Archive for the ‘délivre religion’ Category

Parade, riposte -ne jamais céder de terrain…

Monday, May 29th, 2017

Ca faisait longtemps que je n’avais plus fait le moindre texte sur ce sujet. Loin du Brésil, je me sentais plus à l’aise, moins tenu. Et puis, je ne voulais pas me ranger parmi les laïcophiles intégristes qui se parent de cette vertu pour frapper à volonté sur des minorités fragiles.

Mais je constate que les religions divisent, quoi qu’il arrive; on ne peut rien dire sur la religion sans blesser les croyants? C’est qu’ils n’ont pas appris des trois derniers siècles depuis les Lumières: on a le droit de s’exprimer; on a le droit de ne pas aimer et de désapprouver; on a le droit d’exiger que le culte s’exerce dans des lieux restreints, parce qu’on a le droit de pouvoir ne jamais être incommodé par la religion1.

La réalité, c’est que, dès que les rationalistes baissent leur garde, les obscurantismes reprennent du poil de la bête.

Il se trouve que, oui, la lutte contre les religions par les non-religieux fut rude, longue et brutale; qu’on ne peut pas faire plus confiance à une bande de curés qu’à un groupe d’actionnaires pour respecter nos voeux de vie laïque.

wood-gothique-americain

(“American Gothic”, Grant Wood; ou le bonheur de la vie religieuse)

J’invite les “blancs” et les moins blancs (les mots ne sont pas de moi, ils sont de ceux qui se sentent attaqués; franchement j’en préférerais d’autres) à aller faire un tour dans un pays vraiment religieux, où tout s’arrête quand la prière monte dans le quartier, où les processions barrent les routes, où on ne se risque pas sans danger à contredire les prêtres abrutis qui appellent à la régression sociale.

Ce pays, c’est le Brésil, d’obédience chrétienne (catholique et protestante, et franchement pas des rigolos dans leur ensemble).

Un pays où les musulmans sont très discrets par nécessité.

Un pays où on préfère voter pour quelqu’un qui n’est pas de ses idées politiques plutôt que pour un athée ou un homosexuel. Aucun lien? Je ne crois pas.

Or donc, si être athée est toujours une épreuve de vie dans les pays dominés par des religions, il n’y a que dans des pays plutôt laïques, éventuellement (vraiment) neutres, que toutes les religions ont voix au chapitre.

Ce n’est pas une coïncidence. Je ne voudrais pour rien au monde revenir à l’époque où ma grand-mère devait demander l’autorisation à son mari pour ouvrir un compte ou chercher du boulot; le temps où ma mère ne pouvait demander le divorce à son avantage que si elle faisait surprendre par un étranger l’adultère de son mari dans son lit conjugal. Je veux que l’on puisse encore avancer dans l’égalité des droits de tous et de chacun, que l’on récuse tous les arguments prétenduement (sic) naturels, et qui en réalité cachent des préjugés religieux; je veux que l’on puisse étudier l’art et les textes religieux avec le détachement scientifique nécessaire; je veux que l’on puisse enseigner l’évolution et le néolithique sans opposition -il n’y a pas de relativisme scientifique…

La laïcité est le seul allié des minorités, parce que la laïcité -et par extension l’athéisme et le rationalisme- est le seul système qui permet aux minorités de vivre leurs fois dans des conditions équitables.

Mais faut pas nous demander de nous écraser, en plus.

  1. On a aussi le droit de trouver les caricatures de Mahomet idiotes mais de refuser qu’elles soient censurer. Même Tariq Ramadan était d’accord là-dessus. []

Dialogue des Maures

Friday, November 30th, 2012

%-Ah mais alors, vous êtes athée?

&-Pardon?

%-Vous êtes athée?!

&-…

%-Vous ne croyez pas en Dieu, n’est-ce pas?

&-Ah, non, pas plus en Dieu qu’en…

%-Oui, bon, vous ne croyez pas en Dieu, donc vous êtes athée.

&-Je ne sais pas, c’est vous qui voyez.

%-Vous êtes quoi alors?

&-Je suis rationaliste.

%-Comment? Pourquoi rationaliste?

&-Je suis rationaliste, ça veut dire que je base mon discours et ma pensée sur la raison et l’observation.

%-Mais moi aussi.

&-Ah? Alors vous ne croyez pas en Dieu non plus?

%-Mais si!

&-Ah bon? Comment vous faites?

%-Pardon?

&-Comment vous faites pour croire en Dieu en basant votre discours et votre pensée sur la raison?

%-Et bien, mais, comme Pascal ou Descartes, Voltaire, John Locke, aussi: la raison me sert pour tout ce qui est observable et me permet de douter de tout, sauf d’une chose: Dieu.

&-Ah, je vois. Donc Dieu existe?

%-Oui.

&-Pourquoi?

%-Ah ben, Dieu est cause de Lui-même, évidemment. Dieu est cause première et dernière.

&-Dieu existe parce que Dieu existe alors?

%-…

&-Je n’ai pas l’impression que ce soit très rationnel, ça.

%-Attendez-attendez-attendez: on *peut* être rationnel et croire en Dieu, non?

&-Ben, je ne sais pas, je me demande comment vous l’expliquez. Je veux dire, comment vous pouvez l’expliquer *rationnellement*.

%-Tout de suite les grands mots. Mais donc vous êtes athée.

&-Oui, bon, disons-le, je suis athée, puisque je n’ai pas le choix de l’appellation.

%-Comment ça? Ben si, vous pourriez choisir de croire en Dieu ou d’être agnostique.

&-Ah, j’ai le choix, alors?

%-Evidemment, vous êtes libre: Dieu vous donne le choix de croire ou ne pas croire.

&-C’est le libre-arbitre?

%-Voilà, c’est le libre-arbitre. Vous êtes libre de choisir la voie éclairée ou de plonger dans l’obscurité de l’ignorance.

&-Ah, vu comme ça… Mais donc j’ai le choix, alors?

%-Ah oui, vous avez le choix de prendre le bon ou le mauvais chemin. La lumière ou les ténèbres.

&-En connaissance de cause?

%-Ah oui, sinon, ce n’est pas un choix.

&-Ah parfait… C’est mieux comme ça… Mais… J’y pense… Quels sont les abrutis qui choisissent le mauvais chemin en connaissance de cause?

%-Et bien… Les orgueilleux… Les pervertis… Ceux qui sont tentés par le péché d’incroyance… Ceux qui refusent l’amour de Dieu… Ceux qui refusent de craindre Dieu…

&-Attendez, attendez, là, j’ai un problème…

%-Lequel?

&-Et bien, si je choisis en connaissance de cause, cela signifie que je choisis de croire en Dieu ou non en sachant que Dieu existe, non?

%-…

&-Quand vous me dites que j’ai le choix de croire ou de ne pas croire en Dieu en connaissance de cause, ça signifie que j’ai le choix de croire ou non en Dieu en sachant que Dieu existe…? Ou non?

%-…

&-J’imagine mal le contraire. Donc, un athée, selon cette idée, c’est quelqu’un qui sait pertinemment que Dieu existe mais qui choisit de ne pas croire en Dieu?

%-…

&-Je vous sens dubitatif, là. Douteriez-vous de quelque chose?…

%-…

&-Je plaisante… En tout cas, maintenant, vous voyez peut-être pourquoi je n’aime pas beaucoup l’appellation d’athée. Lorsque vous me dites “athée”, vous me définissez par rapport à un concept que vous avez adopté -Dieu- et sur lequel, en un sens, je n’ai pas envie de me prononcer, mais vous voulez que je me prononce. Imaginez qu’un type vienne me dire que le Père Noël est à l’origine de toute chose, il faudrait que je me définisse aussi comme apèrenoël… Ca ne vous paraît pas un peu lourd?

%-…

&-A propos, vous êtes apèrenoël?

(généralement, c’est alors que commencent les imprécations du genre “agressif”, “mécréant”, “enfer”, “pas de dialogue possible”… Parfois, c’est beaucoup plus tôt…)

La preuve que Dieu n’existe pas n’est pas obligatoire…

Tuesday, November 27th, 2012

… Il suffit de montrer que Dieu n’est pas nécessaire…

Or, la théorie de l’évolution et le principe anthropique permettent de montrer comment le monde que nous connaissons a pu prendre naissance, se développer et évoluer jusqu’à ce jour. A l’instar de Laplace, nous pouvons dire que nous n’avons pas besoin de l’hypothèse de Dieu pour expliquer l’existence du monde. Est-ce suffisant? Cela ne le sera jamais à ceux qui ont besoin d’une cause, d’une raison.

