Archive for February, 2008

On n’en a rien à fouttre (avec deux t, tiens)

Thursday, February 28th, 2008

Je suis abonné au service des statistiques du gouvernement belge (ainsi qu’au service du déclassement des archives amerloques), ça peut être utile…
Mais pas toujours. Je crois qu’ils se sont mis une petite piqûre de people pour leur dernier courrier d’info:

Savez-vous que…

7.349 des 10.584.534 habitants de Belgique sont nés un 29 février !

Source : Direction générale Statistique et Information économique du SPF Economie.

Tiens, par la même occasion, je suis enfin entré dans l’âge moyen… Je ne suis plus un de ces cons de jeunes… hihi…

Course

Tuesday, February 26th, 2008

En rapport avec le très joli texte de Ju, sur sa préparation aux 20km de Bruxelles, je vous en propose un de moi en prose poétique qui vient de fêter ses dix ans.

Course

Je m’étais déguisé en semi-pro -pas certain d’être vrai -je ne sais pas. J’ai remonté les nids jaunes, les oreilles accrochées à ces diables de rythmes en boîte. L’espace était encore doré. Mes jambes étaient déjà lourdes. Je digérais. Les chars de l’enfer et les fureurs rouges, orange et vertes me faisaient tordre la tête -une colonne de fumée me ralentit aux portes du souverain. Les échos de la ville ne m’effleuraient pas. Les contours alentours m’arrivaient flous. Je ne respirais que pour vivre. Seuls mes pieds touchaient parfois terre. La visière sur le front, sur la nuque, un cliquetis de tour Eiffel sinistre, un décodeur magnétique adroit, mes lèvres murmuraient parfois les sorties de théâtres, les coeurs autour du monde, les samplings lunaires -j’aimais ça. Ma hanche droite m’a alerté dans la première ascension -je touchais à nouveau terre plus souvent -plus lourdement -ce corps se rappelait à moi -j’ai tenté un saut dans les champs dorés -je passais alors devant l’empire du plastique (brutal retour).

Plus loin. Déjà un demi-tour. Je me sens proche. Un couple, un cycliste, un chien et le truc qui l’accompagne en général au bout d’une laisse. La terre est toujours bien là. Elle m’enfonce un peu plus quand j’accroche dans l’ombre de mes rétines les cannes d’anciennes étoiles proches du trou noir.

Je passe une dernière vitesse -j’accroche- c’est plus difficile que… Là-bas, au loin, les aiguilles me narguent de leur invisibilité -quelques frères d’armes me soutiennent -mais de réaliser qu’elle est encore si loin -je ne comprends pas tout de suite que je marche… que mes pieds brûlent dans leurs cuirs… que mes poumons réclament l’Everest -il n’était plus loin mais il m’écrasait de sa proximité -pourquoi hésitons-nous encore là?

Est-ce en rêve que j’ai repris ma course? Était-ce réel lorsque le bronze incohérent de liberté sembla se révéler à moi? et ces insectes écrasés qui me grimpaient sur les cuisses et le dos -d’où venaient-ils?

Je pédalais encore dans le vide -bien sûr, qui espère arriver? Je souffrais en cadence, écroulé, le coeur à la Chaplin, au vinyl d’avant-guerre. Mes bras lançaient d’un côté, de l’autre. Ma langue était jaune, je me ramassais sur moi, je m’étendais le plus loin possible. Mes chaussures à bas, mes cuirs à l’air, ma chemise en feu. Je sentis distinctement, alors, pendant une longue minute -une minute bercée d’Islande- ce dont on me parlait quelques fois, qu’on me disait essentiel pour éprouver la beauté de la matière, fondre en elle et crier aux ciels, je sentis seul, sans les mains, le nez aux étoiles effacées par les richesses de la ville, je sentis la mer allée avec le soleil.

Je me revoulus ivre.

