Le propre de la propriété…
“Parmi les théories qui offrent un fondement juridique à la propriété, il y a l’occupation, qui est la plus ancienne (…) cependant, il n’y a pas dans l’occupation de substance qui puisse justifier le droit de propriété et, par là, lui servir de fondement juridique. Celui de la spécification s’appuie sur le travail. Seul le travail humain, transformant la nature et la matière brute, justifie le droit de propriété. Cette théorie, bien qu’elle ait inspiré les régimes socialistes au début du (XXe) siècle, ne peut être acceptée, parce qu’elle ne comble pas la doute sur l’obligation de l’existence de la propriété ou non; elle n’aide qu’à savoir qui doit être propriétaire.
“La théorie de la loi, soutenue par Montesquieu dans De l’esprit des lois, s’appuie sur le concept que la propriété est une institution du droit positif: elle existe parce que la loi la crée et la garantit. Cette théorie, cependant, n’est pas exempte de critique, parce que la propriété ne peut se fonder sur la seule volonté humaine, car le législateur pourrait être susceptible alors de la supprimer, alors qu’il ne devrait être qu’en mesure d’en réguler l’exercice. Cela s’oppose, spécialement, au fait que la propriété a toujours existé, même avant d’être régulée par la loi. La théorie de la nature humaine est celle qui compte le plus grand nombre d’adeptes. Pour ceux-ci, la propriété est inhérente à la nature humaine, étant un don de Dieu aux hommes. Il s’agit naturellement de la théorie choisie par l’Eglise Catholique (…). La propriété ne dérive pas de l’État et de ses lois, mais le précède, comme droit naturel.”
traduction de C.R.Goncalves, Direito das coisas, Saraiva, São Paulo, 1999, p. 88.
Pourquoi je m’amuse à vous traduire ça? Parce que je poursuis mon travail sur la propriété en général… Aucun de ces prétendus fondements ne m’ayant convaincu, je persiste à dire que la propriété est une illusion et n’existe pas vraiment…
À l’instar de La Boétie qui disait que les maîtres n’existent que parce que les esclaves leur obéissent, je pense que cette petite page de droit des choses nous aide à mieux comprendre que nous sommes dominés par la propriété uniquement parce que nous le voulons bien…
Hors l’État, point de propriété…
vive l’anarchie…
🙂
May 12th, 2007 at 6:28 pm
En plus, de nos jours, la propriete est un concept totalement obsolete…
May 13th, 2007 at 4:11 am
Personnellement, je ne vois pas entièrement le lien entre Etat et propriété. On pourrait évidemment parfaitement dire que les Etats bourgeois garantissent la propriété via la théorie de la loi, en cela soutenus (conseillés ?) par les multinationales, mais si celle-ci a pu justement arriver jusqu’ici, c’est parce que les gens l’ont bien voulu, comme tu le dis à la fin de ton texte. Donc, le concept de propriété est bien entendu une notion politique dans le sens que l’économie est inévitablement liée à la politique, mais il me semble important d’évaluer l’apport psychologique de la possession de la propriété.
La propriété a existé à travers les âges, depuis fort longtemps, et bien malin qui pourrait dire par quel processus elle s’est installée dans le coeur et l’esprit des gens. Je pense que nous devons tous analyser nos comportements, et qu’après tout, nous sommes tous à des échelles diverses contaminés par cet esprit de propriété. Il me semble fondamental que la propriété existe parce qu’on veut protéger son patrimoine des diverses tentations de l’extérieur, tentations crées par les inégalités de richesse. Si on réduit ces inégalités, on réduit la capacité de nuisance de la notion de propriété.
Qu’en pensez-vous ? Prêt pour un autre “débat polémique” Thitho ?
May 13th, 2007 at 2:01 pm
Attention, jeune homme, à ne pas confondre “droit de propriété”, objet législatif très élaboré et complexe, et “possession”…
Le droit de propriété consacre une forme de pérennité de droit en dehors de toute utilité, basée sur des phénomènes que je considère proche du mysticisme (on peut développer).
La possession est un exercice simple et direct basé sur l’usage et la jouissance d’un bien.
