Le hérisson révolutionnaire Le monde selon thitho

octobre 22, 2013

La voie est dans la ruelle.

Filed under: discussions piquantes,politopics — tito @ 8:59 am

Librement inspiré de ceci

La ministre Sabine Laruelle a averti hier le Machin Réformateur qu’elle arrêterait sa carrière politique en 2014. Elle ne compte plus siéger comme députée et ne sera pas sur les listes aux prochaines élections. (…) Elle veut partir avant de devenir trop cynique. Mais, tout de même, elle compte bien empocher sa prime de sortie parlementaire… Bref, elle démissionne, mais fait comme si on la licenciait. Attendez, non, c’est pas tout à fait ça, mais… Bon écoutons-la.

Sabine Laruelle (MR) a annoncé hier qu’elle mettrait fin à sa carrière politique en 2014. La ministre fédérale en charge des paysans, des petits exploiteurs… -tants (-tants, -tants, j’ai rien dit), et des vampirisés, ne participera même pas aux prochaines élections. Cette nouvelle a pris tout le monde entier de court, y compris au sein de son cabinet de toilette et à la CIA. Pourtant, elle a mûri cette décision depuis des mois (voire depuis des années, on n’a pas approfondi l’analyse).

Pourquoi annoncer maintenant votre départ? Il y a eu un événement spécial? Un coup dur politique de trop? On a raté un truc?

Les mots en gras sont vraiment de la blonde. Les trucs en italique sont vraiment du journaliste. Enfin, de l’interviewer… Du truc, là, qui sert la soupe…

Non, rien de spécial. Pourquoi annoncer cela maintenant ? Je m’ennuie. Faut bien se rendre compte que je n’ai pas un boulot, comme, disons, je ne sais pas, moi, un postier qui se lève tous les matins à cinq heures pour de nouvelles aventures jusqu’à l’âge de 65 ans. Ou un prof’, qui ne sait jamais ce qui va lui tomber sur la tête dans sa classe (d’ailleurs, ses élèves ne le savent pas non plus, c’est souvent de l’impro, c’est cool non?). Je ne veux pas faire la législature de trop, j’ai envie de nouveaux défis. Des trucs de ouf! qu’on ne fait pas au gouvernement, comme de commander soi-même une pizza chez Rob, ou de faire du vélo sur une piste cyclable…

Pourquoi serait-ce pour vous « la législature de trop »?

Je veux partir avant de devenir aigrie, stratège, alimentaire… Ma motivation s’érode. Je vais avoir 50 ans il faut savoir se remettre en question, c’est le bon moment de me demander ce que je veux faire des quinze prochaines années. Vous ne croyez pas qu’un ex-métallo de chez Mittal, ou un employé de CPAS devrait se poser la même question? Et la réponse est : faire autre chose que de la politique, je veux me mettre en danger. Ca, c’est le truc qu’un petit salarié, vous voyez, ben, il peut pas comprendre…

Pour faire quoi? Vous avez sûrement une idée quand même…

Je n’ai rien de prévu pour après. Enfin, rien jusqu’après mes vacances dans le Rif. Ca tombe bien, l’hiver arrive, je vais aller rectifier mon bronzage dans le Sud. Peut-être travailler dans une organisation internationale, dans une ONG… Ou alors reprendre des études. Le ciel est la limite, comme ils disent au pays de la droite décomplexée. Voilà ce qu’il faut se dire: il faut se donner l’occasion de se lancer! Vous allez me dire que la fille qui émarge des titres-services n’en a pas les moyens? Et alors? Elle n’a qu’une vie: ‘faut qu’elle arrête de s’en faire: si elle se plante sur ce coup-là, elle peut toujours se jeter d’un pont ou se pendre dans le bureau d’un de ses innombrables ex-patrons pour lui donner une bonne leçon.
Si je restais après 2014, je sens que je n’aurais plus assez d’enthousiasme. Tout m’énerve plus vite qu’avant. Ce n’est pas une solution facile, j’aurais pu choisir de rester députée. On est blindés de tunes et on n’a pas grand’chose à faire, on paie pas la plus grande partie de nos frais et ce sont les petites mains qui nous mâchent le travail.

Mais vous pourriez quand même pousser les listes. N’est-ce pas un gâchis pour le MR en province de Namur pour les prochaines élections?

Il faut rester modeste, personne n’est irremplaçable (rires, puis silence, puis de nouveau rires, puis reprend son sérieux). Il faudra réfléchir autrement pour la composition des listes, c’est vrai. Mais il y a des talents : François Bellot, Richard Fournaux, Anne Barzin… Bon, vous avez raison, ça risque quand même de faire un sacré gâchis pour le MR… Mais, bon, en même temps, on s’en fout… Comme si ça allait changer quelque chose dans la composition du prochain gouvernement. (rires derechef)

Donc vous quitterez aussi le Parlement en 2014. Avec votre prime de fin de législature?

Vous avez entendu ce que je viens de vous expliquer? Vous êtes sourd ou quoi? Je n’ai plus rien après. Rien de rien! La gêne, mon gars. Mon diplôme d’ingénieur agronome? Mais je l’ai hypothéqué, mon pote. Je vais vivre de quoi? Vous allez me donner une allocation? Vous vous imaginez que je vais vivre longtemps avec les 3000 euros du chômage? Quoi, c’est pas 3000 euros? Ouais, bon, j’en sais rien, moi… Je ne pars pas pour un autre poste ailleurs ni pour diriger une entreprise publique, moi… Donc là, je n’ai rien après. Je ne sais pas où j’en serai dans sept mois. Le chômage et son cortège de misère, comme disait Blier… Enfin, heureusement, j’ai mon carnet d’adresses… (murmure) Faut bien que ça serve à quelque chose d’être député…

Votre prime parlementaire s’élèvera à combien?

Je n’en sais rien du tout. Mais, cette prime, ça sert justement à ceux qui quittent la politique, non? Bon, d’accord, moi je la quitte volontairement, mais après dix ans quand même… Dix ans de service dans le confort total, le chauffage central et la vie royale. On ne renonce pas à ça sans une petite compensation, non? En plus, si je ne trouve pas un truc à ma mesure, je n’aurai plus droit aux feux de la rampe… J’adore ça, les caméras, les journalistes… Vous faites quoi, après le bouclage?…

Heu… Certains aspects de la vie politique ne vous ont jamais vraiment intéressée: les sections locales, les soupers-boudins… Vous quittez tout cela aussi.

Les soupers-boudins, ça n’a jamais été ma tasse de thé, c’est vrai. Parler avec des retraités, des employés, des pauvres… Pff… En plus, la qualité de la bouffe, je vous dis pas… Par contre, j’adore parler à des conférences et porter des dossiers au gouvernement. Ca, c’est super délire. On m’a tout préparé, je dois juste apprendre des petites phrases choc par coeur et les répéter jusqu’à ce qu’elles deviennent des vérités, et les dossiers, c’est génial aussi: les intercalaires de couleur, les chemises en plastique, les rondelles pour les trous. C’est un monde, vous savez. ‘Faut absolument que je trouve un autre boulot où je pourrai avoir tout ça, mais sans les soupers-boudins.

Vous voulez aussi éviter de vivre la prochaine période de formation du gouvernement qui risque d’être très difficile?

Boh, non, ça c’est plutôt rigolo… Vous vous rendez compte? La dernière, 500 jours sans gouvernement! Ca voulait dire qu’on travaillait finalement encore moins que d’habitude! Même pas de dossiers du gouvernement à traiter! Je pouvais me contenter de compter mes gommettes et de vérifier mon stock d’intercalaires! Tout ça pour le même salaire! De temps en temps une réunion avec les socialos… C’était plutôt rigolo, on ne devait même pas se coltiner les flamands: c’est Elio qui s’occupait de tout… Enfin, Elio… Son équipe quoi, parce que, bon… C’est pas Louis qui lui a appris la langue de Vondel, hein… (rires)

Vous avez dit ce lundi à vos collaborateurs, en annonçant votre départ en 2014, qu’ils ne seraient pas « recasés » ailleurs…

Qu’ils se démerdent!

septembre 2, 2013

Aube de guerre -A l’Ouest, rien de nouveau…

Filed under: politopics — tito @ 10:17 am

Fausse photo, faux reportage, fausses preuves…

Rien de bien neuf.