Le communisme recommence petit

Tuesday, February 26th, 2008

Une île chasserait-elle l’autre? Après le départ de Fidel, c’est la parti Arkel et son candidat Cristofias, communiste (mais pragmatique), qui s’emparent des rênes de la partie grecque de Chypre (c’est le gouvernement grec qui doit être en train de bouffer du chapeau).

On aurait presque envie de demander aux Amerloques de lancer un nouveau blocus… Histoire de rire une cinquantaine d’années de plus…

Qu’on se rassure donc, le camarade néo-président est généralement qualifié de “social-démocrate”, “pragmatique”, “socialiste pas anti-capitaliste”…

C’est à se demander s’il tressaille encore du poing quand il entend l’Internationale…

Juju, tu irais pas y faire un tour? il paraît qu’au moins Arkel avait le bon goût d’entretenir de bonnes relations avec les syndicats de la partie turque de l’île…

En voilà une idée qu’elle est bonne

Sunday, February 24th, 2008

Histoire de consoler France Télévision qui va perdre son droit à des coupures publicitaires (et comment ne pas s’en réjouir, même si le premier bénéficiaire va être tf1 -et comment ne pas s’en foutre, quand on constate le niveau de la télévision actuel?), permettez que je vous narre comment ça fonctionne ici au pays des cariocas et des sambas…

Parmi les produits télévisés populaires, les telenovelas (feuilletons) sont sans doute les plus -économiquement, mais aussi idéologiquement- fiables; ça marche comme c’est pas possible et, en plus, ils ont trouvé un truc que France2 et France3 devraient utiliser: la pub n’est plus dans des coupures, mais bien dans le feuilleton lui-même(1)…

Bon, je tire cette info d’un article, mais c’est promis je vérifierai un de ces jours…

Donc, je ne peux qu’inviter tous mes lecteurs français à se réjouir de la perspective future: les chaînes publiques vont pouvoir se financer intelligemment sans coupure de pub: ils ne feront plus QUE de la pub, voilà…

Tant qu’à faire, je propose aux Belges qui suivent ces lignes de faire la même proposition à la retebef…

(1) Publicité commerciale, mais aussi idéologique, comme dans ce feuilleton où l’un des personnages assumait une charge publique tout en étant un parfait analphabète, référence on ne peut plus claire à l’actuelle président en fonction.

Qu’en aurait pensé Bécaud?

Thursday, February 21st, 2008

Castro s’en va; ou plutôt, il annonce son retrait politique, son auto-cantonnement dans la sphère de la pensée…

Pro- et anti-Castristes vont se disputer le bilan de l’étrange révolutionnaire devenu -par la force des choses ou par décision propre?- conservateur, tout au moins de son pouvoir…

Je ne me réjouirai pas de son départ, non pas parce que je fais partie du clan de ceux qui voyaient en lui le “dernier bastion” ou la “figure de proue” ou quoi que ce soit d’autre…

Je ne me réjouirai pas, parce qu’en ce moment, dans la tête des Cubains, ça doit jouer à “Et maintenant, que va-t-on se prendre?” (hint: d’où le titre du post)

Ça faisait un lustre qu’il n’y avait plus eu une exécution à Cuba, le pays en voie de développement le plus avancé malgré le blocus miamiste… Pas mal, quand même…

Ah ben oui, la démocratie… (c’est pas gagné)
On attend impatiemment le retour des grands féodaux, ça c’est sûr, et c’est sûr aussi que les Cubains n’attendent qu’une chose: redevenir le club med’ de la mafia et des chefs d’entreprises américains…
C’est quand même bizarre qu’on ne souhaite pas plus de démocratie dans les pays de l’ex-URSS, ou bien en Colombie, ou qu’on ne parle pas plus des désirs d’émancipations des indiens Mapuche et des Sioux-Lakotas… ‘doit y avoir un truc qui m’échappe pour qu’on s’intéresse tant à un pays de 11 millions d’habitants, et si peu à la Biélorussie ou à l’Ouzbékistan… Pour qu’on s’escagasse autant pour la liberté de presse dans l’île et si peu pour la liberté de circulation en Europe… Pour qu’on nous chipote tant avec la liberté d’entreprise à la Havane, et si peu avec les situations d’esclavages en Floride…