Mais, comme Dawkins le montre abondamment dans son livre “Pour en finir avec Dieu”1, l’hypothèse de Dieu, destinée à donner une raison d’être à notre présence plutôt qu’à notre absence bute sur une aporie: pourquoi y’aurait-il un Dieu plutôt que rien? Qui a conçu le concepteur? C’est le coup du mythe indien qui pose que la Terre repose sur une tortue qui repose sur une tortue qui repose sur une tortue….

Donc, Dieu ne justifiant rien, il n’est pas nécessaire. S’il n’est pas nécessaire, rien ne nous oblige à considérer cette hypothèse. Toute personne désirant inclure Dieu dans une théorie scientifique doit donc en montrer la pertinence par des faits et observations scientifiques. A ce jour, rien ne permet de s’en approcher. La théorie du “dessein intelligent”, aussi subtile puisse-t-elle paraître, achope elle aussi sur la justification de l’existence de Dieu -Pourquoi un Dieu plutôt que rien?

Il reste que beaucoup de travail reste à faire pour parvenir à convaincre la plupart des gens de la justesse de cette position, à commencer par la mise en mots à la fois intelligente et accessible des faits corroborants la théorie de l’évolution et le principe anthropique appliqué au Cosmos.

Ce principe explique l’existence d’une planète susceptible d’accueillir la vie (la Terre, par exemple) par l’énorme quantité de planète existante dans l’univers connu. Même s’il est très très improbable que la vie apparaisse sur une planète, le fait qu’il existe une quantité énorme de planètes permet d’obtenir une probabilité finalement très grande de conditions permettant l’apparition de la vie sur une planète -à commencer par la nôtre. Cette théorie peut également s’appliquer sur les lois régissant l’univers (et notamment aux constantes de l’univers permettant aux lois de la physique et de la chimie d’avoir une chance de développer la vie.

Quant à la théorie de l’évolution, aujourd’hui corroborée par des millions de scientifiques ayant observé des milliards de faits étalés dans des disciplines aussi différentes que la biologie, la géologie, l’archéologie, la physique, la chimie, l’éthologie, et j’en oublie certainement, elle n’attend qu’une chose: que l’on montre qu’elle ne fonctionne pas. Un grand généticien de la première moitié du XXe Siècle, défié par un popperien borné de dire comment l’on pourrait réfuter la théorie de l’évolution, marmonna cette réponse restée fameuse: “Des lapins fossiles dans le Précambrien.” Le Précambrien remontant largement avant les dinosaures, il devrait être impossible de trouver un lapin dans une couche géologique de cette période. Cette phrase est restée tellement célèbre qu’il y a même eu des tentatives de fraude à son endroit2.

La génétique et l’établissement de ses lois permettent également de conforter la théorie de l’évolution. L’observation des chaînes de mutation menant à des impasses d’un côté -les plus fréquentes-, à des stades d’évolution plus adaptés d’un autre -les plus rares-, nous permet de montrer comment, depuis l’apparition de la vie, il y a près de 4 milliards d’années, elle a pu évoluer jusqu’à aujourd’hui -et comment, contrairement à ce que prétendent les créationnistes, cette évolution de la vie est longue, très variée et ne répond pas du tout aux assertions bibliques. Le simple fait qu’il a existé des millions d’espèces qui se sont éteintes, que les espèces actuelles sont généralement très récentes, est déjà un signe évident que la “création” est un joli mythe qui n’explique plus rien. Par ailleurs, l’évolution par mutation génétique montre qu’il n’y a pas d’intention dans les mutations, mais simplement une série gigantesque d’accidents qui donnent une infime proportion de succès. Ce qui mène Hawkins à dire qu’un athée a toutes les raisons de se réjouir d’exister et aucune de se lamenter de mourir, car nous sommes les bénéficiaires d’une probabilité extrêmement ténue de pouvoir considérer le monde pendant un temps très réduit, et pourtant suffisamment long pour en apprécier les plaisirs.

A cet égard, une chouette expérience -qui n’est pas démonstrative, mais illustrative- à faire est la suivante: prenons une phrase bien déterminée, assez longue, et une quantité importante de personnes qui joueront le rôle des étapes de l’évolution.

Un premier cobaye prononce la phrase à trois autres cobayes, une seule fois, sans se répéter et sans l’écrire. Le premier cobaye représente le porteur d’un gène qui se reproduit, les 3 autres la première génération de ses successeurs. Ces trois membres symbolisant la 1e génération répéteront la phrase une fois et sans la répéter à, respectivement, trois nouveaux cobayes, qui représenteront donc, à 9, la 2e génération. Et ainsi de suite; à la 3e génération, ils seront donc 27 et à la 4e 81. A la 5e, il faudrait qu’ils soient 243. Au total, l’expérience nécessiterait déjà 364 personnes, à ce stade. Idéalement il serait bon de la poursuivre le plus loin possible, jusqu’à la 10e génération. On peut envisager l’expérience autrement, en se contentant de 2 successeurs à chaque fois, ou alors de partir avec une 1e génération de 10 membres qui ne transmettent leur “gène” qu’à un successeur chaque fois. Cette version de l’expérience n’aurait besoin que d’une centaine de cobayes pour 10 générations. Rien ne nous empêche de produire les deux versions de l’expérience.

L’idée ensuite est que l’on enregistre chaque version du gène transmis pour en observer l’évolution, par les changements accidentels survenus dans la phrase. On suppose que pour que le gène continue de fonctionner et permette à son porteur de “survivre”, de “s’adapter”, la phrase continue de signifier quelque chose de cohérent. Il est fort probable que dans certains cas la phrase reste exactement telle qu’elle était à l’origine. Dans d’autres, elle aura évolué de manière incohérente -probablement que les porteurs successifs du gène s’en seront émus, mais qu’importe pour notre objectif. Ce qui est intéressant, c’est de voir la quantité et la qualité de ces mutations. Enfin, parmi les mutations, certaines porteront peut-être à une phrase -qui serait pour les besoins de notre expérience le phénotype d’un gène- qui restera cohérente, tout en étant différente de celle d’origine. Ceci illustrerait à une échelle minuscule et de manière très parcellaire à ce qui se passe dans l’évolution. Il faudrait multiplier ce phénomène par le nombre de gènes susceptibles d’évoluer au sein d’un être vivant qui se reproduit, mais aussi par le nombre d’individus se reproduisant, par le nombre d’individus reproduits et enfin par le nombre de génération étendu sur une certaine période. Par cette expérience, les participants pourraient prendre la mesure de la puissance de la théorie de la mutation génétique accidentelle dépourvue de toute intention.

On pourrait aussi réaliser des variantes de cette expérience en mettant les éléments de la chaîne sur une seule ligne et pousser jusqu’à cent, deux cents, trois cents générations. Ou faire comme le propose Dawkins dans son livre de remplacer la phrase par un dessin ou un origami compliqué.

Une école serait à cet égard un excellent lieu où accomplir cette expérience, soumise à un protocole très sérieux, et dont les résultats pourraient envisager une publication. Rien qu’en en évoquant la possibilité, je me demande si cela n’a pas déjà été réalisé.

Dawkins évoque cette expérience, non encore faite par lui, pour montrer la pertinence du principe de l’évolution par mutation dans un autre domaine: la culture. Je trouve l’idée très jolie quoique je ne puisse l’apprécier dans sa subtilité, ne l’ayant pas étudié plus avant. Cependant, intuitivement, elle me paraît juste, ou tout au moins exploitable pour la plus grande joie de nos esprits scientifiques.

  1. Le livre roboratif et efficace de Richard Dawkins, Pour en finir avec Dieu, est paru en français chez Robert Laffont, en version de poche dans la collectin Tempus. []
  2. Voir http://www.talkingsquid.net/archives/133 par exemple. []

Syriana II

Friday, September 14th, 2012

Les anarchistes, parce qu’ils ne font pas confiance aux Etats, parce qu’ils savent que ceux-ci n’agissent que dans l’intérêt de leurs classes dirigeantes, ne peuvent cautionner le “devoir d’ingérence”, les “guerres humanitaires”, et toutes ces interventions qui prônent la défense des droits de l’homme et l’imposition de la démocratie dans des pays la plupart du temps oubliés avant les campagnes de préparation des populations aux mouvements de troupes et, surtout, après le passage d’icelles au-dessus des cadavres des pays un temps concernés par les éditorialistes et les nouveaux philosophes.

