoire, Fallois, Livre de Poche, 1997, p. 112-113. Ce texte est extrait de la retranscription d’une conférence prononcée dans un Stalag, en 1941.

L’Union contre les peuples – introduction

Wednesday, June 5th, 2019

Voilà, on est de plus en plus près de la publication. Notre livre sur les Traités de l’UE, leur critique et nos propositions est presque fini.

La publication se fera en deux fois: une fois sur le net (ici) et une fois sur papier (éditions Le Cerisier).

La version internet sera probablement plus complexe, plus fouillée, mais aussi peut-être moins lisible. J’attends vos commentaires, soit par e-mail (thierry1thomas arobaz gmail point com), soit sur un réseau social quelconque où on s’est déjà rencontrés. Au fond, tout commentaire pourra être utile pour améliorer la version finale sur papier.

Après avoir déjà publié la bibliographie et le glossaire ici,

puis la table des matières ici,
(même si elle est susceptible d’évoluer)

voici l’introduction.

A suivre (mais il y a encore du boulot de relecture), la première partie. Il est possible que j’édite ici la première partie en plusieurs fois.

Comme précédemment, je suis ouvert aux remarques, notes, etc., sur mon email thierry1thomas arobaz gmail point com

L’Union contre les peuples – glossaire et bibliographie

Tuesday, May 28th, 2019

Voilà, on est tout près de la publication. Notre livre sur les Traités de l’UE, leur critique et nos propositions est presque fini. Enfin, presque… M’ouais…

La publication se fera en deux fois: une fois sur le net (ici) et une fois sur papier (éditions Le Cerisier).

La version internet sera probablement plus complexe, plus fouillée, mais aussi peut-être moins lisible. J’attends vos commentaires, soit par e-mail (thierry1thomas arobaz gmail point com), soit sur un réseau social quelconque où on s’est déjà rencontrés. Au fond, tout commentaire pourra être utile pour améliorer la version finale sur papier.

Je vais commencer par… la fin. Pourquoi? Parce qu’il s’agit du glossaire et de la bibliographie, lesquels sont indispensables pour lire l’ensemble. En effet, vous aurez l’occasion de le voir, nos définitions ne sont pas nécessairement les vôtres.

Voici donc le glossaire et la bibliographie de notre livre à paraitre.

A propos, on cherche toujours un titre

Le prochain post sera consacré à la table des matières, également très importante, en ce qu’elle vous permettra de me proposer de publier d’abord tel ou tel passage, sachant que tous les chapitres sont déjà écrits.

Pour les illustrations, elles sont toutes de moi et elles risquent fort de passer à la trappe dans le livre.

C’est peut-être pas plus mal 🙂

toute référence, etc.

Sunday, April 28th, 2019

Fin juin 1789 : des soldats des Gardes Françaises, accusés d’insubordination, sont enfermés dans l’Abbaye et le bruit court dans la population qu’ils pourraient être envoyés dans la terrible prison de Bicêtre.

Une foule envahit l’Abbaye et libère les prisonniers. Sous la menace d’une intervention militaire pour les récupérer, une députation de citoyens de Paris se rend à l’Assemblée pour lui demander d’interférer auprès du roi.

La cour est accusée d’être à l’origine de ces violences. La députation envoyée auprès du roi réclame sa clémence.

Le roi accorde sa grâce, mais, dans son discours, en profite pour associer l’Assemblée aux violences à venir. Ainsi, le pouvoir exécutif dit à son opposition: si des violences surviennent, je vous en accablerai.

8 juillet: le roi renvoie tous les ministres modérés : Necker, Montmorin, Saint-Priest, la Luzerne. Selon Jaurès ((Histoire socialiste de la Révolution socialiste.)), le roi ne peut pas ignorer l’effet qu’aura le renvoi de Necker sur la population, car il est très populaire.

Jean Jaurès estime dès lors que, ce faisant, c’est le roi qui est responsable des violences qui viendront dans les jours suivants. Il rassemble des troupes autour de Paris qui agitent la population, laquelle, énervée, se lancera sur les barrières autour de Paris qui avaient été construites pour lever des impôts sur les denrées qui y rentraient. Le même jour, Camille Desmoulins et d’autres orateurs haranguent la foule afin qu’elle s’arme contre les troupes rassemblées.

