Archive for June, 2009

Un oscar pour Brad Pitt

Monday, June 29th, 2009

Ce serait l’histoire d’un chanteur pop, sans doute le plus grand de tous les temps, mais qui aurait eu une enfance difficile, battu, abusé par son père, puis qui serait devenu tellement célèbre que la folie se serait emparée de lui. Une folie douce, tournée toute entière sur le monde de l’enfance qu’il n’a jamais vraiment eue.

Un homme tellement fasciné par la pureté qu’il ira jusqu’à vouloir devenir blanc, de noir qu’il était.

L’histoire d’un homme accusé (mais jamais condamné, faut-il le rappeler) de pédophilie, probablement parce qu’il aimait trop s’entourer d’eux. On pourrait imaginer des scènes où certains de ses petits invités passent la nuit dans le même lit que lui. Il les serre dans ses bras comme des nounours en peluche, désireux de vivre ce qu’il n’a jamais vécu. Les enfants dorment comme des anges, flattés d’être aimés par celui que tous considèrent comme la plus grande star de l’histoire de la chanson populaire… Mais les parents, entendant de leur progéniture “ce que ce monstre a pu leur faire”, ne voient plus que le fric à faire autour de cela. Un monstre connu pour son extrême délicatesse, son extrême raffinement, tous signes qui, dans un monde de cow-boys imbéciles ne peut mener qu’à une seule conclusion, naturellement…

Le monstre, l’animal dénaturé, l’espèce de Shrek, sorte de magicien d’Oz (à propos, il aurait joué dans une version musicale de cette histoire aussi), de mythe vivant, de super-génie de la musique, qui, tel James Barrie ou Wolfgang Amadeus Mozart, n’aurait pas vraiment vécu cette transition nécessaire entre l’enfance et l’âge adulte, se retrouverait devant les tribunaux, tout cassé, démoralisé, sans plus aucune forme, vieilli prématurément.

D’autant qu’il aurait tellement voulu rajeunir que son corps et son visage, finalement, se seraient retournés contre lui. La voix de cristal seule lui serait restée…

Combien de scènes d’anthologie pourrait encore compter un film dont le succès commercial ne fait aucun doute, avant même d’avoir été scénarisé: des mariages dont on doute de la réalité, la construction et la visite de son parc d’attraction personnel, les hauts et les bas de sa fortune personnelle, ses relations avec les plus grands artistes de son temps, sans compter des flashsbacks fréquents sur sa vie passée avec ses frères et soeurs, sur son enfance dans les quartiers noirs de Chicago, des références à cette vie dans les clips et les chansons qui le rendront célèbre… Ah, les critiques vont se régaler… Mieux que Velvet Goldmine ou The Doors…

Un rôle en or pour la conquête de l’oscar du meilleur acteur pour Brad Pitt, avec tellement d’images de synthèse qu’on ne saurait plus quand c’est vraiment lui et quand…

On parie?



C’était mon petit hommage à Michael…

Alors, c’est vrai? Vous êtes de droite?

Monday, June 22nd, 2009

Loin de moi l’idée de penser que voter social-démocrate ((PS ou les Verts en France, PS ou Écolo en Belgique, Parti démocrate en Italie, PSOE en Espagne, les travaillistes en Angleterre ou aux Pays-Bas, les sociaux-démocrates en Allemagne, etc.)) puisse indiquer une quelconque appartenance ou affinité à gauche ((Pour une définition de la gauche voir ici.)).

C’est que certains journaux brésiliens ((Et ils ont plutôt l’air de s’en réjouir, à part ceux qui se disent “à gauche”.)) s’amusent à présenter l’Europe comme en porte-à-faux par rapport au continent américain où l’illusion électorale semble porter sur la gauche. On rit sous cape à l’idée que Lula, Bachelet, Kirchner (mari et femme) ou Obama (là, ce n’est même plus sous cape) puissent être taxés de gauchisme, mais bon, soit. L’Europe, paraît-il, vire à droite et l’Amérique à gauche.