Les anarchistes peuvent comprendre que certains s’organisent, se forment en brigade d’intervention à l’instar de celles auxquelles ils contribuèrent en 1936 pour tenter de sauver l’Espagne de l’oubli des mêmes démocraties qui aujourd’hui s’arrogent des droits exhorbitants. Quand ces brigades horizontales se forment, ce sont les mêmes qui prônent l’intervention et qui se battent. Généralement, lorsqu’un éditorialiste, un ministre appellent à l’intervention, ce sont des ploucs du bas-peuple qu’il envoie au combat, pas son fils, ou ce sont des mercenaires ou des fous de Dieu qu’il arme… Cela, les anarchistes ne peuvent pas le comprendre.

Les anarchistes ne renvoient cependant pas dos à dos les tyrans et les rebelles ou prétendus tels; ils restent lucides sur la réalité de gouvernements qui ne sont pas d’émanation populaire -mais lesquels le sont?-, cependant ils ne se posent pas en juges de l’extérieur, et luttent déjà sur le sol où ils se trouvent contre les injustices produites dans leurs frontières, luttent pour le droit des hommes à se déplacer librement, balaient devant la porte des gouvernements de leurs régions -ou alors, s’ils estiment devoir intervenir ailleurs, ils le font eux-mêmes, en pleine connaissance de cause, pour aider des populations qui les ont convaincus de venir, et non pas des chroniqueurs ou des généraux en mal d’exercice.

Cependant, dans de nombreux cas, les anarchistes, et moi le premier, s’estiment surtout incompétents pour parler de la plupart des régions du monde. Ils ne se prétendent pas spécialistes parce qu’ils ont fait trois sauts de puces quelque part, qu’ils ont partagé le quotidien de dix personnes sur place ou qu’ils se sont retrouvés “embedded” d’un côté ou de l’autre d’un conflit.

En tout cas, c’est ainsi que je vois les anarchistes.

Bahar, mon ami Bahar, n’est pas un anarchiste, ou alors pas publiquement -pas vrai, Bahar?-, mais j’ai la faiblesse de lui faire confiance au moins sur deux sujets qui lui tiennent à coeur. Et ces sujets sont la Turquie et la Syrie. Et si je lui fais confiance, c’est parce que Bahar veut réellement ce qu’il y a de mieux pour les autres comme pour lui-même, parce que ce genre de choses-là, on l’apprend en connaissant Bahar. Aussi, je vous propose de lire les lignes suivantes qui sont de sa main. Histoire de faire un peu contre-poids au discours de guerre ambiant.
(Seuls les mises en évidence et un intertitre ne sont pas de lui; je ne partage pas nécessairement toutes les expressions utilisées par lui, ni certaines conclusions, mais il ne me viendrait pas à l’idée de changer une ligne de son ensemble)

Stop à l’intervention occidentale en Syrie

Jadis, l’Occident menait la Guerre Sainte pour répandre le christianisme et la civilisation. Aujourd’hui, la religion nouvelle s’appelle « droits de l’Homme », « démocratie » ou « protection des civils ». Au nom de ses valeurs et de ses intérêts, l’Occident, Etats-Unis en tête, ne recule devant aucun sale coup : financement de groupes d’opposition et de filières terroristes, désinformation, opérations psychologiques (Psyops), livraison d’armes, formation de mercenaires, actions de sabotages et de déstabilisation, embargos et sanctions, attentats ciblés, attentats aveugles et au besoin, bombardements massifs.

Si la Syrie est aujourd’hui dans la ligne de mire de nos Etats, ce n’est certainement pas parce que le régime maltraite ses opposants. Nous avons vu en effet comment nos élites pouvaient faire preuve de compassion et d’indulgence envers leurs alliés régionaux qui ne sont pas moins violents comme le régime de Tel-Aviv, celui d’Ali Abdallah Saleh au Yémen, de Ben Ali en Tunisie, celui des Saoud au Royaume du même nom ou celui des Al Khalifa au Bahreïn.

D’abord, la Syrie paie le prix de son attachement à sa souveraineté nationale. C’est le dernier pays arabe capable de résister au courant néoconservateur qui déferle avec le soutien de l’Occident sur les pays de la région à la faveur du « printemps arabe ».

Ensuite, la Syrie subit des représailles pour son insoumission à Israël. L’alliance stratégique que Damas a tissée avec l’Iran et les organisations de la résistance libanaise et palestinienne est un crime grave et sans appel aux yeux de nos élites. Officiellement en état de guerre avec Israël, l’Etat syrien est de surcroît doté de la dernière armée arabe capable de résister à la superpuissance de Tsahal.

Tous les mémorandums altruistes de l’Occident sur la Syrie ne servent qu’à dissimuler ces deux réalités. Pour se rendre compte de l’imposture humanitaire, est-il besoin de rappeler l’aveu d’Henry Kissinger, ancien secrétaire d’Etat sous le président Ford, affirmant que « les grandes puissances n’ont pas de principes, seulement des intérêts » (cf. Georges Soros, On Globalization, New York Review of Book, 2002, p. 12)?

Nous aurions bien voulu croire que la mission de nos élites soit de répandre le Bien. Mais nous pensons avoir le droit d’être sceptique quant aux intentions et aux moyens mis en œuvre en Syrie par ceux-là même qui nous avaient tant promis l’avènement de la démocratie en Afghanistan, en Irak ou en Libye.

La Libye pour ne citer que cet exemple a curieusement disparu de nos écrans-radars alors que les milices y font régner la terreur et procèdent à une épuration ethnique et religieuse méthodique. Des dizaines de milliers de prisonniers politiques accusés de loyauté envers l’ancien régime et d’émigrés subsahariens croupissent dans plusieurs prisons secrètes. Ces détenus sont quotidiennement torturés et parfois assassinés dans l’indifférence générale. Tous les jours, des attentats sont commis par des inconnus et des règlements de compte opposent des bandes rivales. Les tombeaux des saints considérés comme « hérétiques » sont détruits un à un sous le regard bienveillant des nouvelles forces de « sécurité » (cf. De Morgen, 30 août 2012). Bref, la Libye est en pleine voie de « somalisation ».

Depuis dix-neuf mois, un feu destructeur ravage la Syrie. Affirmer que ce feu est alimenté par la seule intransigeance et la seule brutalité du pouvoir syrien est parfaitement malhonnête. Car ce feu n’est ni une nouveauté ni exclusivement dû à des facteurs intérieurs. Ce feu est en effet entretenu sous forme de guerre larvée par les puissances occidentales depuis la libération de ce pays en 1946 du joug français. Soucieuse de restaurer leur tutelle sur la Syrie, ces puissances coloniales ont indirectement contribué à la militarisation de ce pays en soutenant la création et l’expansion d’Israël (1948) ainsi que toutes les pétromonarchies du Golfe dont le discours religieux sectaire s’avérait utile face au panarabisme prôné entre autres par l’Egypte de Nasser et la Syrie baassiste.
En avril 1949, pour établir leur hégémonie sur la Syrie et soulager Israël, les USA ont soutenu le coup d’Etat du colonel Za’im.
En 1957, soit bien avant l’avènement de la Syrie d’Hafez el-Assad, l’axe américano-britannique a planifié d’assassiner trois dirigeants syriens jugés trop pro-soviétiques (cf. Ben Fenton, The Guardian, Macmillan backed Syria Assassination Plot, 27 septembre 2003). A l’époque, tous les plans de renversement du régime baassiste ont été envisagés par la CIA et le SIS (MI-6) : organisation de troubles, appels à l’insurrection, création d’un « Comité Syrie Libre », armement de l’opposition, « activation des Frères Musulmans à Damas ». Bien naïf serait celui qui nierait la similitude entre cet épisode de l’histoire syrienne et la situation actuelle.

