Archive for the ‘la vie comme elle vient’ Category

Un oscar pour Brad Pitt

Monday, June 29th, 2009

Ce serait l’histoire d’un chanteur pop, sans doute le plus grand de tous les temps, mais qui aurait eu une enfance difficile, battu, abusé par son père, puis qui serait devenu tellement célèbre que la folie se serait emparée de lui. Une folie douce, tournée toute entière sur le monde de l’enfance qu’il n’a jamais vraiment eue.

Un homme tellement fasciné par la pureté qu’il ira jusqu’à vouloir devenir blanc, de noir qu’il était.

L’histoire d’un homme accusé (mais jamais condamné, faut-il le rappeler) de pédophilie, probablement parce qu’il aimait trop s’entourer d’eux. On pourrait imaginer des scènes où certains de ses petits invités passent la nuit dans le même lit que lui. Il les serre dans ses bras comme des nounours en peluche, désireux de vivre ce qu’il n’a jamais vécu. Les enfants dorment comme des anges, flattés d’être aimés par celui que tous considèrent comme la plus grande star de l’histoire de la chanson populaire… Mais les parents, entendant de leur progéniture “ce que ce monstre a pu leur faire”, ne voient plus que le fric à faire autour de cela. Un monstre connu pour son extrême délicatesse, son extrême raffinement, tous signes qui, dans un monde de cow-boys imbéciles ne peut mener qu’à une seule conclusion, naturellement…

Le monstre, l’animal dénaturé, l’espèce de Shrek, sorte de magicien d’Oz (à propos, il aurait joué dans une version musicale de cette histoire aussi), de mythe vivant, de super-génie de la musique, qui, tel James Barrie ou Wolfgang Amadeus Mozart, n’aurait pas vraiment vécu cette transition nécessaire entre l’enfance et l’âge adulte, se retrouverait devant les tribunaux, tout cassé, démoralisé, sans plus aucune forme, vieilli prématurément.

D’autant qu’il aurait tellement voulu rajeunir que son corps et son visage, finalement, se seraient retournés contre lui. La voix de cristal seule lui serait restée…

Combien de scènes d’anthologie pourrait encore compter un film dont le succès commercial ne fait aucun doute, avant même d’avoir été scénarisé: des mariages dont on doute de la réalité, la construction et la visite de son parc d’attraction personnel, les hauts et les bas de sa fortune personnelle, ses relations avec les plus grands artistes de son temps, sans compter des flashsbacks fréquents sur sa vie passée avec ses frères et soeurs, sur son enfance dans les quartiers noirs de Chicago, des références à cette vie dans les clips et les chansons qui le rendront célèbre… Ah, les critiques vont se régaler… Mieux que Velvet Goldmine ou The Doors…

Un rôle en or pour la conquête de l’oscar du meilleur acteur pour Brad Pitt, avec tellement d’images de synthèse qu’on ne saurait plus quand c’est vraiment lui et quand…

On parie?



C’était mon petit hommage à Michael…

Récréation

Sunday, June 14th, 2009

Environ 3 millions d’Étatsuniens sans télé suite au passage de l’analogique au digital…

Ce n’est sans doute qu’une affaire de temps: on voit mal comment ces valeureux citoyens pourraient survivre très longtemps sans leur transfusion quotidienne de 24 heures d’idioties…

En attendant, peut-être que certains iront faire un tour dans les bois dimanche, ou bien rendront-ils visite à des grands-parents parqués dans leur home -pourvu que ceux-ci soient privés de téloche aussi…

CNN et Fox News sont en deuil… Comment les braves citoyens pourront-ils suivre en direct les efforts des valeureux pandores à la poursuite des vendeurs de crack en direk’-laïve avec hélicoptères et projecteurs sur les autoroutes de LA? Et les petites téléréalités des casernes Halliburton en Irak? Et les dénonciations du grand complot antisémite en Israël?