Ah ben oui, la révolution…
C’est déjà plus vrai: un grand espoir avait surgi à Cuba: on allait éradiquer la pauvreté, l’analphabétisme, la sous-alimentation, la grande propriété terrienne, tout ça… et on l’a fait… Mais bon… Je préfère Fidel en costume adidas qu’en kaki, moi, personnellement(1)… Mais bon, c’est tout du personnel…

Bonne chance, Cuba…
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(1) Bon, évidemment, aurait-il fait tout ça en costume adidas… je ne sais pas…

Ce sont nos fils de pute…

Tuesday, February 19th, 2008

On attribue à Franklin D. Roosevelt (président des USA de 1932 à 1945) la phrase suivante, au sujet du dictateur du Nicaragua: “Somoza may be a son of a bitch, but he’s our son of a bitch.”

L’Europe, terre des droits de l’homme (mais pas des immigrés), est également -s’en souvient-on?- la métropole des colonies -ça, d’accord, on s’excuse-, mais également co-productrice du néo-colonialisme, et je voudrais en profiter pour commémorer ici…

NOS FILS DE PUTES…

Mobutu Sese Seko, maréchal-président à vie du Zaïre qui, sans l’aide de la Belgique, de la France et des USA, n’aurait pu se débarrasser impunément de tous ses opposants (à part le dernier). On ne s’en souvient pas assez quand on continue de voter pour les partis qui l’ont soutenu chez nous… C’est-à-dire en gros six des sept plus gros, même si à l’époque, les six en questions n’étaient que trois (puis, quatre, puis cinq…).

Grégoire Kayibanda, un monarque-président encouragé par la Belgique et l’Église catholique à perpétrer des massacres de Tutsi, sous prétexte d’autres massacres de ces derniers sur des Hutus. Connaissant le rôle de la Belgique dans l’escalade de haine entre ces deux groupes, ethnies, castes ou toute autre appellation que vous voudrez leur donner, on peut dire qu’il fut l’un de nos fils de pute.

Juvénal Habyarimana, un peu pareil que le précédent, en moins pire (mais à côté de la situation des Tutsis, celle des francophones de la périphérie bruxelloise ferait pisser de rire), même endroit, même tactique, plutôt encouragé par la France (et notamment Giscard d’estaing, François et Jean-Christophe “papa m’a dit” Mitterrand … Il sera soutenu dans sa guerre contre la guerilla tutsi par la Belgique et le Zaïre de l’ami Mobutu.

Omar Bongo, président (en activité) depuis 1967 du Gabon. Et en France on n’a qu’un mot à la bouche: “pourvu que ça dure.”

José Eduardo dos Santos, qui promet de partir à la retraite de son poste en Angola depuis un paquet de temps… Mais les entreprises pétrolières françaises ne trouveraient sans doute pas ça drôle. Alors il reste…

Zine el-Abidine Ben Ali, plus connu sous le nom de Ben Ali, est président de la Tunisie depuis 1987. Grand ami de tous les gouvernements français depuis lors (socialistes compris), il est l’un de nos plus beaux fils de pute. Beaucoup de journalistes ne sont plus là pour le dire.