Désinformation

Revenons un moment sur le traitement de l’information à propos des événements récents.
A partir de mars 2011, profitant de l’agitation naissante dans le pays, nos experts en communication ont exagéré le poids de l’opposition et l’ampleur de la violence d’Etat tout en minimisant le réel soutien populaire dont dispose le gouvernement de Damas ce que d’ailleurs l’ambassadeur de France en Syrie Eric Chevalier n’a pas manqué de reprocher à son ministre Alain Juppé. On nous a sciemment caché la militarisation d’une partie de l’opposition syrienne et la présence de groupes terroristes s’infiltrant depuis le Liban, une réalité pourtant constatée dès le mois d’avril 2011 par des journalistes d’Al Jazeera, la chaîne qatarie. La censure imposée par le patron d’Al Jazeera alias émir du Qatar sur les événements qui révéleraient la conspiration anti-syrienne a contraint ces journalistes à faire « défection » pour utiliser un terme que l’on nous sert toujours à sens unique.
Qui plus est, à vouloir dénoncer systématiquement la propagande de l’Etat syrien, la presse mainstream occidentale a soit gobé soit alimenté la propagande de l’opposition radicale allant jusqu’à déguiser des massacres de soldats ou de civils par des terroristes en « crimes de la dictature » comme à Jisr-Al-Choughour (juin 2011), Houla (mai 2012), Deir Ez Zor (mai 2012) ou Daraya (août 2012).
On peut en conclure que l’Occident mène au moins une guerre psychologique contre la Syrie.

Est-il cependant raisonnable de croire que l’Occident n’est pas militairement engagé dans ce pays ?

En automne de l’année dernière, lorsque le gouvernement syrien a appelé les conjurés à déposer les armes, Victoria Nuland, porte-parole du département d’Etat US, a sommé ses protégés syriens de désobéir. Parallèlement, les agents de la CIA et leurs acolytes européens ont incité les soldats syriens à passer dans les rangs d’une armée de mercenaires placée sous commandement de l’OTAN par le truchement de l’armée turque.
Sans surprise, les QG de l’Armée syrienne libre (ASL) installés au Hatay accueille désormais des terroristes du monde entier désireux d’en découdre avec les Syriens patriotes accusés d’être des « infidèles » à la solde de « l’ennemi chiite ». Ces terroristes y reçoivent une formation militaire, des armes, des pick-up surmontés de fusils-mitrailleurs, des MANPAD (systèmes portatifs de défense anti-aérienne) et des appareils de communication performants.
« Nous avons surtout récupéré des roquettes RPG9 puisées sur les stocks de l’armée saoudienne » jubile un rebelle dans les colonnes du Figaro (28 juin 2012) qui ajoute « Elles ont été acheminées par avion, jusqu’à l’aéroport d’Adana, où la sécurité turque a surveillé les déchargements avant de savoir à qui ces roquettes allaient être destinées ». Petits détails: l’armement saoudien est essentiellement américain et la base turque d’Adana dont parle le terroriste, est la base américaine d’Incirlik.
L’Occident s’est longtemps défendu de fournir des « moyens létaux » aux terroristes alors que des agents du Service fédéral de renseignement (BND) croisant au large de la Syrie transmettaient des informations concernant les mouvements des troupes syriennes aux services britanniques et US pour qu’elles parviennent aux rebelles (cf. Bild am Sonntag, 19 août 2012).
Selon le Sunday Times, les services britanniques basés à Chypre ont eux aussi aidé les insurgés à mener plusieurs attaques.
Le fait d’indiquer à ces derniers à quel moment et quel endroit ils doivent tirer sur les troupes syriennes ne revient-il pas de facto à participer militairement au conflit ? L’Occident semble donc loin d’être neutre et habité par de louables intentions. En cette époque de crise et de récession, il peut même se targuer de mener une guerre low cost dans laquelle les seules victimes sont des Arabes.

En rappelant ces faits, notre but n’est absolument pas de minimiser les responsabilités du gouvernement de Damas dans la terrible répression du mouvement de contestation syrien, les crimes d’Etat commis au nom de « la paix et la sécurité », le degré de corruption de certains hauts fonctionnaires de l’Etat, la cruauté de ses services de renseignement, ni l’impunité dont ils ont trop longtemps bénéficié. Tous ces facteurs internes de la tragédie syrienne font partie des éléments déclencheurs de la légitime révolte populaire lancée en mars 2011.

Nous réitérons au passage notre profonde indignation face au degré de violence du conflit syrien et souhaitons que le peuple syrien puisse accéder à l’improbable démocratie à laquelle il aspire légitimement.

En soulignant le rôle de l’Occident dans la militarisation de l’Etat syrien, nous tenons avant tout à renouveler cet avertissement à ceux qui croient en « la libération » du peuple syrien par la voie des armes : au-delà du caractère illégitime de l’action de nos pompiers pyromanes, celle-ci a pour seul résultat l’augmentation de la souffrance de ce peuple et entraîne inexorablement l’humanité dans une aventure aux conséquences que nul ne peut aujourd’hui mesurer.

Les show médiatique d’un Laurent Fabius qui appelle au meurtre du président syrien (en déclarant qu’il ne mérite pas de vivre), celui d’un Didier Reynders qui vient de plaider au sommet de Paphos pour « le devoir d’ingérence » en Syrie ou les déclarations scandaleusement violentes de l’administration Obama ne font que précipiter l’humanité vers ce chaos.

Hier -au nom du respect de la souveraineté des peuples, de l’humanisme et de la paix-, nous, avons dénoncé l’invasion de l’Afghanistan sans pour autant éprouver de sympathie pour les Talibans. Nous avons manifesté contre l’invasion de l’Irak sans pour autant défendre le président Saddam Hussein. Nous avons protesté contre l’ingérence occidentale en Côte d’Ivoire sans être des laudateurs du président Laurent Gbagbo. Nous nous sommes indignés de l’implication occidentale dans la guerre civile libyenne sans adorer le dirigeant Kadhafi. Et aujourd’hui, nous nous insurgeons contre l’intervention militaire en cours en Syrie sans pour autant être des partisans du président Bachar El-Assad.

Constatant que la destruction de la Syrie ne profite qu’à ses ennemis de toujours, conscients que seules les initiatives prônant la paix, le dialogue et la réconciliation pourront offrir une alternative digne et viable au peuple syrien, nous appelons tous les véritables amis de la Syrie à condamner l’ingérence de nos dirigeants dans les affaires intérieures de ce pays.

Dans le cadre du lancement de notre campagne pour la paix, le dialogue et la réconciliation en Syrie, nous appelons à protester contre l’ingérence militaire occidentale par un rassemblement devant l’ambassade des Etats-Unis à Bruxelles le mardi 25 septembre à partir de 18 heures.

Pour le Comité contre l’ingérence en Syrie (CIS)
Bahar Kimyongür

comitesyrie@hotmail.fr

Définition pour un monde fini

Friday, September 2nd, 2011

Athée:

Qui n’a pas peur de rien (sic et presque intraduisible)

la religion est une trop vieille reliure

Sunday, October 24th, 2010

Pendant que des évêques et d’autres imbéciles au Brésil ressortent le vieux discours anti-athée contre la candidate du PT, comme cela arrive régulièrement en Amérique Latine1, mais aussi dans des pays réputés “développés” (sans rire), y compris dans “la plus grande démocratie du monde” (comprenez les USA, où l’ingérence religieuse est une des plus pernicieuses qui soient), on apprend qu’une dizaine de personnes, dont des enfants, pris d’une peur panique à la vue d’un homme qu’ils ont pris pour le diable, se sont jetés par la fenêtre du deuxième étage de leur immeuble, provoquant la mort d’un bébé parmi eux. Ça, c’était dans les Yvelines, en France. Un pays éclairé par les principes des Lumières, mais dont le président baise les genoux du Vatican quand il veut regagner les voix de l’électorat traditionnaliste…

L’influence de la religion, des religions, sur la société n’a plus rien de positif, si même elle a pu l’être dans le passé. Elle abêtit, éloigne de la raison, de la science, sous des prétextes oiseux; elle dénature d’ailleurs l’existence même de celle-ci, la faisant passer pour une adversaire avec une vie propre, alors que la science n’est qu’un instrument dans les mains des hommes, une méthode, pas une doctrine.

