Archive for November, 2013

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Tuesday, November 26th, 2013

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Est-ce que c’est vraiment grave?

Diviser la gauche par zéro

Monday, November 18th, 2013

Critiquer Rafael Correa… L’occasion m’est venue tout récemment dans une conversation avec un ami. Il faut dire que, après avoir résidé quatre ans au Brésil et mangé de l’information réactionnaire de là-bas à plus ne savoir la vomir, j’avais quelques arguments en ma faveur. Correa favorise les grandes entreprises et critique toutes les mesures laïques possibles. Et quand il finit par s’opposer à une grande pourvoyeuse d’esclavage et de detruction de l’environnement comme la bétonneuse Odebrecht (dont l’origine sinon le capital est brésilienne), ce n’est pas par souci social ou environnemental, mais parce que, ô surprise, les budgets ont explosé.

Oh, Rafael, tu plaisantes ou quoi? En même temps, qu’attendre d’un type qui a été éduqué par nos universités? Ses modèles ne sont sans doute pas reluisants.

Bon, et pourtant, après une minute d’arguments, je me suis rétracté: non, je ne veux pas me mettre sur le plan des critiques de Correa. Pourquoi? Je n’ai guère de sympathie pour lui, ni sur le plan politique, puisque je trouve sa gauche trop molle, ni sur le plan philosophique, avec ses références chrétiennes trop prononcées. Pour autant, et pour avoir vécu en Amérique Latine durant quatre ans, dans un pays bien plus riche -le Brésil-, quoique pas plus à gauche -et même sans doute moins-, je me sens astreint à une attitude intermédiaire et, je l’espère, temporaire, celle de refuser la critique de front sur les leaders, disons, de gauche, dans cette région.

Pourquoi?

Pour une première raison, c’est que les alternatives de gauche à Correa, Dilma ou Maduro sont à construire par les Equatoriens, les Brésiliens et les Vénézuéliens, et que nous n’avons sûrement pas de leçons à leur donner. Dans le même ordre d’idée, lorsque l’on sait d’où viennent ces Etats, d’où viennent encore l’Uruguay, le Nicaragua ou la Bolivie, on ne peut voir dans ces dirigeants qu’un mieux transitoire, en espérant qu’ils donnent aux habitants le goût du progrès social et l’envie de plus de révolte encore. C’est, semble-t-il, le cas, bien que de manière complexe et qu’il serait trop long d’analyser ici.

Pour une deuxième raison, c’est que nous avons déjà fort à faire avec notre propre gauche, nos propres gouvernants, notre Europe, nos pays. Si nous voulons vraiment influencer le monde, alors nous devons changer ce qui se passe ici et maintenant, en Europe, en Belgique, chez nous.

Là où nous avons prise.

L’Europe est l’un des leviers de commande du commerce international. La politique abdicatrice -au bénéfice des profits du capital- de nos dirigeants est l’une des plus honteuses de la planète. Peut-être la plus honteuse, car nous sortons d’une période qui impliquait une véritable opportunité de direction vers une gauche modérée qui aurait pu être acceptable si elle s’était étendue à l’ensemble de la planète. Je ne dis pas une gauche idéale, mais quelque chose qui aurait pu servir de tremplin vers un monde à la fois plus juste et encore perfectible.

Nos dirigeants sociaux-démocrates ont préféré se courber devant les milieux conservateurs et les bakchichs que ceux-ci offraient à leurs serviteurs en place, devenus leurs partisans, leurs avocats, leurs complices.

Ils sont parmi les premiers contributeurs de la situation internationale pour s’être systématiquement accordés avec les intérêts diplomatico-stratégiques d’une Organisation du Traité Atlantique-Nord qui, normalement, n’avait plus de raison d’être.

Ils sont à ranger parmi les complices des gouvernements autoritaires qui nous servent de résereves énergétiques, de la Birmanie au Qatar, en passant par les bonnes vieilles dictatures latino-américaines et les néo-colonies africaines.

Le fait que les Etats d’Amérique Latine se soient plus ou moins -plus ou moins- émancipés, ils ne l’avalent toujours pas. Ils nous l’ont encore montré en 2002, lors de la tentative de coup d’état contre Chavez, qu’ils s’apprêtaient à saluer avec soulagement.

Non, le régime vénézuélien, pas plus que celui de Correa, et encore moins celui de Lula et Dilma ne sont des exemples de gauche aboutie. Oui, je constate moi-même que dans ce pays auquel je suis particulièrement attaché, le Brésil, les événements sont inquiétants et qu’il n’est pas impossible que nous soyons au bord d’un précipice dangereux, avec, qui sait, peut-être, un retour en arrière, un grand bond vers un système autocratique. Le Brésil est un pays extrêmement fragile et toute avancée sociale y est combattue avec une violence incroyable, même si de loin les reflets en sont toujours chamarrés et mélodieux.