Dans les deux jours qui suivent, les Parisiens vont chercher des armes et tenter de prendre la poudre qui se trouve dans la Bastille.

C’était un certain 14 juillet… L’événement qu’on sait.

Citoyenneté fiscale

Monday, April 15th, 2019

Je faiblis sur les titres au fur et à mesure que je me sens plus fort dans les concepts. Si quelqu’un se sent de m’envoyer un bon titre, n’hésitez pas à m’écrire…

Horizontales et verticales

Du diable si je me serais attendu à traiter de ce sujet il y a encore dix ans. Mais depuis lors, je suis passé par le Brésil libéral -et on voit ce que ça donne.

J’ai vieilli sûrement.

La réalité de l’Union Européenne m’accable aussi de plus en plus. La toute petite chance qu’elle pût être porteuse d’une démocratie internationale et sociale -mais vraiment toute petite-, n’a jamais existé. C’est une immense tromperie. Il est temps que notre fibre sociale et internationale s’en rende compte.

Il n’y a pas d’Europe sociale à espérer. Ni d’Europe démocratique. Ni même d’Europe.

Alors, la plus horizontale, la plus valable possible des réalités démocratiques doit être envisagée. La plus sociale aussi. Pour qu’une telle chose puisse avoir lieu -pour que la démocratie puisse être réelle, juste, sociale, horizontale, et qu’elle corresponde aux besoins de la plupart des gens-, je crains que l’anarchie ne soit pas la solution.

Je ne dis pas que la nature humaine ne puisse la supporter, non, puisque je la supporte et que je suis humain. Je connais plein de libertaires et d’anarchistes. L’anarchie est donc une réalité. Mais elle n’est pas généralisable à l’humanité entière.

La nationalité, c’est le fait de faire partie de la nation

La nation est un concept vertical, évidemment. Cependant, il s’agit d’un mécanisme à double entrée.

Première entrée: la lutte contre le nationalisme est légitime lorsqu’il déborde et devient impérialisme. Cependant, on peut s’interroger sur la légitimité de la translation “nationalisme” => “impérialisme”. Je suggère de ne pas en discuter ici.

Deuxième entrée: à l’origine, le nationalisme était un véritable progrès historique. La nation était l’ensemble des individus associés sous un seul terme; ils se distinguaient à la fois négativement -par rapport aux autres nations-, mais aussi positivement -en ce qu’ils jouissaient de la même qualité. Le développement de la nation est donc un facteur d’égalité.

Il n’y a pas à dire: s’il y a bien un phénomène dont nous sommes redevables à la Révolution française, c’est bien de la réalisation de ce que tout le monde peut participer à la réalité politique et sociale de la nation.

Et quand je dis tout le monde, c’est tout le monde.

La nationalité, c’est la citoyenneté

Article 4 de la Constitution de 1793. – Tout homme né et domicilié en France, âgé de vingt et un ans accomplis ; – Tout étranger âgé de vingt et un ans accomplis, qui, domicilié en France depuis une année – Y vit de son travail – Ou acquiert une propriété – Ou épouse une Française – Ou adopte un enfant – Ou nourrit un vieillard ; – Tout étranger enfin, qui sera jugé par le Corps législatif avoir bien mérité de l’humanité – Est admis à l’exercice des Droits de citoyen français.

Les femmes n’étaient malheureusement / évidemment pas incluses dans l’exercice politique. Le patriarcat ambiant n’y avait pas préparé la plupart des révolutionnaires ((Mais contrairement à ce que l’on a l’habitude de penser, les plus progressistes dans le domaine n’étaient pas les Girondins. Robespierre avait plaidé pour le vote “par feu” -c’est-à-dire par foyer, ce qui signifiait que dans de nombreuses localités les femmes étaient souvent admises au vote lorsque le foyer était monoparental. Il faut aussi noter qu’en cela il n’innovait pas: la coutume donnait fréquemment l’occasion aux femmes de s’exprimer. Ce qui nous amène d’ailleurs sur un autre sujet, abordé par François Bégaudeau: la démocratie se fait-elle dans le silence de l’isoloir ou dans la délibération collective?)). Cependant, on notera le caractère novateur de cet article: le citoyen n’est pas celui qui est né sur le sol de la patrie, mais bien celui qui s’y rend utile pour la collectivité.

