Légitimiste

On s’attend à toute heure du jour et de la nuit de voir surgir enfin la fumée blanche qui consacrera pour, ouhla, plus tellement longtemps, le nouveau gouvernement fédéral belge, dont la législature est déjà commencée depuis, oulà, un petit moment…

Légitimité, représentativité, compromis, démocratie…

Voilà ce que nous attendons de nos informateurs, formateurs, animateurs, voire amateurs.

C’est pas gagné.

Peut-être est-ce l’heure de nous interroger sur la légitimité d’un tel processus. Non pas tant sur la problématique de l’existence ou non d’un tel pays qui s’appellerait Belgique depuis pas loin de deux cents ans, mais plus sur le principe même de la dite démocratie représentative, celle qui se base sur des élections offrant à un demi-millier de gugusses le pouvoir de (surtout ne pas) décider du sort de dix millions d’autres gugusses qui suivent, tel un mauvais feuilleton ou un bon reality-show, le défilé des négociations -qui n’en sont sans doute guère- devant mener à la dernière réforme de l’Etat avant la suivante, et à la formation d’un gouvernement (parmi six dans le pays) dont les membres n’auront pas manqué pendant sept mois de s’étriper et se délecteront de partager la dépouille de la bête au cours de ce qui reste de leur temps de pré-campagne électorale.

Il n’y a pas de légitimité en dehors de la justice. L’histoire ne permet de rien résoudre. Au-delà des hypocrisies de certains, voire de la plupart des acteurs (sinon de presque tous), si nous considérons les exigences aussi bien des uns que des autres, et selon que l’on soit du Nord, du Sud ou du centre du pays, toutes les revendications, historiquement, se valent -et, en un sens, ne valent donc rien, puisque si toutes valent la même chose, leur contradiction les amènent à ne valoir rien du tout.

Pourquoi vouloir se séparer si c’est pour, à terme, trouver les mêmes confrontations un échelon plus bas? Pourquoi vouloir rester ensemble si c’est pour continuer à s’entre-déchirer sur les mêmes thèmes? Pourquoi se résoudre à des concessions de part et d’autre qui ne satisferont personne -du moins suffisamment peu pour permettre aux mêmes clowns de poursuivre leurs surenchères lors des prochaines élections.

Il n’y a aucune légitimité, parce qu’il n’y a aucune justice, ni globale, ni particulière, là-dedans.

Ce n’est pas l’intérêt général, ni l’intérêt de tous, ni celui de chacun que les “négociateurs” défendent, mais uniquement leurs droits à continuer de jouer aux chaises musicales aux frais des contribuables. Quels qu’ils soient. N’allez pas espérer dans le chef de l’un ou de l’autre une exception qui confirmerait la règle: ils ont tous passé, à un moment ou à un autre, et plutôt deux fois qu’une, au ratelier où se distribue -entre eux- équitablement le fourrage.

Non, pas “tous pourris”, mais simplement tous préoccupés par la même chose depuis que la Chose Publique existe: le partage du gâteau entre les privilégiés, la conservation du système à l’avantage de ceux qui ont réussi à marcher sur les têtes des autres, l’illusion du discours “différent” dans un monde qui ne change surtout pas. Et, en Belgique, les arguments faciles des soucis communautaires en guise de propa.

Certes, en 5000 ans d’histoire urbaine, les conditions de vie se sont sensiblement améliorées pour bien des hommes -et des femmes dans une certaine mesure-, mais ce n’est assurément pas grâce à eux. L’histoire, si elle doit au moins montrer une chose, nous apprend que c’est toujours sous la pression de la rue, à la force de la mobilisation, que les populations obtiennent des améliorations dans leurs conditions de vie, des droits, des libertés, et l’abolition de parties de privilèges de l’autre côté. Les révolutions de palais ne doivent pas nous illusionner, pas plus que les changements de régime ou les alternances de pouvoir. La justice, c’est la rue qui l’obtient, pas la qualité de l’hermine qui enrobe le magistrat. Et la justice ne permet jamais de justifier la moindre prétention au pouvoir de personne. Il n’y a pas d’autre légitimité dans la concession temporaire d’un pouvoir que dans la liberté et l’égalité, jointes, obtenues par l’ensemble de la population.
Et cette légitimité ne peut jamais être que temporaire, limitée, et surtout révocable.

Vive l’anarchie.

One Response to “Légitimiste”

  1. Marie-Luce Says:

    Oh que oui ! C’est encore un de ces jours où ce que tu écris n’a pas à me convaincre. Tu as les mots qui me manquent, l’immense lassitude en moins !

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