Mino Carta, chroniqueur et éditeur célèbre au Brésil, cite un sociologue français ((Je l’ai plutôt trouvé politologue et économiste sur le net, mais ça m’embête de contredire Carta. Oh, et puis non, ça m’embête pas.)), Marc Lazar, selon lequel une majorité des Européens croient encore en l’économie de marché et estiment que l’action collective n’est pas assez attrayante.

Je pense que c’est un peu trop simple de voir les choses de cette manière.

Prenons le cas simple de la Belgique. Le choix, apparent, des dernières élections -piège à cons- semble, comme toujours, un balancement entre les trois (fois deux) partis dits traditionnels, en sus du cadeau-bonus écologiste et des gadgets communautaires. Qui est belge sait bien que la donne est bien autre: il n’y a plus réellement de “trichotomie” gauche-centre-droite, mais une espèce de confusion entre des boutiques aux vitrines vaguement colorées, confusion alimentée par des scandales plus ou moins localisés, des faits avérés ou supposés, et en tout cas médiatisés, de corruption, des révélations de tous les côtés qui devraient prêter au discrédit final de pratiquement toutes les têtes de la classe politique…

Et malgré cela, les élections restent le feuilleton du printemps avec son éternelle baisse de l’extrême-droite francophone ((Dites-moi si je me trompe, mais j’ai l’impression que les fachos francophones baissent depuis que je suis en âge de m’intéresser aux élections. En âge, seulement, pas disposé…)) et ses “querelles lingwistiks”, également inusables…

Une chose est certaine: si les électeurs lisent réellement les programmes des partis, mais surtout votent en fonction des réalistions des gouvernements auxquels leurs champions ont participé depuis ne fut-ce qu’une génération (et ils ont tous les 8 (+2 ou 3) participé au moins à une kyrielle d’entre eux, étant donné les nombreux lieux de pouvoir au pays de Vondel, Toone et Julos), alors il faut que je reconnaisse que 80 à 90% des Belges -et par extension des Européens- donnent raison à tout ce que je sais comme de mauvaises solutions pour la société en général: le capitalisme, le marché, le particularisme (régional, national, linguistique), la religion, le sécuritaire, le verticalisme social, et j’en passe.

Toutes valeurs que je considère de droite et en opposition avec un progrès social que nécessiterait un monde en larmes -surtout hors des frontières européennes, mais aussi en partie dedans, à considérer la masse des non-votants, l’environnement, les animaux et ceux de ses habitants à venir-.

Suis-je hors de mode? Je veux dire, moi et les quelques milliers de zozos qui refusons ce consensus imbécile autour d’idées impérialistes, individualistes, sécuritaires, anti-sociales, égoïstes, et je vais m’arrêter, je deviens redondant…

Ou dois-je considérer qu’eux et moi représentons en fait l’avenir et que vous n’êtes qu’un réflexe du passé?

Alors, c’est vrai? Vous êtes de droite, comme le dit Mino Carta?

Je pense plutôt que vous êtes moules…

Réfléchissons: vous pensez vraiment que l’alternance entre les différents grands partis au pouvoir en Europe est susceptible d’apporter des solutions durables à de vrais problèmes?
Et, à propos, vous croyez vraiment en l’alternance? Parce que cela signifierait que les idées ne signifient décidément rien: s’il faut changer des équipes, ça veut dire qu’elles ne sont décidément pas bonnes. Mais si on les change par les précédentes, alors ça ne veut plus rien dire du tout…

Allez, non, vous n’êtes pas de droite. Vous êtes nouilles…

Oh le Bel20!

Friday, June 19th, 2009

(Je vous fais profiter d’un extrait de ce bidule que je suis en train de préparer sur le thème: l’économie capitaliste pour les nuls -c’est pas le titre, hein… C’est l’idée. Et si ça se trouve, ce ne sera pas dans la version finale, mais voilà…)

Le capitalisme libéral a un côté poétique : il imagine de la valeur là où il n’y en a pas. Il rétorquera : « là où il n’y en a pas encore » et pense qu’elle viendra, pense même qu’en idée, elle est déjà là –d’où la hausse de l’action.

