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Je ne suis pas Sand-iniste.

Mercredi, mai 19th, 2010

Compte-rendu: Shlomo Sand « Comment le peuple juif fut inventé »

« Comment le peuple juif fut inventé », titre éminemment polémique et peut-être pas le meilleur possible, est paru en français en 2008 ((Le présent article ne porte que sur la version française du livre. Lors de discussions sur le forum, certaines personnes m’ont dit, mais sans me le montrer, que la version originale était parfois différente. Je suis bien incapable de le confirmer ou de l’infirmer.)), chez Fayard. Les émotions et les critiques qu’il a générées ((Il est impossible d’être exhaustif à cet égard: j’ai trouvé en ligne plus d’une centaine d’articles ou de forum (en tout, cela totalise plusieurs centaines de réactions différentes) en français qui discutent du livre –et les derniers étaient très récents, pourraient en annoncer de nouveaux. Les plus en vue ont également été publié dans des journaux comme Le Monde, par exemple: Eric MARTY, Les mauvaises raisons d’un succès de librairie, Le Monde, 28 mars 2009, reproduit notamment ici: http://lettresdisrael.blogs.courrierinternational.com/archive/2009/03/29/le-negationnisme-de-shlomo-sand-demonte-par-eric-marty.html . Eric Marty est un critique littéraire, donc peu qualifié pour critiquer un historien. Il semble en outre qu’il n’ait pas lu le livre avant de le critiquer car il ne reproduit que des passages d’un article du Monde Diplomatique de Shlomo Sand. Un autre intervenant souvent reproduit, malgré la pauvreté de son argumentation est Pierre I. Lurçat, Le négationnisme “soft” d’un nouvel historien israélien, édité notamment ici: http://vudejerusalem.20minutes-blogs.fr/archive/2009/01/20/shlomo-sand-deconstruire-le-peuple-juif.html#c485590 . Il y a encore un article plus argumenté de Nicolas Weill: À fiction, fiction et demie, dans Le Monde des Livres, 11 février 2010. De même, il serait difficile de citer un forum parmi les nombreux qui se sont penchés sur le livre de Sand. Il faut noter que, malgré l’existence de quelques bonnes critiques, ce sont surtout les plus émotionnelles et les moins rationnelles qui sont reprises pour le critiquer. D’un autre côté, aussi bien sur les forums que sur des sites personnels ou d’information, on retrouve des rapports élogieux de Sand. De positions modérées, il y en a très peu. Je dispose d’une liste d’un grand nombre de ces sources qu’il serait malséant de publier ici, mais que je mettrai prochainement en ligne dès que j’aurai trouvé une manière présentable de le faire.)) depuis lors, et encore cette année suite à sa parution chez Flammarion en poche (était-ce une bonne idée?), ont dépassé largement l’impact qu’il a eu en anglais et en hébreu, selon les sources trouvées en ligne.

Ce livre nécessiterait de longs commentaires, mais il est presque impossible qu’une seule personne s’y consacre. Un spécialiste ne peut décemment en faire la critique interne ((J’entendrai ici par critique externe, la critique de la méthode, de ses intentions, de la présentation de son travail, et par critique interne la valeur intrinsèque de chacun des éléments de ce travail.)) que d’une petite partie. Personnellement, je pourrais m’atteler à celle qui évoque l’époque hellénistique et latine, et encore uniquement sur les sources en latin et en grec, puisque je ne connais aucune des langues moyen-orientales qui étaient utilisées par les personnes concernées (araméen, hébreu, etc.). Par conséquent, je ne pourrais faire de ce livre qu’une critique externe, pas une critique interne, comme la plupart des historiens, car Sand s’est voulu exhaustif (ou presque, puisque, comme le dit Esther Benbassa, il ne fait qu’évoquer la période qui va de l’an mille au XVIIIe Siècle).

Two tribes

Mais pourquoi autant d’intérêt sur ce livre? Pourquoi autant de diatribes violentes et souvent injustifiées d’un côté et de soutiens inconditionnels, voire aveugles, de l’autre?

C’est que ce livre traite d’un sujet hautement polémique: Sand prétend faire l’étude de l’historiographie de la création du peuple juif par les intellectuels juifs de 1800 à nos jours. En réalité, la présentation de son livre et son contenu, ses audaces, ont amené bien des gens à estimer qu’il avait de plus amples prétentions. Un article paru dans le Monde Diplomatique ((http://www.monde-diplomatique.fr/2008/08/SAND/16205 Il faut noter que les intentions de sand n’y sont pas claires. Il dit bien “Ecrire une histoire juive nouvelle, par-delà le prisme sioniste, n’est donc pas chose aisée.” Cependant il ne prétend pas qu’il s’y est attelé, mais bien qu’il étudie l’historiographie du peuple juif, ce qui est très différent. En dépit de cela, on ne peut éviter de constater que son livre déborde souvent de l’historiographie pour se lancer dans l’exposé de théories dont les auteurs ne sont pas toujours clairement nommés.)), où il « résume » son propos, n’a pas aidé non plus à la clarification. C’est que Sand, historiographe compétent ((C’est-à-dire spécialiste de l’étude de l’histoire écrite.)), a aussi une âme de militant, et cette âme l’a parfois amené à dépasser son propos. Il a un peu oublié son devoir de modération et de réserve en tant que scientifique et historien. Ce qui n’aurait allumé aucun feu s’il avait traité d’un autre sujet que celui du peuple juif. Même si, évidemment, sur tout autre sujet, il n’y aurait jamais eu autant à dire, probablement. Ou plutôt, il n’y aurait pas eu matière à autant de passion, dirons-nous.

À voir, car, ce que fait Sand, en réalité, de nombreux historiens l’ont déjà fait pour la plupart des « nations », des « peuples » européens. Je suppose que qui lit ces lignes sait que le « peuple belge » ne remonte pas à Jules César et aux ducs de Bourgogne ((Voir, par exemple, le livre d’Anne Morelli, Les Grands Mythes de l’histoire de Belgique, de Flandre et de Wallonie, éditions Vie ouvrière – Histoire.)); que le « peuple français » n’est pas spécialement lié à Clovis ou au Traité de Verdun ((Voir les travaux de Suzanne Citron, Le mythe national. L’histoire de France en question, éditions Vie ouvrière, 1989.)), ni aux Gaulois; que le « peuple italien », s’il est, culturellement, enraciné dans l’antiquité romaine, ne peut retrouver son identité dans le passé de la république ou de l’empire sans procéder à une véritable mythologisation de son histoire. Or, si l’on sait cela aussi pour l’Allemagne, pour l’Espagne, pour la Grande-Bretagne ((De manière générale, on suivra de près l’oeuvre d’Eric Hobsbawm. Mais il en est bien d’autres, et Shlomo Sand, par exemple, prétend suivre Benedict Anderson et Ernest Gellner qui, sans être de farouches radicaux, remettent le concept de nation en question.)), on le sait moins pour le « peuple juif » (que je ne mets pas entre guillemets par manque de respect, mais simplement par précaution oratoire). Et on sait, si l’on a fait un peu d’historiographie, que la déconstruction des mythologies nationales a longtemps été un sport de combat, pour reprendre une image du sociologue Bourdieu. Une tâche qu’il faut parfois reprendre, d’ailleurs, car les nostalgiques des nations existent toujours ((Il faut noter que Sand lui-même estime que la nation est l’un des sièges essentiels de la démocratie.))…