Les scientifiques qui utilisent la science en cherchant -du mieux qu’ils peuvent, ils sont humains aussi- à établir des faits en fonction d’une méthode rigoureuse, sont régulièrement condamnés par des obscurantistes arc-boutés sur leur foi et leurs préjugés plusieurs fois millénaires. Leur dénier une conscience sous prétexte qu’ils seraient athées ou éloignés de la foi est digne des discours qui, il y a 300 ans et plus, déniaient aux Indiens et aux noirs la possession d’une âme que l’on réservait plutôt aux blancs -alors même que l’existence de l’âme n’était qu’un acte de foi.

Si les religions n’étaient pas autorisées de s’exprimer sur la scène politique, et en dépit de tous les autres défauts de celle-ci, l’histoire compterait probablement bien moins de dictatures, d’autres auraient moins de prétextes pour exister et l’on pourrait parler infiniment plus librement de sujets importants, principalement liés à la médecine et la santé, à la liberté des femmes concernant leurs corps, aux progrès scientifiques

Les religions, qu’elles demandent pardon, se corrigent, se réforment, ou au contraire se replient sur leurs principes, reviennent aux principes les plus sectaires, sont toujours en retard par rapport à l’évolution de la société vers un mieux-être, l’égalité, la liberté, l’émancipation des femmes, des hommes, des enfants, la reconnaissance des droits de chacun et de tous.

Les religions, quand elles sont considérées comme une liberté privée, non seulement empiètent sur la liberté des enfants soumis aux parents, mais en réalité s’arrogent toujours plus de privilèges de paroles au niveau public et collectif. Quand une religion est minoritaire, elle réclame automatiquement plus de tolérance, qu’elle dénie quand elle se sent en position de force. Pape, imam, évêque, lama, marabout, rabbin, même combat contre la vérité factuelle et la recherche du bonheur terrestre -le seul véritablement prouvé comme possible.

La religion, au singulier, si elle relie les hommes -comme elle le prétend, ce que je ne vois pas qu’elle fasse en réalité-, est une reliure qui sent le moisi et ne répand plus que des champignons qui détruisent la fibre des individus et interdit ou freine toute véritable relation humaine libre et vivante.

La religion ne devrait plus avoir droit au chapitre au niveau public.

  1. On en a régulièrement des exemples un peu partout, en particulier en Bolivie, au Vénézuéla, au Honduras, en Equateur. []

ÇA Y EST!…

Monday, August 2nd, 2010

J’ai croisé une fille voilée à São Paulo! Vite, un kärsher! Une loi! Un flic par habitant! Sus aux minarets!

La république (Fédérale du Brésil) est en danger de délaïcisation!

La France (fille aînée de l’Église) et le Brésil (fils aîné de pratiquement toutes les sectes du monde), même combat!




J’ose espérer que vous avez bien saisi toute la dimension ironique de ce message.

Déjà que pour voir dans l’un et l’autre pays autre chose que des principautés “Cuius regio, eius religio”…

Je suis viscéralement CONTRE une loi interdisant quelque vêtement que ce soi.

Étonnant? Pas du tout: je ne suis pas Elisabeth Badinter, je suis anarchiste: une interdiction est en soi un repoussoir de raisonnement, un échappatoire quand on n’a rien trouvé d’autre ou, plus logiquement, parce qu’on n’a pas cherché, qu’il est plus facile d’obliger quand on a la force avec soi que de partager la même gamelle et de discuter le bout de gras jusqu’à ce que raison s’en suive -et affinités, si possible…

Je vais te me les guantanimser derrière leurs portes, toutes ces bouffeuses de halal, se dit Brice à la suite de la moitié des votants helvètes…

Et si ça ne les convainc pas de partir, tant mieux: plus il en restera qui me contesteront, et plus la peur du barbu polygame fera voter pour moi, se dit Nicolas, en se rasant…


Or,

Dieu est mort. Merde à Dieu. Ce n’est pas Dieu qui a créé l’homme, mais…

Bref, vous avez compris.

Et ce n’est pas en mettant à genoux des femmes qui n’ont rien fait pour être où elles se trouvent qu’on résoudra ce blème.

Quant au cirque qui parle de sécurité, que je sache, et selon les frontispices des édifices publics de France et de Navarre, ce n’est pas au prix de la liberté qu’elle peut se défendre…

Re-bouffons les curés, comme au bon vieux temps. Et si un derviche, un imam, un saducéen ou un lama passe à portée, agrémentons le buffet de quelque viande nouvelle -exotique, diraient certains que je n’hésiterais pas à qualifier d’imbéciles.

Que toutes les tonsures et assimilées tremblent: notre devoir est de rappeler que la grande conquête du XXe Siècle, au côté des congés payés et de la diminution du temps de travail, c’est la sécularisation du joug.

Rien n’est parfait, mais pas question de laisser ces conquêtes reculer!

Libérons la Grèce de son orthodoxie!

Brûlons tous les billets verts “In Gode (sic) we suck (resic)”1!

Renvoyons le Dalaï-Lama dans son pays!

Nationalisons les lieux de prière!

Transformons-les en maisons du peuple!

Délivrons-nous de ces maux -tous!

  1. Notons avec amertume que les billets brésiliens présumés laïques portent la mention “Deus seja louvado”. []

Je ne suis pas Sand-iniste.

Wednesday, May 19th, 2010

Compte-rendu: Shlomo Sand “Comment le peuple juif fut inventé”

“Comment le peuple juif fut inventé”, titre éminemment polémique et peut-être pas le meilleur possible, est paru en français en 20081, chez Fayard. Les émotions et les critiques qu’il a générées2 depuis lors, et encore cette année suite à sa parution chez Flammarion en poche (était-ce une bonne idée?), ont dépassé largement l’impact qu’il a eu en anglais et en hébreu, selon les sources trouvées en ligne.

Ce livre nécessiterait de longs commentaires, mais il est presque impossible qu’une seule personne s’y consacre. Un spécialiste ne peut décemment en faire la critique interne3 que d’une petite partie. Personnellement, je pourrais m’atteler à celle qui évoque l’époque hellénistique et latine, et encore uniquement sur les sources en latin et en grec, puisque je ne connais aucune des langues moyen-orientales qui étaient utilisées par les personnes concernées (araméen, hébreu, etc.). Par conséquent, je ne pourrais faire de ce livre qu’une critique externe, pas une critique interne, comme la plupart des historiens, car Sand s’est voulu exhaustif (ou presque, puisque, comme le dit Esther Benbassa, il ne fait qu’évoquer la période qui va de l’an mille au XVIIIe Siècle).

Two tribes

Mais pourquoi autant d’intérêt sur ce livre? Pourquoi autant de diatribes violentes et souvent injustifiées d’un côté et de soutiens inconditionnels, voire aveugles, de l’autre?

C’est que ce livre traite d’un sujet hautement polémique: Sand prétend faire l’étude de l’historiographie de la création du peuple juif par les intellectuels juifs de 1800 à nos jours. En réalité, la présentation de son livre et son contenu, ses audaces, ont amené bien des gens à estimer qu’il avait de plus amples prétentions. Un article paru dans le Monde Diplomatique4, où il “résume” son propos, n’a pas aidé non plus à la clarification. C’est que Sand, historiographe compétent5, a aussi une âme de militant, et cette âme l’a parfois amené à dépasser son propos. Il a un peu oublié son devoir de modération et de réserve en tant que scientifique et historien. Ce qui n’aurait allumé aucun feu s’il avait traité d’un autre sujet que celui du peuple juif. Même si, évidemment, sur tout autre sujet, il n’y aurait jamais eu autant à dire, probablement. Ou plutôt, il n’y aurait pas eu matière à autant de passion, dirons-nous.

