Juan et les Picaros
Tuesday, August 22nd, 2017« [Les voitures du pouvoir] réintroduisent cette variabilité, cette légère terreur dont ont besoin tous les pouvoirs pour, en sus des dispositifs paternalistes, réaffirmer leur autorité par l’angoisse.
Légères et lourdes à la fois, mystérieuses et insaisissables, ne respectant aucune des règles de la circulation, ces voitures et cortèges volant à toute vitesse nous rappellent l’existence d’une entité supérieure dans notre quotidien le plus banal. Elles peuvent surgir à n’importe quel moment, écraser en toute impunité. Elles n’ont ni nom, ni véritable identification.
Elles sont muettes, invisibles, inquiétantes. Elles ont les vitres teintées. Seules, elles sont comme des balles, nous rappelant le droit à l’arbitraire, les limites de notre liberté et de notre maitrise de l’espace. Jointes, elles forment un ensemble hypertrophié qui touche à l’absurde, se paralysant de lui-même, parabole de tant de régimes autoritaires.
Comme tout dispositif de propagande, son exagération en fait apparaître le ridicule et la fragilité. Mais aussi le privilège affiché de pouvoir l’être impunément, le temps que ça ‘tienne’. »
Juan Branco, L’ordre et le monde. Critique de la Cour Pénale Internationale, Fayard, 2016, p. 162