Dans dix mille ans, qui se souviendra de Mozart?
Les Bouddhas d’Afghanistan, explosés par un régime qualifié de médiéval ((Au passage, ce n’est pas sympa pour le Moyen-Âge.));
Les sites archéologiques babyloniens effacés par l’armée étatsunienne;
Les musées du Caire dévalisés, pillés au cours du printemps arabe;
Et maintenant Leptis Magna, ville antique, bombardée par l’Otan… ((http://blog.ilmanifesto.it/arte/2011/06/20/leptis-magna-e-le-bombe-che-la-polverizzano/))
On pourrait difficilement éviter de parler des innombrables villes détruites par le passage des armées, les bombardements, les guerres de tranchée au cours des siècles passés, effaçant nombre de traces importantes du passé dans le même temps.
Certes, en tant qu’historien, je trouve cela triste et désolant, mais cette émotion ne peut éluder deux aspects importants de ces événements.
D’une part, il est toujours plus important de considérer les pertes humaines, les désastres personnels, que de se concentrer sur des reliques de périodes éteintes. Même s’il est pénible de voir disparaître des éléments du “patrimoine culturel” mondial, il est bien plus terrifiant de constater la difficulté à maintenir l’attention du grand public sur les effets de la guerre concernant les victimes civiles.
D’autre part, si des ruines disparaissent, si des artefacts plusieurs fois millénaires sont réduits à rien, volés, confisqués par de richissimes et condamnables collectionneurs, il ne faut pas oublier que toutes ces choses sont vouées à moyen ou à long terme à l’oubli. Tout d’abord à la sélection qui se fera fatalement au cours des siècles à venir, déterminant les lieux qui devront se mettre à nouveau au service de l’homme en dépit de ce qu’ils contiennent de traces anciennes. Qu’on ne s’en offusque pas: ce choix est déjà une réalité tous les jours que les archéologues ou les historiens ont fait ou font. En archéologie, les immeubles, les trains, les aéroports, l’industrie, que sais-je, imposent souvent des fouilles d’urgence qui précèdent la destruction de sites de découvertes parfois très intéressants. Par ailleurs, les choix archéologiques imposent parfois eux-mêmes des sacrifices (qui ne sont pas toujours considérés comme tels au moment même). Ainsi, Schliemann n’a-t-il pas hésité à effacer toutes traces des villes qui surplombaient la Troie de la légende homérique, qui seule l’intéressait. Combien de repères du passé les scientifiques eux-mêmes n’ont-ils pas détruits plus ou moins consciemment? Difficile de leur en faire grief, puisque c’est à eux que l’on doit ce que l’on en sait, finalement.
Mais il y a plus fondamental, quand on veut bien se rappeler que le temps écoulé entre les premières pyramides et l’ère chrétienne représente plus d’un tiers de plus que celui qui s’est écoulé depuis. Considérons ce que l’on a retenu de cette époque, et pas seulement en terme de civilisations, mais de toute l’humanité d’alors. On pourrait probablement taper un recueil plus mince que n’importe quel bottin départemental français de tous les noms connus de la haute antiquité, disons, avant l’an mille avant l’autre ahuri -qui sait s’il a vraiment existé, celui-là, d’ailleurs-, et nous n’avons pour la plupart de ces noms guère plus de renseignements qu’une idée de leurs professions, de leur origine et, éventuellement, du siècle où ils ont vécu.
Pourtant, il devait y avoir de grands artistes parmi eux, des gens éclairés, des savants, des gens de bien, aussi, femmes et hommes…
Du boulot pour les mormons en perspective.
Quand on soupçonne que nous n’avons conservé sans doute de la littérature romaine qu’une fraction difficilement quantifiable (peut-être un dixième de son ensemble), peu de chose de sa sculpture, de son imagerie, de ses arts plastiques, et pratiquement rien de sa musique ou de sa peinture, que l’on compte encore. Que dire des populations vaincues par les Romains? Et plus près de nous par les vaincus des colons européens à l’échelle de la planète, et dont les anthropologues, les archéologues, s’échinent à reconstituer des morceaux d’histoire.
Il existe encore des doutes sur l’endroit où aurait été enterré Mozart. Qui se souviendra de lui dans dix mille ans?
July 26th, 2011 at 1:23 pm
D’un autre cote, est-ce bien important de savoir qui etait Mozart tant qu’on peut ecouter son Bolero de Ravel? Et qui sait encore qui etait ce Milo dont on admire encore la Venus? 😉