Mais tous (y compris le capitalisme) nous savons que cet espoir est infondé dans de nombreux cas –c’est la dure loi du marché: il faut des perdants pour qu’il y ait des gagnants. Et tous nous savons aussi que l’équilibre du capitalisme nécessite qu’il se réalise dans une large proportion, faute de quoi l’insolvabilité des rêveurs se retourne contre l’ensemble des créditeurs qui avaient contribué à alimenter des rêves creux.

La crise, en fin de compte, résulte de la baisse de cette proportion : plus les rêveurs, les poètes du capitalisme se sont trompés lorsqu’ils croyaient avoir créé de la valeur –et avaient gonflé artificiellement la croissance du PIB mondial- et plus la réalité s’avèrera amère ((C’est exactement ce qui s’est produit, en un sens, pour cette dernière crise, comme pour toutes les précédentes: on a attribué de la valeur à ce qui n’en avait pas, et lorsque trop de monde s’en est aperçu, patatras…)).

Le capitalisme libéral a un côté poétique… Mais les rimes sont plates et le rythme n’a rien de chantant. Les vers sont convenus, sans surprise et pleins de lourdeurs. Les thèmes sont répétitifs. Même McHammer n’en aurait pas pu faire un disque.

La justice servirait-elle à quelque chose?

Tuesday, June 16th, 2009

Ne vendons pas la peau de la bête ((J’ai trop de respect pour les ours.)) avant de l’avoir définitivement tuée, mais tout de même:

Le parquet requiert la dissolution de l’Eglise de Scientologie

Le parquet a requis lundi la dissolution des deux principales structures de l’Eglise de Scientologie en France, poursuivies devant la justice pour escroquerie en bande organisée.

Qui sait si cela pourrait faire jurisprudence en cas de procès contre l’Église catholique, par exemple…

Mais ne rêvons pas trop fort: ces nigauds vont encore nous la jouer martyre…

Récréation

Sunday, June 14th, 2009

Environ 3 millions d’Étatsuniens sans télé suite au passage de l’analogique au digital…

Ce n’est sans doute qu’une affaire de temps: on voit mal comment ces valeureux citoyens pourraient survivre très longtemps sans leur transfusion quotidienne de 24 heures d’idioties…

En attendant, peut-être que certains iront faire un tour dans les bois dimanche, ou bien rendront-ils visite à des grands-parents parqués dans leur home -pourvu que ceux-ci soient privés de téloche aussi…

CNN et Fox News sont en deuil… Comment les braves citoyens pourront-ils suivre en direct les efforts des valeureux pandores à la poursuite des vendeurs de crack en direk’-laïve avec hélicoptères et projecteurs sur les autoroutes de LA? Et les petites téléréalités des casernes Halliburton en Irak? Et les dénonciations du grand complot antisémite en Israël?

Qui sait? Peut-être que dans 9 mois on constatera un pic de natalité… Peut-être que dès maintenant ont été dressées des équipes de premiers secours spécialisées pour éviter des vagues de suicides ((C’est que ça doit être dur de faire face au vide laissé par la petite boîte noire.))… Peut-être que les médecins constateront une baisse marginale du taux de surpoids chez les gosses… Les sociologues vont devoir se pencher sur le phénomène… On fera des articles, des thèses, peut-être même des émissions de télévision… Eh! Ça reboostera la vente des nouveaux postes, ça relancera la croissance, et c’en est donc fini de la crise… Cqfd…

Allez, on s’amuse… Ce sont sans aucun doute quelques jours de récréation…

Définition

Thursday, June 11th, 2009

Par gauche, Boaventura de Sousa Santos, entend “l’ensemble des théories et pratiques transformatrices qui, au cours des 150 dernières années, ont résisté à l’expansion du capitalisme et au type de relations économiques, sociales, politiques et culturelles qu’il génère, et qui ainsi ont participé à la croyance d’un futur post-capitaliste, d’une société alternative, plus juste, parce qu’orientée vers la satisfaction des nécessités réelles des populations, et plus libre, parce que centrée sur la réalisation des conditions effectives de la liberté.” ((in Por que é que Cuba se transformou num problema difícil para a Esquerda?, Le Monde Diplomatique Brésil, mai 2009, encart CLACSO, p.1.))