Qui sait? Peut-être que dans 9 mois on constatera un pic de natalité… Peut-être que dès maintenant ont été dressées des équipes de premiers secours spécialisées pour éviter des vagues de suicides1… Peut-être que les médecins constateront une baisse marginale du taux de surpoids chez les gosses… Les sociologues vont devoir se pencher sur le phénomène… On fera des articles, des thèses, peut-être même des émissions de télévision… Eh! Ça reboostera la vente des nouveaux postes, ça relancera la croissance, et c’en est donc fini de la crise… Cqfd…

Allez, on s’amuse… Ce sont sans aucun doute quelques jours de récréation…

  1. C’est que ça doit être dur de faire face au vide laissé par la petite boîte noire. []

Dans la série “nos fils de pute”

Monday, June 8th, 2009

Omar Bongo, représentant de la Françafrique au Gabon, est mort (c’est officiel).

“Bon, on le remplace par qui?” se demande-t-on à Paris…

Voir, s’il était besoin, le petit post ci-inclus.

Je m’appelle terroriste

Tuesday, June 2nd, 2009

Je suis apparu il y a très longtemps.

Pour les Hittites, j’étais Égyptien, déjà. Et pour les Égyptiens, j’étais Hittite. Les Chinois me voyaient Mongol. Dans la Bible, je suis Philistin, adorateur du Veau d’Or, Cham, Onan, Sodomite, Ghomoréen…

Les Grecs m’appelaient barbare, les Romains m’ont glorifié sous les traits de Spartacus, des esclaves révoltés ou des Germains…

Mais je ne m’exprimais pas encore dans la pleine puissance de ma personnalité.

C’est au Moyen-Âge que j’ai connu mes plus belles heures. On m’appelait alors hérétique, sorcier (et plus souvent sorcière), païen, rouquin, juif parfois…

J’étais dolcinien ou je participais aux jacqueries. J’étais pastoureau, ou étudiant malfaiteur, je vivais dans la cour des miracles ou dans les bois, attendant le passant.

Non, je n’ai jamais été Robin des Bois. Celui-là se battait en définitive pour son roi…

Mais j’ai suivi Jan Hus, je lisais Érasme, j’écoutais parler Étienne de la Boétie, j’ai finalement accompagné Giordano Bruno jusque sur son bûcher… J’ai renié François d’Assise, aussi…

Si le Moyen-Âge m’a vu occuper bien des places, à la Renaissance, je me suis éteint, bousculé par les guerres de religion auxquelles je n’ai pas pris part. Trop d’imbéciles…

Plus tard, je me suis reconverti dans la contrebande et le banditisme: j’accompagnais Mandrin et Cartouche sur toutes les routes de France. je trafiquais de tout, je rançonnais les riches et parfois même je brûlais les châteaux.

Je finissais sur la roue ou écartelé…

Je troublais l’ordre public.

Je raillais la couronne.

Je me moquais des édits et des agents de l’État.

je détroussais et l’on dit aussi que je troussais… Mais bon…

Puis, il y a eu la politique, la nation, l’État, la République… Autant de choses qui ont changé ma vie.

Ou plutôt non… J’ai continué comme avant… J’étais voleur, brigand, vagabond, je suis devenu titi et apache… J’ai eu tant de nom… Je troublais toujours l’ordre public. Je méritais la prison. Je terrorisais les bonnes gens….

Ah, ça y est, voilà qu’apparaissait mon vrai nom…

Je terrorisais.

Et cela ne s’est pas amélioré avec l’avènement de l’anarchie, voyez-vous. C’est qu’il en a plu, des bombes, ah madame! Pas toujours tirées par moi, ça non, car il y en avait bien dix mille (pour commencer) dans chaque guerre pour une que je lançais au parlement ou dans les cafés bourgeois. Je tirais sur les magistrats et j’assassinais même parfois des artistos encore, ou un président de la république…

Mais c’était rare. Je n’étais qu’un amateur…

J’étais surtout attablé avec des copains, devisant sur la gréve générale, évoquant le monde de demain, de l’oisiveté, des barques sur la rivière et du Moulin de la Galette… Mais c’était déjà trop que de vouloir distribuer des journaux gratuits et de créer des communautés et des écoles ni républicaines, ni catholiques. J’étais terroriste, voyez-vous…

Je devais être guillotiné. Je l’étais.

