Archive for the ‘politopics’ Category

rapport de forces -ou comment se faire des amis…

Wednesday, September 3rd, 2008

En lisant l’intro d’Interventions de Chomsky (( publié chez Penguin Books en 2007. )), je suis tombé sur quelques réflexions de Peter Hart qui déplore le fait que dans les principaux journaux américains (et de citer le Washington Post, le New York Times, le Los Angeles Times et USA Today) la gauche n’a pour ainsi dire pas voix au chapitre.

Les chroniqueurs (columnists) catalogués à gauche sont rares, et beaucoup furent virés durant les dix dernières années, selon son analyse, sous prétexte que, selon certains éditeurs, “le marché décide”.

(Quand on constate la pauvreté de la presse européenne de manière générale et ses rares exceptions, on peut généraliser le débat)

L’argument est démonté par Hart ((mettant notamment en évidence que les chroniqueurs conservateurs n’ont pas plus de succès que les libéraux.)) , mais il oublie une petite chose: tous ces journaux ont des propriétaires et, dans le monde dans lequel nous vivons, au moins en Occident ((Vous savez, cette partie du monde où la propriété privée règne dans le droit.)), ce sont ces derniers qui décident.

Peter Hart a raison d’estimer que les voix de la gauche ne se font pas entendre suffisamment fort, que les conservateurs ont confisqué la plus grande partie des médias, mais (désolé si j’en choque plus d’un, ici) c’est de bonne guerre…

Nous ((La gauche.)) avons accepté depuis très longtemps le combat sur le terrain de la droite, là où, pour être efficace, nous aurions dû gagner en quelques décennies… Cependant, ce terrain, j’en suis aujourd’hui convaincu, était trop favorable à la droite, aux conservateurs. D’abord parce que les moyens en présence étaient considérablement plus importants de leur côté. Le rapport de force en leur faveur était évident. La masse capitaliste, considérant qu’un franc égale une voix, était tout à fait à leur avantage. Pendant quelques dizaines d’années, disons entre 1866 et 1936, il est possible que la masse humaine eût pu faire pencher les plateaux de la balance en notre faveur, mais trop des nôtres, même sincères, ont accepté de batailler dans la “voie de la démocratie”, sous des prétextes humanitaires que l’on peut comprendre (ce que je fais) et approuver (ce que je ne fais pas), mais qui, historiquement, nous l’ont mis bien profonde…

Ensuite, et les deux arguments se valent, il y avait trop de monde dans nos rangs qui ne désirait pas réellement gagner, mais bien “jouer le jeu” de la démocratie, faire balancer les plateaux alternativement d’un côté et de l’autre pour équilibrer les forces en présence, dans l’idée que la société se construit sur base du pluralisme des idées… alors même que celles de la gauche et celles de la droite, si elles sont franches, sont inconciliables ((l’une reposant sur la propriété privée, l’autre la dénonçant.)).

Bref, nous n’en sommes pas sortis indemnes.

Les lieux où le rapport de force nous est favorable n’existent tout simplement pas. S’il fallait compter sur les masses populaires, la corruption des syndicats, des partis, des républiques socialistes a fait le ménage pour la droite et de moins en moins de gens y croient -qui leur donnera tort? Quant aux élections, elles montrent qu’à de rares exceptions près ((qui risquent bien de n’être que des accidents de parcours pour les conservateurs, et même au pire de solides cautions au système qui les maintient en place.)), les gens même les plus humbles votent le plus souvent contre leurs intérêts. Les élections montrent régulièrement que les figures médiatiques l’emportent sur les défenseurs de leurs droits. Sarkozy en France, Collor au Brésil en sont deux exemples manifestes, mais il serait assez aisé d’en faire un décompte plus important -par contre, pratiquement impossible de le rendre exhaustif.

Les lieux où nous pouvons compter des alliés sont ceux où les hommes vivent contre ou sans la propriété privée. L’impérialisme du capitalisme aidant, ces lieux sont de plus en plus rares.

Et ils sont principalement dans la tête d’individus…

C’est dans cette analyse de la défaite d’une bataille qui s’est jouée dans les idées, dans les confrontations, mais pas tellement sur le terrain (occupé par la guerre des blocs où seules les ambitions se jouaient pour la direction du jeu), que nous nous trouvons confrontés à un problème difficile à surmonter: sommes-nous capables de mener la bataille sur notre terrain, en dehors du rapport de forces imposé par les princes de la concurrence?