Pourquoi se limiter à “vingt et un ans accomplis”? Les “young for climate” sont en train de nous montrer qu’il y a plus à attendre de leur génération que de toutes les boules de billard qui pourraient remplacer Charles Michel.

La grande Révolution réunissait en 1789 des ressortissantes et ressortissants de nombreuses origines différentes: Suisses (comme Jean-Paul Marat), Anglais (Thomas Paine), pré-Belges (le fantasque Cloots), pré-Italiens (tel Philippe Buonarotti), etc. Théroigne de Méricourt aussi venait de chez nous.

Ils étaient reconnus ‘nationaux’, elles étaient reconnues nationales, parce qu’ils s’étaient engagés dans la Révolution qui venait, parce qu’elles agissaient pour la République.

Aujourd’hui, celle ou celui qui paie ses impôts contribue à l’enseignement des enfants et au paiement des pensions. De fait, il ou elle vit de son travail -au pire, travaille à en trouver -mais en attendant paie bien des impôts de toute façon -et agit pour la collectivité. Qu’est-ce qui justifierait de ne pas l’intégrer à la vie politique?

Le paiement de l’impôt, c’est la condition de la citoyenneté

Je me fais l’écho de Frédéric Lordon qui pose souvent le débat de la nationalité -et pour lequel on l’assimile parfois au camp “rouge-brun”.

Dans le livre “La Malfaçon. Monnaie européenne et souveraineté démocratique”, publié chez Babel ((Après Les Liens qui libèrent.)) en 2015, il pose comme base de la citoyenneté le fait de payer des impôts. Qui ne paie pas d’impôts (il prenait l’exemple, pour la France de Bernard Arnault, Jérôme Cahuzac, Johnny Hallyday et Gérard Depardieu) devrait être privés de la nationalité française, alors que Mamadou et Mohammed qui triment et paient leurs impôts régulièrement en dépit de leur naissance étrangère, eux, devraient en bénéficier automatiquement.

Ainsi, qui paie ses impôts sur l’ensemble de ses revenus (capital et travail réunis) est déclaré citoyenne ou citoyen de plein droit: expression politique, droits civiques, droit aux soins, droit à l’instruction de ses enfants, etc. De fait, au lieu de fixer un âge à l’exercice des droits civiques, on pourrait tout simplement l’associer à la paperasse rose saumon sur fond blanc.

A contrario, qui ne les paie pas ou est surpris à ne pas en payer la juste qualité perd ses droits civiques.

Les riches chassés

Si la fiscalité chasse les riches, ou en tout cas celles et ceux dont la cupidité est plus forte que la citoyenneté, cela ne signifie pas qu’elle chasse les talents.

Le talent, c’est l’envie de faire quelque chose. Ca, c’est du Brel. Il faut avouer que c’est balaise. Ce qui nous intéresse, c’est le talent brélien de gauche: l’envie de faire quelque chose pour la collectivité.

Que les fuyards chers et infidèles nous quittent! Nous n’en voulons pas. Si la citoyenneté ne les intéresse pas, les droits et avantages nationaux ne devraient pas plus leur revenir.

Par “nationaux”, nous entendrons “qui se rapportent à la collectivité entendue comme telle par l’ensemble de ses membres”. Je vous avoue que je n’ai pas tiré ça de mon pouce, mais de celui de Shlomo Sand, pour qui peut se définir “peuple” tout ensemble d’individus qui aspirent à être rassemblés comme tel.

Le principe ethnique du peuple ne nous intéresse pas, mais bien celui de choix délibéré des individus à faire partie d’un ensemble, quel que soit le nom que l’on donne à cet ensemble. Communauté, collectivité, cité, pays, peuple, nation…

La légitimité de cet ensemble repose sur le désir d’en faire politiquement partie -rien d’autre. L’histoire, la religion, la géographie devraient au mieux être seconds.

Le talent de la citoyenne et du citoyen, c’est le désir d’appartenir à la cité et d’exprimer ce désir par le fait de participer pleinement à son existence par le juste retour sur les avantages qu’il en retire, retour exprimé, dans mon esprit, sous forme de l’impôt sur l’ensemble de ses revenus. En toute égalité.

