l’avocat décolle (première partie)

L’avocat est un prestataire de services à valeur intellectuelle, morale et sociale ajoutée.

C’est pas moi qui le dit, c’est http://www.avocat.be/ à la page des “missions” de l’avocat.

Allez, on va dire que les avocats vont être mes premières victimes. Faut dire que j’ai été secrétaire d’avocats, j’ai commencé le droit et j’ai eu un peu affaire à eux.

Dans un monde comme le nôtre, l’avocat semble une denrée nécessaire. Il s’agit d’une profession de type libérale et plutôt assujettie au principe du travailleur indépendant. Quand il est salarié, le juriste n’est pas avocat (à moins qu’on ne me dise le contraire?). Mais si l’avocat est indépendant sur le plan fiscal, il est assujetti au barreau des avocats. Et c’est pas de la petite bière.
Par ailleurs, si “Toute personne a le droit d’être défendue et de recourir aux services d’un avocat.” et si “Si une personne ne trouve pas d’avocat, le bâtonnier en désigne un.”, par contre il jure “de ne conseiller ou défendre aucune cause [qu’il] ne croir[a] pas juste en [s]on âme et conscience.

Première partie: le temps des avocats.

Mais bon, sur les 21.000 avocats que comptaient la Belgique en 2004 (source: ISTAT) et les 43.000 en France (source: WIKIPEDIA), on trouvera bien l’avocat qui partagera vos idées tordues…

(On notera que pour une population 6 fois plus nombreuse que la nôtre, les Français ne nourrissent que deux fois plus d’avocats… Chez nous, il y a environ 2,1 avocats pour 1000 habitants; en France, 0,72 pour mille…)

De ce que j’ai constaté, les avocats “travaillent” (c’est-à-dire sont occupés à des activités liées à leur profession) facilement dix heures par jour. Je comprends là-dedans leurs déplacements, leurs repas d’affaire, leurs démarches judiciaires, leurs séances au tribunal et leurs longues heures à dicter des lettres à leurs secrétaires (qui, à part moi, sont généralement des femmes). Mettons dix heures.

Ce qui nous fait cinquante heures par semaine, on va faire semblant qu’ils s’arrêtent le week-end. Et puis parfois ils prennent des vacances…
Neuf affaires judiciaires sur dix en Belgique sont liées au patrimoine. Des conflits de voisinage débiles (ta haie déborde sur mon mur mitoyen dans ta gueule de ton chien qui aboie sur mon chat) aux problèmes de succession, en passant par les procès d’affairistes, les amendes impayées, les conflits d’intérêts, les dettes, les problèmes fiscaux, et j’en passe. Tout ceci sans compter le pénal.

Comptons donc que 90 pour-cent des avocats, en moyenne, travaillent sur ce genre de trucs. 90 pour-cent de 21.000, ça fait 18.900. (en réalité, chaque avocat peut travailler sur les affaires qu’il veut, mais on va schématiser)
Ce qui nous fait donc 18.900×50= 945.000 heures dépensées chaque semaine en travail d’avocats sur des problèmes de patrimoine. En Belgique.

C’est-à-dire un peu plus de 49 millions d’heures dépensées chaque année par des gugusses en toge à ces sinistrités.

Et je ne compte pas les greffiers, huissiers, juges, secrétaires (d’avocats, de magistrats, d’huissiers), notaires, policiers (en cas de saisie, constat, etc.), monopolisés pour des affaires de patrimoine… Ni les personnes qui travaillent autour des avocats indirectement… Y compris leurs femmes de ménage et leurs garagistes…
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Maintenant, imaginez que chacun d’entre nous apprenne à maîtriser les bases du droit privé, du droit du travail, du droit commercial…

Et imaginez qu’on puisse -de fait- mettre tous ces gugusses à des tâches un peu plus utiles et à des activités plus intéressantes…

Imaginez même que, pour des raisons obscures, la moitié de ce temps perdu reste perdu à des procès imbéciles.

Ca fait quand près de 25 millions d’heures de travail utile que l’on pourrait consacrer à l’aide aux enfants, aux personnes âgées, aux travaux ménagers, aux vacances, aux arts, au soleil, au far niente, à la convivialité, à l’entraide, à la recherche…

La deuxième partie, si tout va bien et que je l’oublie pas en chemin, sera consacré au statut des avocats…

En attendant, je suis tout prêt à recevoir critiques, observations, notes, etc. sur ce que je viens d’énoncer, comme des vérifications de chiffre, des nuances, des références, tout ce que vous voulez… Si ça se trouve, vous finirez par me faire dire le contraire de ce que j’ai écrit. Alors allez-y!