Non, je ne me satisfais pas des positions autoritaires du gouvernement chaviste, ni de la verticalité de la “révolution cubaine”, pas plus que de la mollesse équatorienne ou de l’illusion chilienne.

Non, je ne suis pas nécessairement d’accord avec les positions internationales de ces gouvernements non plus, encore que je les honore souvent en ce qu’elles sont plus souvent indépendantes de celles des USA et qu’elles développent des voies différentes, plus modérées, plus nuancées, que celles de la Chine ou de la Russie.

Mais, si informer sur ces pays est une bonne chose, et je continuerai à y contribuer dans la mesure de mes moyens, il faut le faire avec toutes les réserves que je viens d’évoquer: d’où ils viennent, ce qu’ils risquent en cas de retour en arrière, notre propre poutre dans l’oeil…

Et s’il faut le faire, je crois que ce doit être avec une forme plus constructive et moins insultante.

Notre combat, nous devrions le mener comme si nous étions encore au temps de la première internationale: à notre niveau, au service de nos syndicats, de nos coopératives, de nos luttes de base, contre notre bourgeoisie, et ne jamais crier avec elle sur un coup de diversion, telle une guerre lointaine dont nous ne maîtriserons jamais tous les tenants et aboutissants, tel un scandale international qui devrait plutôt nous faire sourire et qui implique des loups entre eux.

Quant aux procès sur ce qui est ou n’est pas de gauche, ils sont illégitimes et improductifs. Les crachats à la figure sur nos rares intellectuels compétents, sur des mouvements auxquels nous n’adhérons pas parce qu’ils ne respectent pas les principes dogmatiques que nous avons choisis en fonction de notre propre vécu, ou sur des pays lointains dont nous ne comprenons pas le tiers du quart (et, en dépit de mon expérience, je suis loin de saisir tous les éléments qui font du Brésil ce qu’il est), c’est indigne d’un esprit de gauche.

A force de diviser la gauche ou de la laisser diviser, nous sommes en train de la réduire à rien.

L’héritage, un aliment du capitalisme.

Monday, November 11th, 2013

L’héritage est à la fois une trace évidente de la patrimonialité de notre société, issue du droit romain, et un signe clair de ce que notre société est toujours aristocratique, dans le plein sens médiéval du terme.

Ce n’est pas du Moyen-Âge que nous vient l’héritage, mais il y est passé, y a entériné le droit de transmission familial que nous connaissons toujours, le droit du plus riche à faire de son fils un autre riche, du comte à faire de son fils un autre comte. Aucune révolution bourgeoise ne l’a remis en question, parce qu’il fait partie intégrante du droit de propriété.

Explication: dans la propriété, il y a trois éléments:
1) l’usus (ou usage), qui permet au détenteur d’un bien de l’utiliser de manière incontestée, comme un marteau sur un clou, même s’il appartient à mon voisin;
2) le fructus (ou fruit), qui permet de recueillir d’un bien ce qu’il produit, tel un arbre dans le jardin, même si je le loue;
3) l’abusus (qu’on ne peut traduire que par “abus”, mais les Latins ne l’entendaient pas comme nous, ce qui est ironique), qui est le noyau de la propriété. Les deux premiers sont également les deux droits que possède le locataire, le possesseur. L’abusus, c’est le droit du propriétaire de vendre, louer, céder, transformer ou détruire un bien, sans en référer à personne. Et dans ce droit, donc, figure la transmission, élément essentiel de la propriété, de la pérennité de la propriété, et par là de la pérennité du capital.

Or, si les riches transmettent beaucoup à leurs fils, les pauvres transmettent peu, voire rien, aux leurs. Et donc l’héritage entérine l’inégalité, reproduit les inégalités, les accroît même.

Si certains libertariens regrettent qu’un propriétaire ne puisse choisir ses héritiers en dehors de sa famille dans certains pays, comme en France ou en Belgique, où les enfants du riche sont protégés contre la liberté de celui-ci, il ne s’agit que d’un nuage de lait dans le noir de notre affirmation: l’héritage, par sa grande latitude, est une prolongation du pouvoir de décision du défunt sur le reste de la société. Et cela signifie qu’un mort a souvent plus de poids dans la société que des millions de vivants.

Est-ce juste?

