La raison qui venait du froid

L’Islande ne paiera pas

Serait-ce la premier pays à retrouver la raison? Fallait-il tomber si loin dans l’irrationnel pour retrouver l’esprit critique suffisant pour ne plus s’identifier à “ses banques”?

Toujours est-il que le petit peuple des geysers a décidé que les dettes contractées par les trois premières banques privées auprès de personnes privées en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas étaient… une affaire privée.

Et, par Thor, ils ont bien raison!

Il est certes clair que l’économie islandaise n’était pas un grand modèle de décence avant la crise1: le niveau de vie de la population avait considérablement augmenté dans les décennies qui précédèrent 2008, essentiellement parce que le pays était devenu une espèce de rêve libéral capitaliste financier, dont la plus grande partie de la création de richesses était basée sur des spéculations financières pratiquées par un réseau bancaire totalement privatisé et, surtout, totalement débridé, ayant permis aux épargnants islandais, naïfs, peut-être, mais pas tout à fait innocents non plus, de multiplier leurs avoirs en peu de temps et leur permettant de tabler entièrement sur un système d’assurance santé et pension lié à leurs institutions financières (aka, les mêmes banques). L’Islande devint rapidement le modèle à suivre selon l’ONU ou l’OCDE; en 2008, juste avant de chuter sur les subprimes étatsuniennes, elle se trouvait au premier rang de l’index de développement humain du PNUD2. Le rêve capitaliste incarné.

Plus dure fut la chute lorsque l’île-étape des vikings vers le Groenland se rendit compte qu’elle était au coeur du cyclone financier. Les trois banques principales qui semblaient indéfiniment produire de la valeur et avaient attiré des avoirs financiers largement supérieurs au PIB islandais se cassèrent la gueule. Ceux des Néerlandais et des Britanniques qui avaient investi auprès d’elles, cliques politiques en tête3 et dans la schizophrénie créée par les renflouements imbéciles et incohérents réalisés auprès des AIG, Fanny Mae, Freddy Mac, Goldman Sachs (aux USA) ou des Dexia et autres (en Europe), réclamèrent des Islandais qu’ils règlent la note de leurs banques.

Mais pourquoi?

Les 300.000 et quelque Islandais qui avaient effectivement mis tout leur calcif dans ces banques étaient certes bien coupables d’avoir cru en ces rêves financiers d’extension sans fin, mais les ressortissants étrangers qui sont venus y glisser leurs Livres et leurs Euros attirés par le même ponziesque schéma ne le sont pas moins. Pourquoi faudrait-il que, sous prétexte que ces banques sont situées entre deux fjörds, une centrale de pêcherie et un studio de musique néo-psychédélique, une population entière soit rendue responsable des agissements d’une poignée de prétentieuses têtes d’oeufs?

Amusant de penser que, en règle générale, le capitalisme n’a pas de frontière, mais que quand ça arrange l’un d’eux il peut se les retrouver, comme un coin sous une table, qu’il enlève, histoire de la faire pencher de son côté.

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Aujourd’hui, donc, si j’en crois le site de M. Collon, les Islandais se réveillent et vont écrire, avec un peu de chance, une nouvelle page de démocratie…
Avec de vrais morceaux de nationalisation des ressources naturelles dedans…
On dirait du Mélenchon, c’est beau comme du NPA… J’ai des copains qui s’en satisferont. Moi, je ferai comme avec Chavéz: j’attendrai pour juger sur pièce. Mais, cela dit, c’est plutôt bon signe…

L’Islande, prochaine destination d’embargo?

  1. Voir notamment ici et ici. []
  2. Outre les références déjà reprises dans la note précédente, voir J. E. Stiglitz, Freefall, penguin, Londres, 2010, p. 359. []
  3. Le ministre des Finances britannique activa une loi anti-terroriste contre l’Islande. Dans la série des clowneries sans nom, on fait guère mieux. []

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