Il y aurait beaucoup à dire, et bien que je ne sois pas d’accord avec quelques détails, bien que ça respire évidemment le marxisme, je trouve cette définition mignonne et intéressante.

Dans la série “nos fils de pute”

Monday, June 8th, 2009

Omar Bongo, représentant de la Françafrique au Gabon, est mort (c’est officiel).

“Bon, on le remplace par qui?” se demande-t-on à Paris…

Voir, s’il était besoin, le petit post ci-inclus.

Aïe am ze law

Monday, June 8th, 2009

Il est assez étrange pour moi de constater un phénomène récurrent auprès de certains de mes familiers. Il semble que j’aie acquis une espèce de figure de juge ((D’où le titre. J’ai vu récemment un morceau de Judge Dredd qui m’a interloqué.)), ou de je ne sais trop quelle représentation mythologique. Il suffit que, dans une conversation anodine, je dise:

“Alors tu as accompli ton devoir de citoyen soumis?”

pour que les choses se gâtent.

Il est un fait que je suis un abstentionniste revendiqué et actif et que le vote au sein d’une démocratie parlementaire me rebute de manière aussi automatique qu’une fraude fiscale.

J’ai le devoir citoyen complexe.

Pour moi, le remplir tous les x temps au moyen d’un bulletin, qu’il soit électronique ou papier, et se dédouaner le reste du temps, me rend blet.

On peut certes encore se justifier par des “on ne peut rien y changer” ou des “que veux-tu que je fasse?” ou des “je ne vais quand même pas prendre les armes”. Mais dans ces cas, restez dans votre lit, envoyez un mot d’excuse et ne leur donnez pas la satisfaction de voir leurs nombres de voix augmenter systématiquement et leur auto-satisfecit déborder de nos médias mainstream et bêlants.

Vous êtes lourds: si vous ne croyez pas dans la démocratie parlementaire, ne votez pas!

On me dit aussi “L’extrême-… y gagne chaque fois tu ne votes pas.” Rassurez-vous (si je puis dire), vu les cliques au pouvoir dans la plupart des pays du monde entier, l’extrême y gagne toujours plus, malheureusement ce n’est pas la gauche…

Certains de mes amis me disent aussi: “ne pas voter ne te rend pas plus libre” et “je vote et je fais quelque chose: je participe à telle et telle choses”.

Pour la première affirmation, c’est absolument vrai: je m’en voudrais de me contenter de ne pas voter, ce ne serait absolument pas logique. Ne pas voter n’est en soi rien si l’on ne le complémente pas d’un acte subséquent. Rester dans ses plumes n’est en rien citoyen si vous ne vous manifestez pas les autres jours.

D’un autre côté, voter -c’est-à-dire abdiquer de votre pouvoir citoyen à l’échelon des forces représentatives surpuissantes des démocraties parlementaires- et prétendre ensuite “faire autre chose” en plus me paraît contradictoire. Moins malsain que de ne rien faire, mais contradictoire tout de même.

Coller un copain à la charge de vice-premier-consul de Schaerbeek ne changera rien à la problématique générale et l’idée qu’un Besancenot puisse frôler le deuxième tour des présidentielles dans trois ans me laisse aussi froid que lorsque Le Pen y était, lui, arrivé. Bien que je trouve le premier immensément plus sympathique que le faux borgne, je m’en voudrais d’avoir pu participer à l’envoyer à une quelconque charge représentative, fût-elle celle de conseiller rural ((Je connais beaucoup de potes qui se présentent aux élections et que je trouve bien, mais je ne leur ferai jamais de promotion, de peur qu’ils soient élus… Ce qui arrive à certains, à mon corps défendant.)).

Pour autant que je sache -et je prétends en savoir un morceau-, nous ne pouvons pas envisager d’amélioration de la société “à petits pas” ou “par lobbying” ou par toute autre formule naïve de participation à un système qui, par essence, n’accepte de changer que pour que tout reste identique.