Les riches refusant de passer à la caisse auront d’ailleurs une récompense à la mesure de leur civisme: un jet de catapulte vers la mer. Sans yacht ni bouée.

“Qu’est-ce qui est jaune et qui n’attend plus?”

Monday, March 18th, 2019

Si on me l’avait dit, je dois avouer que je n’aurais pas cru que le jaune aurait été vraiment la couleur qui m’identifie… Le rouge, le noir, le mauve, oui; à la rigueur le vert… Bon, pas le bleu, sinon celui du ciel… Mais le jaune… Surtout parce que le jaune a un sens symbolique politique fort: c’est la couleur du briseur de grève. Donc, jusqu’au mois de novembre dernier, on ne peut pas dire que ce soit évident.

Bien entendu, c’est aussi la couleur du soleil. De plein de soleils différents.

Mais de toute façon, rien ne prépare l’importance d’une couleur dans l’histoire. Le drapeau français était inattendu, le drapeau rouge pas plus… Alors s’il faut porter du jaune -en plus il est dispo dans la voiture, obligation légale -le ver dans le fruit est toujours caché et le pouvoir porte toujours en lui ce qui le détruira de l’intérieur.

On ne lâche rien.

On ne condamne pas “les violences”, en tout cas pas celles des gens qui portent cette colère. Pas question! La violence, c’est celle du grand patronat et de ses sbires aux commandes.

Il faudrait d’ailleurs qu’ils fassent tout doucement attention: qu’ils préparent soigneusement leurs portes de sortie, parce que je ne garantirais pas que toutes et tous les GJ soient dans le même état d’esprit qu’un Jérôme Rodrigues, qui est capable de rester calme et posé devant des présentatrices et présentateurs de chaines d’information.

On n’a pas affaire aux Nuits-debout, ici, mais bien à des gens qui sont en souffrance. Ce ne sont pas de gentils étudiants qui peuvent alterner une garde à la Bastille (ou ailleurs) et un verre en terrasse. Non, ce sont des gens pour qui les 5 euros de baisse d’APL compte, pour qui une augmentation de taxe carburant est une de trop, ce sont des gens qui pleurent de ne pouvoir engager personne parce qu’ils sont incapables de planquer leur argent en Suisse ou au Luxembourg -et qui ne le veulent pas non plus. Je ne suis pas en train de les dorer -ils l’ont fait tous seuls-, parce qu’il n’y a pas que des anges parmi eux. Mais justement, ce ne sont pas des anges qui ont pris la Commune (anniversaire), ni non plus qui ont mis la Montagne au pouvoir.

Ce n’est pas avec des anges qu’on fait la Révolution, parce que la Révolution est une violence contre une violence.

Il n’y a pas de Révolution s’il n’y a pas une violence qui la déclenche -celle du pouvoir.

Il ne reste plus qu’à attendre, du côté des intellos qui se posent en soutien, une alliance improbable entre Delaume, Plenel, Ancelin, Onfray, Chouard, Mélenchon et les siens,…

Il faudrait qu’ils et elles oublient qu’ils sont devant et qu’ils et elles doivent suivre les GJ, et non pas les précéder. Ca, certains l’ont déjà compris (Perret, Todd, Branco, Pinçon-Charlot et son mari, Bégaudeau, et bien d’autres…).

Arrière-garde d’intellos ((Bon, pas Perret, évidemment.)) pour les soutenir -et surtout pas pour les récupérer!

Et il faut encore que ce soit la France qui montre l’exemple, bordel!

liberté, égalité, protectionnisme?

Sunday, December 16th, 2018

Exercice de style.

Comme je suis sur le point de terminer une publication papier, je pose quelques bases, en guise de test.

***

En économie, rien n’est simple, pas plus qu’en politique. Pourtant, s’y intéresser est crucial. Cela nous permet de comprendre le fonctionnement de nos adversaires. Et, avant même cela, de les identifier.

Est-il notre ami, celui qui défend l’ouverture des frontières?

Oui, s’il s’agit des frontières interdisant le passage des êtres humains. Mais qu’en est-il du libéral bleu-noir pour qui toute contrainte au marché des biens et des services est une abomination?

Si par ami on entend l’agréable convive capable de raconter des blagues de bon goût et de faire une critique constructive du dernier film à la mode, c’est probablement un ami.

