thitho et milou
Dans le chapitre des professions protégées, il y en a une qui me fait particulièrement bondir. C’est celle de la presse. Le journaliste, l’éditeur, le rédacteur, tout ça… sans oublier le publicitaire, le commercial… Un journal, aujourd’hui, sans ces deux-là, ça devient rare.
On casse pas mal de sucre sur la presse gratuite (Métro, 20 minutes) parce qu’elle est financée entièrement par la publicité. On n’a pas tort. Difficile de croire à l’indépendance de ces journaux, difficile d’en apprécier la profondeur d’analyse… Encore que…
(On trouvera quelques arguments et une vision modérée de la situation ici. La conclusion: “chacun son métier” a le mérite de l’originalité.)
On doit cependant reconnaître que la presse gratuite a amené pas mal de monde à lire des articles d’information, monde qui jusqu’alors -au mieux (ou au pire)- ne savait de l’actualité que ce que la télé en dévoilait.
Est-ce mieux? est-ce pire?
Il faut aussi remettre les choses dans leur contexte: les quotidiens gratuits (pour rappel, la presse gratuite existe depuis longtemps) sont apparus dans les années 90′, après ce qu’on a appelé la “chute des idéologies”… Les journaux, qui n’étaient déjà pas spécialement engagés auparavant (en tout cas ceux qui survivaient), devenaient de plus en plus mous et consensuels. La plupart d’entre eux ne sont plus depuis longtemps que des organes d’enregistrements des dossiers et des agences de presse.
Difficile de défendre une telle presse se basant sur sa compétence. Difficile de la défendre sur son indépendance…
Après tout, supprimez toute la publicité, et la quasi-totalité de ces journaux devront fermer boutique.
Le Canard Enchaîné en France en est une des rares exceptions.
Qu’est-ce que l’indépendance de la presse sinon l’exercice d’une totale liberté de ton et de contenu, et une capacité à révéler ce qui est vrai en toute circonstance?
Difficile de critiquer un pourvoyeur de fonds.
Que celui-ci soit une autorité publique, une société privée, un parti ou… un lectorat (sans parler de l’actionnaire).
La publicité rend le journal dépendant de ses annonceurs.
Un journal payant dépend de son lectorat.
Les subventions et les productions publiques permettent un contrôle de l’autorité financiére.
Un organe de parti dépend du parti.
Un journal comme le Canard Enchaîné ne doit son indépendance qu’à la fidélité de son lectorat. -Est-il indépendant? oui, si l’on considère qu’il a pris le risque de ne pas plaire depuis sa création pendant la première guerre mondiale.
(note: je laisse la dépendance à l’actionnariat pour une discussion ultérieure)
Internet est en train de changer la donne. Bien sûr, tout le monde n’y a pas accès, mais l’information a déjà connu pareil problème: lors de l’apparition des journaux, l’alphabétisation était loin d´être la règle, même en Occident et les radios et télévisions ne sont devenues accessibles au plus grand nombre que plusieurs décennies après leur apparition. (Hm, de nouveau on peut se poser la question -est-ce un bien ou un mal, mais bon)
Internet pose en outre une autre question (pas nécessairement nouvelle): celle de la professionnalisation du métier de journaliste.
Si Internet permet de couper dans pas mal de frais (édition, marketing, imprimerie, distribution), il n’en reste pas moins qu’un sacro-saint principe de la presse est son caractére professionnel.
Le journaliste a-t-il le droit de se prétendre garant de l’indépendance de son jouet?
Ses études le lui permettent-elles?
Qu’en penserait Jack London?
Qu’en pensez-vous?
October 8th, 2007 at 12:04 pm
Tiens, c’est drôle… Ta réflexion sur la presse gratuite me fait penser au débat Harry Potter qui s’est tenu sur ton blog y a pas si longtemps…
Faut-il brûler Harry ou se réjouir que ça a réconcilié plein de gens avec la lecture?
Je rajouterais quand même à ta réflexion la notion “d’esprit critique”. L’information objective, pour moi, c’est un mythe… Un journaliste, même pro aura toujours une bonne part de subjectivité (et c’est heureux). Donc, le principal n’est-il pas de donner aux gens les moyens de décrypter les infos, d’où qu’elles viennent?