“Yes we can”, “Ensemble tout est possible” et autres “Ce serait pire sans nous” ne peuvent que vous plonger dans l’illusion systématique que les choses évoluent effectivement par les urnes ((Certaines expériences sud-américaines semblent contredire ce que je dis, mais ce sont des cas spécifiques qui mériteraient une analyse séparée. À la grande rigueur, on pourrait comparer l’émergence démocratique du Vénézuéla ou de la Bolivie avec l’Espagne pré-franquiste, mais c’est à la fois un jeu compliqué et un ensemble de cas de figures totalement en inadéquation avec les démocraties parlementaires classiques et qui ne peut en aucun cas servir de référence pour le “Premier Monde”.)).

Non, c’est la rue, c’est la pression, c’est la lutte, c’est la merde qu’on remue, c’est le pouvoir qu’on abolit, c’est la réquisition citoyenne, c’est la contestation de la légitimité des forces en place par leur dénonciation toujours plus originale qui peuvent changer les choses. Qui ont déjà plus d’une fois changé les choses. Qui ont même amené le Suffrage Universel, mais bon…

Consommation responsable, production alternative, grèves, boycott, occupations, livres, articles, même manifestations, et j’en passe, ont toujours fait bien plus pour la cause que de voter rouge (pas rose) ou vert. Il y a encore bien plus à faire, mais je sortirais temporairement de mon sujet.

Maintenant, si ça vous plaît tant que ça d’aller faire la file au printemps pour faire une petite croix dans une case…

Mais par contre, je ne me permettrais pas de juger du comportement de quiconque. Il est ancré dans bien des esprits que l’acte dit civique de se planquer trente secondes dans un isoloir fait partie de la démocratie: je m’en voudrais de vous culpabiliser parce que vous remplissez votre “devoir de citoyen”.

Si vous y croyez vraiment, j’espère que vous remplissez aussi bien votre feuille d’impôt et que vous vous garez toujours à plus de cinq mètres des clous.

Et que vous mettez les patins en entrant…

Je m’appelle terroriste

Tuesday, June 2nd, 2009

Je suis apparu il y a très longtemps.

Pour les Hittites, j’étais Égyptien, déjà. Et pour les Égyptiens, j’étais Hittite. Les Chinois me voyaient Mongol. Dans la Bible, je suis Philistin, adorateur du Veau d’Or, Cham, Onan, Sodomite, Ghomoréen…

Les Grecs m’appelaient barbare, les Romains m’ont glorifié sous les traits de Spartacus, des esclaves révoltés ou des Germains…

Mais je ne m’exprimais pas encore dans la pleine puissance de ma personnalité.

C’est au Moyen-Âge que j’ai connu mes plus belles heures. On m’appelait alors hérétique, sorcier (et plus souvent sorcière), païen, rouquin, juif parfois…

J’étais dolcinien ou je participais aux jacqueries. J’étais pastoureau, ou étudiant malfaiteur, je vivais dans la cour des miracles ou dans les bois, attendant le passant.

Non, je n’ai jamais été Robin des Bois. Celui-là se battait en définitive pour son roi…

Mais j’ai suivi Jan Hus, je lisais Érasme, j’écoutais parler Étienne de la Boétie, j’ai finalement accompagné Giordano Bruno jusque sur son bûcher… J’ai renié François d’Assise, aussi…

Si le Moyen-Âge m’a vu occuper bien des places, à la Renaissance, je me suis éteint, bousculé par les guerres de religion auxquelles je n’ai pas pris part. Trop d’imbéciles…

Plus tard, je me suis reconverti dans la contrebande et le banditisme: j’accompagnais Mandrin et Cartouche sur toutes les routes de France. je trafiquais de tout, je rançonnais les riches et parfois même je brûlais les châteaux.

Je finissais sur la roue ou écartelé…

Je troublais l’ordre public.

Je raillais la couronne.

Je me moquais des édits et des agents de l’État.

je détroussais et l’on dit aussi que je troussais… Mais bon…

Puis, il y a eu la politique, la nation, l’État, la République… Autant de choses qui ont changé ma vie.