Un autre beau morceau, dans le même genre, est Abdelaziz Bouteflika, qui dirige l’Algérie selon les mêmes sources d’interprétation de la Déclaration des Droits de l’Homme que son homologue tunisien. Un grand pote des gouvernements occidentaux…

Pedro Carmona a régné sur le Vénézuéla pendant un week-end, avec la bénédiction de l’Union Européenne, et aucune protestation de la part de nos chers gouvernants. Il aurait aimé être notre fils de pute plus longtemps, mais ça ne s’improvise pas…

Hamid Karzai est le “maire de Kaboul”, ainsi surnommé dans le pays qu’il est censé diriger avec l’appui de l’immense coalition occidentale qui poursuivait les terroristes jusque dans les chiottes des cavernes de l’Afghanistan. Il est probable qu’il soit le plus élégant de nos fils de pute; il a aussi le mérite d’être le plus inoffensif. Forcément…

Mohammed Reza Shah fut l’un de nos plus beaux fils de pute aussi (surtout cautionné par la Grande-Bretagne) et qui régna sur l’Iran et son pétrole en fonction des desiderata occidentaux (mettant notamment en prison Mossadegh, trop social-démocrate aux yeux des intérêts pétroliers britanniques).

Shimon Peres, l’un des plus beaux hypocrites de l’histoire qui, sous couvert d’un prix Nobel, est toujours considéré comme un fils de pute honorable, non seulement par nos gouvernements, mais aussi par tout un tas de gens qui, décidément, n’ont pas fait attention à ses exploits oppresseurs au cours de sa longue vie.

Yoweri Museveni, actuel président de l’Ouganda. Arrivé au pouvoir via une guerilla contre le gouvernement “socialiste” de Milton Obote, il est soutenu par les USA de Reagan, par le FMI, mais aussi par les Britanniques (l’Ouganda faisant partie de l’ancien Empire Britannique). Il a été élu trois fois, dont une sans opposant…

Saddam Hussein, longtemps perçu comme notre fils de pute du Moyen-Orient par les gouvernements occidentaux, et notamment par la France qui y voiyait un rempart laïque et un exemple de “socialisation” locale. Une guerre terrifiante et une répression de dingue ne changea pas la donne. Il n’a cessé d’être notre fils de pute pour devenir le digne successeur d’Hitler dans les médias que vers 1990…

Bokassa fut le fils de pute privilégié du Président Giscard d’Estaing. Pour rappel, ce dernier personnage a été élu longtemps après plusieurs fois député et député européen.

Benazir Bhutto qui, si elle n’avait pas été une femme, aurait rencontré sans doute plus d’opposition dans les médias européens. Membre de l’élite de son pays, elle faisait partie d’une famille de grands féodaux pakistanais. Peu probable que ses intentions s’étaient améliorées depuis qu’elle avait perdu son statut de premier ministre en 1996.

N’hésitez pas à ajouter vos propres fils de pute, ceux que j’aurais oubliés ou qui ne me sont pas venus à l’esprit, là, tout juste maintenant, en réfléchissant deux minutes…

Chaque fois que tu votes ou revotes pour un type ou un parti qui a soutenu un de ces fils de pute, tu reconnais toi-même qu’il est bon que nous ayons des fils de pute… Alors avant de critiquer la politique amerloque au Nicaragua, en Colombie, au Vénézuéla, au Chili, en Argentine, en Iran, au Pakistan, en Irak, en Afghanistan, en Somalie, au Mexique, en Haïti, et dans l’ensemble des cent pays où stationnent des troupes américaines, souviens-toi que, toi aussi, tu portes une responsabilité dans le système néo-colonial.

Ne vote pas, agis…

professeurs protégés 2 -retour en arrière

Saturday, February 16th, 2008

Je ne voudrais pas que certains manquent la discussion qui se développe sur le post d’il y a maintenant une semaine: http://thitho.allmansland.net/?p=227

Vive l’école buissonnière (professeurs protégés 3)

Friday, February 15th, 2008

Suite de professeurs protégés 1 et 2 et de J’en saigne.

Plus on rencontre des gens, plus nous aurons la chance de trouver ceux qui compteront pour nous -et mieux vaut commencer tôt.

En primaire, la plupart des enfants ont entre trois et six professeurs (sans compter l’adjudant de la gym et le prof de religion-morale).

En secondaire, ce chiffre explose… Personnellement, j’ai eu 5 professeurs que j’ai trouvés réellement intéressants sur la quarantaine que j’ai dû avoir.