À voir, car, ce que fait Sand, en réalité, de nombreux historiens l’ont déjà fait pour la plupart des “nations”, des “peuples” européens. Je suppose que qui lit ces lignes sait que le “peuple belge” ne remonte pas à Jules César et aux ducs de Bourgogne6; que le “peuple français” n’est pas spécialement lié à Clovis ou au Traité de Verdun7, ni aux Gaulois; que le “peuple italien”, s’il est, culturellement, enraciné dans l’antiquité romaine, ne peut retrouver son identité dans le passé de la république ou de l’empire sans procéder à une véritable mythologisation de son histoire. Or, si l’on sait cela aussi pour l’Allemagne, pour l’Espagne, pour la Grande-Bretagne8, on le sait moins pour le “peuple juif” (que je ne mets pas entre guillemets par manque de respect, mais simplement par précaution oratoire). Et on sait, si l’on a fait un peu d’historiographie, que la déconstruction des mythologies nationales a longtemps été un sport de combat, pour reprendre une image du sociologue Bourdieu. Une tâche qu’il faut parfois reprendre, d’ailleurs, car les nostalgiques des nations existent toujours9

Historiographie et idéologie

Quels étaient alors les objectifs de Sand? Reprendre un sujet peu, voire pas étudié, selon ses dires, à savoir une vision globale de l’histoire de la construction du peuple juif par deux cents ans d’historiens et d’intellectuels. De Isaak Markus Jost, premier historien juif à avoir tenté de recomposer l’histoire des juifs au début du XIXe Siècle, jusqu’aux nouveaux historiens, très contestés, en passant par Heinrich Graetz, David Ben Gourion, Martin Büber et tous les autres, Sand tente de montrer que la structure de l’historiographie juive a connu des soubresauts qui ne sont pas étrangers à la nécessité idéologique d’asseoir l’existence d’un peuple qui, selon lui, n’avait pas de véritable consistance avant la fin du XIXe Siècle.
En suite de cela, et c’est très important, il explique qu’un peuple qui s’est auto-constitué ne manque pas moins de légitimité, que sa présence en tant que peuple ayant assis un siège géographique est tout autant juste que légale, qu’il n’y a pas à vouloir contester son existence ni son siège là où il se trouve. Autrement dit, à aucun moment Sand ne veut remettre en question la présence d’Israël en Israël10.

Par contre, il délégitimise un pan sérieux du sionisme qui est l’idée selon laquelle Israël appartiendrait à tous les juifs du monde, mais pas à une bonne partie de ses habitants non-juifs11. Pour lui, cette idéologie est contraire à la raison démocratique et à toute idéologie nationale acceptable en regard de l’histoire du nationalisme. Cette idée doit donc être disqualifiée et le sionisme accepter qu’elle disparaisse afin de tenter de vivre en bonne entente avec les personnes qui vivent en Israël, en Palestine et dans le voisinage de ces territoires.

Un militant

Dans une autre partie de son livre, mais en bonne suite du reste, Sand doute de la qualité de la démocratie d’Israël. Il s’appuie pour ce faire sur les travaux de plusieurs spécialistes (Sammy Samooha et Juan José Linz, principalement12 ) pour montrer qu’Israël souffre d’un déficit de démocratie. Cela l’inquiète et l’on sent chez lui le désir de résoudre la quadrature du cercle de son pays: son aspiration est que les personnes non-juives qui vivent avec lui à Tel-Aviv, qui travaillent avec lui, puissent jouïr des mêmes droits que lui. On sent, dans son livre, que cela pourrait être l’une des clés d’une paix entre Israël et ses voisins à laquelle il aspire effectivement.

Son erreur aura été d’avoir voulu embrasser trop de choses en un livre dense où les références par moments foisonnent et à d’autres, cruciaux, font défaut. Si Sand est totalement dans son rôle en faisant une étude historiographique, il commence à déborder de ses propres compétences quand il reprend toute l’histoire de l’antiquité juive. Et c’est bien dommage, car il apporte des éléments de réflexions très intéressants. Je ne dis pas qu’il n’aurait pas dû les traiter, mais il aurait été avisé de se limiter dans ses affirmations et de donner plus de place aux théories de ses prédécesseurs en les laissant parler eux plutôt que lui. Chose qu’il fait par moments, mais pas assez13. Par exemple, lorsqu’il cite l’étude archéologique très récente de Silberman et Finkelstein14, il se permet d’en contester une partie des conclusions. Quel dommage, car, s’il s’était contenté de dire qu’il existe d’autres théories que celles de ces auteurs, et d’en citer ses sources (qui existent effectivement, citées d’ailleurs par Silberman et Finkelstein15 ), il aurait paru beaucoup plus crédible qu’en en contestant, lui, historiographe de l’époque contemporaine, les excellentes idées sur quelques lignes, alors que le livre des deux archéologues fait tout de même le tour de la question en 400 pages.

De même lorsqu’il apporte des chiffres, des idées, des informations sur les Khazars, le royaume de la Kahina, ou sur Himyar16, il aurait été bien inspiré de se contenter d’exposer les théories en présence –ce qu’il fait- en évitant de prendre parfois un tour presque exalté dans sa présentation de l’histoire, alors que de nombreux doutes persistent. Le problème est que, si nous pouvons remettre en question le courant dominant de l’histoire des différentes communautés religieuses ou des différentes parties du peuple juif (supposant que celui-ci existe avant le XIXe Siècle), c’est uniquement parce que les recherches sur celles-ci, à ce qu’il semble dans le livre de Sand, manquent de suivi, hésitent à avancer suffisamment loin pour que l’histoire moderne se décide enfin à se prononcer clairement sur des sujets qui posent manifestement problème: serait-ce que l’histoire des juifs corrobore l’idéologie sioniste?

Sand a fait un travail bien utile, qui est celui d’ouvrir un champ d’exploration pour une nouvelle génération d’étudiants et de spécialistes en histoire, en archéologie, en épigraphie, en numismatique, en philologie, en linguistique et probablement dans d’autres disciplines que je ne soupçonne peut-être pas. Mais son travail risque aussi de desservir sa propre cause, qui était pourtant une cause de paix, car, en se voulant le porte-étendard d’une idée, il a débordé de ses propres compétences et a pris des positions dont il ne pouvait garantir les bases, s’exposant à la critique et se retrouvant dans la position des idéologues qu’il remettait en question. Ce sont ses élèves et d’autres savants qui pourront s’avancer sur ces terres, suivre les voies tracées par les “nouveaux historiens”17, pour tenter, avec plus de science et moins de passion, d’établir une véritable histoire de ces communautés qu’il devient difficile de réunir en un peuple unique à la lecture du livre de Sand.

Le phénomène juif

D’apprendre que la religion juive fut la première grande prosélyte de l’histoire18 ou qu’il a existé un royaume juif aux portes de l’Ukraine, un autre au Sud de la péninsule arabique et un troisième en pays berbère19 ouvre bien des horizons: le phénomène juif est tout naturellement bien plus multiple qu’il ne paraît à l’exposé des problèmes actuels au Moyen-Orient. Le monde juif n’est pas plus endogène que les autres. Et si le connaisseur de la Bible a lu ces passages qui parlent de conversions, de parentés non-juives de certains juifs jusqu’aux plus célèbres comme David, de conquêtes, mais aussi du caractère non-marchand des juifs de l’antiquité20), Sand permet au “gentil” de découvrir une réalité qui contraste avec la terrible image d’Épinal que, malgré nous, nous portons dans notre imaginaire superficiel et préconceptueux21.

Avant de terminer, rappelons l’objectif premier de Sand: montrer que, comme toutes les autres nations, celle des Juifs d’Israël n’échappe pas à une construction mythologique la justifiant, mythologie développée et enrobée par quelques générations d’historiens, depuis la fin du XIXe Siècle. Mais on ne peut arrêter le propos du livre ici, désormais. Car il est devenu plus qu’un tremplin pour des milliers d’études à venir, indispensables, souhaitables, désirables, attendues, il est aussi un champ de bataille. Sur lui se sont rassemblés deux armées, celle de ses défenseurs et celle de ses adversaires. Il faudrait dire qu’il y aussi la présence de ceux qui ne sont ni ses défenseurs, ni ses adversaires et qui, posément, argumentent sans passion autour de son livre. Et donc, la plupart des personnes qui ont réagi au texte de Sand l’ont fait intégralement pour ou intégralement contre lui, sans nuance, considérant soit comme tout blanc, soit comme tout noir ce qu’il a pu écrire, il existe un troisième camp informel, celui des démineurs, pourrait-on dire, ils sont plus modérés et plus posés. Esther Benbassa, Alain Michel, Maurice Sartre, par exemple, font partie de ceux-ci en français. Leurs critiques et objections sont pertinentes, méritent d’être considérées, et en même temps ils reconnaissent à Sand et au livre des qualités diverses. Le problème étant de distinguer les trois camps distinctement.