Historiographie et idéologie

Quels étaient alors les objectifs de Sand? Reprendre un sujet peu, voire pas étudié, selon ses dires, à savoir une vision globale de l’histoire de la construction du peuple juif par deux cents ans d’historiens et d’intellectuels. De Isaak Markus Jost, premier historien juif à avoir tenté de recomposer l’histoire des juifs au début du XIXe Siècle, jusqu’aux nouveaux historiens, très contestés, en passant par Heinrich Graetz, David Ben Gourion, Martin Büber et tous les autres, Sand tente de montrer que la structure de l’historiographie juive a connu des soubresauts qui ne sont pas étrangers à la nécessité idéologique d’asseoir l’existence d’un peuple qui, selon lui, n’avait pas de véritable consistance avant la fin du XIXe Siècle.
En suite de cela, et c’est très important, il explique qu’un peuple qui s’est auto-constitué ne manque pas moins de légitimité, que sa présence en tant que peuple ayant assis un siège géographique est tout autant juste que légale, qu’il n’y a pas à vouloir contester son existence ni son siège là où il se trouve. Autrement dit, à aucun moment Sand ne veut remettre en question la présence d’Israël en Israël ((P. 390 de son livre, Sand écrit: “Tout grand groupe humain qui se considère comme formant un ‘peuple’, même s’il ne l’a jamais été et que tout son passé est le résultat d’une construction entièrement imaginaire, possède le droit à l’autodétermination nationale.” Il cite aussi Arthur Koestler qui, bien que critiquant l’État d’Israël, lui reconnaissait une légitimité de droit et de fait depuis 1947 (p. 334).)).

Par contre, il délégitimise un pan sérieux du sionisme qui est l’idée selon laquelle Israël appartiendrait à tous les juifs du monde, mais pas à une bonne partie de ses habitants non-juifs ((C’est essentiellement l’objet de son cinquième et dernier chapitre.)). Pour lui, cette idéologie est contraire à la raison démocratique et à toute idéologie nationale acceptable en regard de l’histoire du nationalisme. Cette idée doit donc être disqualifiée et le sionisme accepter qu’elle disparaisse afin de tenter de vivre en bonne entente avec les personnes qui vivent en Israël, en Palestine et dans le voisinage de ces territoires.

Un militant

Dans une autre partie de son livre, mais en bonne suite du reste, Sand doute de la qualité de la démocratie d’Israël. Il s’appuie pour ce faire sur les travaux de plusieurs spécialistes (Sammy Samooha et Juan José Linz, principalement ((P. 407-410.)) ) pour montrer qu’Israël souffre d’un déficit de démocratie. Cela l’inquiète et l’on sent chez lui le désir de résoudre la quadrature du cercle de son pays: son aspiration est que les personnes non-juives qui vivent avec lui à Tel-Aviv, qui travaillent avec lui, puissent jouïr des mêmes droits que lui. On sent, dans son livre, que cela pourrait être l’une des clés d’une paix entre Israël et ses voisins à laquelle il aspire effectivement.

Son erreur aura été d’avoir voulu embrasser trop de choses en un livre dense où les références par moments foisonnent et à d’autres, cruciaux, font défaut. Si Sand est totalement dans son rôle en faisant une étude historiographique, il commence à déborder de ses propres compétences quand il reprend toute l’histoire de l’antiquité juive. Et c’est bien dommage, car il apporte des éléments de réflexions très intéressants. Je ne dis pas qu’il n’aurait pas dû les traiter, mais il aurait été avisé de se limiter dans ses affirmations et de donner plus de place aux théories de ses prédécesseurs en les laissant parler eux plutôt que lui. Chose qu’il fait par moments, mais pas assez ((On regrettera très fort l’absence d’une bibliographie que ne compense pas un index utile.)). Par exemple, lorsqu’il cite l’étude archéologique très récente de Silberman et Finkelstein ((P. 173 et suivantes.)), il se permet d’en contester une partie des conclusions. Quel dommage, car, s’il s’était contenté de dire qu’il existe d’autres théories que celles de ces auteurs, et d’en citer ses sources (qui existent effectivement, citées d’ailleurs par Silberman et Finkelstein ((Voir I. FINKELSTEIN et N. A. Silberman, La Bible dévoilée. Les nouvelles révélations de l’archéologie, trad. De l’anglais par P. Ghirardi, Paris, 2002. Encore un livre desservi par un titre critiquable, mais une somme très intéressante pour qui s’intéresse aux liens entre l’archéologie et les textes mythiques.)) ), il aurait paru beaucoup plus crédible qu’en en contestant, lui, historiographe de l’époque contemporaine, les excellentes idées sur quelques lignes, alors que le livre des deux archéologues fait tout de même le tour de la question en 400 pages.

De même lorsqu’il apporte des chiffres, des idées, des informations sur les Khazars, le royaume de la Kahina, ou sur Himyar ((Trois objets du chapitre 4 de son livre .)), il aurait été bien inspiré de se contenter d’exposer les théories en présence –ce qu’il fait- en évitant de prendre parfois un tour presque exalté dans sa présentation de l’histoire, alors que de nombreux doutes persistent. Le problème est que, si nous pouvons remettre en question le courant dominant de l’histoire des différentes communautés religieuses ou des différentes parties du peuple juif (supposant que celui-ci existe avant le XIXe Siècle), c’est uniquement parce que les recherches sur celles-ci, à ce qu’il semble dans le livre de Sand, manquent de suivi, hésitent à avancer suffisamment loin pour que l’histoire moderne se décide enfin à se prononcer clairement sur des sujets qui posent manifestement problème: serait-ce que l’histoire des juifs corrobore l’idéologie sioniste?

Sand a fait un travail bien utile, qui est celui d’ouvrir un champ d’exploration pour une nouvelle génération d’étudiants et de spécialistes en histoire, en archéologie, en épigraphie, en numismatique, en philologie, en linguistique et probablement dans d’autres disciplines que je ne soupçonne peut-être pas. Mais son travail risque aussi de desservir sa propre cause, qui était pourtant une cause de paix, car, en se voulant le porte-étendard d’une idée, il a débordé de ses propres compétences et a pris des positions dont il ne pouvait garantir les bases, s’exposant à la critique et se retrouvant dans la position des idéologues qu’il remettait en question. Ce sont ses élèves et d’autres savants qui pourront s’avancer sur ces terres, suivre les voies tracées par les « nouveaux historiens » ((Depuis les années 80, il existe en Israël un courant d’historiens trés contestés qui tentent de “revoir” –terme délicat- l’histoire officielle de leur pays, en mettant en lumière des documents peu ou pas exploités. Sand s’inscrit dans ce courant, mais en reste une figure particulière, car, jusqu’ici, ces nouveaux historiens se limitaient à l’histoire de l’Israël moderne. Remarque: cette note n’est pas le fruit d’une recherche exhaustive mais de quelques remarques faites par des auteurs rencontrés au cours de cette recherche. À prendre donc avec des pincettes.)), pour tenter, avec plus de science et moins de passion, d’établir une véritable histoire de ces communautés qu’il devient difficile de réunir en un peuple unique à la lecture du livre de Sand.

