La preuve que Dieu n’existe pas n’est pas obligatoire…

… Il suffit de montrer que Dieu n’est pas nécessaire…

Or, la théorie de l’évolution et le principe anthropique permettent de montrer comment le monde que nous connaissons a pu prendre naissance, se développer et évoluer jusqu’à ce jour. A l’instar de Laplace, nous pouvons dire que nous n’avons pas besoin de l’hypothèse de Dieu pour expliquer l’existence du monde. Est-ce suffisant? Cela ne le sera jamais à ceux qui ont besoin d’une cause, d’une raison.

Mais, comme Dawkins le montre abondamment dans son livre “Pour en finir avec Dieu”1, l’hypothèse de Dieu, destinée à donner une raison d’être à notre présence plutôt qu’à notre absence bute sur une aporie: pourquoi y’aurait-il un Dieu plutôt que rien? Qui a conçu le concepteur? C’est le coup du mythe indien qui pose que la Terre repose sur une tortue qui repose sur une tortue qui repose sur une tortue….

Donc, Dieu ne justifiant rien, il n’est pas nécessaire. S’il n’est pas nécessaire, rien ne nous oblige à considérer cette hypothèse. Toute personne désirant inclure Dieu dans une théorie scientifique doit donc en montrer la pertinence par des faits et observations scientifiques. A ce jour, rien ne permet de s’en approcher. La théorie du “dessein intelligent”, aussi subtile puisse-t-elle paraître, achope elle aussi sur la justification de l’existence de Dieu -Pourquoi un Dieu plutôt que rien?

Il reste que beaucoup de travail reste à faire pour parvenir à convaincre la plupart des gens de la justesse de cette position, à commencer par la mise en mots à la fois intelligente et accessible des faits corroborants la théorie de l’évolution et le principe anthropique appliqué au Cosmos.

Ce principe explique l’existence d’une planète susceptible d’accueillir la vie (la Terre, par exemple) par l’énorme quantité de planète existante dans l’univers connu. Même s’il est très très improbable que la vie apparaisse sur une planète, le fait qu’il existe une quantité énorme de planètes permet d’obtenir une probabilité finalement très grande de conditions permettant l’apparition de la vie sur une planète -à commencer par la nôtre. Cette théorie peut également s’appliquer sur les lois régissant l’univers (et notamment aux constantes de l’univers permettant aux lois de la physique et de la chimie d’avoir une chance de développer la vie.

Quant à la théorie de l’évolution, aujourd’hui corroborée par des millions de scientifiques ayant observé des milliards de faits étalés dans des disciplines aussi différentes que la biologie, la géologie, l’archéologie, la physique, la chimie, l’éthologie, et j’en oublie certainement, elle n’attend qu’une chose: que l’on montre qu’elle ne fonctionne pas. Un grand généticien de la première moitié du XXe Siècle, défié par un popperien borné de dire comment l’on pourrait réfuter la théorie de l’évolution, marmonna cette réponse restée fameuse: “Des lapins fossiles dans le Précambrien.” Le Précambrien remontant largement avant les dinosaures, il devrait être impossible de trouver un lapin dans une couche géologique de cette période. Cette phrase est restée tellement célèbre qu’il y a même eu des tentatives de fraude à son endroit2.

La génétique et l’établissement de ses lois permettent également de conforter la théorie de l’évolution. L’observation des chaînes de mutation menant à des impasses d’un côté -les plus fréquentes-, à des stades d’évolution plus adaptés d’un autre -les plus rares-, nous permet de montrer comment, depuis l’apparition de la vie, il y a près de 4 milliards d’années, elle a pu évoluer jusqu’à aujourd’hui -et comment, contrairement à ce que prétendent les créationnistes, cette évolution de la vie est longue, très variée et ne répond pas du tout aux assertions bibliques. Le simple fait qu’il a existé des millions d’espèces qui se sont éteintes, que les espèces actuelles sont généralement très récentes, est déjà un signe évident que la “création” est un joli mythe qui n’explique plus rien. Par ailleurs, l’évolution par mutation génétique montre qu’il n’y a pas d’intention dans les mutations, mais simplement une série gigantesque d’accidents qui donnent une infime proportion de succès. Ce qui mène Hawkins à dire qu’un athée a toutes les raisons de se réjouir d’exister et aucune de se lamenter de mourir, car nous sommes les bénéficiaires d’une probabilité extrêmement ténue de pouvoir considérer le monde pendant un temps très réduit, et pourtant suffisamment long pour en apprécier les plaisirs.

