La Bible dévoilée

Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman ont pondu en 2002 un ouvrage qui a eu un grand succès auprès de ceux qui s’intéressent à la question biblique et à son historicité1. Le livre dans son ensemble est très agréable à lire, fluide et consistant. Il se base principalement sur les recherches archéologiques produites au cours des deux cents dernières années pour établir que le “Livre des Livres” ne peut que rarement être envisagé comme une source historique fiable et a probablement été compilé -attention, on dit bien compilé et non écrit2- en grande partie3 au VIIe Siècle dans un souci de propagande nationaliste en raison des ambitions expansionnistes d’un petit potentat frustré du nom de Josias.4

Il faut noter que le livre reste prudent, malgré les critiques qui ne l’ont pas épargné. En effet, les auteurs sont admiratifs devant le travail de la Bible. Dans la conclusion, ils persistent à penser que si l’oeuvre a traversé les siècles et eu une telle influence sur le monde, tant spirituellement que sociologiquement5, c’est qu’il a été réalisé par des auteurs exceptionnels, et qu’il faut leur reconnaître au moins cela6.

Et, en effet, je trouve qu’ils ne vont pas assez loin: ils montrent de manière extrêmement sérieuse que les patriarches, Moïse, l’Exode, Josué, David, Salomon, ainsi que toutes les histoires de conquêtes et de grandeur contées dans la Bible doivent être remises en question. En fait, ils en montrent l’anhistoricité. Ils sont très efficaces quand ils exposent que la partie deutéronomiste du Livre est avant tout un outil de propagande idéologique destiné à justifier la future conquête de la région de Samarie et Haçor, au Nord de Jérusalem.

Ils sont également très intéressants lorsqu’ils expliquent qu’il n’y a jamais eu de monarchie unifiée de Juda et d’Israël, que les populations locales sont très probablement des cousins des Cananéens et que la Jérusalem des quatre cents ans qui précèdent la monarchie tardive n’était guère plus qu’un village perché sur la montagne.

En gros, ils déconstruisent toute l’idéologie sioniste. C’est gênant…

Je me propose de voir un peu plus ce qu’il en est de leur travail à partir des critiques qui ont été faites contre eux et que je me permettrai de commenter. Cela dit, je suis déjà plongé dans le même travail concernant un autre livre très stimulant, celui de Shlomo Sand, “Comment le peuple juif fut inventé”, dont je vous parlerai une autre fois… À suivre donc…

Quelques références ici
http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Bible_d%C3%A9voil%C3%A9e

Notons pour terminer deux choses essentielles.
D’une part, à aucun moment les deux auteurs ne prétendent “inventer” des théories: ils suivent les progrès effectués par les résultats de fouilles et de recherches les plus récentes. Contrairement à ce que prétendent certaines critiques, ils ne sortent pas de lapins de leurs chapeaux.
Quant à ceux qui leur reprochent de ne pas avoir fait d’étude textuelle de la Bible, il suffit de leur répondre que, précisément, leur travail consistait à faire l’inverse de ce qui a été trop souvent fait: vérifier si le texte correspondait aux résultats des fouilles, et non faire coller les résultats des fouilles au texte “sacré”.

  1. La Bible dévoilée. Les nouvelles révélations de l’archéologie, Paris, 2002, traduit de l’anglais []
  2. En effet, au grand jamais les auteurs n’affirment que tout aurait été écrit au VIIe Siècle. Le plus probable est que, à l’instar de nombreuses autres populations mythographes, le nombre de récits fondateurs aient été bien plus important que ce que contienne la Bible. Josias et sa cour se sont contentés de choisir parmi ceux qui étaient à leur disposition, afin de coller le plus possible à leurs objectifs. Ceci est une conjecture qui n’est pas des deux auteurs. []
  3. Essentiellement tout ce qui ressortit de la source deutéronomique, y compris les Rois et les Juges. []
  4. C’est moi qui le traite de frustré. Par contre, il est vraiment tout petit et très potentat. En gros, le royaume de Juda qu’il dominait devait représenter moins de 100.000 personnes, dont la plus grande partie, fort probablement, honorait divers dieux en plus de Yahvé, voire à sa place. Il semble de plus en plus évident que le monothéisme n’existait pour ainsi dire pas plus au IIe millénaire qu’avant le VIe, voire le Ve siècle avant notre ère. []
  5. Ils en font indirectement le fondateur de la conscience individuelle, ce que je trouve un poil exagéré. []
  6. Ce n’est pas mon avis, qui est bien plus nuancé, mais ce n’est pas le propos de cet article. []

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