John Kerry, ancien prétendant au trône suprême, ment pour son pseudo-maître (et pour ses vrais maîtres), tout comme Colin Powell mentait il y a un peu plus de dix ans…
Pas de surprise, même pas de déception -l’adage de Chomsky sur les présidents des Zuessa coupables aux yeux des principes de Nuremberg ne fait guère que se confirmer, de Républicains en Démocrates, de Démocrates en Républicains… Que pouvons-nous attendre de ce côté-là de l’Atlantique? Guère moins, guère plus -guerre moins, guerre plus- que ce à quoi il nous a habitué depuis qu’il a supplanté la Grande-Bretagne dans le grand jeu des civilisations…

Soit.

On doit s’attendre, selon les bon vieux « Principes de propagande de guerre », aux mensonges, manipulations, faux et usages de faux, pour lesquels aucun dirigeant de chaîne, aucun directeur de journal, aucun communicant d’aucune obédience ne sera jamais mis en cause, jamais jugé, jamais condamné pour avoir sciemment trompé l’opinion publique.

L’opinion publique… Le grand ventre mou de la démocratie représentative…

Ah, la démocratie, la sociale-démocratie! Ah, si seulement elle marchait, comme je serais social-démocrate! Ah, qu’il serait doux de vivre dans le monde idéalisé par le grand marché d’Adam Smith l’optimiste, matiné des douceurs parlementaires des honnêtes hommes, des gentlemen, des « commons », des Jules Ferry! Ah, que la vie serait intéressante au milieu de ces débats s’ils ne concernaient que des arguments rationnels et si aucun intérêt particulier ne venait se justifier de son lobbyisme par son droit à la liberté d’expression! Ah, si Mélenchon était ce qu’il y avait de plus à droite en politique!

Aucune expérience, par le passé, de parti politique arrivé au pouvoir ne peut décemment avoir convaincu une personne de gauche, aspirant à un monde meilleur. Il semble que les adages sur la corruption du pouvoir, et qui remontent au XIXe Siècle, sont nés pour ne jamais mourir.

Mais revenons au présent, revenons à l’actualité, à l’information, au brevage nauséabond que nous dégustons tous les jours… Désormais, le grand méchant (qui est en outre svelte, cette-fois-ci, et de nouveau moustachu) se trouve pile entre la Turquie (démocratie douteuse, qui ne mérite même pas son entrée dans la pourtant permissive Union Européenne, c’est dire), l’Etat colonial d’Israël (mais qui est, bien entendu, l’unique démocratie au Moyen-Orient, ce qui nous rappelle que le Liban n’aura donc jamais droit à ce statut) et la grande victoire étatsunienne d’Irak.

Un dictateur, Bachar? Sans aucun doute. Au moins autant que les dirigeants d’Arabie Saoudite, du Bahrein et du Qatar. Probablement guère meilleur que de nombreux autres présidents plus ou moins bien élus dans de nombreuses régions du monde. Et même parmi des présidenzélus.

Mais nos droits à intervenir dans des situations aussi troubles que celles de la Syrie existent-ils?

Non. Aucun argument du genre « Il faut », « Nul doute », « Complice du tyran », « Cris du peuple syrien » ne saurait, ne devrait nous tromper une fois de plus.

C’est une nouvelle guerre que l’on tente de nous vendre.

Ce sont de nouveaux communicants qui cherchent à nous flatter la fibre droitdelhommiste pour justifier les affairismes de certains et les intérêts géostratégiques d’autres.

Oui, certes, l’Occident a réagi trop tard à ce qu’il se passe en Syrie (mais pourquoi alors se limiter à la Syrie?). Mais en fait, non, il n’a pas réagi trop tard. Les informations sur la Syrie nous sont connues -et méconnues- depuis deux ans et plus. Depuis deux générations de présidents autocrates connus et tolérés. Une fois de plus, cette réaction tardive n’est que le fait de la pertinence de la réaction. Avant, il n’était pas intéressant de se manifester en Syrie parce que ce n’était pas à l’agenda de suffisamment de personnes intéressées par le sujet.

Aujourd’hui, les ressources syriennes le motivent et l’agenda politico-militaire le permet.

Rien d’autre, ni la justice, ni la morale, ni l’éthique, ni les morts, ni les souffrances.

En l’occurrence, et vu la manifeste mauvaise foi des va-t-en-guerre, j’avertis mes amis « en politique »:
Tout qui se manifestera en faveur de notre intervention en Syrie, même par un « oui de combat » hypocrite, ne méritera plus que mon opprobre et, je dirais, mon mépris.

Il n’y a pas plus de raison d’intervenir en Syrie qu’il n’y en avait de juste d’intervenir en Irak ou en Afghanistan, et on ne peut rien -RIEN- attendre de positif d’une telle intervention, comme on le constate, dix ans après les faits, dans ces deux derniers -et pauvres- pays.

Ceci s’adresse en particulier à mes amis dont les fibres sociales ou écologiques m’étaient sympathiques. En particulier ceux d’entre eux qui jouent depuis une quinzaine d’années -ou plus- que je les connais à la bergère et à ses pommes, à ses « trois pas en avant, trois pas en arrière »…

Agir, c’est parfois refuser de le faire. C’est parfois refuser que l’on agisse en notre nom.
Il arrive, de plus en plus souvent, que l’action courageuse soit l’abstention, l’objection.
Il est de plus en plus vrai que « Non » soit plus progressiste que « Oui ».

Non à la guerre, non à l’intervention militaire de tout Etat à l’extérieur de ses frontières, non à l’aggravation de la situation en Syrie.

Oui à l’ouverture de discussions horizontales pour trouver des solutions originales et intelligentes à des problèmes aussi cruciaux que ceux-là.

Un petit tirage au sort? Hm! Oui alors!

juin 23, 2013

Que diable est-il en train d’arriver ? Une analyse en trois actes.

Filed under: Brésil,discussions piquantes — tito @ 10:10 pm

Un article signé par une sociologue brésilienne, docteur de l’USP et professeure de l’UFRGS, Raquel WEISS
L’original se trouve sur le site suivant:
http://www.socionautas.com.br/2013/06/que-diabos-esta-acontecendo-uma-analise.html

Face à la multitude qui s’est emparée des rues dans plusieurs villes de notre pays, lundi dernier 17 juin, le thème qui revenait le plus souvent dans la presse était l’indignation envers les événements. Qui sont ces gens ? Que veulent-ils ? D’où ont-ils surgi ? Journalistes, scientifiques, politiciens, tous s’interrogent à ce sujet. Répondre à ces questions ne sera pas chose facile, et je ne pense pas qu’il existe une réponse unique et définitive, d’autant plus qu’il s’agit d’un mouvement en cours. Mais ceci ne peut être une excuse pour ne pas chercher à comprendre, et ce que je propose ici est une tentatitve d’analyse à partir du répertoire théorique que je considère adéquat, dans le cadre d’une approche proprement sociologique, et considérant des événements, des idées, des déclarations et des actions avec lesquels nous avons eu des contacts, et qui nous ont amenés à la construction de ce dialogue conjoncturel. L’analyse en trois actes qui suit prend en compte non les manifestations en tant que phénomènes isolés, mais la situation dans laquelle elles se trouvent inscrites, observe les différents acteurs qui agissent et réagissent aux protestations. Chaque acte correspond à différents moments de ce processus et attire l’attention sur différents aspects qui y sont liés.

Premier acte : Pour 20 centimes.