Le phénomène juif

D’apprendre que la religion juive fut la première grande prosélyte de l’histoire ((Voir son chapitre 3. Ce fait n’est pas contesté, ou alors de manière marginale. Par contre, l’importance de la conversion fait question. Sand et d’autres pensent qu’elle peut servir de base pour expliquer l’extension des communautés juives dans la plupart des cas: en pays Khazar, en Afrique du Nord, en Espagne, en Arabie, pour évoquer les principaux cas. D’autres pensent qu’elle est restée marginale et que la majeure partie des ascendants des juifs actuels sont originaires d’Israël et de Judée.)) ou qu’il a existé un royaume juif aux portes de l’Ukraine, un autre au Sud de la péninsule arabique et un troisième en pays berbère ((Voir le chapitre 4.)) ouvre bien des horizons: le phénomène juif est tout naturellement bien plus multiple qu’il ne paraît à l’exposé des problèmes actuels au Moyen-Orient. Le monde juif n’est pas plus endogène que les autres. Et si le connaisseur de la Bible a lu ces passages qui parlent de conversions, de parentés non-juives de certains juifs jusqu’aux plus célèbres comme David, de conquêtes, mais aussi du caractère non-marchand des juifs de l’antiquité ((Jusqu’à Flavius Josèphe qui évoque les juifs de son époque, rarement marchands ou marins, selon lui (Contre Apion, I, 12: “Or donc, nous n’habitons pas un pays maritime, nous ne nous plaisons pas au commerce, ni à la fréquentation des étrangers qui en résulte. Nos villes sont bâties loin de la mer, et, comme nous habitons un pays fertile, nous le cultivons avec ardeur, mettant surtout notre amour-propre à élever nos enfants, et faisant de l’observation des lois et des pratiques pieuses, qui nous ont été transmises conformément à ces lois, l’oeuvre la plus nécessaire de toute la vie.”))), Sand permet au “gentil” de découvrir une réalité qui contraste avec la terrible image d’Épinal que, malgré nous, nous portons dans notre imaginaire superficiel et préconceptueux ((Faites l’expérience chez vous: demandez à vos proches quelles sont, selon eux, les professions exercées généralement par les juifs dans l’histoire et demandez-leur pourquoi. Il y a fort à parier qu’ils évoquent les activités suivantes: rabbin, marchand ambulant, fourreur, banquier, usurier. Sur base de quels éléments historiques?)).

Avant de terminer, rappelons l’objectif premier de Sand: montrer que, comme toutes les autres nations, celle des Juifs d’Israël n’échappe pas à une construction mythologique la justifiant, mythologie développée et enrobée par quelques générations d’historiens, depuis la fin du XIXe Siècle. Mais on ne peut arrêter le propos du livre ici, désormais. Car il est devenu plus qu’un tremplin pour des milliers d’études à venir, indispensables, souhaitables, désirables, attendues, il est aussi un champ de bataille. Sur lui se sont rassemblés deux armées, celle de ses défenseurs et celle de ses adversaires. Il faudrait dire qu’il y aussi la présence de ceux qui ne sont ni ses défenseurs, ni ses adversaires et qui, posément, argumentent sans passion autour de son livre. Et donc, la plupart des personnes qui ont réagi au texte de Sand l’ont fait intégralement pour ou intégralement contre lui, sans nuance, considérant soit comme tout blanc, soit comme tout noir ce qu’il a pu écrire, il existe un troisième camp informel, celui des démineurs, pourrait-on dire, ils sont plus modérés et plus posés. Esther Benbassa, Alain Michel, Maurice Sartre, par exemple, font partie de ceux-ci en français. Leurs critiques et objections sont pertinentes, méritent d’être considérées, et en même temps ils reconnaissent à Sand et au livre des qualités diverses. Le problème étant de distinguer les trois camps distinctement.

Tout historien est à même de travailler sur des documents contemporains que sont des articles, des forums, des blogs, des comptes-rendus et toutes les autres sortes de réactions que ce livre a suscitées. Car, si nous sommes bien formés, nous autres historiens –mais nous ne sommes pas les seuls, heureusement- avons acquis cette compétence qui est de pouvoir analyser et critiquer les dires de nos contemporains en fonction des faits connaissables. Faire de la critique historique est la base de notre métier, est l’essence de notre travail. Les historiens sont les gardiens du bien dire les faits de l’histoire. Cela signifie que notre travail doit impliquer la surveillance de la manipulation de ceux-ci: nous avons pour charge d’empêcher toute personne, sous quelque étiquette que ce soit (juriste, scientifique, politicien, idéologue, amateur ou professionnel) d’utiliser l’histoire pour justifier tout ou son contraire. L’histoire est un matériel difficile à maîtriser. Aucun de nous ne peut prétendre la détenir, car elle est trop vaste et trop exigeante. Elle ne soutient éternellement aucune idéologie, car l’idéologie se voulant totale et étant marquée par l’espace-temps où elle est proclamée se brise sur l’écueil de l’impossibilité d’embrasser l’universalité et la complexité de l’histoire. L’historien le sait et, dans son humilité et sa compétence, doit le rappeler constamment à chacun.

Cela a-t-il bien été le cas de Sand ? On aura noté au cours de cet article que Sand agit en militant et a renoncé à certains principes de base de l’exposé scientifique de l’histoire. Pour commencer, il n’a pas écrit de bibliographie, ce qui est remarquablement dommage vu l’ampleur des sources qu’il cite. Par ailleurs, il pose de nombreux arguments sans en dire les sources. Il semble que son intuition et sa volonté de montrer quelque chose l’aient souvent guidé. D’un autre côté, on ne pourra lui reprocher, par exemple, d’avoir posé dès l’introduction l’objet de sa thèse : c’est une pratique courante aussi bien dans les articles que dans les livres d’histoire. Les introductions servent souvent, en effet, à prévenir le lecteur du chemin parcouru par le chercheur. De même que Sand a suivi nombre de voies, de sources, de lectures et l’a bien exposé, bien que de manière souvent brouillonne et chaotique. Ses conclusions portent une large part de vraisemblance et, à part quelques détails importants, on ne sent pas le faux flagrant qui lui est reproché par ses détracteurs les plus virulents. En outre, il a plusieurs fois dans son travail fait appel aux recherches futures de ceux que les sujets intéresseront. Enfin, dès le début, il a marqué son livre de sa subjectivité et l’on pourrait dès lors définir son travail comme un véritable essai historique, plutôt que comme un livre d’historien. Comme il est historien, cela pose les bases d’un problème qui est que, de notre caste, l’on attend des livres plus sérieux, plus finis, mais aussi, depuis au moins les Annales, plus pointus, se concentrant sur des sujets étroits, pas sur des parties de l’histoire qui nécessitent autant de spécialités dont l’auteur n’est pas pourvu.

Si Sand s’était contenté de ne faire que l’étude de l’historiographie de 1800 à nos jours, ce compte-rendu aurait pu le proclamer livre d’histoire. On doit donc classer ce livre dans la catégorie des essais d’ouverture scientifiques, produit par un intellectuel qui souhaitait engager le débat. Une fois ceci fait, il reste à ceux qui le désirent de faire la critique interne de chaque partie pour laquelle il se sent compétent. Et de laisser aux collègues le soin des autres. En espérant que ce livre aura effectivement ouvert la voie à une meilleure compréhension de l’histoire de la religion, des communautés, du peuple juif –avec toutes les précautions que ces termes réclament.

