Trop de mois de silence

Je travaille sur deux gros projets depuis -plusieurs mois pour l’un et plusieurs années pour l’autre. Ce qui explique mon peu d’application sur ce blog, sans le justifier. D’un autre côté (pour ne pas dire “en même temps”, désormais honni), bon, est-ce bien grave?

Ceci ne signifie pas que de temps en temps je ne voudrais pas écrire quelque chose sur les événements qui ont lieu.

Je me suis déjà exprimé longuement ici sur le Brésil; je voudrais pouvoir le faire plus sur le Vénézuéla, mais sur ce sujet je ne me sens pas qualifié. Je peux juste dire qu’à l’approche des événements prochains, je crains une intervention extérieure plus que toute autre chose.

Qu’apporterait-elle de bon? Nous savons tous que ces interventions dites “de la communauté internationale” n’ont en rien aidé les populations en Irak, en Libye, en Afghanistan, en Somalie, que nos gouvernants sont co-responsables des catastrophes humanitaires en RDC, au Rwanda, que leurs actions ont produit plus de terroristes qu’elles n’en ont détruit. Et qu’on finit par se demander s’il n’y a pas une intention… Incompétence ou malhonnêteté?

On voit que je n’ai pas le coeur à rigoler.

Il y aurait beaucoup à dire sur la politique intérieure des pays de l’Union Européenne, et c’est d’ailleurs l’un des deux gros sujets sur lesquels je travaille en ce moment. “Alerte gâcheuse” pour les mois à venir: je prépare actuellement un réquisitoire serré contre les traités de l’Union Européenne, contre les structures libérales et leurs défenseurs aux manettes et une plaidoirie pour une position alternative -qui existe, heureusement, mais que je m’échine à encourager du mieux que je peux: par la recherche des faits et par les propositions.

On pourrait, et on devrait parler longuement des élucubrations des gouvernants des pays de l’OTAN qui semblent participer d’une surenchère imbécile en vue d’une justification d’agression contre le plus grand pays du monde. Vu de l’espace, les USA et leurs alliés semblent à peine plus importants que la Russie, et pourtant, les budgets militaires corrélés des six pays les plus militarisés de l’Otan font plus de douze fois celui de l’horrible ours caché derrière son hiver sibérien. Les discours et actions des gouvernements turcs, hongrois et polonais devraient nous suffire pour nous convaincre que l’OTAN n’est pas dans le camp du bien. Mais non: elle nous protège d’une menace évidente; elle agit pour le bien du monde; elle se repait de son auto-justification dans des roulements d’épaules qui, je dois le dire, me font rouler des yeux d’étonnement tant j’ai du mal à comprendre l’aveuglement des peuples d’Europe Occidentale.

Nous avons, de l’Islande au Portugal, de l’Italie à la Norvège, les populations les plus éduquées depuis le début de l’humanité, un taux de croyance en l’irrationnel extrêmement bas comparé au reste du monde et surtout au reste de l’histoire, une capacité à comprendre les avancées de la science tout à fait exceptionnelle dans la plus grande partie de la population, un bagage de révolution et de réformes sociales qui n’a pas eu son pareil dans le passé -il est vrai aussi que le XVIIIe, le XIXe et le début du XXe siècles avaient nécessité de tels mouvement de foules pour arriver aux progrès que nous avons connu jusqu’aux années 1970, environ.

Et malgré cela, nos peuples semblent subjugués par les outils de propagande libérale (économiquement) et autoritaire (politiquement). Nous en connaissons les points forts: la “fin de l’histoire” a dressé le libéralisme économique comme seule solution “connue” et “souhaitable” -les autres ont cessé d’être considérées médiatiquement comme positives- et de nouveaux ennemis sont régulièrement avancés pour justifier la restriction de nos libertés civiles. Les causes de nos malheurs deviennent par sophisme les solutions à nos problèmes.

Les hommes (et les femmes) qui se sont assis sur les structures politiques pour justifier la domination économique libérale, les reculs successifs de la démocratie et la pollution générale de notre planète se présentent en sauveurs du monde en combattant de minuscules problèmes (en comparaison avec ceux qu’ils ont créés) présentés comme les obstacles à notre bonheur.

Aujourd’hui, c’est tout juste si la Russie, certes loin d’être parfaite, mais qui a atteint son plus haut degré de démocratie de toute son histoire -plus que millénaire-, n’est pas présentée, par association avec l’Iran -une République islamique, certes, pas rigolote, surtout si l’on est athée, mais où il est bien plus possible de s’exprimer qu’en Arabie Saoudite ou au Yémen– et la Syrie -qui, jusqu’il y a six ans, était un Etat non démocratique, mais laïque et ayant réussi à faire cohabiter des populations très différentes et théoriquement très désunies-, comme la cause de tous les maux de la Terre, en compagnie, évidemment de la Corée du Nord et, par extension, de la Chine et du Vénézuéla.