Tout historien est à même de travailler sur des documents contemporains que sont des articles, des forums, des blogs, des comptes-rendus et toutes les autres sortes de réactions que ce livre a suscitées. Car, si nous sommes bien formés, nous autres historiens –mais nous ne sommes pas les seuls, heureusement- avons acquis cette compétence qui est de pouvoir analyser et critiquer les dires de nos contemporains en fonction des faits connaissables. Faire de la critique historique est la base de notre métier, est l’essence de notre travail. Les historiens sont les gardiens du bien dire les faits de l’histoire. Cela signifie que notre travail doit impliquer la surveillance de la manipulation de ceux-ci: nous avons pour charge d’empêcher toute personne, sous quelque étiquette que ce soit (juriste, scientifique, politicien, idéologue, amateur ou professionnel) d’utiliser l’histoire pour justifier tout ou son contraire. L’histoire est un matériel difficile à maîtriser. Aucun de nous ne peut prétendre la détenir, car elle est trop vaste et trop exigeante. Elle ne soutient éternellement aucune idéologie, car l’idéologie se voulant totale et étant marquée par l’espace-temps où elle est proclamée se brise sur l’écueil de l’impossibilité d’embrasser l’universalité et la complexité de l’histoire. L’historien le sait et, dans son humilité et sa compétence, doit le rappeler constamment à chacun.

Cela a-t-il bien été le cas de Sand ? On aura noté au cours de cet article que Sand agit en militant et a renoncé à certains principes de base de l’exposé scientifique de l’histoire. Pour commencer, il n’a pas écrit de bibliographie, ce qui est remarquablement dommage vu l’ampleur des sources qu’il cite. Par ailleurs, il pose de nombreux arguments sans en dire les sources. Il semble que son intuition et sa volonté de montrer quelque chose l’aient souvent guidé. D’un autre côté, on ne pourra lui reprocher, par exemple, d’avoir posé dès l’introduction l’objet de sa thèse : c’est une pratique courante aussi bien dans les articles que dans les livres d’histoire. Les introductions servent souvent, en effet, à prévenir le lecteur du chemin parcouru par le chercheur. De même que Sand a suivi nombre de voies, de sources, de lectures et l’a bien exposé, bien que de manière souvent brouillonne et chaotique. Ses conclusions portent une large part de vraisemblance et, à part quelques détails importants, on ne sent pas le faux flagrant qui lui est reproché par ses détracteurs les plus virulents. En outre, il a plusieurs fois dans son travail fait appel aux recherches futures de ceux que les sujets intéresseront. Enfin, dès le début, il a marqué son livre de sa subjectivité et l’on pourrait dès lors définir son travail comme un véritable essai historique, plutôt que comme un livre d’historien. Comme il est historien, cela pose les bases d’un problème qui est que, de notre caste, l’on attend des livres plus sérieux, plus finis, mais aussi, depuis au moins les Annales, plus pointus, se concentrant sur des sujets étroits, pas sur des parties de l’histoire qui nécessitent autant de spécialités dont l’auteur n’est pas pourvu.

Si Sand s’était contenté de ne faire que l’étude de l’historiographie de 1800 à nos jours, ce compte-rendu aurait pu le proclamer livre d’histoire. On doit donc classer ce livre dans la catégorie des essais d’ouverture scientifiques, produit par un intellectuel qui souhaitait engager le débat. Une fois ceci fait, il reste à ceux qui le désirent de faire la critique interne de chaque partie pour laquelle il se sent compétent. Et de laisser aux collègues le soin des autres. En espérant que ce livre aura effectivement ouvert la voie à une meilleure compréhension de l’histoire de la religion, des communautés, du peuple juif –avec toutes les précautions que ces termes réclament.

  1. Le présent article ne porte que sur la version française du livre. Lors de discussions sur le forum, certaines personnes m’ont dit, mais sans me le montrer, que la version originale était parfois différente. Je suis bien incapable de le confirmer ou de l’infirmer. []
  2. Il est impossible d’être exhaustif à cet égard: j’ai trouvé en ligne plus d’une centaine d’articles ou de forum (en tout, cela totalise plusieurs centaines de réactions différentes) en français qui discutent du livre –et les derniers étaient très récents, pourraient en annoncer de nouveaux. Les plus en vue ont également été publié dans des journaux comme Le Monde, par exemple: Eric MARTY, Les mauvaises raisons d’un succès de librairie, Le Monde, 28 mars 2009, reproduit notamment ici: http://lettresdisrael.blogs.courrierinternational.com/archive/2009/03/29/le-negationnisme-de-shlomo-sand-demonte-par-eric-marty.html . Eric Marty est un critique littéraire, donc peu qualifié pour critiquer un historien. Il semble en outre qu’il n’ait pas lu le livre avant de le critiquer car il ne reproduit que des passages d’un article du Monde Diplomatique de Shlomo Sand. Un autre intervenant souvent reproduit, malgré la pauvreté de son argumentation est Pierre I. Lurçat, Le négationnisme “soft” d’un nouvel historien israélien, édité notamment ici: http://vudejerusalem.20minutes-blogs.fr/archive/2009/01/20/shlomo-sand-deconstruire-le-peuple-juif.html#c485590 . Il y a encore un article plus argumenté de Nicolas Weill: À fiction, fiction et demie, dans Le Monde des Livres, 11 février 2010. De même, il serait difficile de citer un forum parmi les nombreux qui se sont penchés sur le livre de Sand. Il faut noter que, malgré l’existence de quelques bonnes critiques, ce sont surtout les plus émotionnelles et les moins rationnelles qui sont reprises pour le critiquer. D’un autre côté, aussi bien sur les forums que sur des sites personnels ou d’information, on retrouve des rapports élogieux de Sand. De positions modérées, il y en a très peu. Je dispose d’une liste d’un grand nombre de ces sources qu’il serait malséant de publier ici, mais que je mettrai prochainement en ligne dès que j’aurai trouvé une manière présentable de le faire. []
  3. J’entendrai ici par critique externe, la critique de la méthode, de ses intentions, de la présentation de son travail, et par critique interne la valeur intrinsèque de chacun des éléments de ce travail. []
  4. http://www.monde-diplomatique.fr/2008/08/SAND/16205 Il faut noter que les intentions de sand n’y sont pas claires. Il dit bien “Ecrire une histoire juive nouvelle, par-delà le prisme sioniste, n’est donc pas chose aisée.” Cependant il ne prétend pas qu’il s’y est attelé, mais bien qu’il étudie l’historiographie du peuple juif, ce qui est très différent. En dépit de cela, on ne peut éviter de constater que son livre déborde souvent de l’historiographie pour se lancer dans l’exposé de théories dont les auteurs ne sont pas toujours clairement nommés. []
  5. C’est-à-dire spécialiste de l’étude de l’histoire écrite. []
  6. Voir, par exemple, le livre d’Anne Morelli, Les Grands Mythes de l’histoire de Belgique, de Flandre et de Wallonie, éditions Vie ouvrière – Histoire. []
  7. Voir les travaux de Suzanne Citron, Le mythe national. L’histoire de France en question, éditions Vie ouvrière, 1989. []
  8. De manière générale, on suivra de près l’oeuvre d’Eric Hobsbawm. Mais il en est bien d’autres, et Shlomo Sand, par exemple, prétend suivre Benedict Anderson et Ernest Gellner qui, sans être de farouches radicaux, remettent le concept de nation en question. []
  9. Il faut noter que Sand lui-même estime que la nation est l’un des sièges essentiels de la démocratie. []
  10. P. 390 de son livre, Sand écrit: “Tout grand groupe humain qui se considère comme formant un ‘peuple’, même s’il ne l’a jamais été et que tout son passé est le résultat d’une construction entièrement imaginaire, possède le droit à l’autodétermination nationale.” Il cite aussi Arthur Koestler qui, bien que critiquant l’État d’Israël, lui reconnaissait une légitimité de droit et de fait depuis 1947 (p. 334). []
  11. C’est essentiellement l’objet de son cinquième et dernier chapitre. []
  12. P. 407-410. []
  13. On regrettera très fort l’absence d’une bibliographie que ne compense pas un index utile. []
  14. P. 173 et suivantes. []
  15. Voir I. FINKELSTEIN et N. A. Silberman, La Bible dévoilée. Les nouvelles révélations de l’archéologie, trad. De l’anglais par P. Ghirardi, Paris, 2002. Encore un livre desservi par un titre critiquable, mais une somme très intéressante pour qui s’intéresse aux liens entre l’archéologie et les textes mythiques. []
  16. Trois objets du chapitre 4 de son livre . []
  17. Depuis les années 80, il existe en Israël un courant d’historiens trés contestés qui tentent de “revoir” –terme délicat- l’histoire officielle de leur pays, en mettant en lumière des documents peu ou pas exploités. Sand s’inscrit dans ce courant, mais en reste une figure particulière, car, jusqu’ici, ces nouveaux historiens se limitaient à l’histoire de l’Israël moderne. Remarque: cette note n’est pas le fruit d’une recherche exhaustive mais de quelques remarques faites par des auteurs rencontrés au cours de cette recherche. À prendre donc avec des pincettes. []
  18. Voir son chapitre 3. Ce fait n’est pas contesté, ou alors de manière marginale. Par contre, l’importance de la conversion fait question. Sand et d’autres pensent qu’elle peut servir de base pour expliquer l’extension des communautés juives dans la plupart des cas: en pays Khazar, en Afrique du Nord, en Espagne, en Arabie, pour évoquer les principaux cas. D’autres pensent qu’elle est restée marginale et que la majeure partie des ascendants des juifs actuels sont originaires d’Israël et de Judée. []
  19. Voir le chapitre 4. []
  20. Jusqu’à Flavius Josèphe qui évoque les juifs de son époque, rarement marchands ou marins, selon lui (Contre Apion, I, 12: “Or donc, nous n’habitons pas un pays maritime, nous ne nous plaisons pas au commerce, ni à la fréquentation des étrangers qui en résulte. Nos villes sont bâties loin de la mer, et, comme nous habitons un pays fertile, nous le cultivons avec ardeur, mettant surtout notre amour-propre à élever nos enfants, et faisant de l’observation des lois et des pratiques pieuses, qui nous ont été transmises conformément à ces lois, l’oeuvre la plus nécessaire de toute la vie.” []
  21. Faites l’expérience chez vous: demandez à vos proches quelles sont, selon eux, les professions exercées généralement par les juifs dans l’histoire et demandez-leur pourquoi. Il y a fort à parier qu’ils évoquent les activités suivantes: rabbin, marchand ambulant, fourreur, banquier, usurier. Sur base de quels éléments historiques? []

