dites au revoir à la télé engagée de droite…
Un article intéressant pour ceux qui aimeraient avoir une “autre” vision sur l’affaire CRTV au Vénézuéla…
Chávez, les putschistes, la télé et le peuple
par Maxime Vivas, depuis Caracas.
publié par Bellaciao.org
Qui doit décider des choix politiques, économiques, sociaux, culturels
dans un pays démocratique ? Un richissime patron de chaîne de télévision,
intronisé par ses dollars, ou le président élu par le peuple ? Au
Venezuela, la réponse sera bientôt donnée à l’issue d’un bras de fer entre
les médias privés et le gouvernement de la nation.
La chaîne vénézuélienne RCTV (Radio Caracas TV) qui appartient au groupe
1BC bénéficiait pour une durée de 20 ans, d’une licence de diffusion par
voie hertzienne, venue à expiration le 27 mai 2007.
(suite en premier commentaire)
May 20th, 2007 at 5:25 pm
Le gouvernement bolivarien a décidé de ne pas la renouveler, tout en
laissant la chaîne libre de diffuser ses programmes par d’autres canaux
(câble, satellite). Cette décision a provoqué une virulente offensive
anti-chaviste, relayée en Europe par Reporters sans frontières qui a
alerté par courrier l’Union européenne (en invoquant au passage un
imaginaire vice de procédure).
Robert Ménard, patron à vie de RSF, s’est affiché à Srasbourg aux cotés de
Marcel Granier, Directeur de RCTV, venu en appeler à l’aide du parlement
européen. La vigilance de RSF dans cette affaire est révélatrice de sa
maîtrise de la tyrolienne : elle hurle quand les pays pauvres essaient de
contrer la puissance médiatique des oligarchies, elle murmure quand leur
presse est malmenée par les tenants d’un néolibéralisme unipolaire. Pour
preuve, cette association s’accommode de la fermeture ou de la mise sous
tutelle de médias, soit pour cause de concentration de capitaux (les
exemples abondent), soit par suite d’occupation de pays par des armées
ennemies (Afghanistan, Irak(1)), soit par mesure préventive(2)
Pour bien comprendre ce qui se joue au Venezuela, il est utile de regarder
préalablement ce que peut avoir d’ahurissant le comportement de RCTV et de
situer la décision gouvernementale dans son contexte. Dans un paysage
télévisuel ou les chaînes patronales occupent presque tout l’espace, il
s’agissait de dégager une fréquence pour une nouveau type de chaîne,
éducative et culturelle.
Le gouvernement vénezuélien a fait valoir que ce non renouvellement n’est
pas une mesure extravagante, ni une interdiction de la chaîne. En effet,
si des licences sont accordées pour des temps determinés, sujettes à
procédures de reconduction négociées, c’est bien parce qu’elles ne sont
pas éternelles (ce qui serait un privilège exorbitant pour le média
bénéficiaire). De surcroît, redisons que RCTV pourra, via le câble et le
satellite, continuer à émettre l’integralité de ses programmes.
Faisons le constat que, malgré le comportement (inimaginable en France) de
la plupart des chaînes de télévision, Chávez n’a jamais pris la moindre
mesure de censure, suspension, fermeture. Pour trouver des exemples ou
RCTV a connu quelques déboires, il faut remonter à une époque antérieure :
1976 : RCTV suspendue pour trois jours pour diffusion de fausses
nouvelles. 1980 : RCTV suspendue pour trente quatre heures pour
recours au sensationnalisme, noircissement des réalités, relation de faits
peu étayés. 1981 : RCTV suspendue pour vingt quatre heures pour
diffusion d’une émission à caractère pornographique. 1984 : RCTV
admonestée pour avoir ridiculisé sous une « forme humiliante » le
président d’alors.
Bien entendu, aucune de ces mesures n’avait exagérement émue la profession
à travers le monde. Nous n’en ferons pas grief ici à RSF, qui n’existait
pas encore. Mais il est pertinent de remarquer que, pour moins que cela,
cette ONG épingle depuis des années le gouvernement du Venezuela sans se
préoccuper, par comparaison ou pour mesurer la tendance, de ce que fut la
liberté de la presse sous les gouvernements précédents. Et sans
s’apesantir à loisir sur ce qu’elle fut durant le coup d’Etat de 2002.
Pour l’opposition vénézuélienne, pour les médias qui la soutiennent sans
nuance (voire qui la remplacent), pour le patronat local, pour RSF, la
cause unique de ce changement d’attribution de la fréquence jusqu’alors
dévolue à RCTV et l’obligation qui lui est faite désormais de diffuser ses
programmes par un autre biais, est politique. Exclusivement politique.