Ça fait peu…

Je pense à certaines rencontres que j’ai faites tardivement, de personnes intéressantes, vraiment, que je voyais une, deux fois, à l’occasion de souper à la maison, chez ma mère… de conversations fabuleuses avec telle amie de ma mère qui me fit découvrir ma romancière favorite ou avec tel autre type rencontré par hasard -et qui s’avéra être le frère de ma prof d’histoire -bien plus intéressant que la soeur…

Des personnes dont j’ai gardé le souvenir vague, mais qui n’avaient pas le temps matériel pour parler régulièrement avec un gamin de 14 ans…

J’ai eu la chance d’avoir des parents pas idiots -bien qu’ils m’aient laissé enfermé dans ma prison pendant 12 ans-: j’ai pleinement profité des vacances “vivantes” qu’ils m’ont offertes dans des camps de “sports-études” ou des quinzaines de cours de langue (dont une où je suis tombé amoureux pour la première fois -de ma prof d’anglais).

J’ai découvert les bibliothèques à l’âge de 6 ou 7 ans avec ma maman qui avait yoga juste à côté. Je suis resté abonné… Quand j’ai enseigné la morale à des gamins de 16 ans à Jemelle, je les ai emmenés dans la bibliothèque communale de Rochefort, pas mal du tout… C’était la première fois qu’ils y allaient -et c’était la première fois qu’un prof emmenait des élèves de mon école dans cette bibliothèque… Deux ont pris une carte ce jour-là… C’est toujours ça…

Quel travail, rien que de se rendre compte que les collègues vous laissent tout le travail…

Mais moi j’avais plus de temps, je n’étais pas pressé, je n’avais pas de voiture à payer, ni de famille, et encore moins de maîtresse… J’étais ouvert à la déprofessionnalisation de mon occupation, je pouvais facilement rester deux heures de plus à l’école pour ranger les pots de peinture avec mon collègue d’expression artistique, un gamin de 25 ans bourré d’enthousiasme qui a fait décorer les locaux immondes des préfabriqués de Jemelle par ses ch’tits élèves de 4e, 5e et 6e technique animation…

Dans la même école, j’ai donné plusieurs cours à l’extérieur -et ils me donnaient envie d’aller donner cours dans les bois pas loin, ou dans les champs, d’aller visiter la ferme où l’un de mes élèves travaillaient déjà en dehors des cours avec son père…

Je me souviens encore d’un prof de mon école -enfin, pas vraiment: un intérimaire qui refusait de se faire nommer quelque part.
Que de souvenirs avec lui! Des choses étranges, spéciales… Un cours près de l’étang du parc… Des leçons entières qui n’étaient que des dialogues entre quelques élèves et lui -qui se rendit compte que le programme, ben, il allait falloir s’asseoir dessus…

Mais quels heures extraordinaires passées sur Hugo, Baudelaire et Rimbaud!

Ça vaut tous les Lagarde&Michard du monde ça

Goliomitis, il s’appelait, tiens… Hommage… Un prof que j’ai eu trois mois à peine… Un congé de maternité…

Les syndicats se lancent-ils dans la lutte anti-antiterroriste?

Thursday, February 14th, 2008

Communiqué par un pote syndiqué et militant (ce qui n’est pas toujours incompatible):

DANGER : MENACE…ANTITERRORISTE

Au lendemain des évènements tragiques du 11 septembre 2001, et sous l’influence de l’administration Bush , la lutte contre le terrorisme devient la priorité de la politique internationale. Aux Etats-Unis, au nom de cette priorité, les restrictions aux libertés individuelles se multiplient. Nombreux sont alors ceux qui dénoncent les atteintes multiples au droit à la vie privée, aux libertés d’opinion, d’expression et d’association. Dans ce contexte général, la belgique adopte, en 2003, sous l’impulsion de l’Union européenne, la loi relative aux infractions terroristes.