A cet égard, une chouette expérience -qui n’est pas démonstrative, mais illustrative- à faire est la suivante: prenons une phrase bien déterminée, assez longue, et une quantité importante de personnes qui joueront le rôle des étapes de l’évolution.

Un premier cobaye prononce la phrase à trois autres cobayes, une seule fois, sans se répéter et sans l’écrire. Le premier cobaye représente le porteur d’un gène qui se reproduit, les 3 autres la première génération de ses successeurs. Ces trois membres symbolisant la 1e génération répéteront la phrase une fois et sans la répéter à, respectivement, trois nouveaux cobayes, qui représenteront donc, à 9, la 2e génération. Et ainsi de suite; à la 3e génération, ils seront donc 27 et à la 4e 81. A la 5e, il faudrait qu’ils soient 243. Au total, l’expérience nécessiterait déjà 364 personnes, à ce stade. Idéalement il serait bon de la poursuivre le plus loin possible, jusqu’à la 10e génération. On peut envisager l’expérience autrement, en se contentant de 2 successeurs à chaque fois, ou alors de partir avec une 1e génération de 10 membres qui ne transmettent leur “gène” qu’à un successeur chaque fois. Cette version de l’expérience n’aurait besoin que d’une centaine de cobayes pour 10 générations. Rien ne nous empêche de produire les deux versions de l’expérience.

L’idée ensuite est que l’on enregistre chaque version du gène transmis pour en observer l’évolution, par les changements accidentels survenus dans la phrase. On suppose que pour que le gène continue de fonctionner et permette à son porteur de “survivre”, de “s’adapter”, la phrase continue de signifier quelque chose de cohérent. Il est fort probable que dans certains cas la phrase reste exactement telle qu’elle était à l’origine. Dans d’autres, elle aura évolué de manière incohérente -probablement que les porteurs successifs du gène s’en seront émus, mais qu’importe pour notre objectif. Ce qui est intéressant, c’est de voir la quantité et la qualité de ces mutations. Enfin, parmi les mutations, certaines porteront peut-être à une phrase -qui serait pour les besoins de notre expérience le phénotype d’un gène- qui restera cohérente, tout en étant différente de celle d’origine. Ceci illustrerait à une échelle minuscule et de manière très parcellaire à ce qui se passe dans l’évolution. Il faudrait multiplier ce phénomène par le nombre de gènes susceptibles d’évoluer au sein d’un être vivant qui se reproduit, mais aussi par le nombre d’individus se reproduisant, par le nombre d’individus reproduits et enfin par le nombre de génération étendu sur une certaine période. Par cette expérience, les participants pourraient prendre la mesure de la puissance de la théorie de la mutation génétique accidentelle dépourvue de toute intention.

On pourrait aussi réaliser des variantes de cette expérience en mettant les éléments de la chaîne sur une seule ligne et pousser jusqu’à cent, deux cents, trois cents générations. Ou faire comme le propose Dawkins dans son livre de remplacer la phrase par un dessin ou un origami compliqué.

Une école serait à cet égard un excellent lieu où accomplir cette expérience, soumise à un protocole très sérieux, et dont les résultats pourraient envisager une publication. Rien qu’en en évoquant la possibilité, je me demande si cela n’a pas déjà été réalisé.

Dawkins évoque cette expérience, non encore faite par lui, pour montrer la pertinence du principe de l’évolution par mutation dans un autre domaine: la culture. Je trouve l’idée très jolie quoique je ne puisse l’apprécier dans sa subtilité, ne l’ayant pas étudié plus avant. Cependant, intuitivement, elle me paraît juste, ou tout au moins exploitable pour la plus grande joie de nos esprits scientifiques.

  1. Le livre roboratif et efficace de Richard Dawkins, Pour en finir avec Dieu, est paru en français chez Robert Laffont, en version de poche dans la collectin Tempus. []
  2. Voir http://www.talkingsquid.net/archives/133 par exemple. []

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