May 13th, 2007 at 3:11 pm
Bonjour, un petit débat sur la propriété m’intéresserait bcp ! Outre la différence entre propriété et possession, je suppose qu’on parle de propriété privée ici, quand on parle de propriété (et de droit de propriété). Samir Amin disait récemment que la propriété privée n’existe pas depuis longtemps… Certes, c’est davantage une construction sociale qui émerge dans certains contextes socio-éco-politiques qu’une évidence naturelle. Et certes, l’idée de propriété privée s’est insérée en chacun de nous d’une manière ou d’une autre. Il y a tout de même une réalité qui va à l’encontre de ce que je dis : très jeunes, les enfants se disputent des jouets qui sont à eux (possession ou propriété ?), il faut « apprendre » aux enfants à partager, etc… Qu’en penser quant au caractère artificiel et construit de la notion de propriété privée ? En même temps, il ne peut sans doute pas y avoir de propriété privée sans le mythe de l’individu, qui est lui-même une construction historico-idéologique… Et quid de la propriété collective, alors (quelles sont ses différences fondamentales avec la propriété privée)? A quelle notion s’oppose celle de propriété privée ? Celle de bien commun ?
Thitho, puisque tu t’intéresses au sujet, pourrais-tu retracer « l’histoire » de la notion de propriété privée ? (avant les enclosures, après, etc.) et nous donner ton avis sur l’amas de questions ci-dessus. Grazzie !
May 14th, 2007 at 1:12 am
Première réponse en guise de préambule en retard: non, il ne s’agit pas QUE de propriété privée. Tu sais bien, pour me connaître, que je suis opposé aussi bien à la propriété d’État qu’à la propriété privée. Ce texte, que j’ai pris en exemple, et qui est loin d’être le seul (évidemment) qui se consacre à la propriété, parle bien de propriété au sens le plus large.
Je ne connais pas Samir Amin, mais je suis (sans doute) d’accord avec lui. La propriété est un concept relativement jeune par rapport à l’humanité. On peut dire qu’elle émerge avec les premières cités-États. J’avoue ne pas avoir étudier la question à fond avant l’Antiquité classique, mais l’écriture apparaît au Moyen-Orient (Turquie et Babylonie) précisément pour établir des comptes de propriété (de bétail, notamment).
La propriété privée va se développer réellement avec les efforts législatifs des Grecs, puis des Romains. Il serait faux de croire qu’il s’agit du seul souci individualiste des deux grandes civilisations que nous connaissons si bien: le souci de l’État est très important chez les uns comme les autres. Le développement du droit coïncide plus avec celui de l’extension du législateur. La complexité des personnalités du législateur (5000 citoyens à Athènes au Ve siècle, si je me souviens bien; 300 à la même période chez les Romains) implique une complexité des cas, et donc une “nécessité” de préciser le droit des choses que n’avaient pas les souverains absolus (qui se contentaient de distinguer ce qui étaient à eux du reste du monde).
La possession, elle, a toujours existé et existera toujours… Je ne vois pas comment on pourrait retirer à quelqu’un qui mange une pomme parce qu’il a faim son droit de “possession”, c’est-à-dire d’user et de jouïr de sa pomme (et s’il s’agit d’un arbre, d’en recueillir les fruits). Je crois que c’est elle qui caractérise les gosses, qui n’ont aucune idée précise de la propriété.
La propriété se distingue par le droit d’aliéner librement (dans les limites accordées par le droit) un bien dont on détient le droit (dont on est le “dominus”). Vendre, donner, prêter, louer, transformer, détruire (la chose et le droit qui lui est lié), en tout ou en partie, c’est cela qui est régi par les subtilités de la propriété. Les enfants ne peuvent pas entendre ces subtilités. Même le don, pour eux, n’est pas précis, car quand il donne un truc qui est dans leur main, ils ne s’imaginent pas l’irrévocabilité de leur acte.
Pour ce qui est de l’histoire de la propriété, je ne suis pas trop qualifié… Il faudrait que je fasse des recherches. Je m’intéresse surtout à son essence, à sa justification, à son sens, bref, à tout ce que nous pourrions contester en en montrant les travers…
Une base déjà pour voir si je dis des conneries, c’est d’aller visiter
http://fr.wikipedia.org/wiki/Propri%C3%A9t%C3%A9
ou de taper “propriété” ici:
http://www.granddictionnaire.com/btml/fra/r_motclef/index1024_1.asp
Pour ce qui est du caractère collectif, étatique, privé de la propriété, malheureusement, aujourd’hui, on ne peut plus s’en servir pour contester la propriété, parce que les régimes sociaux-démocrates ont “justifié” la propriété en mettant en évidence son “utilité publique”… Vive la Sociale, pas la sociale-démocratie…
Ça fait beaucoup trop de sujets à traiter en un seul thread… Il faudrait découper…
May 14th, 2007 at 1:14 am
Un découpage nécessiterait de nouveaux threads pour amorcer chaque problème, et donc l’abordage d’une éventuelle recherche (que j’estime utile).