Si tel était le cas, la mesure semblerait tardive et trop clémente à un
observateur français se référant aux lois de son pays et de la plupart des
grands pays dits démocratiques. Un peu partout sur la planète, pour un
comportement analogue à celui de RCTV durant le coup d’Etat, la sanction
aurait plutôt été une fermeture immédiate et définitive, une saisie des
biens, un jugement des dirigeants et/ou proprietaires des médias.
En vérité, si les autorités voulaient « punir » un adversaire politique
déguisé en média d’information et de divertissements, le choix etait vaste
parmi les médias de grande audience ayant joué un rôle actif dans le
putsch.
78 % des stations de télévisions en VHF appartiennent a des groupes privés
(22 % au secteur public), ainsi que 82 % de celles qui utilisent la bande
UHF (7% pour le secteur public et 11% pour les services communautaires).
Deux mastodontes privés dominent les autres : Venevision et RCTV. Les deux
s’accaparent 85% des ressources publicitaires de la presse et contrôlent
80% de la production et de l’élaboration des informations relatives au
Venezuela.
Alors, pourquoi RCTV ? Tout bonnement parce que, on l’a dit, c’est la
licence de cette chaîne qui arrivait à expiration et que le gouvernement
avait besoin de libérer une fréquence pour initier des programmes
éducatifs et culturels dans ce pays où l’analphabétisme n’a été que tout
récemment éradiqué.
Il n’est cependant pas saugrenu d’imaginer que le comportement de RCTV,
s’il n’a pas dicté le choix gouvernemental, a facilité la prise de
décision, la rendant pour le moins peu corneillienne.
Durant le putsch, les informations et la programmation de RCTV ont foulé
au pied la Constitution, compromis la paix civile, nié le choix des
électeurs, oublié la déontologie journalistique et le droit des citoyens à
recevoir une information, sinon impartiale, du moins vraie et non
tronquée. Dans un « Livre blanc sur RCTV »(3) publié en mars 2007, le
Ministère du Pouvoir Populaire pour la Communication et l’Information du
Venezuela a recensé près de cent cinquante faits qui constituent des
manquements graves aux obligations de toute chaîne de télévision dans le
monde.
Pour l’essentiel, il s’agissait, pour RCTV, en s’érigeant porte-parole des
factieux, de soutenir une opération susceptible de provoquer des troubles
sanglants : incitations à des manifestations insurrectionnelles, appel à
la démission du président élu, répétition de slogans anti-chavistes comme
« Fuera, fuera » (dehors, dehors), « Se va, se va » (il s’en va, il s’en
va), appels à la démission des nouveaux directeurs de PDVSA (compagnie du
pétrole remises aux mains de la nation), diffusion des exhortations de
Pedro Carmona (chef de putschistes et de Fedecámaras, le syndicat des
chefs d’entreprise), diffusion des propos d’un chef félon de la sécurité
prévenant que la sécurité de Miraflores (palais gouvernemental) ne serait
pas assurée, diffusion des directives des insurgés appelant la foule à
marcher sur Miraflores, diffusion répétitive des images montrant des
blessés, imputation au président de la responsabilité des violences
mortelles, annonce (inexacte comme on le sait) de la démission de Chávez,
puis de son arrestation (il était précisé qu’il devra « payer pour les
crimes commis » et « planifiés » par lui).
Dans les premières heures du putsch, Chávez, soucieux d’éviter des
affrontements, a usé de son droit constitutionnel en s’adressant aux
vénézuéliens sur toutes les chaînes. RCTV choisit de couper l’image en
deux, une partie pour l’allocution du président, l’autre montrant des
manifestants hurlant contre lui, tandis que le bas de l’écran affichait un
texte protestant contre la réquisition, qui « viole le droit sacré à
l’information du peuple » et qui altère « l’indispensable équilibre et
pluralisme politique nécessaire à toute démocratie. »
Ce pilonnage va revêtir une intensité frénétique puisque certaines de ces
« informations » se succèdent avec des intervalles de trois minutes à
peine aux moments forts du « golpe ».
Puis, la situation politique commence à virer. Le peuple est dans la rue,
une partie de l’armée se proclame légaliste. Dans la soirée du 13 avril et
durant toute la journée du 14, quand l’échec du putsch est évident, la
mission sacrée d’information (?) en rafales passe à la trappe. RCTV
n’offre aux téléspectateurs avides de suivre les événements que des films,
dessins animés, rencontres sportives, entrecoupés de publicité
commerciale.
