Archive for February, 2011

Laissez la police faire son travail, vous serez les derniers informés

Saturday, February 19th, 2011

La condamnation de Zemmour pour incitation à haine raciale ne me fait pas plaisir.

Qu’on ne se méprenne pas: je n’ai aucune sympathie pour le type. On peut même dire que je ne partage guère de choses avec lui, à part un usage facile de la langue, en plus de quelques caractéristiques communes à tous les êtres humains (pipi, caca, respirer, et peut-être même baiser, si ça se trouve et que ça ne choque pas trop sa fibre christique). Mais, à l’instar de Chomsky qui, avec raison, estime qu’on ne peut interdire à quelqu’un de s’exprimer, même, et surtout, si cette personne ne pense pas comme nous, je suis déterminé à dire que si nous ne devions autoriser que des opinions que nous approuvons, il n’y aurait aucune grâce à parler de liberté d’expression.

C’est donc sur le terrain de la discussion que doit être combattue la verve d’apparence innocente et pure à la sauce néo-conservatrice de Zemour, Eric, publiciste.

On ne saura sans doute jamais dans quelle mesure l’attitude de la police, et de l’accueil fait aux étrangers et aux personnes d’origine étrangère, ainsi que l’histoire des migrations en général, est responsable, en plus des disparités économiques qui les touchent, de la criminalité chez les personnes “moins caucasiennes” que les autres. Et ça, c’est certainement plus une réalité que des chiffres agités dans tous les sens comme un rubic-cube, jusqu’à ce qu’on en obtienne ce qu’on en attend (quitte à décoller les gomettes et les recoller où on veut).

A partir du moment où la police s’intéresse plus à la petite délinquance et aux comportements agressifs de jeunes dont les perspectives sont, globalement, plutôt moindres que celles de la moyenne des Européens, qu’aux fraudes fiscales, aux détournements de fonds et aux abus de biens sociaux, il est évident que les chiffres de la délinquance sont plus élevés du côté black-beur: ils ont moins accès aux charges et aux avoirs qui permettent ces derniers crimes…

Mais il faut reconnaître que si la drogue était libéralisée, on aurait sans doute des difficultés à stigmatiser autant les blacks et les beurs, et les flics n’auraient plus la moindre excuse pour harceler aussi régulièrement les enfants des cités. Si la discrimination à l’emploi n’existait pas, on n’en parlerait carrément pas… Mais bon, s’il n’y avait pas de discrimination à l’emploi, il n’y aurait pas de marché du travail…

D’un autre côté, les mafias de la prostitution, plus souvent asiatico-caucasiennes, sont moins menacées. Parce qu’elles sont plus respectables (après tout, elles ne font qu’exploiter des femmes, ce qui, dans la tête de certains flics, ne doit pas être tout à fait immérité, vu l’attitude de beaucoup à l’accueil des victimes de viols)? Ou parce qu’elles sont plus violentes? Ou plus en cheville avec certaines parties des pouvoirs publics?

À mouvement de pognon comparé, la société européenne y perd bien plus dans son attitude actuelle que si la police se concentrait sur la grande criminalité économico-fiscale, voire dans le trafic d’entrée de la drogue, là où les bénéfices sont bien plus importants qu’au niveau du commerce de détail.

Le même genre d’attitude réductrice existe d’ailleurs au Brésil: la presse mainstream et le gouvernement stigmatisent les petits trafiquants des favelas, surtout ceux de Rio, ainsi que les “mules” (petits passeurs, souvent passeuses et plus victimes que vraiment coupables), sans s’attaquer aux commanditaires, ni aux laboratoires, qui sont les seuls bénéficiaires réels… mais ceux là sont bien entourés et on les retrouve parfois dans les salons diplomatiques et autres cercles de pouvoir.

Ils ont bon dos, les petits trafiquants, qui vivent dans la merde des cités et des favelas! Ce n’est pas là que les milliers de milliards d’euros ou de dollars transitent vers les sphères financières, alimentant les caisses du capitalisme, évidemment!

Ou alors, ils sont vraiment idiots d’habiter dans les cités et les favelas…

Voilà ce qu’il aurait suffi de répondre à Zemmour. Malheureusement, je n’ai vu de son intervention médiatique que sa seule tirade, et rien des réponses éventuelles des présents. Mais cela aurait suffi ou aurait dû suffire…

L’impérialisme humanitaire

Tuesday, February 8th, 2011

Jean Bricmont, ou la raison parle du présent. Certes, l’histoire joue un rôle dans son raisonnement, mais elle pourrait presque n’être qu’un figurant. Ce sont les faits, la raison, la justice, la justesse, le simple exposé de l’application des mêmes principes dans des situations différentes qui mènent à la conclusion au moins aussi fluide que si les États -en particulier les démocraties occidentales- suivaient réellement les normes du droit international et de la jurisprudence de Nuremberg, s’ils respectaient les décisions prises par l’ONU en assemblée générale, il y a fort à parier que la plupart des guerres et des dictatures de l’après-2e Guerre Mondiale n’auraient pas eu lieu ((Sans parler de celles qui ont précédé.)).

Colonialisme, néo-colonialisme, exportation de la démocratie, modèle occidental, droit et devoir d’ingérence, sont battus en brèche par ce clarificateur simplement scientifique des faits qui dominent notre actualité.

“Pour illustrer l’injustice infligée par les Occidentaux au monde arabe et au reste du monde, on peut aussi procéder à des comparaisons basées sur des événements réels. Que se passerait-il si l’on appliquait à l’invasion américaine de l’Irak les principes qu’eux-mêmes ont invoqués lors de l’invasion du Koweit par l’Irak ? Il faudrait bombarder longuement les États-Unis, détruire leur potentiel industriel, leur imposer un embargo provoquant d’innombrables morts, jusqu’à ce qu’ils éliminent toute trace de leurs armes de destruction massives. Ou encore, imaginons que, par souci pour les Palestiniens, l’on convoque les dirigeants israéliens dans un palais en Arabie Saoudite, leur ordonnant d’accepter immédiatement le déploiement de troupes arabes en Israël même, et que, suite à leur refus prévisible, on les bombarde jusqu’à ce qu’ils abandonnent les territoires occupés. Il n’est pas certain qu’une telle démarche susciterait l’enthousiasme de tous ceux qui ont applaudi en 1999, lorsque les Occidentaux ont agi de façon analogue envers la Yougoslavie .”

texte issu de l’introduction à “Tuer l’espoir” de Norman Finkelstein, également repris dans “L’impérialisme humanitaire” Aden 2005 (publié donc chez Gilles Martin, à Saint-Gilles) et Lux 2006.