Archive for October, 2008

Le libéralisme, le néo-libéralisme et le capitalisme

Wednesday, October 29th, 2008

Premier chapitre d’une petite série sur la crise.

Sous prétexte que l’État est intervenu massivement, et en ponctionnant dans les sous des contribuables ((Et pas qu’un peu, malgré les rappels que l’argent manque même pour des financements mineurs, genre celui-ci .)), pour sauver les banques et les institutions d’assurances et autres joyeusetés financières, on annonce un peu vite que le capitalisme est malade et que le néo-libéralisme est mort.

Je ne serais malheureusement pas aussi optimiste ((Jusqu’ici, je n’ai lu de contradictions que sous la plume de clowns de droite et d’actes de décès du capitalisme que sous celle de chroniqueurs de gauche. Je ne prétends pas me ranger avec les premiers, mais je pense que les seconds font fausse route.)).

Le néo-libéralisme n’est jamais qu’un accomodement particulier du libéralisme, et il n’en est pas son opposé. Il n’est qu’une tendance parmi toutes les idéologies dérivées de la branche Smith-Tocqueville-Ricardo, défendue par l’école néo-classique autrichienne et les joyeux lurons de Chicago. Le capitalisme libéral n’est pas opposé à une intervention de l’État par principe. Le simple fait qu’il le tolère et qu’il en ait besoin (pour garantir l’existence de la propriété privée) nous le rappelle s’il était besoin.

L’État capitaliste de tendance libérale ((Oui, il existe d’autres clowneries capitalistes pas libérales : l’état moderne chinois, le stalinisme, l’état fasciste centralisé, par exemple, mais aussi le colbertisme ou le pharaonisme. )) (qui regroupe également des courants divers, y compris le clientélisme social-démocrate, la pieuvre mafieuse ou fasciste genre Chili ou Appartheid, la république fédérale de type américaine ou la confédération helvétique) n’existe que parce que les différentes catégories de personnages qui se partagent le pouvoir économique à l’intérieur de ses frontières, soit par choix, soit par tradition, y trouvent leur compte. Ils ont adopté un moyen d’assurer de manière commode un marché de consommateurs intérieur et un réseau de relations diplomatiques internationales telles que leurs nécessités financières et commerciales y gagnent. Leurs partenariats, leurs lobbyings s’accomodent de presque tous les changements de régime, y compris de ceux qui ont eu lieu récemment en Amérique Latine.

Bien sûr, certains de ces zozos très riches et pas très solidaires sont moins contents que d’autres et le font savoir, comme au Vénézuéla, en Bolivie ou en Équateur. Mais comme ils menacent plus la paix sociale qui garantit le marché qu’ils ne le soutiennent, leurs appuis internationaux restent marginaux, malgré leurs grandes gueules ((Croire qu’il n’y a que deux camps dans le monde est l’une des pires illusions qui soient. Elle est également contre-productive.)).

C’est dans le même ordre d’idée qu’il faut observer les aides aujourd’hui accordées à des institutions privées ou partiellement privatisées : les administrations d’État sont régies par des groupes de personnes liées de manière intégrées aux cercles du pouvoir économique. Le nier serait absurde : cela a été plusieurs fois montrés ((G. Geuens, Tous pouvoirs confondus, Etat, capital et médias à l’ère de la mondialisation, EPO (mars 15, 2003). )) et est facilement vérifiable par la simple consultation de données publiques ((Un abonnement au Canard Enchaîné ou au Plan B aiderait déjà à s’en rendre compte. )), y compris sur internet ((Belges, allez jeter un oeil sur le site du Cercle de Lorraine. Moins Belges, allez jetez un oeil sur ce descriptif du Groupe Bildenberg.)).