Je suis ma voiture… de trop près

Vendredi, mai 14th, 2010

Dans un article récent ((Ici.)), j’ai prétendu (sans être le premier) que la propriété nous enferme, nous emprisonne. J’affirmais que notre propre bien était une prison ((J’utilisais les termes suivants: La propriété elle-même, par beaucoup considérée comme la plus importante des libertés, tant d’une personne que d’un État, est en fait la propre cage de l’individu qui a accepté de se transformer en personne, c’est-à-dire en titulaire des titres de biens matériels et immatériels qui lui serviront de limites et l’encercleront par opposition aux autres qui seront encerclés aussi, à la fois par les limites de cette première personne, par celles de toutes les autres personnes et par les leurs propres.)).

Même si j’aime beaucoup « Fight Club » en ce qu’il pose de manière audacieuse un grand problème lié à la militance ((L’engagement et son influence sur l’individu engagé.)) , je ne voulais pas dire cela dans le sens que « nous ne sommes pas notre portefeuille, nous ne sommes pas notre voiture, nous ne sommes pas notre putain de treillis »… pour paraphraser un Tyler en grande forme au milieu du film… ((You’re not your job. You’re not how much money you have in the bank. You’re not the car you drive. You’re not the contents of your wallet. You’re not your fucking khakis. You’re the all-singing, all-dancing crap of the world.))

Ce que je voulais dire, de manière plus générale, c’est que le fait d’être propriétaire d’un bien nous aliène à notre individu en nous réduisant à être son gardien. Il est vrai que nous perdons notre identité en laissant nos biens nous définir, et je suis bien d’accord avec cette autre réflexion (d’origine anarchiste) de Tyler: « Les choses que nous possédons finissent par nous posséder. » ((The things you used to own, now they own you.))

Ici, cependant, je m’attarde sur un autre point: les choses que nous possédons nous limitent par le fait même que nous les possédons… Sans compter qu’elles limitent les autres et que les biens des autres nous limitent également ((Voir l’article dont je parlais plus haut.)).

Rien n’est sans doute plus illustratif que la bagnole à cet égard. Outre que le fait d’être ou non propriétaire ((Attention, je dis bien propriétaire, pas autre chose comme possesseur, détenteur, usufruitier; s’il le faut je m’en expliquerai dans un autre article.)) d’une voiture x, y ou z nous range automatiquement dans une catégorie de personnes et crée de fait une inégalité qui, on s’en souviendra, réduit notre liberté ((Citant toujours le même article: l’égalité est indispensable à cette forme de liberté individuelle, et cela signifie qu’en aucun cas l’expression de la liberté d’un individu puisse être soumise au prétendu droit d’une personne, morale ou physique, à détenir en sa propriété, temporairement ou définitivement, les moyens qui permettraient à un ou plusieurs individus de se prémunir contre le froid, la chaleur, la faim, la soif, la maladie, l’inconfort ou toute autre chose qui accélère la mort. Par personne morale, j’entends aussi ici un État ou une administration “publique”.)), le droit que nous avons créé autour de cet objet de haut prix nous oblige à le garder, à en être à la fois le protecteur, le défenseur, le garde-chiourme. Nous craignons pour elle, nous dépensons beaucoup de notre temps et de notre espace à la défendre, par exemple lorsque nous réduisons une partie de notre maison à l’état de garage ou quand nous cherchons pendant des heures par an un espace sûr pour la stationner, de préférence dans un endroit illuminé avec des policiers autour ou dans un parking payant…

Outre que cette voiture, quand vous la déplacez, limite d’autant les déplacements des autres voitures, mais aussi des piétons, loin de vous assurer la liberté promise par la publicité, elle vous assigne à sa garde permanente, vous interdit de l’abandonner au milieu d’un bouchon, vous oblige à aller la chercher à la fourrière, ou à la porter chez le garagiste. Vous êtes inquiet pour elle, parfois plus que pour vos enfants, que pour vos proches et pour vos amis… Il y a quelque chose de maladif, là-dedans, il est temps de le reconnaître.

Mais il y a plus, c’est que, si la voiture peut paraître une forteresse pour certains qui la prennent grande, blindée, dotée d’une alarme et de vitres obscures, elle peut aussi devenir une cible par ce fait même qu’elle paraît plus ce qu’elle est exactement: un produit de luxe.

La voiture la plus haute, la plus rapide, la plus solide est également la plus enviée, la plus désirée, donc la plus facilement attaquable, soit qu’on la désire, elle, soit que l’on sait que la personne qui s’y trouve a fatalement quelque chose d’intéressant sur elle. Plus elle sera protégée et plus on trouvera de moyens pour en violer les protections.

Tout cela est tellement vrai, à São Paulo, bastion du libéralisme capitaliste abouti, que certains de ses habitants particulièrement privilégiés préfèrent se déplacer en hélicoptère. Selon une revue de droite, elle est la seconde ville en terme de flotte privée de ces engins. Mais il n’est probablement pas loin le temps où ce nouvel abri, cette nouvelle forteresse, se trouvera réduite, elle aussi, à l’état de cible. L’an dernier, un hélicoptère de la police militaire (les mêmes qui apparaissent dans le film « Tropa de Elite ») a été descendu par un lance-roquette depuis la favela qu’il survolait…

L’escalade de cette violence est l’exact reflet de l’escalade de l’extension de la propriété et de la nécessité de la défendre: nous nous transformons toujours plus en otages des biens qui nous défendent et que nous défendons. Ceci définit à quel point Diogène avait raison en brisant sa tasse le jour où il découvrit qu’il pouvait se passer de cette dernière possession et boire dans le creux de ses mains…

Multipliez maintenant ce problème lié à la voiture par l’ensemble des biens que vous considérez importants dans votre vie, et vous aurez une petite idée du problème qui lie la propriété privée et la liberté.

égalité et liberté ou liberté et égalité?

Mardi, avril 27th, 2010

Une des critiques qui nous tombent régulièrement sur le râble, libertaires, anarchistes, anti-autoritaires, anarcho-communistes et autres zigotos aux appellations les plus diverses, c’est que nous serions incapables de faire un choix entre la liberté et l’égalité quand le cas se présente. Dit autrement, on nous demande, en fait, de nous prononcer quant à celle de ces deux valeurs que nous mettrions en premier sur une échelle.

Étant entendu dans le piège que si nous choisissons la liberté, nous sommes d’infâmes capitalistes qui nous cachons derrière de prétendus nobles idéaux et que si nous choisissons l’égalité, nous ne sommes que des staliniens qui tentons de nous cacher sous une couette noire et rouge.

Le piège est grossier et nous ne devons pas nous y laisser prendre, car en fait ce sont les deux positions prétenduement antagonistes et classiques qui s’avèrent contradictoires.

Il n’y a pas de liberté sans égalité et il n’y a pas d’égalité sans liberté. Je le dis et l’affirme de la manière la plus absolue, sans me référer à des limites du genre « égalité des droits », « égalité des chances », « liberté d’entreprise » ou toute autre chose.

Il est évident qu’une telle affirmation comporte des conséquences que ni les socialistes autoritaires, ni les sociaux-démocrates, ni les capitalistes libéraux n’accepteront d’assumer.

