La RFID, vous connaissez?
Les Nazis en auraient rêvé, ce sont nos joyeuses démocraties qui la mettent au point.
Ah, s’il avait été possible de pucer toute la population européenne avant la défaite de Stalingrad! Quel gain de temps et d’organisation! “On” aurait liquidé la question juive, en même temps que celle des homos, des tziganes, des communistes et autres déviants en un clin d’oeil. En tout cas avant l’arrivée des Russes à Berlin… Il ne resterait plus que les gens bien, ceux qui n’ont “rien à se reprocher”.
Or, nous sommes bien près, maintenant, de la société parfaitement policée dont tout bon ministre de l’Intérieur rêve.
Quelle est, en effet, la différence entre le tatouage généralisé des individus ((Pratiqué dans les camps de concentration jusqu’en 1945.)) et leur puçage?
À part l’efficacité, il n’y en a pas.
(Mais de quoi il cause?)
L’an dernier, Pièces et main d’oeuvre a publié un excellent petit ouvrage intitulé RFID: la police totale. Puces intelligentes et mouchardage électronique. Édition l’Échappée ((Ça m’apprendra à l’acheter puis à le découvrir sur Internet. En attendant, je dois à mon pote Gilles d’Aden de l’avoir reçu chez moi au Brésil. Merci, Gilles.))
Le livre raconte de manière très intéressante comment nous passons de plus en plus rapidement de la société informelle ((L’âge d’or imaginaire qui a précédé l’État, mais aussi la société des individus qui parviennent de temps en temps voire le plus souvent à lui échapper.)) à celle qui est dépeinte dans les plus sombres contre-utopies grâce à des petites puces (RFID: Radio-Frequency Identification) qui s’infiltrent un peu partout dans nos vies.
Vous n’avez rien à vous reprocher? Vous n’avez rien à craindre.
Mais êtes-vous sûrs de n’avoir rien à vous reprocher?
Aujourd’hui, vous n’avez peut-être rien à vous reprocher. Mais qui décide qui a quelque chose à se reprocher ou non? Vous? Non, c’est l’État.
Vous avez confiance en l’État, vous?
En attendant, on va progressivement “proposer” à tout le monde de passer de la (déjà très envahissante) carte d’identité à la puce intégrée que le flic (au mieux) sera susceptible de contrôler “à distance” -mais jusqu’à quelle distance?…
Résumons.
Jusqu’ici, vous ne vous inquiétiez pas de porter sur vous un numéro de Registre National (NIR en France), un numéro de sécurité sociale, éventuellement un numéro de passeport, un numéro pour les impôts, un numéro d’électeur, des cartes bancaires, de crédit, des cartes de fidélité, des… ((Vous êtes quand même bien sympas de pas vous inquiéter pour tout ça…))
Bref, vous compliquiez la vie de ces pauvres surveillants du monde en faisant partie de dizaines de fichiers différents ((Le bouquin en compte 400 en France.)).
Alors qu’un numéro unique suffirait pour, à la fois, vous identifier, vous permettre de payer ce que vous voulez, recevoir des soins de santé (ou pas), payer vos impôts, passer les frontières, obtenir des ristournes, etc.
Un numéro ou en tout cas un truc qui vous identifie automatiquement, même si vous ne savez pas exactement de quoi il s’agit.
Allez, soyez pas chiens, avouez que vous en avez rêvé de cette société où il vous suffit de passer dans une porte avec des capteurs permettant au flic de base collé à son écran d’obtenir votre dossier en un clin d’oeil.
Vous en avez rêvé, de cette vie où vous n’avez plus aucune maîtrise sur votre situation financière ou votre dossier médical, et où “d’autres” peuvent décider à votre place de ce qui est bon pour vous, non?
Imaginez les applications de tels trucs: vous voulez acheter un paquet de cigarettes (quelle drôle d’idée). Là-dessus, quand vous voulez procéder au paiement, le détaillant vous dit que vous n’avez plus d’argent. Ah? En réalité, votre dossier médical traité par votre assureur vous a interdit l’accès à certains produits qui risquent d’aggraver votre état de santé.
Bien! Génial, dites-vous! Ils ne veulent que mon bien!
Vous rigolerez moins quand vous vous apercevrez que vous ne pouvez pas vous payer un séjour à Paris parce que c’est trop pollué ou que le vélo dont vous rêviez vous est inaccessible parce que votre Assurance Familiale ne veut pas que vous preniez de tels risques… financiers…
Vous voulez vous déplacer? Bien sûr, vous êtes libres d’aller où bon vous semble. Mais, une chose est certaine: impossible de le faire sans être filmé, enregistré, fliqué, et, à moins de vous balader dans un hypothétique désert technique -le désert, le Pôle Nord?-, certaines personnes (Mais qui?) pourront savoir où vous êtes, avec qui, et ce que vous y faites.
Et alors, dirons les plus blasés, ils le savent déjà…
C’est pas faux.
Mais, alors qu’aujourd’hui, il y a toujours moyen de détourner la loi, de se faufiler, de perdre vos suiveurs, de mettre une casquette, des lunettes de soleil, de fausses moustaches, de ne pas utiliser de voiture, de téléphone portable,… Tout cela deviendra bientôt obsolète et l’incognito ne sera plus que le privilège de quelques-uns -ceux qui auront les moyens financiers et techniques de détourner la loi.
En outre, n’espérez pas échapper aux contrôles dans les bidonvilles, les forêts vierges (Quelles forêts vierges, d’abord?) ou plus simplement votre domicile. Toute l’énergie des fans du fliquage sera désormais tournée vers la réalisation de la société de surveillance totale.
Nous Deux de Zamyatine, enfin réalisé…
Elle est pas (plus) belle (encore), la vie?
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Et si je refuse de me faire pucer?
“Avertissement au cheptel humain: aujourd’hui, une brebis baladeuse trouvée sans puce est conduite à l’équarissage sans sommation. ((Op. cit., p. 36.))”