Le constat est accablant : la seule censure que la chaîne RCTV a subie
depuis l’arrivée de Hugo Chávez au pouvoir lui a été imposée par…
elle-même. La seule instance qui lui a interdit d’informer les
téléspectateurs siègeait dans ses propres bureaux, tout au sommet de sa
hiérarchie. Dans le camp d’en face, on ne souhaitait rien d’autre que la
diffusion des nouvelles d’actualité. Et si possible reflétant la réalité.
Comment les ONG ont-elles apprécié le rôle de RCTV et de ses consoeurs
privées pendant le putsch ? Elles ont massivement constaté leur activisme
politique, les fautes graves eu égard aux lois comme à l’éthique, à la
morale, au respect dû aux citoyens.
Lisons-en quelques-unes :
Consejo para Asuntas Hemisféricos (COHA), 20 décembre 2002 : « Les médias
vénézuéliens ne rapportent pas des événements, ils aident à les créer. »
et COHA dénonce la « scandaleuse contradiction avec tout sentiment de
responsabilité professionnelle. »
La même, le 10 mars 2003 : « … les journaux et stations de télévision
servirent de tribunes aux porte-paroles d’extrême droite… »
La même encore, le 11 mars 2003 : « Les médias vénézuélien agirent en
vociférant d’une manière peu professionnelle, avec peu d’exactidude et se
présentant eux-mêmes, plus comme des adversaires de Chávez que comme des
opérateurs neutres et responsables… Quand la grève (lancée par le
patronat et qui dura de décembre 2002 à février 2003. Note de MV) entra
dans son second mois, les leaders de l’opposition […] appelèrent les
téléspectateurs à ne pas payer les impôts pour saboter le gouvernement ».
Human Rights Watch, le 3 juillet 2002.
Notant la pleine liberté dont bénéficient les médias pour dire et publier
tout ce qu’elles veulent, l’ONG déplore : « En fait, la majorité des
médias de communication sympathisent clairement avec l’opposition,
agissant comme défenseurs de ses positions et employant un langage
agressif contre le gouvernement. »
La même, le 21 mai 2003 : « …. Les programmes de nouvelles et des débats
ont fait preuve d’une hostilité extrême contre le gouvernement de Chávez.
»
La même encore, le 1er juillet 2003 : « …la presse a pu exprimer ses
opinons critiques sans restrictions. Par suite, nous reconnaissons que son
gouvernement ne pratique pas la censure… »
Committee to protect Journalist (CPJ) : « Attaques contre la presse en
2002. Amériques : « Dans les jours qui ont suivi le coup d’Etat, les
quatre principales chaînes privées de télévision couvrirent peu les
manifestations en faveur de Chávez. Les vénézuéliens durent se reporter
sur CNN, des chaînes colombiennes et espagnoles par câble ou satellite
pour avoir des nouvelles sur les protestations. »
Centro de Derechos Humanos de la Universidad Católica André Bello (CDH-UCAB).
2002. Après avoir noté que, durant le « golpe », les médias ont transmis
uniformément la même information sans laisser d’espace à la diversité
informative et sans refléter la pluralité politique existante dans le
pays, CDH-UCAB raconte ce qu’il advint au procureur général Isaías
Rodriguez quand, au début d’une conférence de presse il déclara que Chávez
n’avait pas démissionné et qu’il s’était produit un coup d’Etat : «
Immédiatement, tous les canaux privés cessèrent de transmettre
l’événement. Le matin du samedi (13 avril 2002)(…) commencèrent à
apparaître sur les écrans des vieux films, dessins animés, feuilletons et
reportages sportifs. »
Amnesty International, le 10 avril 2003.
En des termes diplomatiques mais néanmoins fermes, l’ONG invite
l’opposition, « y compris les médias d’opposition » à contribuer à faire
la lumière sur les événements d’avril 2002, « même si les résultats ne
coïncident pas nécessairement avec leurs intérêts politiques immédiats. »
Comité de Protección a los Periodistas (CPJ), New York, 2003. « Attaques
contre la presse en 2003 : « les médias privés continuèrent leur
participation sur la scène politique en 2003, promouvant sans aucune
objection la plateforme politique des partis d’opposition au détriment du
professionnalisme et de l’équilibre de l’information… »
Reporters sans frontières, le 11 avril 2003.