Premièrement, la liberté ne peut se satisfaire d’aucune limite en dehors de celles que possède la nature humaine, mortelle et corporelle. Notre liberté ne se pose pas en terme de capacité à accumuler les biens et les richesses, mais à défendre temporairement contre nos propres limites physiques nos capacités à penser, agir, créer, fabriquer, enseigner, apprendre, produire et reproduire, aimer et rechercher le bonheur, la satisfaction et le contentement en attendant la mort.

Toute autre liberté est fictive, à commencer par la liberté d’entreprendre, par exemple, qui est régie par des principes tellement complexes et qui, surtout, implique automatiquement des limites dans le champ des voisins de celui qui entreprend, qu’en réalité ce type de liberté s’avère être une prison. La propriété elle-même, par beaucoup considérée comme la plus importante des libertés, tant d’une personne que d’un État, est en fait la propre cage de l’individu qui a accepté de se transformer en personne, c’est-à-dire en titulaire des titres de biens matériels et immatériels qui lui serviront de limites et l’encercleront par opposition aux autres qui seront encerclés aussi, à la fois par les limites de cette première personne, par celles de toutes les autres personnes et par les leurs propres.

La liberté, cependant, implique bien d’autres choses, comme par exemple celle du choix intellectuel de ses propres valeurs, de sa métaphysique, de sa définition de la vie, choix qui doit absolument être individuel et ne peut être limité par une autre notion comme celle de la « liberté du père à choisir la religion ou l’éducation de ses enfants ». Tout doit être fait, dans une société libertaire, pour que la famille ne soit que le lieu privilégié, mais aussi éventuel, non forcé, du partage de l’affection et de l’apprentissage de bases de vies dans la société libertaire, non dans un esprit sectariste, élitiste, corporatiste, patriarcal, ou autre chose du même goût.

L’égalité est indispensable à cette forme de liberté individuelle, et cela signifie qu’en aucun cas l’expression de la liberté d’un individu puisse être soumise au prétendu droit d’une personne, morale ou physique, à détenir en sa propriété, temporairement ou définitivement, les moyens qui permettraient à un ou plusieurs individus de se prémunir contre le froid, la chaleur, la faim, la soif, la maladie, l’inconfort ou toute autre chose qui accélère la mort. Par personne morale, j’entends aussi ici un État ou une administration « publique ».

L’égalité est donc indispensable à la liberté, et la « liberté d’entreprendre », tout comme la propriété, ne doivent pas créer l’illusion du contraire.

Par ailleurs, il doit être évident que l’égalité ne saurait se prévaloir d’une première place par rapport à la liberté, car, si cela était, l’exercice même de l’égalité s’en trouverait empêché. En effet, comme l’égalité doit être l’égalité devant la recherche du bonheur, de la satisfaction et du contentement, si elle devait être soumise à un appareil qui prétendrait la garantir (comme un État, un syndicat, un parti ou tout autre appareil d’un type ou d’un autre), elle perdrait aussitôt son essence, puisque son objectif devrait être de permettre aux individus de choisir précisément chacun selon ses envies et en fonction de sa propre individualité ce qu’il estime être sa propre quête comme vue ci-dessus, dans les limites de sa mortalité. Aucun appareil ne peut prétendre savoir légitimement ce qui est bon ou non pour chaque individu.

L’égalité ne saurait non plus se soumettre à une autorité spirituelle (religieuse, nationale, communautaire, scolaire, autre) quelconque -et fatalement patrimoniale, mais imaginons un instant que ceci n’entre pas en compte, même si nous savons que c’est impossible-, car, ce faisant, elle se réduirait d’autant et cette égalité disparaîtrait au profit d’une uniformité qui ne signifie pas du tout la même chose.

En définitive, donc, liberté et égalité, loin d’être antinomiques ou en concurrence (ce qui serait un comble), sont correlées et, j’oserais le dire, les deux manifestations d’une seule et même chose: le droit de tout individu dans son humanité et de toute l’humanité exprimée dans chacun de ses individus à poursuivre temporairement -c’est-à-dire jusqu’à sa mort- sa propre recherche du bonheur, de la satisfaction et du contentement, dans les seules limites que nous avons dites ici plus haut.

Pour que ce droit puisse se manifester pleinement, deux entraves doivent en être écrasées impitoyablement, comme diraient les anars les plus historiques, de Goodwin jusqu’à Debord, c’est l’État et la propriété. L’un d’ailleurs n’allant pas sans l’autre, et vice versa.

Les Allemands ont toujours tort.

Mercredi, avril 14th, 2010

Je me lisais un petit article sur le lendemain de la 2e guerre mondiale et la réflexion y montait sur la culpabilité du peuple allemand, du peuple japonais, du peuple italien quant à ce.

Il paraît notamment qu’un historien du nom de John Dower a montré combien les Japonais sortirent de la guerre avec un fort sentiment d’auto-victimisation, préoccupés par leur sort plutôt que par celui des autres peuples auxquels « ils avaient fait du tort ».

L’article était illustré par la photo d’un petit garçon blond d’environ 5 ans, tenant en main un panneau avec son nom, KLINGE Erich, écrit à la craie. Il s’agit de l’une des nombreuses photos d’orphelins allemands qui furent faites pour tenter de trouver des membres de leurs familles quelque part en Allemagne.

Bon…

Il est évident que la 2e guerre mondiale fut l’un des pires événements de l’histoire et, pour ceux qui y sont restés comme pour ceux qui en sont revenus avec des séquelles irréparables, psychologiques ou physiques, c’était le pire événement de l’histoire. Qu’il y ait eu des bourreaux et des victimes, nul n’en disconviendra. Que les victimes méritent au moins reconnaissance et compensation, cela me paraît sain et logique.

Là oú je bloque, c’est sur l’idée que les victimes soient les membres de peuples particuliers et les bourreaux d’autres peuples déterminés.

L’idée qu’il n’y ait pas eu de bourreau du côté anglais, français, étatsunien, russe, polonais ou autre; l’idée qu’il n’y ait eu aucune victime du côté allemand, japonais ou italien; l’idée même qu’il ne pourrait y avoir de personnes, disons, ni responsables, ni coupables au sein de ces trois nations en particulier, là, je bloque sérieusement.

Pour deux raisons principalement. D’abord, parce que la sociologie, la psychologie sociale ont depuis lors largement montré combien l’effet de masse peut être responsable des pires crimes, et l’ampleur de ceux-ci, finalement, n’importe guère: cent personnes peuvent en tuer dix, 50 millions pourront en masscrer 5 millions dans un élan de fureur irrationnelle, démesurée, uniquement menée par des ressentiments attisés au bon moment contre des personnes qui se trouvaient au mauvais endroit, il s’agit du même crime.

Ensuite, parce que ce petit garçon de 5 ans, né probablement au début de la guerre, ne peut être reconnu comme responsable du contexte dans lequel il est né. Et on peut remonter comme cela assez loin. Les Allemands nés au sortir de 1919, enfants du traité de Versailles, de la crise économique, des ressentiments nationalistes, de l’héritage antisémite, d’une éducation frustrée et ne favorisant pas le questionnement personnel, avaient peu de chance de trouver d’autres échappatoires que celui qui vint. Certes, il y eut des Allemands résistants, et heureusement. Mais ils ne peuvent servir de caution aux juges de l’après-guerre pour déterminer unilatéralement les responsabilités.

Attention, comme dirait l’autre, je n’excuse pas, j’explique. Continuez de suivre le raisonnement avant de me lyncher
.