Si par ami on entend quelqu’un qui nous veut du bien, le doute est permis.

Le libre-échange n’est pas une source d’égalité et de satisfaction des besoins. Le libre-échange est le développement de la concurrence entre toutes les travailleuses et les travailleurs du monde entier. Le libre-échange n’est pas source de prospérité partagée, mais de concentration des richesses entre des mains toujours moins nombreuses et plus égoïstes. Le libre-échange, c’est l’augmentation des opportunités pour celles et ceux qui en débordent déjà. C’est l’occasion de faire pression sur les plus pauvres en les menaçant de délocalisation.

Même au sein des forces conscientes du capitalisme et de la politique dominante, il arrive que l’on s’en rende compte. La conscience du danger que représente le libre-échange est vieille comme le capitalisme anglais. La prospérité de l’empire britannique s’est faite sur un espace séparé du reste du monde. Pareil pour l’empire étatsunien, dont le succès à la fois économique et démocratique fut le fait du parti républicain (anti-esclavagiste et protectionniste) contre le parti démocrate (esclavagiste et libre-échangiste).

1884: “Le parti républicain étant né de la haine du travail d’esclave et du désir que tous les hommes soient libres et égaux , il est irrévocablement opposé à l’idée de placer nos travailleurs en concurrence avec quelque forme de travail asservi que ce soit, en Amérique ou à l’étranger” ((Cité par Serge HALIMI dans Les puissants redessinent le monde, in Le Monde Diplomatique, juin 2014, p. 11. Halimi ajoute: “A l’époque, on pensait déjà aux Chinois.”))

On peut douter de la sincérité du parti républicain, que ce soit à cette époque ou aujourd’hui. Pour autant, le raisonnement tient. Les Chinois utilisés par les compagnies ferroviaires étaient sous-payés et maltraités. Les actionnaires de ces entreprises se gorgeaient sur leur dos pendant que les ouvriers terrassiers étatsuniens végétaient dans le sous-emploi. Le raisonnement se tenait et il se tient toujours: du côté ouvrier, ni les Chinois, ni les Etatsuniens n’y gagnaient.

Nous nourrissons le désir de voir -un jour- l’ensemble des travailleuses et travailleurs du monde entier jouir des mêmes droits et libertés, que ces droits et libertés soient les plus élevés possibles, qu’il n’existe plus de concurrence, que la coopération et l’entraide soient la règle, mais nous savons qu’aujourd’hui l’ordre international, mené tant par l’OMC que par l’ONU, ne permet pas de concrétiser ce rêve.

Nous pensons que, stratégiquement, le protectionnisme social et environnemental est une clé pour le développement humain et mondial. Une clé, pas une solution définitive.

Si un territoire A représente un lieu de marché de consommation pour un territoire B, il nous semble juste que la population A, également productrice, ne soit pas confrontée à une concurrence déloyale, due au fait que la population B, également productrice, soit sous-alimentée, sous-protégée et qu’elle utilise des modes de production moins chers parce que plus polluants.

Qu’on le veuille ou non, poser des conditions à l’importation de biens dans un territoire sous prétexte de protections sociales ou de critères environnementaux, cela s’appelle du protectionnisme.

Qu’on le veuille ou non, la démocratie s’est développée dans des territoires séparés des autres par des frontières. Les empires se développent, autoritaires et expansionnistes. Les démocraties définissent des corps de citoyennes et citoyens, ce qui n’a pu se faire, dans l’histoire, que dans des réalités structurées, relativement étroites, dans lesquelles les gens parlaient un nombre de langues limitées, avaient des critères de fonctionnement social et économique relativement similaires. Les solutions acceptées par une population fonctionnant de manière démocratique tournent autour de concepts établis historiquement, géographiquement et anthropologiquement. On peut -et on doit- les faire évoluer, vers plus de démocratie, plus d’égalité, plus de liberté. On peut même imaginer de les révolutionner, mais cela doit se faire dans l’esprit que nous agissons pour la population, et non contre elle.

La coopération internationale, entre petits groupes, est tout à fait légitime: il est juste et bien de se parler entre syndicalistes de tous pays, de tenter d’aider des forces de résistance qui correspondent à nos idées; de même qu’il est raisonnable et humain de soutenir et d’aider, individuellement, les personnes en fuite ou en détresse, quel que soit le nom que la presse ou les politiques leur donnent.