Puis, je devins objecteur de conscience, féministe, tire-au-flanc, gréviste, syndicaliste, et même encore cambrioleur et monte-en-l’air… Avec Bonnot, je suis revenu à mes bonnes vieilles amours d’antan et pillais banques et richards…

Ça n’a pas plus, naturellement, tiens donc.

Je terrorisais les villes et les campagnes encore. Alors, pensez, quand je devenais végétarien, j’empirais encore. Surtout que, par contre, je refusais d’arrêter de boire et de fumer. Si je ne me droguais pas et que je n’assassinais pas les bébés dont je me gorgeais du sang. Ben tiens…

C’était ma période anarchiste. Ma première vraie période sous mon nom de terroriste

Mais j’en ai eu d’autres, et de plus étonnantes.

J’étais encore terroriste entre 1940 et 1945. L’histoire m’a retenu sous le nom de résistant, mais, à l’époque, on m’appelait terroriste.

Après la guerre, je me suis retrouvé dans les colonies. Je terrorisais les colons, dis donc. Puis sous les dictatures latino-américaines. Je terrorisais les journaux qui avaient accepté la censure des militaires. Bien sûr, j’agissais aussi en Espagne, en Grèce, au Portugal…

J’étais aussi actif en Irlande du Nord…

J’étais un terroriste. Je m’appelais terroriste.

J’ai continué à agir en Espagne… J’étais encore terroriste.

En Italie, en Allemagne, en France, même en Belgique, j’agissais… J’étais un terroriste… Je pouvais faire ce que je voulais, il me suffisait de ne pas condamner les agissements des autres terroristes pour en être un moi-même.

Ou bien j’étais contre les terroristes, ou bien j’en étais un.

Ça n’a pas changé d’ailleurs aujourd’hui. Ne sommes-nous pas tous Américains?

En Israël… Enfin, en Palestine… Enfin, en “Terre Sainte”, je suis encore un terroriste, même si, bon…

Et ce n’est pas fini. Je me suis étendu avec le temps. Je suis encore un terroriste dès que j’empêche un patron de sortir de son usine ou des travailleurs d’y entrer. Je suis un terroriste quand je tente de m’exprimer lors d’un sommet de grands chefs internationaux. Je suis même un terroriste pour certains quand je veux voter Morales en Bolivie ou Chávez au Vénézuéla…

J’ai noté d’ailleurs un truc: Spartacus, jacque, dolcinien, contrebandier, apache, anarchiste ou terroriste, je suis certes gênant parce que je veux vivre d’une autre manière que celle qu’on veut m’imposer, mais je suis surtout un bon prétexte pour fermer la gueule de ceux qui pourraient exprimer de la sympathie à mon égard.

Rendez-vous le 14 juillet…

Publicité non-commerciale

Saturday, May 9th, 2009

Taches de graisse ou de brûlures sur votre table de cuisine? Plaques chauffantes dégueulasses? Évier infect?

La solution: un vieux fond de café qui reste dans votre perco, vous l’étalez, passez une éponge et tout part en un clin d’oeil. Finis les détergents -ordinaires ou non…

Et au final: une odeur de café frais dans toute la cuisine…

C’était le conseil anti-consommation de la semaine…

Histoire de contribuer au refroidissement de la planète…

Note: ça marche vraiment hein!

Je suis vicié

Monday, April 20th, 2009

“Tu es accro”, me dit Cláudia, en portugais (du Brésil). et c’est pas faux, malheureusement.

Je suis branché trois à quatre fois par jour (ouvrable) sur le site www.imperiaonline.org, qui présente un jeu en ligne, multi-joueurs (c’est pas rien de le dire, on doit être plusieurs milliers sur le même “royaume”), basé sur l’exploitation de fiefs médiévaux et la lutte de seigneurs plus ou moins grands, genre wargame, mais sur une dimension que seul internet pouvait offrir, probablement.