Ou plutôt non… J’ai continué comme avant… J’étais voleur, brigand, vagabond, je suis devenu titi et apache… J’ai eu tant de nom… Je troublais toujours l’ordre public. Je méritais la prison. Je terrorisais les bonnes gens….

Ah, ça y est, voilà qu’apparaissait mon vrai nom…

Je terrorisais.

Et cela ne s’est pas amélioré avec l’avènement de l’anarchie, voyez-vous. C’est qu’il en a plu, des bombes, ah madame! Pas toujours tirées par moi, ça non, car il y en avait bien dix mille (pour commencer) dans chaque guerre pour une que je lançais au parlement ou dans les cafés bourgeois. Je tirais sur les magistrats et j’assassinais même parfois des artistos encore, ou un président de la république…

Mais c’était rare. Je n’étais qu’un amateur…

J’étais surtout attablé avec des copains, devisant sur la gréve générale, évoquant le monde de demain, de l’oisiveté, des barques sur la rivière et du Moulin de la Galette… Mais c’était déjà trop que de vouloir distribuer des journaux gratuits et de créer des communautés et des écoles ni républicaines, ni catholiques. J’étais terroriste, voyez-vous…

Je devais être guillotiné. Je l’étais.

Puis, je devins objecteur de conscience, féministe, tire-au-flanc, gréviste, syndicaliste, et même encore cambrioleur et monte-en-l’air… Avec Bonnot, je suis revenu à mes bonnes vieilles amours d’antan et pillais banques et richards…

Ça n’a pas plus, naturellement, tiens donc.

Je terrorisais les villes et les campagnes encore. Alors, pensez, quand je devenais végétarien, j’empirais encore. Surtout que, par contre, je refusais d’arrêter de boire et de fumer. Si je ne me droguais pas et que je n’assassinais pas les bébés dont je me gorgeais du sang. Ben tiens…

C’était ma période anarchiste. Ma première vraie période sous mon nom de terroriste

Mais j’en ai eu d’autres, et de plus étonnantes.

J’étais encore terroriste entre 1940 et 1945. L’histoire m’a retenu sous le nom de résistant, mais, à l’époque, on m’appelait terroriste.

Après la guerre, je me suis retrouvé dans les colonies. Je terrorisais les colons, dis donc. Puis sous les dictatures latino-américaines. Je terrorisais les journaux qui avaient accepté la censure des militaires. Bien sûr, j’agissais aussi en Espagne, en Grèce, au Portugal…

J’étais aussi actif en Irlande du Nord…

J’étais un terroriste. Je m’appelais terroriste.

J’ai continué à agir en Espagne… J’étais encore terroriste.

En Italie, en Allemagne, en France, même en Belgique, j’agissais… J’étais un terroriste… Je pouvais faire ce que je voulais, il me suffisait de ne pas condamner les agissements des autres terroristes pour en être un moi-même.

Ou bien j’étais contre les terroristes, ou bien j’en étais un.

Ça n’a pas changé d’ailleurs aujourd’hui. Ne sommes-nous pas tous Américains?

En Israël… Enfin, en Palestine… Enfin, en “Terre Sainte”, je suis encore un terroriste, même si, bon…

Et ce n’est pas fini. Je me suis étendu avec le temps. Je suis encore un terroriste dès que j’empêche un patron de sortir de son usine ou des travailleurs d’y entrer. Je suis un terroriste quand je tente de m’exprimer lors d’un sommet de grands chefs internationaux. Je suis même un terroriste pour certains quand je veux voter Morales en Bolivie ou Chávez au Vénézuéla…

J’ai noté d’ailleurs un truc: Spartacus, jacque, dolcinien, contrebandier, apache, anarchiste ou terroriste, je suis certes gênant parce que je veux vivre d’une autre manière que celle qu’on veut m’imposer, mais je suis surtout un bon prétexte pour fermer la gueule de ceux qui pourraient exprimer de la sympathie à mon égard.

Rendez-vous le 14 juillet…