Prétendre que Paulson, Reynders ((Rions à l’évocation de notre grrrrand stratège, on est là aussi pour ça.)) ou Poutine sont plutôt ceci ou cela, tant qu’on ne les dit pas socialistes, n’a aucune espèce d’importance : ils sont tous capitalistes, mais ils sont avant tout favorables à ce qui les avantage le plus. S’ils se trouvent mieux de nationaliser temporairement une institution ou de privatiser la sécurité sociale, ils développeront les arguments pour nous en persuader et pour nous faire croire qu’ils ont toujours pensé la même chose en dépit des faits qui montrent le contraire ((Sauf peut-être Poutine qui n’a jamais cherché à sauver les apparences. A défaut d’être fréquentable, on peut au moins lui accorder ça : il n’ a pas hésité à proclamer qu’il n’adoptait une théorie économique que parce qu’elle lui permettait de conserver ou d’augmenter son pouvoir.)). Ça n’a pas d’importance, puisque les voix qui discordent de leurs discours n’ont qu’un faible écho dans les médias dont la majeure partie est largement contrôlée par les mêmes cercles ((Se demander si ce sont les Murdoch (Fox), Bouygue (tf1) et autres Rossel (ouais, bon) qui dirigent les politiques, si ce sont les politiques qui dominent les cercles financiers ou si ce sont les cercles financiers qui commandent aux médias est une perte de temps : ils s’entendent et s’échangent parfois les places, à l’image d’un Paulson ou d’une Lagarde, par exemple, d’un Thierry Breton encore avant. Il suffit aussi de constater le nombre de nos ministres et députés qui occupent des places d’administrateurs dans des entreprises d’importance et le sujet sera clos)).

Ainsi, les grands trésoriers du monde s’accordent-ils en fonction de leurs accointances personnelles pour financer plutôt tel ou tel gadget capitaliste et pas celui-là. Les prétextes officiels sont mignons : pour Lehman Brothers ((Pour laquelle je n’ai pas l’intention de verser une larme, notez.)), il n’y avait pas d’acheteurs, mais pour Freddy Mac et Fanny Mae, l’intérêt du système imposait le sauvetage. D’autres fois, on arguera que trop d’emplois seraient perdus sans un soutien de l’État, alors que les fermetures, par le passé des industries automobiles, métallurgiques ou minières un peu partout en Amérique du Nord ou en Europe, ne seraient jamais que des incidents dans la grande marche vers le progrès libéral…

Je pourrais rétorquer que, si des banques ferment, si des milliers d’employés perdent leurs jobs en Europe et aux USA, les banques brésiliennes ((Ici, en effet, le secteur bancaire est (malheureusement) solide.)) ou sud-africaines finiraient peut-être par y gagner et, qui sait ?, offrir plein de jobs à plein de petits mandaïs locaux -et aussi assurer une meilleure santé financière au système qui y gagnera en productivité, etc.

Sans les aides de nos administrations occidentales, les institutions financières des pays « émergents » pourraient racheter les bonnes vieilles insitutions euro-étatsuniennes (ça aurait de la gueule, le rachat des banques colonialistes par les anciens colonisés).

Tout ceci m’offre un argument supplémentaire pour dénier à l’État la prétention d’être la solution aux problèmes qu’il a contribué à créer. Ni le marché, ni l’État ne peuvent être dédouanés. Ils sont complices, d’autant plus pernicieux qu’ils jouent, devant le juge du public, à se renvoyer la balle avec des arguments qui ne permet d’en condamner aucun tout seul.

C’est ensemble qu’il faut les noyer.

J’y travaille, mais en attendant…

Friday, October 24th, 2008

Bon, je travaille encore sur l’actualité économique. C’est que, contrairement à tous les zozos qui vivent de ça, je ne suis pas payé à la ligne de clowneries… Donc je dois dire des trucs sérieux… Ça vient…

En attendant, je vous renvoie au délicieux Jean Ziegler qui mériterait qu’on lui attribue des noms d’écoles et de parcs de son vivant…

C’est ici dans la Libre, qui, évidemment, mange à tous les râteliers…

Le rêve d’une vie d’anarchiste.