Je ne discuterai pas du réalisme du jeu (les fiefs sont artificiellement écartés les uns des autres, il n’y a pas de géographie précise, la religion ne joue aucun rôle, il y a techniquement moyen de tenir des centaines de milliers de paysans sous sa domination sans posséder un seul soldat, etc.). Par contre, il y a quelques éléments du jeu et des comportements induits par celui-ci qui sont très intéressants -quoiqu’inquiétants, surtout dans mon chef.

Pour commencer, le jeu est basé à la fois sur la compétition et la coopération; naturellement, l’ennemi d’hier peut devenir l’allié de demain et vice versa. Le type qui m’a appris à jouer était l’un de mes voisins. Je lui ai promis qu’en échange de ses conseils, je ne l’attaquerais jamais. Deux semaines après, je commençais à le décimer. Belle mentalité. Mais bon, ce n’est qu’un jeu…

Je suis devenu leader d’une alliance (que j’ai fondée et appelée “Alliance Rebelle”, bonjour la référence de niveau élevé), ce qui, en soit, est déjà bien contradictoire pour un anarchiste, mais bon, ce n’est qu’un jeu…

En tant que leader, je donne des ordres, je coordonne, je nomme aux charges d’officier scientifique, de diplomate, de général… Le tout arbitrairement (et rarement de manière très intelligente). Et surtout, si les joueurs ne m’obéissent pas, j’expulse.

Mais bon, ce n’est qu’un jeu.

Il y a aussi les joueurs qui quittent l’alliance parce qu’elle ne les satisfait pas. C’est leur droit, naturellement, mais le dernier qui l’a fait l’a amèrement regretté: je l’ai sauvagement écrabouillé parce que je le considérais potentiellement dangereux. Il a abandonné1.

Mais ce n’est qu’un jeu…

Enfin, on peut attaquer ses adversaires de plusieurs manières différentes. La principale est de s’en prendre uniquement à leurs armées. La plus lucrative, potentiellement, est de piller les villages, massacrant les paysans… Je l’ai fait quatre fois, j’ai dû tuer une centaine de milliers de paysans.

Maiiiiiiiis, ce n’est qu’un jeu.

Une dimension du jeu très intéressante est celle de pouvoir faire virtuellement ce que vous ne voudriez jamais faire dans la vie réelle. La question, ensuite, est de se demander si, effectivement, vous ne voudriez jamais le faire pour des raisons morales, pour des raisons humanistes, ou bien par crainte de la désapprobation publique?

Et si le jeu avait un effet sur la vie réelle? Et si vous en étiez à moitié conscient, pas tout à fait, mais quand même un peu?

Voir le petit post sur Milgram et Burger pour un début de réponse…

  1. Par contre je viens d’aider un autre dans le même cas, allez comprendre. []

né noir, mort blanc

Saturday, April 18th, 2009

Machado de Assis est l’une des figures littéraires les plus importantes du Brésil. Un trait de sa vie remarquable est qu’il était considéré comme noir à la naissance (et donc de basse extraction), mais qu’avec la reconnaissance et le succès, il est mort “blanc” -c’est-à-dire qu’il était désormais considéré comme fréquentable.

Détail? Sûrement pas. Étonnante capacité de l’homme à se contredire lui-même dans le discours, dans l’esprit, sans même parfois s’en rendre compte.

Cependant, généralement, ce retournement est conscient. Dans le cas de Machado, c’est le regard de l’autre qui a évolué, il n’en était lui-même pas responsable. Mais, le plus souvent, ce sont les choix personnels qui marquent ce regard.

Exemples?

Pascal Smet, responsable politique “socialiste” flamand de Bruxelles (c’est pas de ma faute si on le définit comme cela) est né petit-fils de résistant (c’est lui, en tout cas, qui s’en vantait, lorsqu’il dirigeait l’administration chargée des expulsions en Belgique pour se défendre des accusations de comportement douteux que nous lui assénions). Il mourra, à nos yeux et à moins d’un acte de repentance genre auto-critique à la chinoise, comme l’un des fonctionnaires les plus zélés de la politique d’éloignement des sans-papiers.