Les manifestations qui protestaient contre l’augmentation des tarifs de transport de bus ont beaucoup gagné en visibilité à travers tout le pays, surtout en raison de l’énorme volume de personnes qui descendirent dans les rues pour exprimer leur mécontentement. Dans les médias, dans les couloirs, de tout côté, on entendait les personnes se demander : tout ce « boucan, c’est vraiment pour 20 centimes ? ». Et bien, oui. C’est-à-dire, plus ou moins. C’est l’objectif le plus évident, mais ce n’est pas un objectif qui serait venu de nulle part, d’un jour à l’autre. Et ce n’était pas l’unique objectif des manifestations. Plusieurs autres manifestations traversent le pays, et même le monde, pour le dire vite, avec les revendications les plus variées, depuis les plus explicites, comme dans le cas de la « marche de l’herbe », jusqu’à des mouvements plus complexes comme Occupy au États-Unis d’Amérique.
Dans le cas particulier du Brésil.ce que nous avons besoin de comprendre, c’est que depuis longtemps déjà, existe un mouvement infatigable de la société civile, mais sous des formes que nous n’avons pas l’habitude de considérer comme des formes d’action « réellement politiques », parce qu’elles échappent aux modèles traditionnels de « médiation ». Ce ne sont pas des partis, ni des mouvements sociaux structurés de formes plus traditionnelles, avec des structures hiérarchiques et des formes d’organisation centralisées et bien claires.

Il s’agit d’un autre univers qui, pour le regard d’un observateur non-averti, fait penser à « une bande de jeunes qui font la fête », ou quelque chose de ce genre. Des expressions apparaissent, qui ne correspondent pas aux analyses traditionnelles concernant la vie politique : collectifs, horizontalité, intervention urbaine. Les noms les plus bureaucratiques et les plus sérieux qui évoquent les partis et les mouvements sociaux traditionnels cèdent la place à des appellations moins prétentieuses, dont le sens, le plus souvent, n’est pas explicite : « L’amour existe à São Paulo », « Mouvement passe libre », « En dehors de l’axe », « À la dérive », « Masse critique », « Bande culturelle », et ainsi de suite.

Soit ! Ils n’ont pas d’organisation hiérarchique, ni ne veulent assumer la forme d’un parti. Mais alors que veulent-ils ? La réponse, cependant, est sans doute aussi variée qu’il existe de ces « mouvements ». Pour autant, il est peut-être possible d’ébaucher une certaine manière de penser une unité : ce sont des personnes, dans la plus grande partie des cas « jeunes », qui se réunissent parce qu’ils partagent une vision du monde, avec l’intention d’inférer d’une certaine manière dans l’ordre des choses. En général, ils promeuvent de nombreux événements et discussions au cours desquels les causes que chaque mouvement défend sont débattues : cela peut être la mobilité urbaine, la lutte pour la légalisation de l’avortement, de la promotion de causes identitaires, etc. etc. etc. Le point de départ est toujours le diagnostic d’un mal, soit dans la ville, soit dans l’Etat, soit dans le pays, voire même dans le monde entier.

Les « ennemis » combattus par ces mouvements ne sont pas aussi facilement identifiables que par le passé. Serait-ce une réponse au manque de sens qui caractérise notre monde contemporain ? L’absence d’un « ennemi unique » contre lequel lutter n’a cependant pas comme conséquence l’absence de proposition ou l’absence d’une cause concrète. L’ennemi n’est plus « la dictature ». Ils valorisent la démocratie, et ne sont d’ailleurs possibles que parce que la démocratie existe. Ils ne veulent pas en finir avec elle, ils ne veulent pas dire « tout cela est une saloperie, jetons tout et recommençons à zéro ». Ils veulent, bien au contraire, prendre position face aux milliers de problèmes concrets qui ne sont pas résolus par la simple existence d’une démocratie. De fait, nous le savons, la démocratie n’est jamais qu’une forme, dont le contenu est construit par les personnes qui y vivent, les personnes qui ont la responsabilité de penser sur ce que nous voulons, sur les conséquences des lois, des pratiques, des politiques publiques.

Il s’agit de mouvements qui, donc, s’emparent de la démocratie, mais ne se contentent pas de laisser les décisions sur tous les sujets dans les mains des représentants élus. Mais ils ne sont pas contre les partis. Ils ne veulent pas abolir, ni remplacer le rôle joué par les partis. Sans doute existe-t-il ici une autre conception de la démocratie : il ne s’agit plus de la démocratie représentative, du type, j’ai voté, et je ne me préoccupe plus de rien, ni d’une démocratie au sens strict. Il s’agit de l’idée selon laquelle la politique se fait tous les jours, par tout le monde. C’est la réaction aux injustices sociales et aux attaques identitaires commises quotidiennement, et qui finissent par être telles qu’elles deviennent loi : l’augmentation du prix du transport public, les légisations sur l’avortement, les lois qui traitent de l’homosexualité comme une maladie, et ainsi de suite.

Dans le contexte de ces groupes, c’est une manière de s’organiser autour de valeurs partagées qui sont réévaluées et réfléchies. Et, naturellement, beaucoup d’objectifs sont transversaux, sont partagés par plusieurs mouvements différents et représentent la vision du monde de nombreuses personnes. C’est un peu ce qui est arrivé tout récemment avec l’augmentation des tarifs de bus : à travers tout le pays, il y avait déjà beaucoup de groupes mobilisés qui réfléchissaient sur les différentes décisions politiques, s’enrichissant de discussions profondes sur le sens de l’espace public et la question de la mobilité. Quand des gouvernements municiapux annoncèrent un peu partout qu’ils allaient augmenter le prix d’un service qui était déjà fort peu accessible, le mouvement a gagné une force inimaginable. Il s’agissait de personnes qui adhéraient déjà à cette cause et qui possédaient un grand pouvoir de mobilisation rendu visible, naturellement, par les réseaux sociaux. Il s’agissait d’une cause considérée juste par une large partie de la population, ce qui a mené beaucoup de gens dans les rues, à cause de 20 centimes.

Deuxième acte : les étudiants bruyants et les gens bien pensants.

La conséquence inévitable d’une revendication qui conquiert de nombreux adeptes et qui n’a pas de résultat est, évidemment, la protestation. Et protester, dans ces cas, ne se fait pas seulement sur Facebook ou Twitter. Ce sont bien sûr des plates-formes importantes, d’échange d’idées et de mobilisation. Mais c’est dans la rue, quand elle est prise, que tout se passe. Par là apparaît un fait entièrement nouveau : les individus qui auparavant étaient isolés, ou qui n’agissaient que dans des petits groupes, se réunissent maintenant en une masse conséquente. Ils marchent ensemble, chantent ensemble, rythment ensemble, crient ensemble. Une véritable métamorphose s’opère. Ces idées qui étaient jusque là simplement bonnes et justes se transforment en valeurs ultimes et irréductibles, acquièrent un caractère presque sacré, inviolable. Et les individus se sentent plus forts : ce que chacun est dans le groupe n’est plus la même chose que lorsqu’il était seul. Et tout ce qui est produit dans ce contexte en vient à être investi de cette énergie extraordinaire.

Il s’agit du processus qu’en sociologie on appelle « effervescence collective ». Cette idée a été développée par un auteur qui m’est particulièrement cher : Emile Durkheim. Il décrit ce phénomène en lui attribuant un caractère « dynamogénique ». L’idée de dynamogénie, qui trouve son origine dans la biologie, signifie une altération des fonctions organiques en rapport avec une intense élévation du tonus vital, engendrée par une surexcitation. Les moments de manifestation sont des moments d’effervescence par excellence, des moments au cours desquels tout semble faire sens, l’individu fait l’expérience d’une énergie énorme, et ceci fait en sorte que la cause pour laquelle il lutte devient la chose la plus importante de sa vie, au moins dans ce présent. Selon le même auteur, ces situations d’effervescence peuvent rendre ces individus capables d’actes héroïques inimaginables, mais également d’actes destructifs. Il est impossible de prévoir le cours des choses, et il est difficile de savoir comment chaque individu réagira face à ces situations.

Quel qu’en soit le résultat, l’expérience de prendre part à une manifestation de cette envergure est quelque chose de transformateur, d’inoubliable et que les individus ne veulent pas voir se terminer. Et, de fait, pour que les valeurs envisagées dans ce contexte continuent à avoir le même attrait, il est véritablement nécessaire de revivre périodiquement ces moments, pour nourrir la foi dans ces idéaux. Ceci garantit une continuité du mouvement et même permet qu’il croisse. Mais, évidemment, la prise des rues provoque une autre conséquence : la réaction de ceux qui y voient leur quotidien perturbé. Qui n’y trouve pas son compte, qui ne partage pas la cause, voit dans ces manifestations rien d’autre qu’un obstacle. Et les personnes qui interrompent leur vie pour faire ce genre de choses, ce ne peut être qu’une bande d’étudiants sans occupation, dont le futur est assuré, qui veulent s’amuser et dérangent la vie des citoyens bien pensants qui doivent aller travailler.

