né noir, mort blanc
Machado de Assis est l’une des figures littéraires les plus importantes du Brésil. Un trait de sa vie remarquable est qu’il était considéré comme noir à la naissance (et donc de basse extraction), mais qu’avec la reconnaissance et le succès, il est mort “blanc” -c’est-à-dire qu’il était désormais considéré comme fréquentable.
Détail? Sûrement pas. Étonnante capacité de l’homme à se contredire lui-même dans le discours, dans l’esprit, sans même parfois s’en rendre compte.
Cependant, généralement, ce retournement est conscient. Dans le cas de Machado, c’est le regard de l’autre qui a évolué, il n’en était lui-même pas responsable. Mais, le plus souvent, ce sont les choix personnels qui marquent ce regard.
Exemples?
Pascal Smet, responsable politique “socialiste” flamand de Bruxelles (c’est pas de ma faute si on le définit comme cela) est né petit-fils de résistant (c’est lui, en tout cas, qui s’en vantait, lorsqu’il dirigeait l’administration chargée des expulsions en Belgique pour se défendre des accusations de comportement douteux que nous lui assénions). Il mourra, à nos yeux et à moins d’un acte de repentance genre auto-critique à la chinoise, comme l’un des fonctionnaires les plus zélés de la politique d’éloignement des sans-papiers.
Malraux, mort en 1946, serait resté le héros de la gauche. Il est mort gaulliste…
Une seconde chance est souvent ce qui est refusé à la plupart des hommes. Rares sont ceux qui en bénéficient face à la postérité, à la justice des palais, à “l’histoire-qui-juge”, souvent vite…
Curzio Malaparte, s’il était mort avant 1930, aurait été considéré comme un simple pion du fascisme comme des milliers d’autres. Il est décédé bien plus tard, avec la reconnaissance littéraire que l’on sait. De même que Günter Grass, au fond, a eu de la chance de survivre et de dépasser l’horreur d’avoir servi dans les troupes nazies. Et on ne peut que s’en réjouir.
Beigbeder aurait pu mourir jeune et rester le petit con de droite qu’il était. Bon, il ne mourra que petit con de gauche.
Combien d’Albert Speer auraient fini par s’éveiller et rejeter le nazisme s’ils en avaient eu l’occasion, la chance, l’opportunité?
Et combien de membres du MR déchireront-ils leur carte de membre avant de mourir, histoire de se racheter?
Mais aussi, a contrario, combien de communistes des premiers temps seraient devenus staliniens s’ils avaient survécus? Combien de jeunes anarchistes morts en Espagne seraient devenus Johan Vande Lanotte?
Problématique effleurée par Sartre dans Huis-clos…