C’est pas une surprise
Monday, March 30th, 2009En tout cas, ce n’est pas une surprise pour ceux qui ouvraient les yeux auparavant: les USA vivent comme un immense système Ponzi.
Ce n’est même pas un immonde gauchiste qui le dit, mais un très keynésien, stiglitzien économiste, le seul réputé avoir anticipé la crise qui est tombée sur la tronche des amerloques (et sur la nôtre ensuite) avec plusieurs années d’avance: Nouriel Roubini.
Cet économiste (dont je lis les chroniques avec assiduité, non par sympathie, mais parce que le gars est compétent) a montré dans un article du Carta Capital ((Daté, c’est pas de ma faute, du premier avril 2009. Ils anticipent un peu, au CC.)) que les USA vivent bien au-dessus de leurs moyens depuis trop longtemps. Appelé “Mr. Doom” jusqu’à l’année dernière parce qu’il prévoyait la catastrophe qui est finalement tombée sur la tronche à tout le monde, il a un petit côté mythe de Cassandre ((Le plus drôle, c’est qu’il est originaire de Turquie, et que Cassandre vient de là-bas aussi.)).
Les banques et les fonds de pension se sont vendus des titres pourris (et pas seulement dans l’immobilier) comme dans une légende médiévale où le prix d’un truc maudit qui apporte du profit est de plus en plus grand et nécessite un investissement toujours plus important, pour finalement arriver à une somme trop grande et c’est le dernier qui se prend la malédiction; ou comme dans ces entreprises de vente de produits diététiques où, pour être accepté, vous devez vendre dix boîtes à dix types, qui vont devoir faire pareil pour être acceptés, à leur tour, et ceci pour arriver aux derniers de la chaîne qui se retrouveront marron.
Sauf qu’ici, c’est ceux du début de la chaîne qui ont marroné tout le monde. C’est parti d’en haut, mais ceux du bas ont tout pris aussi ((J’ai déjà eu l’occasion de dire -sans être très original- que les premières victimes de cette crise ne sont pas les riches comme ils cherchent à nous le faire croire, mais les plus pauvres. C’était notamment ici.)).
Mais ce ne sont pas que les banques, les fonds d’investissement et les joyeux traders qui ont joué aux Ponzi.
Parallèlement, les ménages se sont surendettés pour pouvoir payer leurs dettes; le budget des administrations est en négatif depuis une génération; la balance commerciale est négative depuis bien plus longtemps; le tout faisant que l’économie étatsunienne dépend, et bien trop, d’une croissance artificiellement montée en neige par une surconsommation dont les bénéficiaires indirects sont leurs producteurs établis à l’extérieur, aux premiers rangs desquels la Chine et le Japon, dont les états sont également les créditeurs principaux de la “première puissance mondiale”. Tout cela, je l’avais montré dans un article écrit début 2006 et qui se trouve encore ici. Ça ne me rend pas spécialement fier: je ne l’ai pas sucé de mon pouce, mais de nombreuses analyses de gens plus compétents que moi et pas spécialement de gauche, de données accessibles à tout le monde, d’informations que chacun peut lire tous les jours. Ce qui me rend furax, c’est le côté autruche de la plupart des gens, y compris à gauche, et surtout dans des cénacles d’extrême-gauche. Mais bon…
Passages de l’article de Roubini:
“Madoff n’est que le miroir de notre économie.”
“Nous sommes ((Il ne dit même pas “Notre économie”, mais bien “Nous”.)) un château de cartes qui s’appuie de manière démesurée sur des fonds de pension, des entreprises financières et des entreprises qui font aujourd’hui banqueroute.”
“Un pays qui a dépensé pendant plus de 25 ans plus qu’il n’a reçu, et qui affronte un déficit en compte courant, qui devient le plus grand détenteur de dette externe du monde, est un pays Ponzi…” ((Le problème, c’est que l’économie européenne et d’une bonne partie du monde repose sur cet état de surconsommation des Zuessa.))
Le système Ponzi, pour ceux qui ont la flemme d’aller voir la page wiki que j’ai mise en référence, est une arnaque fondée sur la confiance en un gugusse qui vous vend un papier avec promesse de vous faire part de bénéfices qu’il ne trouvera qu’en continuant à vendre les mêmes papelards à d’autres. Au début, tout va bien, mais dès qu’un premier zouave commence à se poser des questions, le magicien d’Oz apparaît… Et on s’aperçoit qu’il n’y a rien derrière le rideau de fumée…
Nourini fait le parallèle avec la société américaine qui achète trop, qui dépense trop et qui, pour rembourser, continue de dépenser, de s’endetter, d’acheter… (sans compter, mais ça Nourini ne le dit pas, c’est un économiste de droite, pas un samaritain, que les USA se sont servis sur le monde pour enrichir leur classe moyenne, comme d’ailleurs les sociétés européennes en même temps qu’eux).
À force, ça a donc fini par se voir.
“L’explosion de la bulle immobilière, actionnaire, des fonds à risque et des opérations de ‘private equity’ ((J’adoire ces expressions à la mords-moi-le-truc.)) a montré que beaucoup de la “richesse” qui a soutenu l’accélération massive de l’économie et les super-dépenses des agents de celle-ci était fausse.”
Comme je vous le disais: on n’est pas vraiment étonnés, à condition qu’on ait évité de garder pendant toutes ces années le nez dans le caca comme, malheureusement, trop de gens l’ont fait.
“Madoff pourra rester le restant de ses jours en taule. Le gouvernement et les entreprises financières et non-financières peuvent passer la prochaine génération dans la prison de leurs dettes. Ils devront se serrer la ceinture pour payer les pertes encourues pendant une décennie et plus d’accélération irresponsable (de l’économie), sans considérer les risques.
“Américains, regardons-nous nous-mêmes dans le miroir: Madoff ((Bouquet Mystére.)) et Ponzi, c’est nous.”
Européens, n’hésitez pas à vous poser la question: ne sommes-nous pas un peu nous-mêmes des Ponzi, à avoir voulu deuxième voiture, écran géant, frigidaire américain et autres gadgets?
En septembre 2001, beaucoup chantaient “Nous sommes tous américains.”
Et bien ils peuvent danser, maintenant.