Mais cela n’a rien à voir avec la diplomatie entre États ou le commerce international. Ce sont des lieux de pensée radicalement différents. Et cela ne signifie pas non plus que nous nous pliions aux règles du plus souple pour faire plaisir aux travailleuses et travailleurs les plus exploités.

Si nous voulons développer des systèmes économiques et sociaux justes, ici et ailleurs, nous ne pouvons pas encourager la concurrence entre ce que nous estimons juste et ce que nous estimons injuste. Nous devons toujours encourager le système le plus égalitaire et le moins impactant sur l’environnement.

Il ne s’agit pas d’interdire les relations commerciales avec des pays moins-disant fiscalement et moins exigeants sur le plan environnemental, mais de les encourager à s’améliorer sur ces points.

***

Mais il y a plus, bien plus.

Comme on l’a vu avec les négociations du TAFTA (qui n’ont à ce jour pas abouti et qui pourraient bien ne pas le faire tant que le camarade Trump reste aux commandes), le libre-échange tend à faire disparaitre (à “aplanir”) les règles de fonctionnement du marché: toute règle est une entrave; moins il y a de règle, plus la concurrence entre les forces productives est importante ((Le TAFTA était autant une menace pour les populations européennes qu’étatsuniennes.)). Les marchés s’ouvrent, mais c’est pour mieux détruire les entreprises socialement et environnementalement plus développées.

Détruire les règles qui entravent le commerce, poser dans le droit international cette destruction, c’est tenter de passer outre la démocratie qui a pour objectif de servir les populations et non l’économie.

Quant aux règles restantes, les grandes entreprises et fonds d’investissement aspirent à ce qu’elles soient arbitrées par des cours indépendantes des États.

Le libre-marché est une menace pour la démocratie.

Mes collègues profs et leur passivité

Saturday, December 15th, 2018

“Les enseignants, qui constituent l’un des coeurs sociologiques de la gauche, sont faiblement menacés par l’évolution économique. Contrairement à ce que suggère la rhétorique ultralibérale, qui insiste pour que toutes les conduites humaines soient déterminées par l’appât du gain ou la peur de la perte, les professeurs font fort bien leur travail, en l’absence de risque de marché. Mais, n’ayant pas à craindre au jour le jour le licenciement ou une compression de leur salaire, ils ne se sentent pas menacés d’une destruction économique, sociologique ou psychologique. Ils ne sont donc pas mobilisés contre la pensée zéro. Sans être le moins du monde “de droite”, statistiquement, ou favorables au profit des grandes entreprises, ils sont atteints de passivisme et peuvent se permettre de considérer l’Europe monétaire et l’ouverture aux échanges internationaux comme des projets idéologiques sympathiques et raisonnables. Ils ne sont aucunement “bénéficiaires” car, si aucune souffrance économique directe ne les atteint, ils subissent de plein fouet les effets sociaux indirects du chômage, à travers des élèves difficiles, rendus violents par le contexte de décomposition sociale et familiale. L’acceptation implicite de la gestion économique par cette catégorie sociale, idéologiquement et statistiquement beaucoup plus importante que les “bourgeois” ou les haut fonctionnaires, assure la stabilité européiste et libre-échangiste du Parti socialiste, dans ses tréfonds militants et non pas simplement parmi ses dirigeants. On peut ici formuler une prédiction de type conditionnel: si les enseignants viraient sur les questions de la monnaie unique et du libre-échange, la pensée zéro serait, du jour au lendemain, morte, et l’on verrait se volatiliser les prétendues certitudes du CNPF et de Bercy.”
(Emmanuel TODD, L’illusion économique, Gallimard Folio, Paris, 1999, p. 316-317)

Plan B : “Un divorce à l’amiable”

Tuesday, September 18th, 2018

l’expression “un divorce à l’amiable” est de Joseph Stiglitz. Imaginons qu’elle soit possible.

Pas d’esprit de revanche, pas d’acrimonie.