Les autorités et les dirigeants économiques des pays alliés comme des pays vaincus de la 1e Guerre Mondiale sont à égalité responsables pour avoir promu, encouragé, installé, imposé un système économique et social qui ne pouvait que produire de tels excès. De même que la guerre du Vietnam et la tragédie De My Lai est de la responsabilité des décideurs étatsuniens; que les massacres des colonisations et des épisodes de la décolonisation doivent être imputés aux promoteurs des premières; que l’esclavage, l’apartheid, l’oppression de populations déterminées (Arméniens, Kurdes, Palestiniens); la promotion de guerres civiles dans de nombreux pays africains; etc., etc.

Les tribunaux de Nuremberg et Tokyo devraient paraître ridicules à côté des responsabilités jamais établies au cours de l’histoire. Certes, Göring, Von Papen, Hess et tous les autres étaient largement complices et coresponsables de 12 ans de dictature et de 5 années de guerre. Mais combien de dirigeants alliés, de promoteurs industriels, d’idéologues de tous poils, ne l’ont voulue, cette guerre, en tout cas n’ont pas cherché à l’empêcher, n’ont rien fait pour éteindre le feu des nationalismes, assainir les mauvais mécanismes économiques, encourager les solidarités internationales?

La vérité est que des petits enfants de 5 ans doivent assumer plus de responsabilités que des décideurs politiques, des dirigeants économiques et des imposteurs intellectuels pour toutes les horreurs que l’histoire humaine a connues.

Que certains de ces responsables, une fois leur « peuple » vaincu, fussent alignés sur le banc des accusés en a étonné beaucoup: c’est qu’il ne paraissait pas normal, entre cadors, de se tirer dans les pattes. Généralement, les princes défaits, les présidents déposés, se retrouvaient le plus souvent avec une petite retraite accordée par les vainqueurs -Napoléon ou l’empereur Guillaume n’en ont-ils pas bénéficié? Pourtant, dans le genre responsables, on fait difficilement mieux.

Pour revenir au coeur de cet article, j’aimerais reparler de mes petits Japonais du lendemain de la guerre. Certes, des soldats aux yeux bridés sont allés répandre l’esprit de l’empire du soleil levant sur tout le Pacifique, ont tué, massacré, égorgé, violé et fait ce que des dizaines de générations de soldats ont toujours fait au cours de l’histoire de l’humanité. Et ils ont produit des souffrances terribles à des femmes, des enfants et des hommes pour qui ils seront à jamais la représentation de la plus haute horreur. Mais ce n’est pas le peuple japonais qui est allé massacrer, exploiter d’autres peuples. Ce sont des individus aveugles qui sont allés tuer des individus pour le service d’une cause qui n’y entendait rien dans le domaine des individus.

Si nous voulons parvenir à une société où l’individu compte, et non une abstraction comme la nation, le peuple, la religion ou même la personne et l’intérêt personnel, c’est par là qu’il faut (re)commencer. En fait, ce que les tribunaux des différentes guerres depuis 1945 n’ont jamais voulu abordé, c’est celle-là: la reconnaissance par ces idéologies de masse de la négation de l’individu. Car s’ils l’avaient fait, ils auraient dû aussitôt se déclarer incompétents, ces tribunaux prétendant représenter eux-mêmes les intérêts, soit des vainqueurs, soit des victimes, généralement rassemblés sous des appellations abstraites, comme « les Alliés », « l’ONU », « L’État français » ou « Le peuple américain », pour ne prendre que quelques exemples.

Tant que les choses en resteront à ce point, il y aura toujours des petits garçons orphelins, des habitants d’Okinawa, des paysans siciliens, qui ne comprendront pas pourquoi ils doivent porter une croix pour des faits qui les ont totalement dépassés.

Et, selon moi, ils auront raison de ne pas comprendre…

Se servir sur la bête

Mardi, avril 6th, 2010

D’après un article, loin d’être surprenant, de Libé en ligne, les dirigeants des Hedge Funds (ces espèces de maîtres de l’univers bien cachés derrière leurs décisions financières sans aucun souci de production ou d’utilité sociale) ont réussi une année 2009 bien meilleure que la précédente, en raison des possibilités de rachat à la baisse de parts de nombreuses institutions financières fragilisées par la crise. Mais comment ont-ils fait? Comment, en période de crise, peut-on gagner du pognon? C’est extrêmement et diaboliquement simple.

Imaginez que vous soyez à la tête d’une grosse somme d’argent et que vous ayez l’esprit un peu, disons, spéculateur. Pas entreprenant, mais spéculateur. Qu’allez-vous acheter comme actions? Des valeurs montantes? Hm. Oui, c’est une possibilité. Du moins, si vous êtes convaincu que cette valorisation ait un fond de réalité suffisant pour conserver ensuite un certain niveau et vous permettre de gagner de l’argent sur le long terme, soit grâce aux dividendes des actions -mais il faut espérer que l’entreprise fasse suffisamment de bénéfices pour en distribuer à ses actionnaires-, soit en revendant vos actions avec bénéfice -mais dans ce cas, il faut espérer qu’il y ait des acheteurs et que le bénéfice dépasse les frais engagés.

Bref, faire du pognon quand la bourse va bien, c’est possible. Mais ça peut être long et, surtout, c’est très risqué, car, vous le savez sûrement, une valorisation boursière peut être un mirage et résulter en une catastrophe. Plus de dividendes, plus d’acheteurs, chute de l’action, fin des haricots, suicide…

Enfin, ne dramatisons pas trop.

Il y a l’autre cas de figure: qui irait acheter des actions d’une entreprise dont le cours de l’action baisse, voire s’écrase? Auriez-vous acheté des actions Lehman Brothers le jour précédant sa déclaration de banqueroute?

Non, pas de Lehman Brothers, parce que vous auriez su, informé comme vous l’êtes, que le gouvernement étatsunien n’avait aucunement l’intention de la sauver. Mais quid de sa « copine », Goldman Sachs, qui paraissait dans le même cas? Sa valeur boursière s’était effondrée, et on pensait qu’elle allait suivre sa grande soeur dans le gouffre. Sauf que l’un de ses anciens CEO, Henry Paulson, est un membre du gouvernement Bush; c’en était même le Secrétaire au Trésor. Bref, le porte-monnaie.

Sachant cela -et bien d’autres choses que seuls les dieux de la finance, les maîtres de l’univers, selon Tom Wolfe, savent-, il était possible d’imaginer que Goldman Sachs allait s’en sortir, d’acheter des actions de la boîte au plus bas et les voir remonter rapidement au cours des deux années qui suivirent. Multiplier ce cas de figure simple par le nombre de boîtes, de banques, d’institutions financières qui sont passés du bleu au rouge et du rouge à l’azur, et vous expliquez les milliards de dollars de bonus touchés par les grands pontes des Hedge Funds, ces gangrènes des privatisations à tout-va, par ailleurs.

C’est ainsi que Nathan Rothschild renforça l’une des fortunes les plus extraordinaires de l’histoire en 1815 en spéculant sur la chute de l’Empire de Napoléon: pendant quelques heures, il fut le seul à savoir que Waterloo avait été gagnée par les Anglais, manipula les boursicoteurs de Londres et fit son beurre sur leur dos ((Les circonstances exactes de cette histoire sont sujettes à caution, mais la base en est bien réelle.)). Que faire? Le féliciter pour avoir tondu tous ces moutons de la finance, ou le pendre pour participation à l’exploitation capitaliste mondiale?