Comme pour faire oublier son attitude durant le coup d’Etat de l’année
précédente, et son acharnement constant contre le Venezuela, RSF note
quelques anomalies dans le comportement de la presse : « …Diffusion de
spots incitant à la désobéissance civile, retransmission d’appels au
soulèvement de l’armée, diffusion de fausses informations… les principaux
médias privés font en réalité plus que soutenir la grève, ils y
participent à leur manière, au prix d’entorses aux principes les plus
élémentaires de la déontologie. Huit mois plus tôt déjà, ils avaient
approuvé un coup d’Etat ayant conduit au renversement, l’espace de
quarante-huit heures, du président Chávez. »
Coup d’Etat dont RSF ne se démarqua guère en qualifiant illico de
« président » Pedro Carmona, chef des putschistes.
Il est de fait que, loin d’adopter un profil bas après les échecs du
putsch militaire et du putsch énonomique, RCTV poursuivit de plus belle sa
tâche de relais de l’opposition extrémiste.
Elle dédaigna les remarques des ONG, les protestations de téléspectateurs,
celles de ses employés écoeurés par le rôle qu’on leur faisait jouer. Elle
rejeta les offres de dialogue de la Commission nationale des
télécommunication (CONATEL). Pis, elle fit obstinément la sourde oreille
aux observations répétées de la CONATEL et de la Direction de la
responsabilité sociale, y compris sur des questions relatives à
l’obligation de respecter la loi sur la publicité pour l’alcool lors de
manifestations sportives. Les invitations à venir discuter, dont certaines
furent répétées jusqu’à six fois, ont été accueillies par le silence ou
traitées par de simples accusés de réception parfois émis après la date de
la réunion. L’insuccès des tentatives patientes pour tenir une réunion de
conciliation fut total, même quand il a été précisé à RCTV que la
Direction invitante était disponible en session permanente. Au cours des
années 2005 et 2006, RCTV a ainsi opposé le mutisme du mépris et de la
morgue à plus d’une vingtaine de lettres d’observations et d’invitations à
s’asseoir autour d’une table.
Cette arrogance tranche avec le visage de victime innocente que RCTV
présente aujourd’hui à l’opinion internationale. Le loup s’est déguisé en
mouton et bêle sa plainte, soutenu par le berger Robert Ménard, en
équilibre instable sur ses gros sabots.
Les peuples d’Amérique latine ont droit à une information honnête, à la
séparation des télés et des partis, à des compléments d’éducation, au
respect de leurs choix électoraux, à la prééminence de l’intérêt collectif
sur les égoïsmes privés.
C’est de tout cela qu’il est question ces jours-ci au Venezuela.
D’après des informations parvenues à Caracas, il semble établi que l’Union
européenne publiera dans quelques jours un communiqué condamnant dans
cette affaire le gouvernement bolivarien. Il sera utile de noter les noms
des groupes parlementaires, des députés français qui auront ainsi exprimé
leur vision du rôle de la télévision, des droits et devoirs des
journalistes, des rapports des médias avec l’Armée, du respect dû par la
presse à la Constitution et aux citoyens.
La position prévue de l’Europe a de quoi désoler les Européens, les
Français que nous sommes. Au Venezuela, elle ne surprend ni n’inquiète :
Caracas et Strasbourg ne boxent pas dans la même catégorie. Ici, un peuple
mobilisé écrit avec ses dirigeants des pages inédites d’Histoire là on
mord les talons de qui marche devant.
[1] Le 22 juillet 2003, sous le titre « Les médias irakiens trois mois
après la guerre : Une liberté nouvelle mais fragile », RSF publiait un
rapport qui débutait ainsi : « Voici trois mois qu’un vent de liberté
souffle sur la presse irakienne. » (Source : http://www.rsf.org/article.php3
?id_article=7570) Signalons au passage que la guerre ne s’est pas terminée
en 2003 contrairement à ce qu’affirma Bush, contredit par les faits et par
le monde entier, mais relayé par RSF.
[2] RSF. Espagne – Rapport annuel 2004 : « […] la lutte nécessaire
contre le terrorisme a eu des incidences sur la liberté de la presse, avec
la fermeture provisoire par “mesure préventive” du journal basque
Euskaldunon Egunkaria, dont les dirigeants sont soupçonnés de
collaboration avec l’ETA… ». Des « soupçons » rendant « nécessaire » la
répression
[3] « Libro blanco sobre RCTV »
http://www.rnv.gov.ve/noticias/docs/libro_blanco_RCTV-Web.
May 20th, 2007 at 5:28 pm
http://www.rnv.gov.ve/noticias/docs/libro_blanco_RCTV-Web
marche mieux sans le point a la fin de la ligne
May 21st, 2007 at 8:04 pm
Fuera los golpistas de mierda !