D’où vient l’héritage? Est-il justifié dans son essence? Au-delà de la justice, comment explique-t-on l’existence même de l’héritage?

L’héritage remonte à l’époque des débuts du capitalisme.

Dès que certains hommes, spécialisés dans la garde du grenier, puis du temple où l’on amassait les réserves, où l’on gardait la trace comptable des têtes de bétail, où l’on mettait sous la garde des divinités les biens meubles et immeubles de la communauté, se furent assurés que leur progéniture allait reprendre leur charge, ils étrennèrent l’héritage. Ils justifièrent probablement cela aux yeux des autres membres du groupe par la compétence, à l’origine: voyez, j’ai appris à mon fils ce que je savais sur ma charge, il est donc le plus à même de remplir ma charge. Confiscation des savoirs.

Peu à peu, ces fils, ou petits-fils, après quelques générations, définirent des titres suffisants qui leur permirent, à la force du poignet, à la sueur du front des autres, sous la protection des plus forts du groupe, de s’auto-attribuer le succès de celui-ci, afin de réduire à rien la possibilité, la légitimité de la contestation de leurs prétentions. Peu à peu, ils devinrent gardiens officiels, sour les titres de prêtres ou de princes de la société.

Puis, ce dont ils avaient la charge, qui était à l’origine le bien de toute la communauté, devint peu à peu celui d’une entité abstraite, l’Etat, dont ils étaient les responsables. En quelques générations (dix? cent? qui pourra l’établir?), ils réussirent à créer un lien entre eux-mêmes et ces biens. Ce lien, c’est la propriété, puisque c’est le droit de transmettre sans devoir rendre d’autres comptes.

Lorsqu’il n’y avait qu’un gardien, la société était monarchique (pouvoir d’un seul). Lorsqu’ils étaient plus nombreux, elle était théocratique (pouvoir basé sur le divin) ou aristocratique (pouvoir des meilleurs). Avec l’accroissement de la population, ces oligarchies (pouvoir de plusieurs) devint la règle, en dépit de l’importance d’une tête au milieu de tous ces privilégiés.

S’il y avait un roi (et le vocabulaire dut apparaître assez vite), il y avait des adjoints, des prêtres autour qui collaboraient avec lui -et parfois le renversaient, aussi-, pour asseoir une caste supérieure sur le reste de la société, qui “croissait et multipliait” en dessous.

Le vocabulaire accompagnait la fonction, la fonction accompagnait la richesse accumulée, l’augmentation de cette richesse justifiait la conservation des titres, les titres se multipliaient, se sacralisaient, devenaient intouchables.

On érigea des statues, des monuments, des murs, des tombeaux, on mit en scène des gestes, des récits, des mythes, des généalogies, on établit des rites, des protocoles, des hiérarchies, des chambellans, on mit tout cela par écrit, sur la pierre, l’argile, la fibre, pour que les siècles des siècles reconnaissent le droit d’un homme de se prolonger dans la mort à travers sa famille.

Et les causes profondes de tout cela? Le pourquoi? Est-ce pour le bien de tous?

Il en va de l’héritage comme des mythes de la vie éternelle: on se figure qu’en se prolongeant après la mort à travers ses biens conservés, augmentés, transmis à sa progéniture, l’on s’assure une pérennité qui permettrait à son initiateur et à ses continuateurs de vivre pour toujours. Une illusion commode qui justifie l’inégalité.

Car qu’importe le sort de tous. La raison d’un homme deviendra la raison d’Etat. Quand l’héritage se répandra dans la population parmi les plus riches -comme en Grèce ou à Rome, la raison d’Etat se confondra avec la raison de la Gens -c’est-à-dire de la famille, du patriarche -il y aura autant de raison d’Etat qu’il y a de Pères de famille. Le vocabulaire s’enrichira d’autant, puisque même à Rome, qui n’est plus monarchique, on désignera encore de nombreux “Pères de la Patrie”. Le vocabulaire n’est jamais anodin.

Il y a là, on le remarque aussitôt, quelque chose d’une pathologie mentale. Aux spirituels, je suppose, il n’échappera pas le côté vain, inutile, orgueilleux de la manoeuvre de l’héritage. Aux matérialistes, je l’espère, l’inanité de celle-ci paraîtra encore plus évidente: quand on est mort, on est mort.

Alors qui peut y croire, hors les matérialistes et les spirituels? Il reste les religieux, dont la seule préoccupation est la perpétuation et la conservation de ce qui existe dans leur petit présent.

Que reste-t-il alors à l’héritage pour se justifier dans un système économique juste?

