Archive for October, 2010

la religion est une trop vieille reliure

Sunday, October 24th, 2010

Pendant que des évêques et d’autres imbéciles au Brésil ressortent le vieux discours anti-athée contre la candidate du PT, comme cela arrive régulièrement en Amérique Latine1, mais aussi dans des pays réputés “développés” (sans rire), y compris dans “la plus grande démocratie du monde” (comprenez les USA, où l’ingérence religieuse est une des plus pernicieuses qui soient), on apprend qu’une dizaine de personnes, dont des enfants, pris d’une peur panique à la vue d’un homme qu’ils ont pris pour le diable, se sont jetés par la fenêtre du deuxième étage de leur immeuble, provoquant la mort d’un bébé parmi eux. Ça, c’était dans les Yvelines, en France. Un pays éclairé par les principes des Lumières, mais dont le président baise les genoux du Vatican quand il veut regagner les voix de l’électorat traditionnaliste…

L’influence de la religion, des religions, sur la société n’a plus rien de positif, si même elle a pu l’être dans le passé. Elle abêtit, éloigne de la raison, de la science, sous des prétextes oiseux; elle dénature d’ailleurs l’existence même de celle-ci, la faisant passer pour une adversaire avec une vie propre, alors que la science n’est qu’un instrument dans les mains des hommes, une méthode, pas une doctrine.

Les scientifiques qui utilisent la science en cherchant -du mieux qu’ils peuvent, ils sont humains aussi- à établir des faits en fonction d’une méthode rigoureuse, sont régulièrement condamnés par des obscurantistes arc-boutés sur leur foi et leurs préjugés plusieurs fois millénaires. Leur dénier une conscience sous prétexte qu’ils seraient athées ou éloignés de la foi est digne des discours qui, il y a 300 ans et plus, déniaient aux Indiens et aux noirs la possession d’une âme que l’on réservait plutôt aux blancs -alors même que l’existence de l’âme n’était qu’un acte de foi.

Si les religions n’étaient pas autorisées de s’exprimer sur la scène politique, et en dépit de tous les autres défauts de celle-ci, l’histoire compterait probablement bien moins de dictatures, d’autres auraient moins de prétextes pour exister et l’on pourrait parler infiniment plus librement de sujets importants, principalement liés à la médecine et la santé, à la liberté des femmes concernant leurs corps, aux progrès scientifiques

Les religions, qu’elles demandent pardon, se corrigent, se réforment, ou au contraire se replient sur leurs principes, reviennent aux principes les plus sectaires, sont toujours en retard par rapport à l’évolution de la société vers un mieux-être, l’égalité, la liberté, l’émancipation des femmes, des hommes, des enfants, la reconnaissance des droits de chacun et de tous.

Les religions, quand elles sont considérées comme une liberté privée, non seulement empiètent sur la liberté des enfants soumis aux parents, mais en réalité s’arrogent toujours plus de privilèges de paroles au niveau public et collectif. Quand une religion est minoritaire, elle réclame automatiquement plus de tolérance, qu’elle dénie quand elle se sent en position de force. Pape, imam, évêque, lama, marabout, rabbin, même combat contre la vérité factuelle et la recherche du bonheur terrestre -le seul véritablement prouvé comme possible.

La religion, au singulier, si elle relie les hommes -comme elle le prétend, ce que je ne vois pas qu’elle fasse en réalité-, est une reliure qui sent le moisi et ne répand plus que des champignons qui détruisent la fibre des individus et interdit ou freine toute véritable relation humaine libre et vivante.

La religion ne devrait plus avoir droit au chapitre au niveau public.

  1. On en a régulièrement des exemples un peu partout, en particulier en Bolivie, au Vénézuéla, au Honduras, en Equateur. []

Tropique du Capricorne

Monday, October 18th, 2010

Il n’est jamais mauvais de revenir à ses propres classiques; Henry Miller est l’un des miens.

“Wherever there is cold there are people who work for themselves to the bone and when they produce young they preach to the young the gospel of work -which is nothing, at bottom, but the doctrine of inertia.”

Je ne peux m’empêcher de retrouver, dans le fond, comme dans la forme (les traits d’union introduisant une idée supplémentaire, par exemple), Rimbaud, que Miller aimait également, à qui il a consacré un livre.

“My people were entirely Nordic, which is to say idiots.”

On croirait lire les jugements de Rimb’ dans “Mauvais sang”.

Et il continue ad nauseam…

ces grands hommes qui ont changé l’histoire…

Saturday, October 16th, 2010

… à condition de n’y pas toucher.

Nelson Mandela était fêté il y a quelques semaines en raison de l’approche de la coupe du monde dans son si beau pays arc-en-ciel.

On se souviendra que l’année dernière sortit un film, Invictus, qui racontait le “courage” du soldat Mandela, cherchant à rapprocher noirs et blancs en offrant à l’Afrique du Sud une publicité phénoménale par le biais de la coupe du monde de rugby -qu’ils gagnèrent.