Et, face à ce diagnostic, lourdement repris et répété par la « grande presse », il est plus que naturel que les citoyens bien pensants aspirent à l’ordre, ce qui signifie en finir avec le blocage du trafic et tout ce qui interfère dans la routine. Et qui est responsable de l’instauration de l’ordre ? La police, naturellement.
A un moment déterminé, la police ne réagit pas seulement aux situations considérées comme illégitimes [comme des graffiti, des déprédations, par exemple], mais va bien plus loin : elle fait usage de la force [avec tout l’appareil à sa disposition] pour contenir la manifestation elle-même, comme si la manifestation en soi était un acte illégitime. Je fais ici référence au 13 juin dernier, naturellement, à São Paulo. Personne n’a été épargné. Qui que ce fût, quoi qu’il fît, les coups pleuvaient.

Les scènes enregistrées ont heurté à ce point la conscience publique, allant jusqu’à provoquer l’irritation d’organismes internationaux, qu’il fut difficile de considérer ce type d’action policière comme légitime. Il fut difficile d’accepter que le désir d’ordre fût plus important que l’État de Droit, que les Droits de l’Homme, que la liberté d’expression démocratique. Et c’est ici que commence le retournement de cette histoire.

Acte 3 : Ce n’est pas seulement pour les 20 centimes – C’est pour tout.

Le jour qui suivit la manifestation évoquée plus haut, les moyens de communication, de manière presque miraculeuse (?), commencèrent à raconter de nouvelles versions de l’histoire du mouvement : il y avait eu un problème de respect du côté de la police. Les bons citoyens devaient se mobiliser contre l’arbitraire. Le mouvement est légitime. Les bons citoyens devaient faire partie du mouvement, pour lutter pour un Brésil meilleur, contre la corruption, contre tout. Une vague de patriotisme envahit le pays. Il semblait que chacun se retrouvait dans le sentiment d’appartenance à la nation et voulait faire partie de ce moment historique. Ou de cette grande fête. Même des jeunes qui ne se sont jamais approchés d’une manifestation adhéraient au mouvement, ce qui, en principe, pourrait être quelque chose de très positif. Au vu des centaines de milliers de personnes qui ont pris la rue, c’était la joie de tout côté parce que « le géant s’était réveillé ». Entre vendredi et lundi, quelque chose est arrivé qui a réveillé le pays. La presse qui, auparavant, critiquait amèrement le mouvement, désormais l’exaltait, à pleins poumons. La grande question est : que s’est-il passé ?

Je crois que personne, en pleine conscience, ne croit réellement que ceci puisse signifier une prise de conscience de la part de la presse. Il s’agit, en fait, d’un coup de maître. Nous pouvons recourir à une métaphore pour l’éclaircir. Plutôt que de s’employer de front contre une force opposée à ses intérêts, elle a eu recours à quelque chose de caractéristique des arts martiaux : je n’attaque pas de front, j’absorbe l’énergie et je la rends dans une autre direction. Ce qui renverse l’opposant, c’est la force qu’il a lui-même engendrée. Simple, efficace, génial.

Autrement dit, plutôt que de critiquer les manifestations, les médias les ont transformées en quelque chose qui réponde à leurs intérêts, en incitant une masse de plus en plus grande de personnes à y prendre part. L’effervescence qui était déjà grande est devenue gigantesque. Il faut ici rappeler quelque chose de crucial : l’effervescence est en elle-même neutre. C’est une énergie qui peut créer, conserver ou détruire. Elle confère un caractère de sacralité à n’importe quel idéal qui a les faveurs d’un groupe d’individus. La manifestation n’est pas un lieu de débat, de formation d’opinion. C’est un lieu où les opinions déjà formées se manifestent et gagnent une intensité jusque là inespérée. Et il n’est pas difficile d’imaginer ce qui arrive lorsque les mots d’ordre se comptent par dizaines dans une seule manifestation. Encore plus lorsque les mots d’ordre ne sont pas seulement différents, mais contradictoires. Et quand il ne s’agit pas seulement des mots d’ordre, mais bien de véritables cosmologies (ou de visions du monde, ndt).

Le mouvement qui avait commencé en se positionnant au-delà des partis, mais s’accordant sur des visions de centre-gauche, comptant par ailleurs sur l’appui de partis de gauche, d’un jour à l’autre se vit dépassé par des personnes à leurs côtés qui s’opposaient à la présence de tout parti. Et qui avaient un discours d’opposition au gouvernement brésilien. D’opposition à la présidente de la république. On entendait des cris du genre « Dehors Dilma » (du nom de la présidente, Dilma Rousseff, ndt). Et, face à cela, deux scénarios paraissaient possibles, tous deux très intéressants pour l’opposition : un impeachment, plaçant Michel Temer (le vice-président, conservateur, ndt) dans la ligne successorale, ou la défaite aux prochaines élections pour le centre-gauche, de préférence avec la victoire d’un candidat de centre-droit.

Et comme si l’histoire n’était pas déjà suffisamment compliquée, voilà qu’elle allait se troubler encore. Ce ne sont plus seulement ces acteurs qui sont en jeu. Comme l’affirma Paulo Peres, politologue, ce mouvement a catalysé toute une série d’insatisfactions et a ouvert une « boîte de Pandore », de laquelle tout peut sortir : sans-partis critiques du gouvernement, anarchistes qui trouvent dans la destruction du patrimoine une de leurs formes d’action, skinheads et néonazis qui sont les partis de gauche, noirs, homosexuels et qui sait qui encore… Mais les médias persistent à montrer que les troubles ne sont que le reflet d’une minorité et que le mouvement est beau.

Aujourd’hui, jeudi 20 juin, ces différences sont encore attisées. La lutte pour les 20 centimes est d’ores et déjà gagnée. Les dizaines de mots d’ordre poursuivent leur chemin dans les rues, avec de nouveaux dédoublements. A São Paulo, des agressions entre les manifestants eux-mêmes, en particulier des skinheads et des néonazis. A Rio de Janeiro, des actes extrêmement violents contre des bâtiments publics. A Porto Alegre, la combinaison d’une action démonstrative de la Brigade Militaire et d’actes de déprédation contre de petits établissements commerciaux, réalisées par des personnes que l’on ne peut identifier. On ne sait pas qui ils sont ni ce qu’ils veulent. Le sentiment de tension et d’insécurité nous amène à nous poser des questions sur ce qui est en train de se passer. Chacun donne à sa manière du sens à ce qui arrive. Mais, sans aucun doute, apparaît de tous les côtés une sensation que quelque chose ne va pas.

Aujourd’hui encore, j’ai pris un taxi, où j’ai eu un échange verbal troublant. Le chauffeur m’affirmait qu’il était en faveur de la manifestation. Qu’il pensait, en fait, que l’on devrait tout casser à Brasilia (la capitale du pays, ndt), se débarrasser du gouvernement. Lui demandant qui il faudrait mettre à la place de Dilma, j’ai eu une réponse à laquelle je ne m’attendais pas : « Ca pourrait être un militaire, parce qu’eux au moins ne font pas de politique, et ils remettraient de l’ordre dans cette barraque. » Ni les pétistes (partisans du PT, le parti de Dilma Roussef, ndt), ni les toucans (opposants du PSDB, centre-droit, ndt), ni une victoire de l’extrême-gauche, ni aucun mouvement social.

Pour reprendre une expression de Max Weber, c’est le paradoxe des conséquences. Nous sommes les artisans de notre histoire, mais nos exigences ne sont pas les seules en jeu. Il existe des intérêts de tous types, certains portés par un appareil de propagande et d’investigation au-delà de notre capacité d’imagination. Il est temps pour nous aujourd’hui d’être intelligents. Il est temps d’utiliser notre raison un peu plus que nos sentiments, car il nous faut de la stratégie, de la lucidité. Il est temps, une fois de plus, de prendre l’histoire entre nos mains, de faire un diagnostic sérieux de présent, histoire de parvenir à nous construire un futur où seraient préservées ces valeurs qui nous sont les plus précieuses, parmi lesquelles, la liberté, la liberté responsable, dans le sens le plus profond du temps, la liberté de continuer à exprimer nos exigences et notre vision du monde.