Dans un premier temps, je vous demande de réfléchir aux quatre “fondements juridiques” de la propriété:
-l’occupation
-la spécification
-la théorie de la loi
-la théorie de la nature humaine
Chacun faisant appel à des notions qui, dans l’ensemble, ne devraient pas échapper aux différentes spécialités des lecteurs de ce blog.
May 14th, 2007 at 2:14 am
Note: quand je dis 300 chez les Romains, j’ai oublié le mot “sénateurs”… c’est important…
May 14th, 2007 at 8:01 am
“La propriété est un concept relativement jeune par rapport à l’humanité. On peut dire qu’elle émerge avec les premières cités-États.”
Qu’est-ce qui te permet d’affirmer cela?
May 14th, 2007 at 11:57 am
Un Homme: excellente question, je la déduis du fait que l’écriture, et avec elle les comptes dont je parlais, apparaissent avec lesdites cités, d’abord en Turquie, je crois, puis en Mésopotamie (que j’ai un peu bizarrement appelée Babylonie plus haut).
Mais naturellement à ses débuts, elle était embryonnaire, comme toute chose.
May 14th, 2007 at 3:23 pm
Note: quelqu’un qui ne s’est pas identifié a désiré ajouter un commentaire (très bref et pas très intéressant). Son adresse mail était manifestement fausse. S’il ou elle désire toujours faire son commentaire, je ne censure pas le contenu, mais la forme de son identification… L’anonymat ne se justifie, selon moi, que dans la clandestinité…
May 14th, 2007 at 6:41 pm
Des travaux de groupe sur la propriété ? Ca ressemble à mes cours de français ça 😉
Quoiqu’il en soit, bien que je sois interessé par le sujet (sinon je ne répondrais pas), je suis un peu largué et en ce moment, avec tout le reste, il m’est difficile de tout gérer. Pas envie de vraiment tomber dans le surmenage moi. Donc, je vous lis, cela m’intéresse, mais je n’interviendrai peu ou pas.
May 15th, 2007 at 4:03 pm
et une aliénation collective d’un bien, d’un arbre, d’un bout de terrain, d’un mouton, etc, est-ce à ranger dans la case “propriété” ou “possession”?
bref, est-ce que la “possession” décrite peut être collective?
ne peut-on pas imaginer: 1) que la propriété d’Etat peut à un moment être une arme de défense contre la proprété privée capitaliste?
2) qu’une forme de propriété d’usage collectif qui ne soit pas étatique peut être intéressante, sans rejeter (ni accepter) l’ensemble des parties du concept de propriété?
(ce sont des questions, cela ne reflète pas une prise de position ;-))
May 15th, 2007 at 7:19 pm
une aliénation collective?… Qui décide? l’ensemble des personnes? Qu’est-ce qui distingue un proprietaire “collectif” genre ‘État!’ d’un propriétaire privé de plusieurs têtes?
Une aliénation est toujours une caractéristique de la propriété; il n’y a pas d’aliénation dans la possession.
1) je suppose que c’est l’arme dont comptent se servir les cocos marxistes-léninistes, mais personnellement je ne pense pas que ça marche;
2) ben alors tu dois préciser quoi, parce que ça ne suffit pas comme ça, hein… C’est quoi, une “porpriété d’usage collectif”? Ça veut dire qu’il n’y a pas d’aliénation?
(attention, Monsieur A, aliénation en droit n’a pas le sens que lui donne Hegel)
May 15th, 2007 at 7:20 pm
et pi, au niveau des fondements de la propriété, on n’avance pas beaucoup…
May 18th, 2007 at 12:08 pm
Comme fond musical de cette discussion entre gens de bonne compagnie, je propose “Let’s lynch the Landlords” des “Dead Kennedy’s”. Ca fera avancer le débat, parceque je ne sais jamais où on veut en venir dans vos débats… (euh j’avoue que j’ai pas tout lu non-plus, c’est long vos commentaires)
Sinon, vous allez bien ?
May 18th, 2007 at 12:09 pm
75 ! (la réponse à la question)