Règles de grammaire sur les doigts
Monday, March 24th, 2008Je viens de lire un article sur l’enseignement ici, à l’invitation d’un homme.
Il ravive en moi l’idée que nous circonscrivons encore toujours trop le problème de l’éducation à l’école.
Outre que le combat devient, avec le temps, une espèce de machin d’arrière-garde, une défaite annoncée, étant donné que ni l’État -désinvestisseur-, ni les médias -embrigadés-, ni le reste des décideurs -productivistes- n’ont pour vocation de changer le cours de la spirale désastreuse, notre petit havre, notre petit temple, notre petit sanctuaire apparaît de plus en plus inadapté à la course imposée par le reste du monde auquel les gamins (le public) sont exposés au moins seize heures par jour sans compter le week-end et les vacances.
Heureusement, d’ailleurs.
Pauvres gamins… S’ils devaient compter sur l’école pour…
Bon, mais c’est pas la faute de l’école, c’est celle de…
Cercle vicieux…
Entre la fermeture pure et simple du rêve de Condorcet et l’internat pour tous avec uniforme sombre et asexué jusqu’au service militaire, il doit bien y avoir une solution, me crient certains ex-collègues (puisque prof je ne le suis plus autant que je le voudrais).
Oh ben sûrement…
En attendant, nous en sommes à la cinquième génération sacrifiée depuis l’enterrement du rénové… Les écoles Decroly sont réservées à une élite qui n’a que faire de l’égalité de la transmission du savoir… Alexander S. Neill reste confidentiel… Ne parlons même pas de l’accès aux études supérieures qui, si on peut appeler ça un progrès, franchissent avec peine des pourcentages à deux chiffres de la population -mais en quantité, pas en terme de qualité…
C’est quand le mur?
On en traverse tous les jours. Chacun de mes collègues un peu consciencieux le sait. Chaque fois que les redoublements sont appelés “échecs”, que les enfants compliqués écoppent d’un “renvoi”, que les règlements d’ordre intérieur s’affinent d’un article supplémentaire, chaque fois que l’enseignement est sacrifié sur l’autel de la discipline, c’est la transmission du savoir qui se prend un pain dans la gueule…
Et ne venez pas avec des arguments du genre “C’était mieux avant”. Je me souviens avoir lu la correspondance d’un père jésuite au début du XXe siècle: il disait les mêmes mièvreries… Et il les répétait encore dans les années 30… À croire que chaque génération s’abêtit. Et si on suit ce raisonnement, on devrait être de parfaits imbéciles aujourd’hui. Quand on lit Fallet (1948) ou Gide et Cesbron (1930 et quelque), et même Alain-Fournier (1910), on s’aperçoit que les tempéraments espiègles des enfants n’ont guère changé. Et que leur volonté d’apprendre le latin a peu évolué…
Nos enfants ne savent plus la grammaire à dix-huit ans… Ben tiens…
Ils préfèrent surfer sur les sites de chats que sur wikipedia… la belle affaire…
Ils ne rendent plus un seul devoir qui ne soit un coupé-collé… ciel!
Ils ne traduisent plus, ne calculent plus… Ah ben oui…
Mais où serait leur motivation à faire tout ça?
Tiens, vous qui avez réussi et qui savez alligner (avec deux l, hein?) plus de deux phrases sans faire de faute d’orthographe ou de grammaire (alors que moi, j’hésite de plus en plus bien que je me prétende écrivain et prof de français), racontez-moi un peu ce qui vous a permis de sortir de votre léthargie d’adolescent lubrique et de vous motiver à franchir les 60 pour-cent nécessaires à l’obtention d’un diplôme dont la valeur n’attendait pas le nombre des années… Je m’égare…
Sérieusement, racontez-moi un peu… Un petit peu d’introspection ne nous fera pas de tort. Je paierai de ma personne après la cinquième contribution…
Pour rappel: ici, vous trouverez les précédents chapitres de cette discussion…