On n’a pas tout à fait tort de dire que l’information est devenue l’une des armes principales de l’économie. En fait, on a tort que sur une petite chose: l’information n’est pas devenue une arme, elle l’a toujours été. Lorsque Crassus investit sur César, jeune politicien audacieux, il se figure bien qu’il aura un retour sur investissement énorme. Et, de fait, s’il avait survécu à sa campagne orientale, ç’aurait été largement le cas. Le même Crassus avait fait fortune en couplant une compagnie de pompiers privés (ses ‘clients’) avec une entreprise de spéculation immobilière. Lorsqu’il apprenait qu’il y avait le feu, quelque part à Rome, il envoyait les deux sur places et signifiait aux malheureux propriétaires des terrains environants qu’il était prêt à faire éteindre l’incendie à condition qu’ils vendent leurs immeubles à vil prix. De l’art de montrer que la privatisation des services n’a qu’un seul objectif: le profit personnel…

Crassus est donc le premier exemple que l’histoire a retenu de ce que l’on peut faire fortune en spéculant sur la baisse de la valeur d’un bien et sur l’information de ce que cette baisse n’est que temporaire. Il montre également, tout comme Rothschild, que l’auteur du profit peut être aussi l’auteur de la fluctuation de la valeur en question.

Vous pouvez en tirer les conclusions que vous voulez. Moi, j’en ai tiré les miennes

Au baaaaal, au bal masqué, ohé, ohé!

Mercredi, mars 31st, 2010

Je n’ai guère fait qu’un an de droit mais il me semble que j’en ai retenu quelques petites choses

-d’une part, il existe en Belgique déjà une loi qui interdit le port du masque en dehors des périodes de carnaval (et en dehors de quelques petites exceptions soumises à contrôle), ce qui, dans un pays qui protège la propriété privée plus que le droit à l’expression, paraît logique -ne vous attendez cependant pas à ce que j’approuve cette situation, mais cela tend à dire que le projet de loi qui passe actuellement le test parlementaire n’est qu’une redondance digne des plus belles perles sécuritaires;

-d’autre part, je pense que, en dépit de toutes les précautions vraisemblablement prises au cours de la rédaction de ce projet de loi contre les « voiles faciaux », il risque de se prendre une sanction lors de la vérification de sa compatibilité constitutionnelle ((Ce qu’apparemment redoutent les verts, mais ça ne les a pas empêchés de renouveler le coup du « oui de combat.)).

En effet, la constitution belge (à moins que j’aie loupé une très discrète réforme) défend la liberté du culte et de ses manifestations privées comme publiques. Or, il va être difficile de passer outre cet écueil quant à la burqa et la Niqbab. Si le voile peut passer pour culturel et donc non religieux dans certains pays à dominance musulmane, pour ce qui est de la burqa et de la niqab (cette dernière étant de toutes les modes dans un pays allié de l’OTAN, à savoir la très antidémocratique Arabie Saoudite), il sera plus difficile de nous en convaincre.

Autrement dit, en s’attaquant au voile intégral, c’est à la « liberté de l’expression du culte » qu’on s’en prend.

J’attends avec intérêt les réactions des différents représentants des très libertaires congrégations de toutes les religions du Livre. On va rire ((Il semble qu’on ait déjà commencé, à la lecture de cet article.)).

En tout état de cause, les seuls vainqueurs de cette loi, si elle passe (et elle passera probablement), ce seront les polémistes ludiques de la laïcité brouillonne d’un côté, et les petits fiefs de la foi castratrice de l’autre, et non pas la raison émancipatrice que l’on considère toujours plus inefficace dans son rôle libérateur, alors qu’elle est le principal outil ((Je dis bien outil, et non actrice.)) de la sécularisation de la société occidentale au cours des deux derniers siècles. Mais de raison, « nos » représentants n’aiment guère parler, car, si elle devait être remise au goût du jour en période électorale, ils seraient peu nombreux à retrouver leurs fesses sur les mêmes coussins douillets.

++++

Par ailleurs, je note que le projet de loi « limite la liberté d’aller et venir sur la voie publique, si on n’y est pas immédiatement identifiable » ((Lu ici.)).

Il n’y a pas à dire, les députés (verts compris, même si avec réticence hypocrite) savent joindre l’utile à l’agréable. On aura tout loisir de dire plus tard que cette loi s’oppose tout simplement au confort des criminels qui cherchent à se cacher derrière un masque, une fausse barbe ou tout autre artifice.

D’ailleurs, on pourrait aller plus loin ((Attention, hyperbole. Le sérieux n’est plus de rigueur.)): tout islamiste qui se sera rasé sera soupçonné de tenter de ne pas être identifié. On lui imposera donc le port de ses poils. Et ce n’est pas tout: pourquoi n’imposerait-on pas aux catholiques le port de la croix, additionnée du signe distinctif de sa tendance -opus dei, charismatique, béat, extrémiste modéré, leonardien, oecuménique… Juif, tu sais ce qu’il te reste à faire, malgré des souvenirs, certes déjà un peu lointain, mais qu’on va te rafraîchir vite fait.

Allons plus loin, histoire de rigoler à nos dépens: tout anarchiste ou communiste sera tenu de porter, qui son drapeau noir, qui son portrait du Che sur le ventre.

Et les électeurs du MR et de l’Open-VLD, pour parler d’une espèce à part, seront désormais obligés de porter une pancarte « j’encule les syndicalistes naturellement conservateurs », dans les trois langues nationales, avec les voyelles en bleu roi et les consonnes en turquoise.

Dans la série « alimentons les débats crétins », on peut dire que l’élite belgienne a encore fait fort…

Des consciences de ce monde

Vendredi, mars 19th, 2010

Albert Einstein,
Hannah Arendt,
Noam Chomsky,
Emma Goldman,
Alexander Berkman,
Esther Benbassa,
Leonard Cohen,
Shlomo Sand,
Michel Staszewski,
Isaac Asimov,
Israel Finkelstein,
Neil Silberman,
Woody Allen,
Karl Marx,
Groucho Marx,
Rosa Luxembourg,
Gideon Levy,

et combien d’autres qui m’aident à me sentir humain…

L’équilibre est fragile

Lundi, mars 15th, 2010

Je suis révolutionnaire.

C’est-à-dire que je *sais* pertinemment qu’aucun changement en profondeur ne pourra avoir lieu sans une reconstruction de la société sur d’autres bases que celles prétendument démocrates qui existent dans les principaux pays d’Europe, aux États-Unis, au Canada, et dans d’autres recoins prétentieux du monde (de plus en plus rarement dit libre, curieusement).

Je sais que le capitalisme est une théolog… une idéologie sacrificielle qui ne mène qu’au confort d’une minorité aux dépens d’une majorité pour qui le progrès social est toujours pour demain.

je sais que le libéralisme ne se distinguera jamais du capitalisme et que prétendre le contraire est une supercherie de politicards vides.

Je sais que la démocratie représentative ne connaîtra jamais une véritable concrétisation, car, de démocratie elle n’aura jamais que le nom, ainsi qu’un parti populaire.

Je sais que l’égalité des chances ne signifie que ce que les libéraux de tous poils veulent que cela signifie, autrement dit rien de bon.