Raquel Weiss
Professeure de sociologie de l’UFRGS.

juin 21, 2013

« Venez, venez dans la rue »

Filed under: Brésil,politopics — tito @ 9:26 pm

Eclaircissements sur le mouvement de protestation brésilien, en particulier à São Paulo

Ces deux dernières semaines, un large mouvement de protestation dans plusieurs grandes villes du Brésil a semblé rassembler des centaines de milliers de personnes dans les rues, donnant l’apparence d’une vague uniforme. Rien n’est pourtant moins évident.

Comme souvent au Brésil, quand il s’y passe quelque chose, il s’en passe beaucoup trop. En périphérie des interrogations légitimes sur la mobilisation de l’argent public en vue des événements sportifs des années 2014 et 2016, dont les exigences urbanistiques ont de larges répercussions sur des quartiers entiers de personnes souvent en état de fragilité importante, ce sont aujourd’hui des mouvements de protestation impressionnants qui secouent de nombreuses villes du pays, à commencer par les deux plus importantes en terme de population : Rio et São Paulo.

Et ce n’est pas tout : une proposition d’amendement de la constitution, connue sous le terme PEC37, propose de limiter le pouvoir d’investigation du Ministère Public, ce que nombre de personnes pensent être une espèce d’action de protection des politiciens contre la justice. La réalité est plus confuse : selon certains juristes, c’est le PEC33 qui est bien plus dangereux à cet égard, visant à « limiter l’autonomie du seul pouvoir qui ait encore un peu de respect au Brésil », nous précise Leandro Kfouri Bianchini, juriste pauliste. Ce pouvoir, selon lui, c’est la Cour Suprême, espèce de garde-fou contre les abus les plus flagrants de la classe politicienne brésilienne, mélange de Cour Suprême américaine et de Cour Constitutionnelle européenne. L’épouvantail PEC37 agité par la presse et de nombreux manifestants, semble, lui, vouloir mettre un peu d’ordre dans la confusion des attributions judiciaires1.

Dans un autre ordre d’idée, une proposition de loi vient encore d’être renvoyée aux calendes grecques, probablement en raison de l’agitation actuelle. Cette proposition a connu une récente notoriété sous le nom de « cura gay » ; elle est censée permettre aux psychologues de « traiter » les homosexuels. Cette proposition de loi émane de députés membres d’Eglises Evangéliques. Par contre, « il n’y a pas de loi autorisant le mariage gay au Brésil, mais la Cour Suprême a déclaré qu’il était anticonstitutionnel de les empêcher. Et donc, dans la pratique, ils se font, » nous explique Leandro.

MPL et les origines des agitations

C’est donc dans cette ambiance que les slogans ne pouvaient manquer à l’appel du MPL ou « Mouvement du Passe Libre » (Voir encadré), qui, depuis plusieurs années, milite pour un meilleur accès aux transports collectifs2, et surtout à moindre coût. Une toute récente augmentation du prix des transports collectifs (métro, bus), dans les principales villes du pays, a mis le feu au poudre. Le MPL a réussi à galvaniser une grande quantité de personnes, notamment des étudiants, qui, comme les médias européens l’ont fait savoir, ont longuement manifesté, tant à São Paulo, qu’à Rio et ailleurs, jusqu’à obtenir, ce 19 juin, la suppression de cette augmentation des tarifs.

« Groupe de militants depuis 2005 pour l’instauration du « passe libre » à São Paulo, le MPL s’est transformé en un mouvement national de lutte pour une nouvelle gestion de la mobilité urbaine, basée sur le transport public, gratuit et de qualité. Le MPL estime que cet objectif est possible si l’Etat renonce à ses investissements dans les transports privés et les reportent sur les transports publics. », d’après Dirceu Franco, historien. « Le MPL est un mouvement social indépendant et horizontal, sans président, dirigeant, chef ou secrétaire »

Ces manifestations furent tout d’abord très froidement accueillies par les couches sociales traditionnellement réactionnaires, et notamment par les médias. Mais suite à certaines violences policières, touchant notamment des journalistes, on eut une impression de retournement de la situation. « Ainsi, dit Amanda Vasconcelos Brito, étudiante en histoire de l’art, nous sommes passés d’une manifestation de « vandales » (comme la presse voulait la qualifier), à une « manifestation légitime d’un état démocratique » (pour moi, ce l’était depuis le début). » Désormais, ce n’était plus seulement les groupuscules d’extrême-gauche, les libertaires ou les seuls mouvements citoyens qui s’enflammaient, tant sur la toile que dans la rue, mais une bonne partie de la population bien-pensante, mais cette fois agitée de nouveaux slogans tels que « Je suis brésilien et fier de l’être », « Assez de corruption », « Pas de parti », vite rejoints par « Tous contre Dilma » (Dilma Rousseff étant l’actuelle présidente de la République), voisinant des « Non au PEC37 » et des appels à ne pas venir à la Coupe du Monde de l’année prochaine.

« Un ami vient de me dire que nombre de ses amis réactionnaires ne cessent de poster des trucs contre le gouvernement actuel. Tous veulent en profiter, évidemment… Des choses du genre : Plus de Bolsa Familia ! »3, nous rapporte Bianca Antunes, rédactrice et éditrice à São Paulo. Ces « manifestants issus de la classe moyenne (…) semblent depuis un bon moment (et même depuis toujours, je crois) mécontents du gouvernement du PT, on parle même déjà d’une procédure d’impeachment de la présidente. Comme si ça allait résoudre quelque chose », constate Amanda.

Les critiques contre la présidente de la République, légitimes à d’autres occasions, n’ont guère de sens ici : « L’augmentation (des tarifs de transports) est le fruit d’un accord entre les gouvernements des Etats et ceux des villes », nous apprend Plinio Birskis Barros, licencié en Lettres de l’Université de São Paulo. Rien à voir, donc, avec l’Etat Fédéral. Mais tout est arrivé, comme dans un entonnoir, sur les images des manifestations, et la présidente a toujours été la cible privilégiée des classes sociales les plus réactionnaires. Par facilité surtout, car, si donc Dilma Rousseff peut être critiquée aussi bien sur sa gauche que sur sa droite, il faut également rappeler qu’elle gouverne avec une coalition de centre-droit et que son élection fut soutenue, Etat par Etat, par pratiquement tous les hommes d’influence qui désiraient se placer dans le sillage de la popularité de Luis Ignacio Lula da Silva, le précédent président.

Cette confusion a fini par noyer le fond du message du MPL, dont la critique sociale était bien plus profonde que les seuls 20 centimes de real supplémentaires par billet de bus. Mais non pas comme la presse bien pensante tente de le faire passer, c’est-à-dire un mouvement poujadiste de rejet du gouvernement fédéral. « Qu’il soit bien clair que la Globo (principale chaîne de télévision privée) et toutes les autres n’appuieraient jamais un mouvement qui lutte contre l’augmentation (des tarifs de transport) ; ils ont voulu tirer la couverture à eux, et ils y sont arrivés », selon Plinio. « A partir de vendredi (14), les médias ont commencé à promouvoir un discours de « Ce n’est pas seulement pour les 20 centimes » (…) J’ai tout de suite pensé : quelque chose va mal, avant même de déceler la stratégie de la droite. (…) Hier (18 juin), la manifestation confondait déjà les choses (…), d’autres thèmes, d’autres panneaux commençaient à surgir, portés par un groupe ridicule enrubanné dans le drapeau du Brésil, chantant « je suis brésilien, avec beaucoup de fierté et beaucoup d’amour ». La lutte contre les tarifs était encore présente, mais rejointe par des arguments étranges contre la Coupe du Monde, contre la corruption et contre Dilma. Voilà la stratégie de la presse : nous dirons que ce n’est pas seulement contre l’augmentation, mais aussi contre la corruption du gouvernement du PT, de sorte que nous neutraliserons le mouvement et nous liquiderons Dilma devant le monde entier… »