Une des premières mises en oeuvre de cette législation a eu lieu dans “l’affaire Bahar Kimyongur”, dans laquelle un jeune homme belge s’est vu poursuivre du chef d’infraction terroriste (“apartenance à une organisation terroriste”) alors qu’aucun acte matériel grave ne lui est reproché. Après une longue procédure, au terme de laquelle la Cour de cassation a mis à néant les jugements et condamnations (5 ans de prison !) intervenus, pour défaut d’impartialité des juges, un nouveau verdict sera rendu prochainement. L’occasion, pour nous, de revenir sur les dangers de cette législation “antiterroriste”.

Pour comprendre ces dangers, il n’est pas inutile de rappeler brièvement quelques grands principes qui prévalaient, jusqu’il y a peu, en matière pénale.

La Révolution française a imposé l’idée selon laquelle l’Etat ne peut poursuivre et punir un individu que si celui-ci a commis un acte puni par la loi. Deux conditions apparaissent. Il faut, premièrement, que la loi définisse avec précision les actes qu’elle prohibe et qu’elle veut sanctionner. Deuxièmement, il faut…un “acte” : il n’appartient pas à la loi de s’immiscer dans les consciences et de punir les pensées ou les opinions des individus. Ces principes expriment une méfiance à l’égard du pouvoir de punir de l’Etat. En limitant ce pouvoir aux seuls actes matériels, ces principes consacrent le choix d’une société libre et démocratique, dans laquelle penser différemment, contester une politique ou un système, ou exprimer sa révolte ne constituent pas, en soi, des activités interdites.

La législation antiterroriste en vigueur en Belgique depuis 2003 remet en question ces acquis qui ont permis, au fil des années, aux citoyens de réfléchir ensemble, de s’organiser, de contester et d’améliorer le système dans lequel ils vivent.

En vertu de cette nouvelle législation, une infraction devient “terroriste” sitôt que l’intention de son auteur est “terroriste”. Or qu’est-ce qu’une intention terroriste ? La loi énumère une longue définition très large, trop large. Ainsi, dès lors que l’auteur d’une infraction (telle que la perturbation de l’approvisionnement en électricité, la destruction d’un système de transport, d’une propriété publique ou privée…) sera de “contraindre indûment des pouvoirs publics ou une organisaton internationale à accomplir, ou à s’abstenir d’accomplir un acte”, l’individu devient terroriste. Outre les lourdes peines dont il est alors passible, l’enjeu de cette qualification est le suivant : le caractère terroriste de l’infraction justifie le recours aux méthodes particulières de recherches (mise sous écoute, surveillance…), qui sont spécialementattentatoires à la liberté individuelle et à la vie privée.

D’entrée de jeu, on aperçoit la menace que constitue cette définition très large de l’infraction terroriste pour la contestation sociale et le combat syndical : les modes d’action utilisés par les travaileurs et tous ceux qui luttent contre l’injustice ne visent-ils pas, assez souvent, à “contraindre une autorité publique à s’abstenir d’accomplir un acte” ? Rappelons-nous du mouvement, dur mais combien légitime, contre le Pacte de solidarité entre les générations : il s’agissait bien, alors, d’empêcher le gouvernement d’adopter son plan…

Avec la nouvelle loi, l’intention de l’individu devient suspecte : ce ne sont plus son comportement, ses actes, qui sont poursuivis, mais sa pensée. Redoutable retour en arrière…

Lors de l’élaboration et de l’adoption de la loi de 2003, la FGTB et d’autres organisations progressistes avaient dénoncé les dangers d’une telle législation antiterroriste aveugle, estimant qu’elle risquait d’aboutir à la criminalisation de l’action sociale. Certes, la loi prévoit qu'”une organisation dont l’objet réel est exclusivement politique, syndical, philosophique ou religieux ou qui poursuit exclusivement tout autre but légitime ne peut, en tant que telle, être considérée comme un groupe terroriste”. cette disposition n’est pourtant pas satisfaisante : outre le fait que les termes “objet réel”, “exclusivement” et “but légitime” laissent aux autorités policières et judiciaires une (trop) grande liberté d’appréciation, elle ne met d’aucune manière à l’abri des poursuites pour terrorisme les individus eux-mêmes : c’est l’organisation en tant que telle qui semble plus ou moins protégée, et non l’activité des travailleurs et des citoyens.