Malraux, mort en 1946, serait resté le héros de la gauche. Il est mort gaulliste…

Une seconde chance est souvent ce qui est refusé à la plupart des hommes. Rares sont ceux qui en bénéficient face à la postérité, à la justice des palais, à “l’histoire-qui-juge”, souvent vite…

Curzio Malaparte, s’il était mort avant 1930, aurait été considéré comme un simple pion du fascisme comme des milliers d’autres. Il est décédé bien plus tard, avec la reconnaissance littéraire que l’on sait. De même que Günter Grass, au fond, a eu de la chance de survivre et de dépasser l’horreur d’avoir servi dans les troupes nazies. Et on ne peut que s’en réjouir.

Beigbeder aurait pu mourir jeune et rester le petit con de droite qu’il était. Bon, il ne mourra que petit con de gauche.

Combien d’Albert Speer auraient fini par s’éveiller et rejeter le nazisme s’ils en avaient eu l’occasion, la chance, l’opportunité?

Et combien de membres du MR déchireront-ils leur carte de membre avant de mourir, histoire de se racheter?

Mais aussi, a contrario, combien de communistes des premiers temps seraient devenus staliniens s’ils avaient survécus? Combien de jeunes anarchistes morts en Espagne seraient devenus Johan Vande Lanotte?

Problématique effleurée par Sartre dans Huis-clos…

Anniversaires, je vous hais

Thursday, April 16th, 2009

Sir Charles Spencer “Charlie” Chaplin aurait eu 120 ans aujourd’hui.

Ça m’amuse toujours de voir les commémorations effectuées par les médias dominants sur un personnage comme Chaplin qui, de son vivant, fut surtout critiqué pour son engagement politique (ambigu) et ses frasques conjugales et moins conjugales par les défenseurs de la loi et de l’ordre moral.

À nous, qui nous gaussons des anniversaires, de la Fox et des médias-qui-mentent en général, nous reste le souvenir du cinéaste et du résistant aux idées dominantes, d’un personnage hors du commun dans le monde du 7e art et des films parmi les plus importants jamais réalisés et joués.

Et ça nous suffit pour l’installer au sein de notre panthéon de mythes fondateurs…

Ça manque un peu, des rues Charlot, des écoles Charlie Chaplin, tiens. (voir post précédent)

Rue des moustaches tombantes

Wednesday, April 15th, 2009

Ça fait un moment que je pense à un truc, trés bête en apparence, mais qui a son importance.

Les noms des rues, les monuments à la gloire des grands esprits.

Ici, à São Paulo, le dernier président de gauche, João Goulart, qui fut renversé par une dictature militaire1, est signalé sur une poignée de ruelles, alors que des dirigeants de la junte, eux, sont répétés inlassablement tous les jours à la radio, parce qu’il y a des bouchons sur les grandes artères. Il n’y a pas eu de révision historique, dans le pays… Et ce n’est pas près de venir.

Il y a même une petite rue Monsanto, juste en face de mon lieu de travail. Je l’emprunte pour aller de l’appartement d’une élève à l’école.

mais bon, elle est petite.

===

Je pense, à Bruxelles, à cette large avenue Charles Woeste, ministre du XIXe Siècle, qui s’opposait au Suffrage Universel, mais pas vraiment pour les même raisons que moi.

Je pense à l’avenue Léopold III, à l’avenue Baudouin; sans parler de la statue de Léopold II à poil près de la Gare centrale…

Il y a aussi les Rogier, Ducpétiaux et autres “révolutionnaires” de 1830, toutes sommités qui mériteraient surtout un beau placard historique.

À la place de l’avenue Charles Woeste, je verrais bien une Allée des Souris de Laboratoire.

Et sur la Place Albert Ier, un Square des Chevaux morts à la guerre.

Puis, à la place de la statue imbécile d’Elizabeth, une évocation de la musique libre, sans entrave et sans concours.