L’objectif était surtout publicitaire, alors; il s’agissait clairement d’attirer les investisseurs, de les rassurer sur les intentions du nouveau pouvoir, qui ne se voulait pas hostile à l’argent blanc. Morgan freeman, dans les talonettes du héros de Johnny Clegg, le confirmait assez cyniquement. Il y a quelque chose d’incompréhensible dans la geste de Mandela. Admirable, en un sens, mais totalement contradictoire. Au service de la reproduction de ce qui l’a enfermé pendant près de 30 ans.

Quinze ans après, l’appartheid, s’il n’est plus officiel, n’en reste pas moins économiquement vrai. Et s’il y a bien une petite élite noire -c’est-à-dire un petit groupe de mecs qui profitent de la stabilisation du système et qui s’avèrent avoir la peau d’une couleur proche de l’ombre-, il n’en reste pas moins qu’à quelques exceptions près (oui, des blancs sont tombés dans la misère à leur tour), sur les 49 millions d’habitants, ce sont toujours pour la plupart des noirs qui fournissent les plus pauvres, et ce en grande quantité (l’indice Gini est l’un des plus hauts de la planète).

D’avoir pactisé avec le capital blanc n’a donc probablement pas ou que peu amélioré la vie des Sud-Africains.
En plus, par un manque de chance terrible (et une politique absurde), le Sida a notablement fait tomber l’espérance de vie en Afrique du Sud au niveau de 1950.

Autrement dit, le pari développementiste de l’Afrique du Sud de Mandela, dont le mythe émancipateur et communiste ferait bien de s’effondrer, s’est largement planté. Mandela est bien plus un nationaliste traditionnel qu’un socialiste libertaire.

Son objectif n’était pas de changer le cours de l’histoire, non. Et si on peut imaginer qu’il était sincère dans sa prospective, il n’a rien de quelqu’un qui voulait changer l’histoire, comme on peut le lire à droite, au centre-gauche, et même à gauche, parfois.

L’amandier, de Brassens

Sunday, October 10th, 2010

(peu connue, a surtout servi, je crois dans le film “Porte des Lilas”, où Brassens joua son unique rôle au cinéma)

J’avais l’plus bel amandier
Du quartier
Et, pour la bouche gourmande
Des filles du monde entier
J’faisais pousser des amandes
Le beau, le joli métier !

Un écureuil en jupon
Dans un bond
Vint me dir’: ” Je suis gourmande
Et mes lèvres sentent bon
Et, si tu m’donn’s une amande
J’te donne un baiser fripon !”

” Grimpe aussi haut que tu veux
Que tu peux
Et tu croqu’s, et tu picores
Puis tu grignot’s, et puis tu
Redescends plus vite encore
Me donner le baiser dû ! ”

Quand la belle eut tout rongé
Tout mangé
” Je te paierai, me dit-elle
A pleine bouche quand les
Nigauds seront pourvus d’ailes
Et que tu sauras voler ! ”

” Mont’ m’embrasser si tu veux
Si tu peux
Mais dis-toi que, si tu tombes
J’n’aurais pas la larme à l’oeil
Dis-toi que, si tu succombes
Je n’porterai pas le deuil ! ”

Les avait, bien entendu
Toutes mordues
Tout’s grignotées, mes amandes
Ma récolte était perdue
Mais sa jolie bouch’ gourmande
En baisers m’a tout rendu !

Et la fête dura tant
Qu’le beau temps
Mais vint l’automne, et la foudre
Et la pluie, et les autans
Ont change mon arbre en poudre
Et mon amour en mêm’ temps !

La roquette

Sunday, October 3rd, 2010

Voici les paroles d’une chanson du grand Aristide Bruant… (La Roquette était l’un des lieux d’exécution à Paris, les références à la veuve, la lunette, le sac, etc. font allusion à la guillotine)

En t’écrivant ces mots j’frémis
Par tout mon être,
Quand tu les liras j’aurais mis
L’nez à la f’nêtre
J’suis réveillé, depuis minuit,
Ma pauv’ Toinette,
J’entends comme une espèce de bruit,
A la Roquette.

L’Président n’aura pas voulu
Signer ma grâce,
Sans dout’ que ça y aura déplu
Que j’me la casse
Si l’on graciait à chaque coup
Ca s’rait trop chouette,
D’temps en temps faut qu’on coupe un cou,
A la Roquette.

Là-haut, l’soleil blanchit les cieux,
La nuit s’achève,
I’s vont arriver, ces messieurs,
V’là l’jour qui s’lève.
Maint’nant j’entends, distinctement,
L’peuple en goguette,
Qui chante su’ l’air de “L’enterr’ment”,
A la Roquette.

Tout ça, vois-tu, ça n’me fait rien,
C’qui m’paralyse
C’est qu’i faut qu’on coupe, avant l’mien,
L’col de ma ch’mise
En pensant au froid des ciseaux,
A la toilette,
J’ai peur d’avoir froid dans les os,
A la Roquette.

Aussi j’vas raidir pour marcher,
Sans qu’ ça m’émeuve,
C’est pas moi que j’voulais flancher
Devant la veuve
J’veux pas qu’on dise que j’ai eu l’trac
De la lunette,
Avant d’éternuer dans l’sac
A la Roquette.