Cette législation est d’autant plus critiquable qu’elle n’était pas nécessaire pour lutter contre le terrorisme : avant 2003, les organisations criminelles, les actes de violence aveugle contre des civils et les crimes contre l’humanité étaient déjà incriminés et poursuivis sur base du droit belge et du droit international.

Pour éviter que des militants syndicaux, politiques ou écologistes ne soient inculpés pour terrorisme, pour qu’il n’y ait plus d'”affaire Kimyongur”, pour que la liberté d’opinion et d’expression soit sauvegardée, il n’y a qu’une solution : abroger la loi du 19 décembre 2003, relative aux infractions terroristes.

SYNDICATS, magazine de la FGTB Bruxelles-Brussel, 8 février 2008, p.2

Et ce commentaire d’une photo de manifestation : Qu’une infraction soit commise à l’occasion d’un mouvement de contestation et qu’elle soit punie est une chose, critiquable à certains égards; qu’elle devienne une infraction terroriste et qu’elle soit punie comme telle en est une autre : totalement inaccceptable.

professeurs protégés 2

Wednesday, February 13th, 2008

En suite de ceci
et cela, et malgré le peu d’enthousiasme qui a suivi en guise de discussion, je vais continuer à développer les raisons pour lesquelles la profession d’enseignant devrait être déprofessionnalisée.

Un horaire normal de prof, s’il veut pouvoir louer un appartement pas trop moche à Bruxelles, c’est entre 20 et 22heures de cours (quelques-uns de mes collègues du cycle inférieur totalisaient parfois 24 heures). Un instit’, ça grimpe encore un peu plus, sans compter les heures “hors cours” (surveillance, administration, logistique, réunions de collègues ou de parents, etc.) et bien sûr les préparations, corrections, …

Un prof, c’est un esprit qui ne se repose jamais de ses élèves. Carnaval, Toussaint, c’est bien trop court pour déconnecter. Pâques et Noël (quand on ne part pas en voyage scolaire), c’est tout juste assez pour recharger les batteries psychologiques au minimum… Il reste les vacances d’été, où l’on continue à penser à nos gamins pendant plusieurs semaines “après” et au moins pendant dix ou quinze jours “avant”…

(Notez que penser à nos gamins n’est pas désagréable en soi, mais c’est prenant physiquement, moralement et mentalement.)

Être prof, c’est un boulot à temps plein au sens où il est hardu de ne se concentrer sur nos garnements moins de 50 heures par semaine. Si certains enseignants ne se reconnaissent pas au moins en partie dans ce portrait, je ne suis pas sûr qu’ils font le même métier que celui que je faisais.

Malheureusement, tout ce temps où nous sommes en même temps que profs, éducateurs, flics, assistants sociaux, psychologues, gardiens de prison, spécialistes en électricité et en plomberie appliquées, et autres joyeusetés, nous avons parfois du mal à nous mettre au parfum de ce qui ferait de nous des profs plus modernes, plus frais, plus adaptés au système qui ne cesse d’évoluer. On nous fourgue bien des formations, mais j’en ai vues qui semblaient n’avoir guère évoluer depuis un moment. Ça doit être l’exception…

Difficile aussi de discuter progrès avec un inspecteur qui n’a plus enseigné depuis quinze ans. Ou avec un préfet qui pense à vendre son école plus qu’à la rendre conviviale.

L’enseignant est largement coupé de sa hiérarchie par les exigences du métier que lui comme elle défendent. L’enseignant est là pour enseigner à des jeunes; la hiérarchie est là pour s’assurer que la démocratie parlementaire ait de longs et beaux jours devant elle.