October 8th, 2007 at 12:32 pm
Tout à fait d’accord avec cAt… mais pas si simple comme question: car quelle subjectivité resiste au formatage de l’info?
formatage= tout à la fois ne pas déplaire à son lectorat/ auditorat/ (ou carrément le caresser dans le sens du poil car les annonceurs qui vous paient attendent que les gens soient là pour voir leurs pubs)… + ménager ses bailleurs de fonds + ménager les Amis qui vous ont mis là où vous êtes (dans de sales draps si vous vous prétendez journaliste indépendant garant de la liberté de la presse et critique…)
ce mélange pas très ragoûtant n’est pas spécialement visible tout de suite, ça ne saute pas aux yeux, tous les journalistes “bien honnêtes” n’y participent pas sciemment. mais c’est une sorte de schéma de règles non dites et parfois non réfléchies par les individus. un système, avec ses différents échelons de décision qui tendent à se conformer à cette équation.
sans oublier toutes les valeurs politiques intégrées…
bref, il n’y a pas de journalisme objectif; mais il y a du journalisme orienté, et parfois y a du journalisme orienté dans le bon sens…
October 8th, 2007 at 1:30 pm
Oui, avec l’horrible sentiment que, si ça se trouve, Germain croit qu’il est bien orienté…
October 10th, 2007 at 12:29 pm
Germain et nous…
hu hu hu hu
J’aime beaucoup ce que dit Wa “Il n’y a pas de journalisme objectif mais il y a du journalisme orienté, et parfois y a du journalisme orienté dans le bon sens…”
Qu’on donne aux gens les clés pour comprendre l’info. Qu’on dise que Vrebos est MR, qu’à la RTB faut généralement avoir une étiquette PS pour avancer (attention hein, je ne globalise pas tout. Je dis bien “généralement”). Qu’on explique aux gens que les groupes de presse ne sont pas du tout nombreux et sont aux mains d’intérêts financiers pas toujours recommandables.
Ca me fait penser aussi que tant que l’info servira de prétexte au commerce, on ne sera pas rendus non plus…
October 10th, 2007 at 12:35 pm
Assez d’accord avec cAt et Wa, c’est la première réaction qui m’est venue en lisant le texte de Thitho. C’est un mythe de parler de “journalisme objectif”, qui permet justement de faire fi de la subjectivité et soumission au lectorat, pub, financiers, politiques,… sous le principe de professionnalisation. Je préfère donc un journal, ou un journaliste, qui affiche clairement sa subjectivité et le point de vue duquel il part pour écrire son article.
Et c’est sûr, face à ça, il faudrait donner aux gens les clés pour analyser et critiquer l’info, mais faut pas rêver, ça fait partie des grands discours sur l’école mais faudrait pas pousser, le système préfère que ça reste au niveau du discours. Où irait le monde sinon? 😉
October 10th, 2007 at 3:04 pm
Je cherche, je cherche… Je ne trouve pas dans mon article de mention au journalisme objectif, auquel je ne crois pas. Je parle bien d’indépendance du journalisme, qui me semble essentiel pour un exercice cohérent d’une activité censément basée sur la critique et la recherche de la vérité.
Je n’ai rien contre un journaliste qui affiche sa couleur politique, mais, tel le canard, qui est de gauche, j’attends de lui qu’il critique même le parti qu’il défend aux élections…
October 11th, 2007 at 1:05 pm
c’est vrai, mais pour moi, c’est valable aussi pour la question de l’indépendance, je n’y crois qu’à moitié, même pour le canard
October 11th, 2007 at 7:21 pm
Ça alors? Il est pas indépendant, Tthith.. heu, Tintin?
Il n’a qu’une seule charge: nourrir son chien (et généralement il se nourrit bien tout seul), ne recule devant rien pour faire éclater la vérité, est incorruptible, n’a aucun vice et ne lutte que contre les idéologies méchantes (telles le communisme), tout en ne critiquant jamais ce qui est bien (le colonialisme, l’anti-sémitisme, la propriété bourgeoise (voire aristocrate), etc.).
Plus indépendant que Tintin, tu meurs…
October 11th, 2007 at 8:58 pm
Je dirais même plus … Il n’y avait pas plus honnête qu’Hergé !
October 11th, 2007 at 10:40 pm
Les RG ont toujours ete connus pour leur probite et leur independance 😀
October 12th, 2007 at 8:17 am
D’ailleurs, regardez cette nouvelle preuve d’honnêté. Faire un censurer un reportage qui, justement, parle de censure parce que les fallacieux journalistes l’ont tourné en caméra cachée.
Si ça c’est pas de l’honnêté, de l’indépendance et de la probité!
Si Moulinsart n’avait pas fait ça, je n’aurais sans doute pas regardé le reportage et je n’aurais donc pas su qu’ils avaient une liste noire de gens avec qui ils ne voulaient pas apparaître à la télé parce que ces gens avaient eu l’audace de dire du mal de la s.a. Moulinsart.
CQFD!
October 13th, 2007 at 2:17 am
C’est sûrement la faute à Chavez …
October 13th, 2007 at 7:52 pm
Aux fins de réaliser un bon travail, une bonne recherche, qqes uns des mes profs d’histoire disaient ceci à propos de l’objectivité, : “avoir pour but l’objectivité tout en sachant que ce n’est pas possible”
October 14th, 2007 at 4:22 am
Ah la quête inaccessible de la perfection… c’est du Brel dis donc… C’est du catho, quoi…
October 14th, 2007 at 1:21 pm
Ah bon, l’anarchie c’est du catho alors? 😀
October 14th, 2007 at 4:01 pm
non c’est le contraire: le catho c’est l’anarchie…