Ce qui n’était pas du tout l’objectif du MPL. D’après Dirceu Franco, historien, c’est l’industrie automobile qui est en ligne de mire. « Depuis au moins soixante ans, l’industrie du pneumatique et des véhicules est responsable, au Brésil, d’une partie significative des emplois offerts chaque année. Ces grands entrepreneurs sont depuis longtemps plus forts que les gouvernements eux-mêmes. L’exemple le plus récent est la succession de réduction de la taxe sur les produits industrialisés dans leur domaine. Le gouvernement de Dilma Rousseff a perdu tous ses bras de fer avec l’industrie de la voiture. » Le MPL remet en question l’importance accordée depuis le président Juscelino Kubitchek au développement du transport privé. Ce qui n’est pas du tout du goût des médias traditionnels… et suffit pour expliquer la récupération…

Depuis la manifestation du jeudi 13 juin dernier, le mouvement de contestation s’est donc trouvé peu à peu confisqué au MPL, non seulement par ces dizaines de slogans à la limite du poujadisme, mais aussi par une presse qui, apparemment retournée par les violences policières, en a profité pour mettre en exergue toutes ses critiques contre le parti de la présidente, flattant donc par là la frange droitière du pays. On entend dire dans les manifestations « La seule bannière acceptable est celle du Brésil. » Le MPL avait eu beau répéter qu’il ne refusait la présence de personne, ni d’aucune bannière, il souffrait naturellement des faiblesses de son type de mouvement : horizontal, sans chef, sans service d’ordre, il fut vite débordé par les initiatives qui s’agglomérèrent autour de lui, qu’elles viennent de groupuscules désireux d’en venir aux mains ou de briser des vitrines ou de faux protestataires dont le souci principal est de préserver leurs privilèges.

Le mouvement homogène n’existe donc pas, ou plus : il s’agit désormais de grandes tendances, souvent contradictoires, certaines clairement cautionnées par les grandes chaînes de télévision et les journaux généralement les plus suivis par l’Establishment. Ces oppositions devaient fatalement tourner au vinaigre ; au cours de la manifestation du 20 juin, des heurts opposaient les porteurs de bannières brésiliennes et ceux qui portaient les couleurs de partis ou de mouvements sociaux. Ce sont les premiers qui semblent s’être emparé du terrain.

Dirceu Franco: « Ecoute, vraiment, le mouvement dominant, c’était la bannière contre la corruption. Derrière, un grand groupe du PT/CUT/MST.
Hélène Châtelain: « Le MPL n’est plus là? »
Dirceu: « Le MPL est là aussi. »
Hélène: « Et cette bannière contre la corruption… Elle est comment? »
Dirceu: « En tissus, avec du bleu, du blanc et du noir. »
Hélène: « Non, je veux dire: critique sociale ou droite conservatrice? »
Dirceu: « Ah… Droite conservatrice. De la pire espèce. Personne ne parle de lutter contre la mafia des transports, ou de participer de la distribution du budget municipal. Ces bannières, à l’exception de celles du MPL, sont assombries par la droite conservatrice aujourd’hui. Je ne sais pas. Je crois que ça va se démobiliser, vraiment… »4

Ces mouvements peuvent-ils être animés par une « connexion centrale (…), le sentiment d’injustice et de faillite des Pouvoirs de l’Etat brésilien -en particulier des Pouvoirs Exécutif et Législatif », comme le fait remarquer Leandro Kfouri Bianchini ? « Il existe une idée collective selon laquelle nos gouvernants et législateurs sont corrompus, font un mauvais usage de la machine publique et de l’argent public, qu’il est investi dans des travaux surfacturés et superflus (comme les stades de la Coupe et les installations pour les Olympiades), alors que nous manquons d’hôpitaux de qualité et bien équipés, des écoles, alors que le transport public est bien trop cher et inefficace, etc. Pour résumer en quelques mots : les montagnes d’argent que nous payons en impôts ne sont pas employées correctement, et ne reviennent jamais à la population, (ceci menant à) l’élaboration de lois qui ne bénéficient qu’aux gouvernants eux-mêmes -y compris pour les protéger des crimes qu’ils commettent. »

Le problème, note encore Leandro, c’est que cette connexion est ténue, parce que « les intérêts (des manifestants) sont très hétérogènes, bien qu’unis par un sentiment commun d’injustice. Et donc, chacun dans la foule crie une chose différente. Les uns défendent la liberté d’expression, les autres la réduction des impôts, les autres une meilleure sécurité publique, et ainsi de suite. »

Leandro, optimiste, se réjouissait encore le 19 juin de la présence de « pauvres et de riches, de noirs et de blancs, de travailleurs et de chômeurs, de docteurs et d’analphabètes, de gays et d’hétéros, de protestants et d’athées, qui tous luttent côte à côte. »

Trop optimiste ?

Vendredi 21 juin… Suite à la dernière manifestation organisée la veille, et qui fut marquée, comme nous l’avons dit, par des marques d’hostilité de nombreux manifestants à l’égard des mouvements sociaux et des partis, y compris ceux qui sont partie prenante depuis le début aux revendications du MPL, ce dernier décide de ne plus organiser d’actions pour le moment… Sans doute la prudence et le dégoût de la récupération du mouvement par des ensembles réactionnaires ont-ils contribué à cette décision. En dépit des déclarations d’un porte-parole temporaire, leur conquête resssemble bien à une victoire à la Pyrrhus.

Même jour. Plinio revient de manifestation… Il était du côté gauche… Du côté droit sont arrivés des projectiles, objets enflammés, bouteilles… Une sur sa tête…
Leandro était peut-être trop optimiste, mercredi…

A suivre…

  1. Voir pour information le site suivant : http://www.anonymousbrasil.com/politica/uma-analise-sobre-os-textos-das-pecs-33-e-37/ []
  2. Collectifs, mais pas vraiment publics, puisque ces transports sont contrôlés par des entreprises privées. []
  3. Bolsa familia est un programme d’aide aux plus démunis, généralement attribué sous forme d’une carte de crédit alimentée mensuellement et mise à la disposition, la plupart du temps, de mères de familles. []
  4. Voir aussi: http://www.cartacapital.com.br/politica/militantes-de-partidos-e-movimentos-sociais-viram-alvo-em-sao-paulo-6932.html. []

juin 18, 2013

La confusion des genres – extrait 1 (pages 7-9)

Filed under: lectures dispensables — tito @ 12:37 pm

Restaient finalement nos pauvres carcasses de « reduci » jetées à la risée de ceux qui nous avaient quittés sous prétexte de réalisme et de pragmatisme et en tout cas de ceux qui ne nous considéraient que comme des obstacles d’envergure moyenne ou médiocre, des espèces de facteurs incontournables, mais à la limite utiles en ce qu’ils justifiaient à la fois les budgets sécuritaires et la démocratie qui nous tolérait, disait-on, parce que, bonne poire, elle tolère tout, même ce qui la conteste de manière non démocratique, à condition que l’on joue le jeu de la démocratie, ce qui se mordait la queue, certes, mais ne dérangeait presque personne, car comment montrer à mon beau-père, et c’était là la deuxième faiblesse que je ne me pardonnais pas, mon incapacité à convaincre les personnes que j’aimais, que, contrairement aux assertions des journaux, nous n’étions en réalité pas plus libres de contester la démocratie telle qu’elle existait sous le prétexte qu’elle n’existait pas en essence, puisque justement elle nous laissait la contester pour autant que nous ne critiquions pas son essence. Cela me rappelait ces chrétiens qui se targuaient d’être libres parce qu’ils avaient choisi, disaient-ils, de se soumettre à Dieu de la manière qu’ils avaient estimé conforme, mais qui refusaient de considérer que cette soumission consistât en une limite substantielle de leur liberté, comme ces « libres penseurs » britanniques, pour lesquels il n’existait qu’une limite : celle de la foi en Dieu. Comme si la liberté devait s’imposer des limites, perdre son essence pour exister. Par exemple, s’il était impossible de la considérer hors du carcan de la propriété privée, dont la fonction première, avant de donner un droit à quelqu’un, était bien d’en priver tous les autres. J’avais de la considération pour mon beau-père mais je ne pouvais m’empêcher de lui trouver un esprit étroit et incompatible avec un raisonnement logique à plusieurs étages comme il était nécessaire de poser pour expliquer mon point de vue, surtout que la patience n’était pas exactement sa principale vertu et que lorsqu’il commençait à voir qu’il perdait pied, plutôt que de me réclamer des éclaircissements, il me laissait en plan en me disant que mon raisonnement ne tenait pas debout. Il me fallait bien reconnaître que les faiblesses qu’il manifestait étaient le lot de la plupart des personnes que je connaissais en dehors de nos cercles de militants et je constatais qu’il fallait sans doute se situer en dehors du système de pensée établi pour en comprendre les défauts. Mais cela n’est pas suffisant, car, si vous vivez depuis votre naissance hors de ce système de pensée établi, vous n’en saisissez pas plus les défauts que si vous y êtes ; et j’en dois conclure qu’il faut y avoir vécu et en être sorti pour le comprendre effectivement. Toute l’équation réside alors dans la problématique : comment en sortir ? Et par là même, je posais la question : comment en étions-nous sortis ? Et, peut-être plus difficile encore, comment ceux qui se moquaient de nous y étaient retournés ?