Je reste confiant dans l’idée que ni Trump, ni Macron, ni May ne veulent déclencher une guerre mondiale et resteront dans les limites de leurs rodomontades, parce qu’ils aspirent à dominer la scène politique et à favoriser leurs créanciers, et qu’ils ne chercheront pas à titiller “l’ogre russe” plus qu’il ne faut. Les nouvelles de ce matin semblent enclines à m’y conforter. Je crois que l’apparente irrationalité de Trump est tout à fait calculée et qu’il gère sa relation avec Poutine comme on gère des informations contradictoires à la corbeille.

On en vient presque à souhaiter que la CIA est bien derrière chaque dirigeant de l’OTAN, prête à les empêcher, en Hongrie ou en Pologne, par exemple, ou en dehors de l’OTAN, comme en Ukraine ou au Pakistan, de commettre l’irréparable, parce que, dans leur cynisme, ils restent rationnellement préoccupés par l’équilibre instable du monde -sinon, que pourraient-ils dominer?

Mais évidemment, aussitôt, on se rappelle leur incompétence manifeste dans nombre de dossiers (incompétence ou malhonnêteté? ou alors multiplicité des services entrainant ignorance par la main droite de ce que fait la main gauche?), l’incohérence de certaines actions… Evidemment encore, cela ne m’empêche pas de me souvenir que CIA, USAID, NSA sont derrière une quantité invraisemblable de crimes et de situations sociales et politiques désastreuses, en particulier sur le deuxième continent de ma vie: l’Amérique du Sud.

Donc, je disais “presque”.

Et puis, naturellement, après avoir -trop peu- considéré la situation des pays où l’on meurt encore régulièrement de la violence policière, de la faim, du manque de soins chroniques, de l’absence de normes sanitaires, des guerres plus ou moins civiles, de l’imposition des règles du marché et de la concurrence “libre et non faussée” qui ruinent la société agraire et forcent les gens à se vendre à quelques cents de l’heure dans des fabriques qui ne dépareraient pas dans l’Alost du XIXe Siècle, après tout cela, donc, il faut bien se pencher un petit peu sur nos malheurs belgo-belges.

La libéralisation des services publics, la fin des soins de santé à prix raisonnables, la division de l’enseignement non plus en deux, mais en trois, quatre, voire plus de niveaux de qualité, les transports en miettes, le gel des revenus, l’enfumage sur les salaires poches et sur la réduction du salaire brut, la politique sécuritaire sous prétexte de terrorisme, la poursuite du tout à la bagnole, totalement incompréhensible et irrationnelle, l’incohérence sur les argumentations obscures concernant le nucléaire, … On ne sait plus que choisir. A l’échelle de la crise brésilienne, je tiens à le dire, nos problèmes sont ridicules. Mais comme je suis belge, je tiens tout de même à poser ma petite humeur sur les axes de possibilités présentés par nos glorieux partis, Ecolo, cdH, PS, MR ou Defi, d’un côté, et leurs équivalents flamands de l’autre: ça tient dans un mouchoir de poche libéral et autoritaire, peu innovant dans une perspective à long terme et sans aucun intérêt si l’objectif est bien de servir de modèle au reste du monde.

La Belgique, à l’intérieur de ses contradictions communautaires -qui ont surtout pour objectif de nous faire oublier tout le reste-, suit avec un calme méprisable les préceptes capitalistes de l’Union Européenne.

Quand on connait un peu les Traités conclus au cours des décennies passées et les décisions du Conseil européen et de la Commission Européenne, on ne peut que le constater. Mais on doit aussi rappeler que nos gouvernants sont partie prenante de ces décisions, notamment du fait que ce sont nos ministres qui font partie du Conseil et que ce sont eux aussi qui se mettent d’accord sur la nomination des commissaires qui ont pour charge de mettre en forme le programme dressé par… les Etats.

La prochaine fois qu’un communicant gouvernemental vous fera le coup du “c’est la faute à l’Europe”, répondez-lui que son doigt, s’il était suffisamment long, en faisant le tour de la Terre, après être passé à travers la Commission, pointerait son dos.

Pour finir, une petite contribution à la polémique trop peu présente sur “néolibéralisme ou libéralisme?”. Le néolibéralisme, c’est le libéralisme à cent pour-cent sans concession, désireux de ne laisser aux Etats que leurs fonctions régaliennes. Bref, c’est le libéralisme rêvé par les puristes de la chose. Ce n’est certes pas l’idée d’Adam Smith, mais il ne faut pas oublier que ce dernier n’a fait que théoriser quelque chose qui existait déjà à l’échelle de certaines régions ou de certaines associations. Adam Smith avait sans doute le projet d’un libéralisme généreux, qui restait attentif aux déshérités et aux malchanceux (si, si, c’est prévu dans ses textes). Il avait sans doute le souci de convaincre le plus grand nombre. Smith faisait le pari d’un lectorat le plus large possible, alphabétisé, désireux de se lancer dans l’entreprise, à une époque où le salariat n’était pas encore la norme et où l’usine n’était pas l’enfer qu’allaient connaitre la toute grande majorité des ouvriers anglais un siècle plus tard. Il faut remettre Smith dans son contexte. De même qu’il faut remettre les néolibéraux dans le leur. De là à devenir keynésien, il n’y a qu’un pas -que je ne franchirai pas, comme vous vous en doutez.

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