Il y a de nombreuses raisons pertinentes qui peuvent nous convaincre qu’une sortie est préférable à un maintien dans l’Union Européenne. La principale desquelles serait le refus de la part de nos partenaires de toucher aux traités en tout ou en partie. Négocier un plan A signifie clairement qu’il faille envisager un plan B. Se voiler la face en ergotant sur un plan B qui signifierait ajouter la menace de refus de jouer le jeu des traités tout en y restant consiste en un exercice de remise en question de soi-même qui risque de n’avoir pas de fin, et de réduire toute perspective de véritable changement à néant. Or, une politique de gauche signifie une politique de gauche, c’est-à-dire une politique qui ne peut être adoptée par les traités ((Je renvoie à la réflexion tenue par Marc BOTENGA, Les chaines des traités européens, in Lava, Automne 2017, p. 75-94, mais aussi à à peu près tout le propos tenu jusqu’ici dans l’ensemble de ce texte de réflexion sur les traités de l’UE et la nécessité de les réformer ou d’en sortir.)) ; et donc un plan A de négociation des traités vers plus de possibilités démocratiques et plus de libertés de choix politiques (conséquence logique de la démocratie) signifie qu’en l’absence de résultat, il n’y ait pas d’autre option que la sortie des traités, donc de l’Union Européenne. Cette sortie se fera peut-être par l’article 50. Disons que c’est la version la plus probable dans un environnement international que l’on désire serein et pacifique. Cela dit, lorsqu’on observe l’attitude des dirigeants européens chargés des négociations de sortie du Royaume-Uni de Grande-Bretagne suite au Brexit populaire et à la déclaration par la Première Ministre Theresa May de l’application de l’article 50, on peut se poser sérieusement la question : l’Union Européenne est-elle bien aussi respectable que l’on doive respecter ses normes de sortie à la lettre ?

Car l’article 50 implique une série de protocoles de négociations tels qu’entre le moment de la déclaration de son application et la réalité de la sortie de l’État déclarant, plusieurs années se passent au cours desquelles une certaine agressivité s’installe.

On peut avoir toutes les colères que l’on veut vis-à-vis des gouvernants britanniques : depuis 38 ans, ils ont plutôt participé à la droitisation de la société partout dans le monde ; dans la plupart des cas, ils ont suivi, voire précédé l’agressivité des États-Unis d’Amérique dans leur croisade contre les pays du Moyen-Orient. Mais derrière le gouvernant britannique, il y a des populations, au moins quatre peuples distincts, des couches de travailleuses, de travailleurs et de sans-emplois qui souffrent et qui ne méritent pas notre rancoeur. La politique Juncker-Barnier à l’égard du Royaume-Uni est indigne, car elle suppose que nos alliés britanniques soient désormais nos ennemis et qu’il faille leur rendre la vie la plus dure possible -tout simplement parce qu’ils ont choisi de quitter l’Union Européenne. Une telle attitude est non seulement déraisonnable, en ce qu’elle provoquera fatalement encore plus d’aigreur de la part des populations britanniques vis-à-vis des autres pays de l’Union Européenne, mais en plus elle est contraire à l’éthique des bonnes relations entre les peuples -où est donc passé ce fameux désir de paix qui a(urait) motivé la création de l’UE ? Cette attitude nous rappelle celle des gouvernants du XIXe Siècle et du début du XXe Siècle, qui négociaient avec les autres gouvernants, mais dans un esprit d’hypocrisie et d’absence totale de souci du bien-être des populations. Les préoccupations des gouvernants de ces époques, comme celles de Barnier et de Juncker, sont avant toute chose celles de trafiquants sans scrupule soucieux de conserver ou d’étendre leurs parts de marché au détriment de celles des autres, celles de stratèges focalisés sur les manières de faire le plus de mal possible à leurs anciens partenaires, afin d’effrayer tout autre État qui aurait l’idée de faire de même, celles enfin de gamins capricieux et revanchards qui n’attendent qu’un moment d’inattention pour filer un coup de latte dans les tibias du voisin qui a eu le malheur de leur déplaire.

Cela dit, je ne suis pas sûr que leur attitude vis-à-vis de leurs partenaires intra-union soit plus louable.

La souveraineté politique, la souveraineté économique, bref la démocratie

Un plan B ne sera évidemment pas une partie de plaisir. Mais si les conditions de la démocratie ne sont pas remplies, il sera inévitable. Privilégier l’économique sur le politique, comme le souhaiteraient les partisans d’un maintien inconditionnel dans l’UE, serait à la fois un très mauvais calcul et éthiquement erroné.