5 Responses to “l’avocat décolle (première partie)”

  1. Monsieur Y Says:

    “Il y a 2 sortes d’avocats : il y a l’avocat qui connaît bien la loi, et l’avocat qui connaît bien le juge” (Coluche).

  2. Madame C Says:

    Il y a aussi d’autres tâches qui seraient inutiles si tout le monde mettait du sien…

    – balayeur
    – agent en prévention et sécurité
    – greffier (celui qui va porter les courriers dans les bureaux)
    – madame pipi
    – etc

    mais là, j’ai un doute… Ce sont toutes des tâches qui sont réservées aux moins qualifiés. Alors, qu’est-ce qu’on en fait???

    Et si je voulais vraiment embêter mon monde, je poserais même la question suivante: un avocat est-il plus utile que Madame pipi parce que plus instruit?

    Voilà, c’est peut-être pas structuré comme pensée mais l’envie y est, c’est juste que j’ai peu et mal dormi (à cause des camions poubelle…)

  3. tito Says:

    C’est un peu l’idée: remettre en question la professionnalisation des tâches.
    Personnellement, je suis pour la remise en question de la professionnalisation de tâches telles que juges, enseignants, flics, etc.
    Un type comme Ivan Illich va jusqu’à mettre en question la médecine professionnelle.
    Ce qui ne veut pas dire qu’en soi il ne devrait plus y avoir de médecins, mais que la confiscation de la médecine par une caste n’aurait pas dû avoir lieu et qu’il est encore temps de revenir en arrière…

    Bon, concernant les avocats, il ne s’agit pas “nécessairement” de les supprimer (je crois que le texte est clair), mais de remettre en question la perte de temps accumulée de leurs tâches dans des domaines idiots…

    Une fois certaines de ces tâches remises en question, les avocats (et d’autres) pourront balayer avec nous…

  4. Un Homme Says:

    Bon, plusieurs remarques:
    – d’ou tiens-tu que 9 affaires judiciaires sur 10 sont liees au patrimoine?
    – qu’est-ce qui te permet de supposer que 90% des avocats travaillent sur ce genre de problemes
    – qu’est-ce qui te fait supposer que des gens qui se sont emmerdes a apprendre le droit afin de pouvoir t’expliquer, entre autres, que “la France est signataire du pacte international des droits civils et politiques, dont l’article 14 prohibe formellement qu’un accusé soit forcé de témoigner contre lui-même ou de s’avouer coupable.” auraient une quelconque envie de faire un travail moins remunerateur que celui d’avocat?

    Sur le fond, sachant que nul n’est sense ignorer la loi, pourquoi avons-nous besoin d’un avocat pour pouvoir faire valoir nos droits?
    Autrement dit, n’y a-t-il pas trop de lois (dont beaucoup sont inapplicables, inapplicees ou obsoletes)?

    Et puis, si on supprimait la propriete, cela ne simplifierait-il pas le probleme? 😉

  5. tito Says:

    Pour les 90 pour-cent, j’ai schématisé: si 9 cas sur dix sont du domaine du patrimoine, ça veut dire que 90 pour-cent des activités des avocats y sont consacrées. => comme je le dis dans le texte: je schématise. La plupart des avocats ont des dossiers diversifiés!
    Je l’ai appris quand j’étais précisément secrétaire d’avocat: plus de 90 pour-cent des dossiers concernaient des affaires patrimoniales. Les cas de type pénal étaient l’exception…
    Même en cas de conflit, par exemple, de type commercial, on considère encore qu’il s’agit de dossiers de type patrimonial, par exemple.
    L’application du droit européen en Belgique a créé une quantité incroyable de procès, notamment, faisant disparaître les frontières, et donc le boulot de tous ceux qui vivaient des frontières, comme les agences en douane, par exemple…
    On ne le sait pas trop, mais ce genre de dossiers se multiplient de manière exponentielle avec l’Europe, qui, non, n’a rien simplifié du tout… Etrange? Pas du tout! moins il y a d’état (et tant qu’existe la propriété), plus les conflits patrimoniaux se multiplieront…

    quant à l’envie des avocats d’avoir une activité moins rémunératrice… Ben on s’en fout.

    Nul n’est sensé ignoré la loi, certes, mais la justice, dans sa grande sagesse, s’est organisée autour du principe contraire. Vive la vie…
    Il y a à la fois trop et pas assez de lois, puisque cette multiplication de lois amène la justice à devoir multiplier les interprétations pour jongler entre les vides créés par cette complication et surtout entre les lois contradictoires. Vive la vie…

    Et quant à ta dernière remarque, christounet des bosquets, c’est précisément vers cela que mes réflexions sont censées tendre, mais si tu dévoiles mes intentions tout de suite, ça ne va plus, hein…

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