Des racines? Carrées!

De quoi avons-nous besoin?

De la certitude que nous allons mourir? Peut-être…

De manger? Non, puisque nous allons mourir.
De pouvoir nous exprimer? Mais non, nous allons mourir…
De pouvoir nous soigner, suivre des cours,nous déplacer? Nenni, nous allons mourir.

Par contre, la liberté d’entreprendre, elle, nous est indispensable. Et tant pis si, renforçant celle-ci, nous nous dégarantissons tous les autres droits.

Critiquer le nucléaire? Pourquoi faire? Nous allons tous mourir, laissez-les donc rentabiliser le moindre atome à nos risques et périls.

Remettre les traités européens en question? Horreur! C’est toutes les traditions européennes, chrétiennes, d’ouverture et des Lumières que nous voulons hypothéquer! Et puis, de toute façon, nous allons mourir…

Nous n’avons pas de racines, nous ne sommes pas raisonnables, pourquoi ne laissons-nous pas les hommes d’affaires nous diriger? Ne savent-ils pas mieux que nous ce qu’il faut faire pour que nos décès arrivent au bon, au juste moment?

Ne comprenons-nous pas? Nous devons laisser l’Etat garantir la propriété et l’entreprise; tout le reste, c’est de la restriction de l’entreprise, c’est du pognon jeté par la fenêtre. Et comme nous allons tous mourir, l’argent, c’est bien plus important, ne comprenons-nous pas? Cet argent, c’est l’argent que les pères des pères des pères des pères de nos riches maîtres et patrons qui l’ont fait naître, l’ont fait croître, l’ont nourri, l’ont soigneusement distribué (au mérite, à la naissance, à leurs fils), méticuleusement, histoire de s’assurer que le Produit Intérieur, ou National, ou International Brut poursuivrait son éternelle ascension, parce que c’est notre gloire, notre identité, notre assurance… Parce que, finalement, face à l’infini, l’important, ce n’est pas la souffrance des hommes, des femmes, des esclaves, des salariés et des indépendants (faux ou non), des serfs, des sans-terre, de tous les autres qui contribuent avec leur sueur aux accumulations de patrimoines dans les indécences de la City ou des records d’altitude du Qatar, non, l’important, c’est que l’histoire retienne le nom de Rockfeller et de Vanderbilt, de Soros et de Mittal.

Rassurons-nous, dans cent ans, tout le monde aura oublié les noms des familles mises sur la paille par les quelques milliers de celles qui se partagent la toute grande majorité des biens et revenus sucés sur la Terre.

Qui se souvient des noms qui se cachent sous le Carnegie Hall?

Ah, les philanthropes! Les grands hommes!

Les philanthropes!
Qui dénoncent le radicalisme, l’extrémisme, le terrorisme, les restrictions de la liberté,… enfin, celle d’entreprendre, évidemment…

En d’autres temps, des hommes comme moi auraient appelé à ce qu’on les bombe, les poignarde, les pende… Aujourd’hui, des lois scélérates me l’interdisent. Elles nous durrutisent. Elles nous berkmanisent. Ah! Je suis pleutre, car des lois pareilles existaient déjà dans ces autres temps…

Radical, moi?

Bien entendu, je suis radical. Je dois être radical! Je suis radicalement pour la liberté (pas celle d’entreprendre, la liberté tout court), l’égalité, la démocratie, je suis radicalement pour la vie, le droit à la santé, le droit à se servir dans la soupe des aliments produits par la terre et le travail, le droit à se vêtir en dépit du droit des affaires et des traités commerciaux, le droit à jouir d’un toit et d’un système de chauffage en hiver, malgré le droit de l’entrepreneur immobilier; je suis radicalement contre la primauté du capital, de la finance sur tout le reste; je suis même contre le droit du travail ou du mérite face au droit à la vie et au pain; je suis radicalement contre la primauté de l’image historique, de l’esprit de la nation sur la vie des hommes, le droit à chercher le bonheur dans l’espace de temps auquel chacun a droit dans la mesure des possibilités les plus larges et dont chacun devrait pouvoir disposer selon son désir; je suis radicament pour le droit à fuir la misère, la guerre et la bêtise religieuse contre le droit des frilosités.

Par contre je suis modérément pour le droit à la sécurité; de toute façon, n’allons-nous pas mourir? N’avons-nous pas assez appris “Vivre libre ou mourir”?

Il semble qu’on préfère un peu trop “vivre en cage plutôt que mourir”…

Radicaux, nous? Extrémistes? Si vous le dites! Nous sommes extrémistes parce que vous l’êtes! Nous sommes radicaux, parce que vous l’êtes! Vous êtes notre extrême comme nous sommes le vôtre. Européistes, libéraux, sociaux-démocrates, vous êtes des extrémistes. Vous êtes des terroristes. Vous êtes des criminels. Mais, naturellement, l’histoire est de votre côté…

A ce jour, nous déclarons tout qui s’attaque, ne fut-ce que d’une once, aux soins de santé, à l’enseignement ou aux transports publics, ennemi des hommes et des femmes.

A ce jour, nous déclarons tout qui privilégie la sécurité des biens à la liberté d’expression, de pensée ou au droit au confort de vivre, ennemi des femmes et des hommes.

A ce jour, nous déclarons tout qui s’accroche à des soucis d’identité et à des valeurs même bien emballées pour justifier leurs bombes, ennemi des hommes et des femmes.

A ce jour, nous déclarons tout qui repose sur un dogme, un livre, une mystique le droit de réduire ceux des autres, ennemi des femmes et des hommes.

A ce jour, nous déclarons tout qui privilégie le droit à bétonner pour aller plus vite, plus loin, plus fort contre la liberté de maintenir son environnement, ennemi de l’homme.

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