égalité et liberté ou liberté et égalité?

Tuesday, April 27th, 2010

Une des critiques qui nous tombent régulièrement sur le râble, libertaires, anarchistes, anti-autoritaires, anarcho-communistes et autres zigotos aux appellations les plus diverses, c’est que nous serions incapables de faire un choix entre la liberté et l’égalité quand le cas se présente. Dit autrement, on nous demande, en fait, de nous prononcer quant à celle de ces deux valeurs que nous mettrions en premier sur une échelle.

Étant entendu dans le piège que si nous choisissons la liberté, nous sommes d’infâmes capitalistes qui nous cachons derrière de prétendus nobles idéaux et que si nous choisissons l’égalité, nous ne sommes que des staliniens qui tentons de nous cacher sous une couette noire et rouge.

Le piège est grossier et nous ne devons pas nous y laisser prendre, car en fait ce sont les deux positions prétenduement antagonistes et classiques qui s’avèrent contradictoires.

Il n’y a pas de liberté sans égalité et il n’y a pas d’égalité sans liberté. Je le dis et l’affirme de la manière la plus absolue, sans me référer à des limites du genre “égalité des droits”, “égalité des chances”, “liberté d’entreprise” ou toute autre chose.

Il est évident qu’une telle affirmation comporte des conséquences que ni les socialistes autoritaires, ni les sociaux-démocrates, ni les capitalistes libéraux n’accepteront d’assumer.

Premièrement, la liberté ne peut se satisfaire d’aucune limite en dehors de celles que possède la nature humaine, mortelle et corporelle. Notre liberté ne se pose pas en terme de capacité à accumuler les biens et les richesses, mais à défendre temporairement contre nos propres limites physiques nos capacités à penser, agir, créer, fabriquer, enseigner, apprendre, produire et reproduire, aimer et rechercher le bonheur, la satisfaction et le contentement en attendant la mort.

Toute autre liberté est fictive, à commencer par la liberté d’entreprendre, par exemple, qui est régie par des principes tellement complexes et qui, surtout, implique automatiquement des limites dans le champ des voisins de celui qui entreprend, qu’en réalité ce type de liberté s’avère être une prison. La propriété elle-même, par beaucoup considérée comme la plus importante des libertés, tant d’une personne que d’un État, est en fait la propre cage de l’individu qui a accepté de se transformer en personne, c’est-à-dire en titulaire des titres de biens matériels et immatériels qui lui serviront de limites et l’encercleront par opposition aux autres qui seront encerclés aussi, à la fois par les limites de cette première personne, par celles de toutes les autres personnes et par les leurs propres.

La liberté, cependant, implique bien d’autres choses, comme par exemple celle du choix intellectuel de ses propres valeurs, de sa métaphysique, de sa définition de la vie, choix qui doit absolument être individuel et ne peut être limité par une autre notion comme celle de la “liberté du père à choisir la religion ou l’éducation de ses enfants”. Tout doit être fait, dans une société libertaire, pour que la famille ne soit que le lieu privilégié, mais aussi éventuel, non forcé, du partage de l’affection et de l’apprentissage de bases de vies dans la société libertaire, non dans un esprit sectariste, élitiste, corporatiste, patriarcal, ou autre chose du même goût.

L’égalité est indispensable à cette forme de liberté individuelle, et cela signifie qu’en aucun cas l’expression de la liberté d’un individu puisse être soumise au prétendu droit d’une personne, morale ou physique, à détenir en sa propriété, temporairement ou définitivement, les moyens qui permettraient à un ou plusieurs individus de se prémunir contre le froid, la chaleur, la faim, la soif, la maladie, l’inconfort ou toute autre chose qui accélère la mort. Par personne morale, j’entends aussi ici un État ou une administration “publique”.

L’égalité est donc indispensable à la liberté, et la “liberté d’entreprendre”, tout comme la propriété, ne doivent pas créer l’illusion du contraire.

Par ailleurs, il doit être évident que l’égalité ne saurait se prévaloir d’une première place par rapport à la liberté, car, si cela était, l’exercice même de l’égalité s’en trouverait empêché. En effet, comme l’égalité doit être l’égalité devant la recherche du bonheur, de la satisfaction et du contentement, si elle devait être soumise à un appareil qui prétendrait la garantir (comme un État, un syndicat, un parti ou tout autre appareil d’un type ou d’un autre), elle perdrait aussitôt son essence, puisque son objectif devrait être de permettre aux individus de choisir précisément chacun selon ses envies et en fonction de sa propre individualité ce qu’il estime être sa propre quête comme vue ci-dessus, dans les limites de sa mortalité. Aucun appareil ne peut prétendre savoir légitimement ce qui est bon ou non pour chaque individu.

L’égalité ne saurait non plus se soumettre à une autorité spirituelle (religieuse, nationale, communautaire, scolaire, autre) quelconque -et fatalement patrimoniale, mais imaginons un instant que ceci n’entre pas en compte, même si nous savons que c’est impossible-, car, ce faisant, elle se réduirait d’autant et cette égalité disparaîtrait au profit d’une uniformité qui ne signifie pas du tout la même chose.

En définitive, donc, liberté et égalité, loin d’être antinomiques ou en concurrence (ce qui serait un comble), sont correlées et, j’oserais le dire, les deux manifestations d’une seule et même chose: le droit de tout individu dans son humanité et de toute l’humanité exprimée dans chacun de ses individus à poursuivre temporairement -c’est-à-dire jusqu’à sa mort- sa propre recherche du bonheur, de la satisfaction et du contentement, dans les seules limites que nous avons dites ici plus haut.

Pour que ce droit puisse se manifester pleinement, deux entraves doivent en être écrasées impitoyablement, comme diraient les anars les plus historiques, de Goodwin jusqu’à Debord, c’est l’État et la propriété. L’un d’ailleurs n’allant pas sans l’autre, et vice versa.

La calote ou la culotte?

Monday, April 5th, 2010

Ce titre dans le Soir en ligne:

“Pédophilie : pour Pâques, l’Eglise resserre les rangs autour du pape”

Profitez-en, mes lapins… Croquez-vous les chocholats et foutez la paix aux mômes…

Le titre, il fallait le faire… Je suppose que c’est voulu…