Est-ce que j’exagère? Sûrement, notamment parce que nombre de mes collègues se satisfont, sinon de leur sort, du moins du rôle qui leur est attribué -si seulement ils pouvaient recevoir une plus grande part de dessert, ça serait parfait. Mais de nouveau on n’est pas dans la même perspective. Certains de mes collègues sont là pour faire “là où on leur dit de faire”. Les profs idéalistes, ceux qui sont repris dans les films avec plus ou moins de bonheur (Ça commence aujourd’hui étant sans doute un des tous meilleurs), ne sont pas si bien vus que ça dans la réalité. Surtout par leurs collègues.

L’école telle que nous la connaissons fut un progrès. Il fallait la faire. Il faut admettre qu’elle ne l’est plus et qu’il faut repenser l’enseignement.

L’enseignant n’a pas le temps d’être tout ce qu’il doit être en plus d’être un animal social. De nombreux collègues autour de moi travaillaient alcooliques, désillusionnés, dépressifs, divorcés, solitaires, avec un matériel vieux de dix ans, et parfois tout cela à la fois.

Un enseignant, dans la vision romantique, c’est quelqu’un qui a le temps de faire de beaux supports, de belles préparations, quelqu’un qui parvient à répondre à ses élèves quand ils veulent voir quelque chose qui sort du programme… Plein de belles et jolies idées.

J’en connais qui… et moi aussi, je m’y efforçais. Mes élèves me titillaient régulièrement pour qu’on sorte du programme -que je n’ai pas souvent fini. J’essayais de rendre le latin amusant et moderne en comparant un discours de général romain avec celui d’un président américain, par exemple. Pas évident tous les jours, le cours de latin… Plus facile était le cours d’histoire. Plus libre encore, le cours de morale…

Mais, bref, le rythme de travail que je m’imposais pour arriver à intéresser mes bambins entravait ma vie sociale et ma vie affective. Sans parler de ma vie militante…

Ce que je remarque, c’est que le professeur a besoin d’étendre son horizon pour parvenir à le ramener en classe. Et pour ça, il manque quelque chose à une grande quantité de mes collégues…

À mon sens, diminuer le temps de travail des profs (ce qui n’arrivera pas), les payer mieux (ce qui n’est pas à négliger, mais qui n’aidera pas), mieux les encadrer (ce qui me fait rire à l’avance) ou leur prémâcher les préparations (ce qui n’amènera pas d’enthousiasme en classe, car on ne peut pas porter la passion d’un autre) ne sont pas des solutions au problème.

Le problème, c’est le cloître, c’est la boîte, c’est l’entreprise…

Le problème, c’est l’école en tant que lieu de professionnalisation de l’enseignement.

Un des grands penseurs de cette idée, c’est Ivan illich, dont je ne peux que vous recommander la lecture de “Deschooling society”, qui a été improprement traduit en “Une société sans école”.

L’idée est toute simple: les enfants (comme les adultes d’ailleurs) ne se passionnent que pour ce qui les intéresse vraiment; ce qu’ils ont envie de faire (voir également pour ceci: Alexander S. Neill). Les agents de l’enseignement (généralement des adultes, mais ce n’est pas une règle) n’enseigneront jamais mieux que ce qu’ils maîtrisent avec plaisir. Enseigner de la géographie quand on aime l’histoire et vice-versa, ce n’est pas le grand pied. Faire de la chimie alors qu’on est prof de math, ce n’est pas toujours évident non plus. Il y en a qui aiment, évidemment. Il y en a qui n’aiment pas et à qui on ne demande pas d’enseigner ce qu’ils aiment.

Et puis il y a des adultes partout dans le monde qui seraient d’excellents profs, à qui des enfants adorent poser des questions… Mais ils ne sont pas disponibles parce qu’ils doivent travailler et parce que les gosses doivent aller à l’école…

Vous voyez où je veux en venir?