Je sais que le salariat, si ce n’est pas l’esclavage, si ce n’est pas la prison, n’en est guère éloigné.

Je sais que l’État par essence cherchera toujours à reproduire et augmenter son pouvoir, jamais à le réduire et encore moins à le remettre à la population.

XXX

Alors, nous voilà devant le dilemme de l’attitude à prendre: celle d’avant et celle de pendant et après la révolution. Car, si je pense que, du jour où je me retrouverai devant le mur des fusillés pour « attitude petit-bourgeoise » dans le cadre de la très ou pas si prochaine révolution -je plaisante, je veux dire au jour de la libération des peuples (et non pas des nations) et des individus (et non pas des personnes), nous aurons une vision plus ou moins commune de la vie libre en coopération, nous devons prendre une position « en attendant ».

En septembre, comme le dirait Noir Désir…

Ce qui fait que l’on ne peut, d’ici là, prétendre à des solutions miracles, car, de toute façon, à tous nos idéaux, l’État et le capitalisme posent des limites étroites.

Le risque est réel de passer de la politique du pire à la compassion du prêtre… L’équilibre est difficile, la réflexion pointue.

Devons-nous soutenir le travailleur qui risque de perdre son travail ou se féliciter de la fermeture d’une usine à engins de mort?

Avons-nous le droit de juger des hommes qui exercent une profession de « valet de capitalisme », quand, si l’on y réfléchit un peu, nous contribuons tous ou presque (**ou presque, dis-je**) à sa reproduction?

Et, pour prendre un exemple qui nous a touchés, moi et mes amis, tout récemment, avons-nous le devoir de dénoncer une pratique manifestement reproductrice du patriarcat tout en sachant que, ce faisant, on marginalise les premières victimes de celle-ci (mais avec la volonté, au contraire, de les sauver)? Ou devons-nous tenter d’offrir à celles-ci une possibilité de reconnaissance supérieure pour qu’elles puissent s’organiser mieux -qui sait, en vue d’une remise en question de leur propre activité- même si nous savons que, de ce fait, nous repoussons la lutte contre le patriarcat à plus tard? Je sais que cette définition du problème est limitée, mais on s’y reconnaîtra et on me pardonnera de l’avoir fait pour se concentrer sur la proposition globale de ce post.

Je m’en voudrais de prétendre que j’ai eu, que j’ai ou que j’aurai raison sur ce type de questions (qui, ici, portait sur la prostitution), car, d’une part je ne me sens pas qualifié pour le faire, et d’autre part, de nombreuses personnes ont participé à ce débat et j’ai pu noter que, depuis une génération au moins, sinon deux ou plus (considérant les positions de militantes et militants féministes dès le début du XXe Siècle), les positions se sont cristallisées sur ce sujet à gauche. Je pense que les deux types de position se sont suffisamment bien assises pour s’expliquer dans un contexte prérévolutionnaire.

Lorsqu’un tel problème surgit dans ce que j’estime être ma famille politique (la gauche, ce que j’appelle la gauche, et ce n’est pas rien de le dire), nous ne sommes pas en mesure de réclamer d’elle qu’elle se réduise à une position unique.

J’ai surpris, j’ai déçu, j’ai outré, même. Tout à fait involontairement, car, en réalité, ma position est tout simplement qu’il existe des sujets qui, prérévolutionnairement, sont insolubles. Et j’ai voulu défendre celle que j’estimais aussi légitime que l’autre, tout en étant d’ailleurs une position qui n’avait pris pour moi du crédit que relativement récemment, dans un contexte particulier, hors statistique, recherche et discussion scientifique -toutes choses que j’ai découvertes plus tard.

Tant que l’État et le capitalisme existeront, ou même l’un sans l’autre (ce qui me paraît impossible, mais certains y « croient »), la prostitution existera. De même que le patriarcat. C’est un fait que l’on peut qualifier de scientifique, si l’on considère l’équation: capitalisme = reproduction du capital = nécessité de la succession = sacralisation de la famille = supériorité du père et du fils = dévalorisation de la femme = patriarcat. Que l’on se trouve, depuis Marx et les anarchistes, dans un creuset qui ait permis -et j’en suis heureux- aux femmes de contester cet état de fait n’empêche en rien que, si l’on regarde l’histoire avec l’oeil d’un être froid et extérieur, cet épisode qui coïncide précisément avec la mise en question du capitalisme est ridiculement restreint dans le temps et dans l’espace et risque de se voir repousser « au fourneau » à tout moment si l’on n’y prend garde.

Après la révolution, si celle-ci doit mener à la fin du patriarcat, de l’État et du capitalisme (sinon, ce n’est pas la révolution), nous nous retrouverons dans une situation qui nécessitera beaucoup de remises en question de bien des gens, mais, alors, la prostitution, comme toute autre activité qui consiste à vendre quelque chose qui nous est propre -et je ne préciserai rien ici-, disparaîtront d’elles-mêmes, parce qu’elles ne correspondront tout simplement plus à la réalité socio-économique en présence.

En attendant…

à lire d’urgence

Jeudi, mars 11th, 2010

Extrait d’un excellent article paru sur « les mots sont importants« , et en particulier ici:

« En réalité, depuis sa création, Israël est le pays où les juifs sont le moins en sécurité. Ce constat ne semble pas ébranler la conviction qu’il constitue un refuge pour les juifs. C’est même le contraire qui se produit : plus la politique de l’Etat juif se heurte à la résistance des Palestiniens et à la réprobation de l’opinion publique internationale, plus la majorité de l’opinion publique juive israélienne et diasporique, confortée dans le sentiment que les juifs sont encore et toujours les victimes de l’hostilité des non-juifs, se raidit dans une attitude intransigeante. Ce qui, d’une part, amène les électeurs israéliens à se choisir des dirigeants de plus en plus intraitables avec les Palestiniens et, d’autre part, fait grandir chez ceux-ci des sentiments de colère, d’humiliation, voire de haine et de désespoir, ce désespoir qui amène certains Palestiniens, ne trouvant plus de sens à leur vie, à chercher à en donner un à leur mort, en perpétrant de meurtriers attentats-suicides. Nous sommes là dans un tragique cercle vicieux. »

Il est en effet surprenant de penser que le lieu où les Juifs et les juifs sont le moins en sécurité soit celui auquel les gardiens de leur identité les plus inébranlables veulent à tout prix conserver leurs pénates…

Et j’utilise pénates à mon escient…

Mais cet article contient bien plus que cette réflexion et mérite toute notre attention à bien des titres.

« Pour une raison à la fois insignifiante et profonde »

Mercredi, février 24th, 2010

Quelquefois, les choses arrivent, s’aggravent, s’enveniment, pour les moins bonnes et les meilleures des raisons…

On ne soupçonnait pas qu’un dialogue pût mener jusque là.

On pensait sans doute que nos valeurs nous défendaient absolument.

Contre toute attente, ce que l’on croyait légitime fond devant les évidences des autres, si proches qu’ils soient.

Le relativisme nous gagne.

On en vient à douter des autres, douter de soi, et le pire: douter de ce que l’on savait être la vérité.

Enfin, on écrit de courts textes qui se contentent d’abstractions, n’ont aucune portée concrète, ne supportent nulle valeur et seront interprétés pour ce qu’ils ne sont pas.

On ferait mieux de se taire, quitte à ranger lutte et décision pour plus tard.