Et plutôt que de donner aux écoles des noms de politiques de deuxième division, on pourrait (à défaut de les détruire) leur donner des noms plus poétiques, ou de personnages un tant soit peu plus intéressants, comme John Lennon, Henry Miller (ce qui serait cocasse), Anaïs Nin (dont l’histoire serait aussi marrante à raconter) ou, à la limite, Marguerite Yourcenar2.

L’esprit de clocher, plus encore que le chauvinisme, le localisme politique de ceux qui espèrent sans doute gagner après leur mort l’octroi à leur nom d’une impasse ou d’une contre-allée, n’est rien moins qu’un réducteur de pensée.

De toute façon, qui se souvient de Dansaert, Dailly, Jacquemin, Max, Bordet3?

Alors une petite suggestion: débaptisez votre avenue et trouvez-lui un nom plus sexy, pour voir.

  1. Largement soutenue par le gouvernement amerloque Kennedy, puis Johnson. []
  2. J’ai bien encore d’autres idées, mais elles vont perdre encore en popularité. []
  3. Pourtant prix Nobel. []

le réflexe Bekaert-Securitas

Wednesday, March 18th, 2009

Je suppose qu’un jour un expert l’appellera d’une expression similaire…

À la suite du drame de Termonde (qui m’a touché aussi, pensez bien, je conduis mon fils à la crèche tous les jours de la semaine…), c’est la petite phrase émanant de l’association Kind en Gezin et relayée par la Libre qui a attiré le plus mon attention:

“Un tel drame est incompréhensible. Il pose des questions sur la sécurité dans les lieux d’accueil”.

C’est malheureusement un grand classique, suite à ce type d’incidents (agression dans un hôpital, enlèvement d’enfants), tous contre des éléments hyper-fragiles de la société, que ce type de réflexe survienne.

Pour vivre dans une ville qui a fait le pas, depuis longtemps (pour d’autres raisons), d’enfermer écoles, hôpitaux, crèches et autres lieux derrière des forteresses, munies d’équipes de gardiens1, souvent de caméras, et en tout cas de portes blindées, où les empreintes digitales de mes doigts ont été prises pour les mettre sur ma carte d’identité2, je ne suis guère choqué, mais je me refuse à admettre comme normal, et à accepter, à long, moyen ou court terme, toute tentative de sécuriser à l’extrême nos vies. C’est le contraire qu’il faut faire: parvenir à réduire les risques de ce type, et non se protéger de leurs seuls effets.

Il y aura toujours des risques, comme le dit un lecteur de la Libre ici. L’idée de vouloir se défendre contre ce genre de drames par des moyens de plus en plus coûteux, sophistiqués, mais surtout militaires et inaccessibles à la compréhension de la population, rend le monde toujours plus inhumain et plus neurasténique. Un phénomène effrayant, c’est la facilité d’acceptation de l’escalade.

L’article de la Libre évoqué ci-dessus fait mention d’une première crèche en Belgique dont l’entrée est gardée par un digitaliseur d’empreintes. J’avais déjà vu cette bêtise au CPAS d’Ixelles, il y a près de cinq ans. À multiplier les barrières électriques, électroniques, digitales, et que sais-je, on crée plus un effet de paranoïa que de sécurité. D’après l’article (mais bon, c’est la Libre aussi), seul un père maugréait pour des questions d’investissements, jusqu’à ce qu’on lui dise que l’entreprise l’offrait à titre de publicité.

“Ah, ben alors, comme ça, ça va.”

Les autres parents étaient à la limite de l’enthousiasme. Dans quel environnement leurs enfants vont grandir? Pas au “petit jardin musical” ou au “paradis des enfants”, mais bien dans la “petite cage dorée”.

Eh, tout cela n’est pas neuf: c’est du Michel Foucault, c’est du Vidocq, c’est du Alexandre Jacob…

Pour en revenir à une phrase qui revient ces derniers temps, et raccomodées: la sécurité n’est pas une liberté, ni la première, ni une autre, mais un droit. Enfermer les gens, adultes ou enfants, ce n’est certainement pas les rendre plus libres.