Tuesday, October 21st, 2008

Le 16 octobre dernier (bon anniversaire, maman), les images en boucle sur les chaînes imbéciles d’information de São Paulo montraient l’affrontement du corps de Police militaire avec des manifestants pas banals. J’ai mis du temps à les repérer, les zozos, parce qu’ils portaient aussi des casquettes, des armes parfois… Le genre de trucs qui déclencheraient l’ire de tout bon ministre de l’intérieur et qui l’autoriserait à faire charger cette populace, à l’ancienne, chevaux et sabres en avant…

Mais il faut dire que, les manifestants, c’était des flics civils. Ils sont en grève et réclament des augmentations que le gouverneur de l’État (futur candidat à la présidentielle, José Serra, ancien gauchiste passé à droite) refuse tant que le travail n’aura pas repris normalement. Ah qu’il était bon de voir ces images.

Le résultat ne fut cependant pas à la hauteur: balles de caoutchouc et gaz lacrymogène n’ont fait qu’une vingtaine de blessés. Décidément, ils ont joué petit bras, pour ce derby.

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Un autre spectacle jouissif, ces derniers temps, c’est la “crise”, vue de la corbeille, de la coupole, des banques, centrales ou pas, de la FED et autres Assureurs. Il n’y a pas à dire, ça méritera un post détaillé un de ces jours. Mais pour l’instant, on se contente de profiter de l’ambiance et de se dire qu’il était temps qu’ils trinquent -eux aussi…

Tout en sachant bien -ne soyons pas naïfs- que parmi tous ces salauds certains se regorgent encore (notamment, mais pas seulement, d’aides de l’État ((faut-il rappeler que des fortunes se construisent aussi sur des krachs financiers?)) ) et que les conséquences du barouf blesseront plus de personnes fragilisées que d’exécutifs…
La justice, ce n’est pas pour demain. Encore que…

pouvoir est masculin; cuisine est féminin; chef de cuisine est masculin

Monday, October 20th, 2008

Ceci est un pamphlet: je ne me sens pas en devoir d’argumenter rationnellement.

Un Homme et Ju traitent ces derniers temps de féminisme. Il se font l’écho en fait de la préoccupation considérée par d’aucuns légitime de “Des Bulles” ((références sur les sites des deux premiers)) sur la place de l’homme dans cet ouragan que serait la conquête de ses droits par les femmes.

La bonne blague, c’est de tenter de nous faire croire que sous prétexte que les femmes prennent plus d’espace ((mais j’attends de voir qu’on me prouve par a plus b que cet espace correspond réellement à leur importance)) , ces gros ploucs qui, jusqu’alors, dirigeaient le monde et leurs familles ne sauraient plus trop où se mettre.

C’est à se tordre… Le jour où les équipes de sport féminines seront dirigées en majorité par des femmes et que certaines masculines auront des nanas comme coach, on en reparlera…

Une autre bonne blague, développée en commentaires sur ces blogs, est que les hommes subissent désormais le même genre de pression que les femmes qui se soumettent aux dogmes des canons de beauté et du conformisme social depuis très longtemps.

S’il est vrai que la publicité essaie de transformer les hommes en consommateurs de produits de beauté et de salles de musculation, et si cela fonctionne pour certains -et de plus en plus nombreux-, il est encore difficile de penser que nous, mâles, subissions ces pressions comme nos partenaires.

C’est totalement n’importe quoi.

Entrez dans un magasin de cosmétiques ou de vêtements, entrez chez un coiffeur ou chez un épilateur, et dites-moi quel est le consommateur type de ces lieux imbéciles: l’homme ou la femme? Qui cherche-t-on à attirer principalement dans la pub, à la télévision? Et si le marché masculin s’accroît, celui des femmes ne s’est jamais restreint, au contraire.

Qui est la première victime de l’apparence, dans tous les médias? Quelle est la première qualité d’une actrice, d’une chanteuse, d’une présentatrice de télévision? Et celle d’un mec dans la même situation?

Qui pense que Tootsie ait perdu de son actualité? Qui a le plus de succès? Alice Sapritch ou Monica Bellucci? Et pourtant, niveau talent…
Et chez les hommes? Son physique a-t-il empêché le succès d’un Dustin Hoffman? d’un Jason Robards? d’un Alain Souchon? d’un PPD?