Il me semblait que je réinventais le mythe de la caverne augmenté de cette nouvelle inconnue à l’équation qui impliquerait que certains philosophes, après avoir vu les idées dans leur réalité, auraient décidé de retourner s’enchaîner, et je ne voyais guère comment convaincre Roberto de la quitter, lui pour qui les écologistes signifiaient la surtaxation de son camion ; les socialistes la multiplication des impôts sur les petits patrons autonomes dont il était ; les communistes une engeance qu’il fallait interdire d’exercer la politique puisqu’ils étaient opposés à la liberté d’entreprise, donc à la liberté tout court ; les anarchistes guère autre chose que des terroristes que rien ne distinguait des musulmans qui obligeaient leurs femmes à porter des vêtements dont il ne parvenait à retenir ni les noms, ni les définitions ; les féministes des emmerdeurs (et plus généralement des emmerdeuses) dont la tâche était achevée depuis des décennies et qui ne savaient pas quand il fallait s’arrêter.

avril 24, 2013

Des racines? Carrées!

Filed under: politopics — tito @ 5:10 pm

De quoi avons-nous besoin?

De la certitude que nous allons mourir? Peut-être…

De manger? Non, puisque nous allons mourir.
De pouvoir nous exprimer? Mais non, nous allons mourir…
De pouvoir nous soigner, suivre des cours,nous déplacer? Nenni, nous allons mourir.

Par contre, la liberté d’entreprendre, elle, nous est indispensable. Et tant pis si, renforçant celle-ci, nous nous dégarantissons tous les autres droits.

Critiquer le nucléaire? Pourquoi faire? Nous allons tous mourir, laissez-les donc rentabiliser le moindre atome à nos risques et périls.

Remettre les traités européens en question? Horreur! C’est toutes les traditions européennes, chrétiennes, d’ouverture et des Lumières que nous voulons hypothéquer! Et puis, de toute façon, nous allons mourir…

Nous n’avons pas de racines, nous ne sommes pas raisonnables, pourquoi ne laissons-nous pas les hommes d’affaires nous diriger? Ne savent-ils pas mieux que nous ce qu’il faut faire pour que nos décès arrivent au bon, au juste moment?

Ne comprenons-nous pas? Nous devons laisser l’Etat garantir la propriété et l’entreprise; tout le reste, c’est de la restriction de l’entreprise, c’est du pognon jeté par la fenêtre. Et comme nous allons tous mourir, l’argent, c’est bien plus important, ne comprenons-nous pas? Cet argent, c’est l’argent que les pères des pères des pères des pères de nos riches maîtres et patrons qui l’ont fait naître, l’ont fait croître, l’ont nourri, l’ont soigneusement distribué (au mérite, à la naissance, à leurs fils), méticuleusement, histoire de s’assurer que le Produit Intérieur, ou National, ou International Brut poursuivrait son éternelle ascension, parce que c’est notre gloire, notre identité, notre assurance… Parce que, finalement, face à l’infini, l’important, ce n’est pas la souffrance des hommes, des femmes, des esclaves, des salariés et des indépendants (faux ou non), des serfs, des sans-terre, de tous les autres qui contribuent avec leur sueur aux accumulations de patrimoines dans les indécences de la City ou des records d’altitude du Qatar, non, l’important, c’est que l’histoire retienne le nom de Rockfeller et de Vanderbilt, de Soros et de Mittal.

Rassurons-nous, dans cent ans, tout le monde aura oublié les noms des familles mises sur la paille par les quelques milliers de celles qui se partagent la toute grande majorité des biens et revenus sucés sur la Terre.

Qui se souvient des noms qui se cachent sous le Carnegie Hall?

Ah, les philanthropes! Les grands hommes!

Les philanthropes!
Qui dénoncent le radicalisme, l’extrémisme, le terrorisme, les restrictions de la liberté,… enfin, celle d’entreprendre, évidemment…

En d’autres temps, des hommes comme moi auraient appelé à ce qu’on les bombe, les poignarde, les pende… Aujourd’hui, des lois scélérates me l’interdisent. Elles nous durrutisent. Elles nous berkmanisent. Ah! Je suis pleutre, car des lois pareilles existaient déjà dans ces autres temps…

Radical, moi?

Bien entendu, je suis radical. Je dois être radical! Je suis radicalement pour la liberté (pas celle d’entreprendre, la liberté tout court), l’égalité, la démocratie, je suis radicalement pour la vie, le droit à la santé, le droit à se servir dans la soupe des aliments produits par la terre et le travail, le droit à se vêtir en dépit du droit des affaires et des traités commerciaux, le droit à jouir d’un toit et d’un système de chauffage en hiver, malgré le droit de l’entrepreneur immobilier; je suis radicalement contre la primauté du capital, de la finance sur tout le reste; je suis même contre le droit du travail ou du mérite face au droit à la vie et au pain; je suis radicalement contre la primauté de l’image historique, de l’esprit de la nation sur la vie des hommes, le droit à chercher le bonheur dans l’espace de temps auquel chacun a droit dans la mesure des possibilités les plus larges et dont chacun devrait pouvoir disposer selon son désir; je suis radicament pour le droit à fuir la misère, la guerre et la bêtise religieuse contre le droit des frilosités.

Par contre je suis modérément pour le droit à la sécurité; de toute façon, n’allons-nous pas mourir? N’avons-nous pas assez appris « Vivre libre ou mourir »?

Il semble qu’on préfère un peu trop « vivre en cage plutôt que mourir »…

Radicaux, nous? Extrémistes? Si vous le dites! Nous sommes extrémistes parce que vous l’êtes! Nous sommes radicaux, parce que vous l’êtes! Vous êtes notre extrême comme nous sommes le vôtre. Européistes, libéraux, sociaux-démocrates, vous êtes des extrémistes. Vous êtes des terroristes. Vous êtes des criminels. Mais, naturellement, l’histoire est de votre côté…

A ce jour, nous déclarons tout qui s’attaque, ne fut-ce que d’une once, aux soins de santé, à l’enseignement ou aux transports publics, ennemi des hommes et des femmes.

A ce jour, nous déclarons tout qui privilégie la sécurité des biens à la liberté d’expression, de pensée ou au droit au confort de vivre, ennemi des femmes et des hommes.

A ce jour, nous déclarons tout qui s’accroche à des soucis d’identité et à des valeurs même bien emballées pour justifier leurs bombes, ennemi des hommes et des femmes.

A ce jour, nous déclarons tout qui repose sur un dogme, un livre, une mystique le droit de réduire ceux des autres, ennemi des femmes et des hommes.