Dire, comme l’ont répété des générations de ministres de l’intérieur (le premier était, si je ne m’abuse, Poniatowski en France, à moins que ce ne fut Poncelet3 ), que la sécurité est la première des libertés, est un non-sens doublé du fruit de l’ignorance pure.

On appelle droit un accès libre et (théoriquement) gratuit à quelque chose, comme la vie, le travail, la famille4. Ce sont même des choses presque naturelles. Mais il y a également des droits qui sont le fruit de conquêtes culturelles et sociales, comme le droit à la culture, à l’éducation ou à un toit5.

On appelle liberté une capacité non enfreinte de faire ou d’exprimer quelque chose, comme la liberté de penser, de se déplacer, de choisir son conjoint, ses amis, ses idées et d’exprimer ces dernières, mais aussi de (se faire entuber par la) religion6.

Et donc, cela ne revient pas au même. Le DROIT À est un phénomène dont vous bénéficiez automatiquement. La LIBERTÉ DE nécessite que vous fassiez un geste pour en jouir… Ou que vous ne le fassiez pas, ce faisant vous exercez votre liberté de ne rien fouttre.

La sécurité est clairement un droit, et non une liberté. Des générations de ministres de l’intérieur, y compris Sarkozy et Alliot-Marie, mais aussi l’actuel maire de Lyon, Gérard collomb, sont donc, au mieux des ignorants, au pire (et au plus vraisemblable) d’ignobles manipulateurs7.

Pourquoi? Parce que le terme liberté, utilisé à toutes les sauces pour justifier l’emprise du marché libéral capitaliste sur nos vies, en est venu à s’édulcorer lui-même et à effacer la force des droits que l’idéologie dominante cherche à faire reculer toujours plus. Plus les droits reculent, et plus ce sont les libertés d’un petit nombre d’exercer sur nos tronches qui prennent du poids. Et, à cette échelle, ce n’est même plus de la liberté, mais des privilèges de classe.

Parce qu’aussi, à construire la sécurité comme une liberté, on contribue à la mettre sur le marché, tout simplement, et à progressivement faire admettre que nous avons la liberté de nous défendre nous-mêmes, et que, finalement, la justice et la police, ça pourrait bien être une affaire privée.

Or, “faire justice soi-même”, c’est le far-west. “Faire la police soi-même”, c’est du Bronson…

Certes, aujourd’hui, ces deux acteurs (police et justice) de la société sont plus au service de ceux qui ont que de ceux qui bossent, mais la destruction des repères des conquêtes du XXe Siècle (droits sociaux, émancipation -partielle- des femmes, liberté sexuelle, etc.) est une longue pente -de plus en plus savonneuse…

Ça glisse…

  1. celui de la crèche de mon môme est très sympa, mais bon []
  2. Plus choquant peut-être: dès la naissance, Giuliano, mon fils a été fiché pareillement. []
  3. Aucun des deux n’était à une clownerie près. []
  4. Pour compliquer, le Grand Dictionnaire Terminologique propose les définitions suivantes: Prérogative reconnue à une personne, dans son intérêt ou État d’une personne ou d’une chose qui répond à certaines règles ou conditions et peut de ce fait bénéficier d’un avantage ou jouir d’un droit. []
  5. Il y a aussi le droit à la propriété ou à la nation, mais ceux-là, beuh… []
  6. Dans le Grand Dictionnaire terminologique, on trouve la définition suivante: la liberté juridique ou civile consiste dans le droit de faire tout ce qui n’est pas défendu par la loi (Or, on ne fait pas la sécurité, on en jouit); Elle se présente comme une prérogative ouvrant à son bénéficiaire, lorsqu’il le désire, un accès inconditionné aux situations juridiques qui se situent dans le cadre de cette liberté. Une liberté est en principe non définie ni causée (susceptible non pas d’abus, mais d’excès); elle est également, en principe, inconditionnée (ainsi se marier ou non, contracter ou non, acquérir ou aliéner, tester, faire concurrence à d’autres commerçants). []
  7. Mais ça on le savait déjà… []