Un très mauvais calcul, car sur le court terme ce qui semblera une bonne idée (« éviter un retour en arrière », « se prémunir d’une chute de croissance », « conserver des liens commerciaux clairs avec nos partenaires », etc.) consistera en fait à nous lier toujours un peu plus les pattes et à nous interdire de réagir avec vigueur face à des problèmes de plus en plus vastes -car c’est bien ce qui se passera si nous nous résolvons à nous conduire en libéraux durant les décennies à venir, tant d’un point de vue social qu’environnemental.

Ethiquement erroné, car surtout nous allons toujours plus réduire la démocratie, en la soumettant aux règles ordolibérales auxquelles l’Union Européenne nous astreint de plus en plus. Sans être devin, nous pouvons deviner qu’il sera toujours plus difficile de « revenir en arrière » sur des règles de plus en plus contraignantes et laissant de plus en plus de pouvoir aux forces de l’économie financière, laquelle ne cédera évidemment pas de bonne grâce face à la démocratie.

L’Union Européenne a privé, ces dernières années, la Grèce de sa souveraineté politique en lui coupant toute possibilité de peser sur son économie dans un sens ou dans un autre qui lui aurait plu et qui n’aurait pas convenu aux créanciers du pays ((Stiglitz raconte les séquences Papandréou – Samaras – Tsipras assez longuement tout au long de son livre. Joseph STIGLITZ, L’Euro. Comment la monnaie unique menace l’avenir de l’Europe, Les Liens qui Libèrent, 2016.)). La politique économique et politique de l’Union Européenne a pourtant systématiquement été négative pour les populations durant toutes ces années de crise ((Cf. STIGLITZ, op. cit., p. 315-316.)). Rien ne nous oblige à poursuivre dans ces directions. Rien ne nous oblige à suivre des règles qui conviennent au libéralisme classique, qu’il soit néo, ordo ou autre chose ((Stiglitz a d’ailleurs quelques bonnes idées à proposer aux Grecs s’ils devaient un jour s’émanciper de l’Union Européenne, comme par exemple de créer un système de financement électronique qui ne doive rien aux entreprises privées -à commencer par les banques ; J. STIGLITZ, op. cit., p. 316-318.)).

Si nous sommes de gauche, nous ne pouvons faire l’économie de cet effort.

Triangle rouge – passage d’un livre en construction.

Tuesday, May 29th, 2018

Attention, passage douteux, limite horrible:

J’ai de la peine à me souvenir de la première fois que j’ai accroché ce petit triangle rouge au revers de ma veste, acheté au sortir d’une représentation théâtrale sur le thème des camps. Il suffit que je dise camps, généralement, pour que la profondeur qui l’englobe transperce. Il n’y a aucune souffrance qui peut l’emporter sur celle-là ; toutes les douleurs qui ont précédé, toutes celles qui ont suivi, sont écrasées par celles que ce terme implique. L’ironie est que la pièce que j’avais vue parlait des homosexuels enfermés et massacrés par les Nazis, et non des juifs. Des homosexuels qui étaient, même aux yeux des autres prisonniers, comme des gardes, considérés comme les pires sous-hommes qui puissent exister (si l’on excluait, pour les gardiens, les Slaves). Je n’ose imaginer l’état d’esprit de ce juif homosexuel et communiste qui se connaissait des ascendances tziganes ou slaves. Si en plus il souffrait d’un handicap quelconque… Et s’il avait le malheur d’être une femme… Se peut-il que celle-là souffrît d’une souffrance plus grande encore que celles et ceux qui passaient les barrières des camps pour la dernière fois.

Des âmes pures prétendront sans doute que ce passage était au mieux maladroit, au pire révélateur de l’état d’esprit « rouge-brun » qui ne manque pas d’être latent chez quelqu’un qui traine entre deux eaux, malodorantes, anti-démocratiques, souillées de cet anti-parlementarisme qui nous caractérise si bien, nous, les extrémistes, les radicaux… De dérives en dérives, je me fermais aussi aux cercles de la contestation, du moins celle qui se voulait acceptée -et peut-être pas si contestatrice que cela.