A ce jour, nous déclarons tout qui privilégie le droit à bétonner pour aller plus vite, plus loin, plus fort contre la liberté de maintenir son environnement, ennemi de l’homme.

avril 11, 2013

Pendant l’exposition, les travaux continuent…

Filed under: la vie comme elle vient,lectures dispensables — tito @ 11:37 am

Ce blog n’est pas fermé, il est en souffrance de temps et de motivation, mais il n’est pas question, encore, qu’il meure…

En attendant, j’invite la lectrice et le lecteur à déclarer ennemis du peuple tous ceux qui s’attaquent toujours un peu plus aux soins de santé, à l’enseignement, aux transports publics, qui bradent la vie des femmes et des hommes au nom d’une austérité qui sert de cache-sexe à une politique qui doit faire mouiller l’ex-dame-de-fer « là où elle est », qui vous vendent des nécessités là où il n’y a que celles des amasseurs, qui considèrent comme superflu ce que chacun est en droit de considérer comme essentiel dans sa quête du bonheur terrestre; je les invite aussi à ne jamais renoncer à la lutte contre la foi, les dogmes, les allumés, les inspirés, les éclairés qui trouvent dans un livre, un haddit, un verset, un évangile, un traité d’économie autrichien la vérité de toute la vie et de tout savoir; je les invite à pendre, fut-ce symboliquement, tous les faiseurs de papier inutile, tous ceux qui n’ont rien à dire qui vaille et qui vous vendent de la consolation; tous ceux qui n’ont d’originaux que leurs plans commerciaux; n’hésitez pas à pendre Amélie Coelho, Alain Nothomb ou Paulo Minc; n’hésitez pas à jeter au feu… pardon, au recyclage, les livres imbéciles de Bernard Glucksmann ou André-Henri Lévy; ne votez pour aucun parti qui a ait fait preuve de son attachement au courant dominant, qui vous vend toujours plus blanc avant élection, et repasse les mêmes soupes le jour d’après…

Essayez autre chose.

Essayez de travailler moins, de consommer moins, de planter des graines pas homologuées Grosse Industrie, de moins râler sur le temps et de chauffer moins vos pièces chimiquement isolées; de refonder des liens avec le libraire, le maraîcher et le boucher; de vous acheter un vélo, d’apprendre à le regonfler, à réparer un pneu, à remettre une chaîne, à la huiler; d’arrêter de chier sur les transports publics et de vous reporter sur les files de conducteurs tout seuls dans leurs grosses berlines; et de penser à tout ce qui fait qu’on va dans le mur…

Lisez Kropotkine, Proudhon, Bakhounine, Malatesta, Debord, Goldman, Luxembourg, Marx, Goodwin, Lucien, Epicure, Chomsky, Jorion, Miller (Henri et Arthur), McCullers, Steinbeck,…

A plus tard, qui sait, sur les barricades?

janvier 18, 2013

Dernier tango à Davos

Filed under: économie mon amour — tito @ 11:28 am

On a tort de dire que les capitalistes ne savent pas se remettre en question. En fait, quelque part, on aimerait qu’ils le fassent… moins.
Je reçois dans ma boîte mail le dossier de l’Echo Week-end, à paraître, avec en tête le titre « Profil bas à Davos ». Tiens, peut-être un acte de contrition en projet sur les hautes montages de la finance et du pouvoir? Pour rappel, Davos est ce petit lieu cossu isolé dans les hauteurs helvètes où chaque année se réunissent les auto-proclamés maîtres du monde d’en bas (en attendant celui des cieux, naturellement); ceux-ci invitent dans leurs anneaux généralement l’un ou l’autre élu du peuple -les moins repoussants-, histoire de montrer qu’ils sont ouverts aux choses de la démocratie.

Une forme de consécration, de reconnaissance, pour ces valets. Bref…

Généralement, l’arrogance de « ceux de Davos » n’a d’égal que les mesures de sécurité qui entourent leurs réunions. Il est rare de trouver dans leurs discours des traces de compassion envers les syndicats, de sympathie pour les mouvements alternatifs ou d’ouverture à l’invite des paysans sans terre. En général, leurs réunions se soldent par des appels à plus de liberté (d’entreprendre), moins de contrôle (sur les déplacements d’argent), ce genre de choses, et surtout des critiques aux auteurs de lois allant dans le sens inverse.

Croissance, dérégulation, privatisation sont les éléments de langage les plus agréables à ces précieuses oreilles.

Mais bon…

Par ces temps de crise, qu’il est de plus en plus difficile de n’attribuer qu’aux méchants gouvernements (qui sont méchants, de fait) ou aux sans-papiers, il fallait bien qu’ils admettent… mais quoi? On verra ça ce week-end… Ou plutôt, cherchons l’article sur le web, qui sait? Il est peut-être déjà en ligne. Tapotons « Profil bas à Davos »…

Ah ben non, pas d’article de 2013, mais… tiens… un article intitulé « Davos a adopté un profil bas »… On y lit:

«Plus personne ici (à Davos, donc) n’ose dire que, puisque c’est le business qui sauvera le monde, il ne faut pas gêner le business, explique un participant. Responsables d’entreprises et politiques sont bien obligés d’admettre certains dysfonctionnements de la mondialisation». Comme celui d’une finance globalisée, souvent pris en exemple à Davos, notamment par le Nobel d’économie, Joseph Stiglitz.

Participant samedi à une table ronde, il a pu dénoncer les méfaits d’une finance globale sans garde-fous, devant un parterre de patrons, sans être contredit. «Ces considérations n’auraient jamais eu droit de cité ici, il y a encore peu, estime le directeur général de l’Organisation internationale du travail Juan Somavia. Car avant, Davos était trop occupé à faire du business pour s’angoisser».

Oh ben ça alors.

Quelle audace dans les éléments de langage!

D’un article qui remonte à

2004

Et oui…

9 ans plus tard, Davos repart-il à la pêche aux indulgences?

janvier 3, 2013

Tardi refuse la breloque…

Filed under: discussions piquantes — tito @ 7:52 pm

Contrairement à beaucoup, Jacques Tardi, que je flattais pas plus tard que deux posts plus… bas (sur cette page), ne parvient toujours pas à nous décevoir… Il a refusé la Légion d’Honneur et on ne peut que l’en féliciter…

Vive l’anarchiste!

décembre 21, 2012

Extraits d’Imbrications

Filed under: lectures dispensables — tito @ 10:30 am

De mon incapacité à convaincre les personnes qui m’étaient proches depuis tant de temps (et que dire de mon frère, qui venait d’accepter de se présenter aux prochaines élections parlementaires sous une bannière qui criminalisait depuis presque toujours tous les mouvements auxquels j’avais participé depuis la fin de mon adolescence), je ne ressentais aucune frustration, aucun sentiment d’inaboutissement, seulement un énorme complexe de culpabilité, du fait que j’estimais avoir l’intelligence nécessaire pour les amener à nous suivre et que, n’y parvenant pas, cela ne pouvait signifier qu’une seule chose : c’était ma propre personnalité, prétentieuse ou méprisante, comme on me l’avait déjà soulignée, qui les empêchait de s’accorder pour changer de route et participer à un monde effectivement meilleur, plus égal et plus libre, moins dangereux et moins désespéré. Pourtant, au cours de maintes discussions, je m’étais aussi entendu dire que, si je me présentais, les mêmes personnes qui me taxaient d’orgueil surdimensionné et de mépris pour leurs intelligence, juraient qu’elles voteraient pour moi, persuadées que j’apporterais quelque chose de nouveau et peut-être parviendrais à résoudre les problèmes qui les touchaient particulièrement. Comme il n’en aurait pu être question, les élections dans le cadre d’une démocratie représentative figurant pour moi l’aboutissement de l’exploitation intellectuelle des masses et ne pouvant en aucun cas permettre l’émancipation des populations, je me renfermais lors de ces discussions dans un discours brumeux –souvent lié à l’alcool y ingurgité- qui devait justifier de ma position (« Nan, c’est pas de l’antiparlementarisme primaire ! Et, nan, j’suis pas poujadiste ! ») et qui ne servait généralement qu’à faire croire à mes interlocuteurs que ma paresse restait plus forte que mon ambition révolutionnaire ou que mes belles idées n’étaient destinées qu’à les rester (« un’idea, un concetto, un’idea, Finché resta un’idea, é soltanto un astrazione… »), qu’en fin de compte ma position politique n’était qu’une posture –au moins, évitais-je probablement le terme d’imposture de la part de ceux qui m’aimaient.

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