Certes, nous, les mâles, sommes censés posséder des voitures surdimensionnées, des montres hors de prix et boire de la bière tout en restant mince. Mais c’est plus du narcissisme et de l’homosexualité refoulée qu’un besoin social, plus un déficit de confiance individuelle et la peur de la mort qui nous guide, qu’un besoin de s’affirmer dans un monde que nous continuons et que nous continuerons de dominer parce qu’ainsi le veut le capitalisme, avec ses tendances élastiques au conservatisme moral, nécessaire pour assurer l’héritage et le culte de la propriété.

Ce qui arrange bien la plupart d’entre nous… ainsi que nos dirigeants, leaders et maîtres à penser.

Brésil, terre de contradictions

Wednesday, October 15th, 2008

Aujourd’hui, 15 octobre, au Brésil, c’est la saint-Prof’…

Bon, en réalité, c’est le “jour des professeurs”, et, malgré mon statut de “technicien en langue”, je ne travaille pas, ainsi que tous mes collègues du privé et du public (à l’exception de certaines facultés privées).

Ce métier de faignants (c’est bien connu) bénéficie sur le sous-continent brésilien d’une curieuse considération. Payés certes au-dessus du SMIC (heureusement, vu qu’il est quand même à moins de 150 euros), les profs sont généralement peu estimés en tant qu’individus, malgré les discours sur les nécessités d’une amélioration générale de l’éducation. Mais nous avons quand même droit à un jour de congé qui nous est propre…

Truc bizarre…

Enfin…

Pas de geulante aujourd’hui: repos annuel… 😀

Pour en finir avec l’impossible (1998)

Tuesday, October 14th, 2008

Et le pur esprit s’endormit,
Contrarié par son manque d’Or-
Ient, soucieux d’adorer mi-
Nablement les berlingots d’or.

Je voudrais -mais comment?- me dé-
Gager des désordres de mon
Esprit orgueilleux dévidé,
Aux vagues ordres du Démon.

Infortune, experte en froid, mor-
Dras-tu mes draps jusqu’à ma mort?
Brûlas-tu mes sangs du même or
Que demain mes fervents amor?

C’est ce corps, fin, tendre et trop doux
Qui me fait goûter le velours
Pour tenir patients quelques dou-
Tes encore matières, lourds.

C’est ce corps, mais qu’y pourra-t-il?
Je (?lui) n’ordonne rien qui pourrait
Voler plus haut qu’un acide éthyl-
Isme encrypté dans le non vrai.
==
Ce soir, mon amour, je ne m’aime
Plus… Et je déchire aux écrans
Les visions passées du même,
Les e muets, les vers, les pieds…

Je me suis cogné de rage

Tuesday, October 7th, 2008

La semaine dernière, l’Équateur faisait son coming-out comme toutes les “révolutions bolivariennes du capitalisme national qui développe ta mère”.

Bon, c’est pas que je sois plus corréiste que chaviste ou moralesiste (moraliste, ça sonne pas bien), je n’ai rien non plus contre le Nicaragua, l’Uruguay ou n’importe quelle autre tentative de gouvernement sulamericano qui se prétend de gauche-tout-en-étant-vaguement-un-truc-qu’on-pourrait-qualifier-de-droite-faut-pas-rigoler, mais je dois avouer qu’il souffle un vent de bonne rigolade anti-étatsunienne par les pores du cône andin, et rien que pour ça, ça fait sourire de voir le président de la Bolivie brandir le poing comme s’il avait gagné la coupe du monde à lui tout seul ((la coupe du monde de quoi, ça, je ne sais pas)).

Monsieur Y, bientôt, y’aura plus que vous et la Colombie à baigner dans la droite aux pays des lamas…

Bon, mais c’est pas ça évidemment qui m’a fait cogner de rage. C’est de lire qu’une fois de plus “l’Église Catholique et quelques autres évangéliques ont ouvertement fait campagne pour le non sous prétexte (tenez vous bien) que la Constitution n’interdit pas expressément l’avortement et le mariage homosexuel, laissant ces sujets à la loi ordinaire. ((lu dans le CartaCapital de cette semaine et traduit par mes soins)) ” Or, Corréa n’a aucune intention de légaliser l’un ou l’autre ((c’est dire si son gauchisme libertaire est relatif)).