Les libertariens le justifient d’un trait: son utilité. Selon eux (je me réfère à Henri Lepage, dans son livre Pourquoi la propriété, qui en résume bien l’idée), l’héritage entraîne l’accumulation de capitaux tels qu’ils permettront la réalisation de projets qui, sinon, n’auraient pu se faire en dehors de la construction injuste des Etats.

On ne peut, dans ces lignes, que s’accorder sur le caractère injuste des Etats.

Cependant, nous ne pouvons permettre de laisser croire qu’il n’existe comme possibilités à, par exemple, l’établissement d’une ligne ferroviaire, ou la construction d’un pont digne de ce nom, que le capital privé et le capital d’Etat.

Le capital n’est pas le seul moteur du génie humain, même s’il est sans doute le plus puissant, ce qu’il est difficile de nier. Il n’est pas malaisé d’imaginer des systèmes de coopératives et de mutuelles horizontales vouées à la construction collective de structures complexes et élaborées. Il est possible qu’aucune de celles-ci n’aura l’idée de fabriquer une pyramide, une cathédrale, le Christ Rédempteur de Rio ou un porte-avion, mais est-ce bien à cela que l’on distingue le génie humain? Ces artefacts sont-ils bien à même d’améliorer la condition humaine? Il suffit, en outre, de penser aux merveilles du monde du passé, de se souvenir qu’à part la Muraille de Chine et les Pyramides de Gizhé, elles ont toutes disparu. Que la Muraille fut construite par des princes mégalomanes, ou plutôt sous leur égide par des quantités invraisemblables d’ouvriers, et que son utilité est très discutable -en dehors d’être un agent de soumission du peuple. Que les Pyramides, elles aussi fruits de leaders mégalomaniaques qui auraient fait paraître nos tyrans du XXe Siècle pour des amateurs, ont également été construites par des milliers de travailleurs exploités, fort probablement esclaves, dans le seul but de pérenniser un pouvoir illégitime en le divinisant.

Que ces constructions témoignent de la vigueur de l’intellect de leurs architectes, de leurs ingénieurs, cela ne fait aucun doute. Que ces savants eussent été bien plus utiles à travailler au bonheur des hommes n’est pas moins certain.

Les constructions mégalomaniaques du passé, tout comme les projets fous du présent, tels que les lignes de trains à grande vitesse traversant l’Europe de part en part, alors que des voies plus traditionnelles existent déjà, ont peut-être plus de chance de traverser les millénaires que les humbles maisons collectivement réalisées dans des civilisations plus égalitaires. Pour autant, je ne peux croire que les cathédrales, les forteresses B-52 ou le Kremlin aient pu rendre les populations qui les ont vu construire plus heureuses.

Je n’ai aucun mal à imaginer, parce que cela s’est déjà produit dans le passé, des initiatives collectives vouées à la construction de réseaux d’irrigation, de routes carrossables ou de carrières de matière première. Avec la technologie d’aujourd’hui, ce type de réalisation peut se faire plus facilement, peut s’étendre à des choses plus complexes, nécessite moins de moyens et d’autres, autrefois inenvisageable sans un roi ou un Rockfeller, sont tout à fait possibles à la vigueur de coopératives entrelacées et se mettant d’accord sur des projets communs.

Avec pour effet qu’un projet de grande taille ne pourra plus se faire sans l’aval des populations concernées. On n’aura plus le creusement d’une voie de chemin de fer en dessous d’une montagne menaçant un environnement et des villages, ni des barrages gigantesques, réalisés pour le profit d’entreprises lointaines. On se concentrera sur des projets plus modestes, moins contraignants. Il est pratiquement certain qu’il ne pourrait plus y avoir de centrales nucléaires parce qu’elles nécessitent des structures verticales et autoritaires, incompatibles avec la démocratie participative.

Par contre, des ingénieurs engagés par des collectivités réduites organiseront des petites centrales de production énergétique adaptées aux localités, avec des moyens de communication susceptible de transférer écologiquement le surplus de ces masses d’énergie en réduisant les pertes au maximum, parce que ces pertes ne pourraient plus être encaissées ni par les Etats, ni par des compagnies d’assurance, ni par des entreprises qui feraient retomber leurs pertes sur les prix.

L’héritage aboli, c’est toute la structure sociale qui devra être repensée au bénéfice du plus grand nombre. Parce que l’on ne pourra plus favoriser individuellement ses enfants, on fera tout pour que ses enfants jouissent de la société la plus égalitaire, la plus juste et la plus prospère dans son ensemble possible.

Délire? Rêve? Fantasme?