L’Église Catholique, son archevêque local estampillé Opus Dei en tête, a pris n’importe quel prétexte bidon ((quel pays a-t-il interdit l’avortement ou le mariage homosexuel ailleurs que dans son code pénal?)) pour faire campagne contre un projet légèrement plus à gauche/populiste/autonomiste/nationaliste ((barrez les mentions inutiles)) que ceux qu’elle chérit d’habitude -à savoir des régimes de droite dure, caucasiens, nostalgiques de la colonisation, pro-amerloques et sans grande considération pour tout ce qui a un nez épaté ou des chapeaux boules qui ne seraient pas ceux de la City.

Alors, bon, je sais qu’il y a des curés de gauche…

Mais l’influence générale de la Putain du Vatican (pour paraphraser un vieux thème pas spécialement anar, mais qui sonne juste) est tellement nauséabonde, et ce depuis le commencement de son existence, et avant même qu’il ait existé un pape, que, décidément, non, je me refuse à considérer un droit de parole politique aux bouffeurs d’âmes. Qu’ils se contentent de ces dernières, et, qu’à défaut d’exister, celles-ci sustentent leur boulimie imbécile d’interventionnisme sur la vie des hommes! ((Dieu ait vos âmes et lâche la mienne, aurait pu dire Desproges))

Je ne revendique pas un monde athée; je m’en fous. Mais -bon, mon humeur actuelle est peut-être un peu altérée par mon état émotionnel légèrement à côté de ses pompes, ce qui ne m’empêche de penser de manière cohérente et de ne pas regretter d’écrire les lignes de ce post- je dénie votre droit, corbeaux affreux, à influencer la vie publique, la vie sociale, la vie des hommes, des femmes et des enfants, je vous dénie le droit d’ouvrir des écoles, de vous pavaner en processions, de vous exprimer par la voie des airs, des ondes, des bytes (avec un y), je vous dénie le privilège de vous exprimer au nom de vos troupeaux, je vous dénie même le droit d’user des titres de docteurs, sages, modérateurs ou que sais-je.

Vous l’avez assez fait, et pour le malheur toujours plus grand de l’humanité.

En proportion, les activités positives de l’église (sans majuscule) sont tellement ridicules que je me refuse à les considérer dans un argumentaire en votre faveur.

Je vous enferme dans votre médiocrité orthodoxe, votre rectitude morale et vos principes de millénaires révolus.

Pour paraphraser un de vos grands défenseurs (crétin): “Pourquoi vous ne la fermez pas?”

epistrephô (1998)

Monday, October 6th, 2008

J’avançais sans sourire, l’encolure en feu, les épaules meurtries. Mes pas se faisaient plus lourds, plus profonds, plus vides à chaque mille. Le soir, enfin libéré, je me jetais au sol -un peu de paille, quelques étoiles, l’espoir qu’il ne pleuve pas. Mais pas plus aujourd’hui qu’hier je n’avais vu de ville, de village, de créature, ni de nature, de force ou d’ange. -Rien qui pût nourir mes rêves. Je restais endormi au même lieu chaque soir, certain de marcher le jour suivant encore.
Tous ceux qui s’approchaient de moi s’éloignaient rapidement. Je les connaissais peu. Je ne les connais pas -ils changent et mon regard ne change pas. Je marche, pourtant. Tous les jours j’avale un mille de plus. Tous les jours j’écrase un peu plus de route -un peu plus de travail.
Un jour, je me lèverai fatigué. Je ralentirai. Je regarderai vers le ciel. Mon regard sera toujours du même gris. Et, qui sait,peut-être verserai-je enfin de ces larmes qu’on a refusé de me donner. Alors, sans doute, je m’écroulerai -et je ne parviendrai plus à écarter les mouches qui tournent autour de mes yeux et de ma langue.
Et quelqu’un viendra me dire que j’aurai peiné en vain -qu’il n’y a plus rien -que tout recommence -que je ne sais pas -que l’or est ailleurs -que la vie s’arrête… Que sais-je?
Dois-je le tuer?