Première étape, en outre: tous les hommes et toutes les femmes de gauche sauront-ils bien identifier à la fois le problème et le prochain champ de bataille?

On n’est pas près de rigoler…

Le nouvel Hitler (n’est plus si jeune)

Wednesday, July 16th, 2008

Je ne suis pas spécialement castriste, ni même chaviste. Je n’ai de plus aucune sympathie pour les mouvements islamistes (et je suis loin de les mettre dans le même sac que Castro ou Chavez, notez). Mais il y a un truc qui me sort par les trous de nez, ce sont les appellations superlatives que journaux, télés et radios leur collent généralement sur le dos. Qu’un Saddam, un Oussama soient responsables d’un bon paquet de morts, soit. Que Castro ne soit pas un ange libertaire, sans doute. Que Chavez fatigue un peu dans ses costumes rouges et verts, oui.

Cela dit, qui a inventé la baionnette, la bombe atomique, le napalm et les armes à micro-ondes?
Quel système économique est responsable de deux guerres mondiales et des systèmes coloniaux à l’échelle de l’ensemble de la planète?
À cause de quoi sommes-nous menacés par les changements climatiques? Qui a angélisé le véhicule individuel super-polluant, la spéculation sur les produits agricoles et les boeufs qui grossissent trois fois plus vite en trois fois moins de temps? Qui a érigé la publicité en modèle artistique et en véhicule culturel?
Qui invente des armes toujours plus effrayantes, des missiles toujours plus performants, des sous-marins fous, des moyens de répression de plus en plus perfectionnés?
Qui sont les héritiers des massacreurs d’Incas, de Mayas, de Sioux, de Zulus,… ?
Qui fait disparaître les poissons dans la mer? Qui se fout des bisons, des baleines, des éléphants?

Qui écrase les hérissons, d’abord? (hint, hint: Ce blog a passé les deux ans.)

Les modèles économiques et sociaux des USA et de l’Europe ne pourraient objectivement exister sans les massacres des 500 dernières années qui ont saigné la flore, la faune et l’humanité.

Un exemple, un. La première guerre mondiale a été une excellente affaire. À part évidemment pour les 10 millions de morts et les dizaines d’autres millions de rescapés, fous, éclopés, malades, qui passèrent le reste de leur vie à aller chercher leur petite pension à la poste, pendant que les fabricants de conserve et de scies à métaux (pour les amputaions) se félicitaient des progrès technologiques nés du conflit.

Les guerres suivantes ne sont pas en reste. Je fatigue. Juste encore un mot, pour toi, capitalisme de toutes les tendances:

Bravo.

ET SI LE CAUCHEMAR DE WAHOUB N’AVAIT PAS EU LIEU?

Thursday, June 26th, 2008

Joie sans mélange : Wahoub est sortie. Mais l’instruction se poursuit et Bertrand reste dedans…

Imaginons qu’à la place de Wahoub, les troupes de choc de la police fédérale n’aient arrêté personne. Ou se soient acharnées sur un de ses amis moins connus. Un quelconque Constant, un autre Abdallah, un troisième “ex-ccc”…

Imaginons un instant ce qui se serait passé.

En première ligne des réactions, quelques têtes identiques, évidemment: les copains du Secours Rouge et Wahoub elle-même, le patron du Verschueren, aussi. Mais seraient-ils parvenus à réveiller les (paraît-il) 40 signataires (dont 24 connus) de la carte blanche de la semaine dernière?
Le CLEA serait monté au créneau, et probablement quelques autres associations comme le Comité T ou la LDH (avec un peu d’optimisme). Grâce notamment à la personnalité de Wahoub qui, jusqu’à hier, mobilisait de l’intérieur.
Les amis de Bertrand et des autres auraient réuni une fraction non négligeable des 300 à 500 manifestants du 21 juin dernier (mais quelle fraction exactement?).
Plus difficile: les Secours Rouge auraient-ils réussi à réunir des fonds pour payer les avocats de Constant, Bertrand et Abdallah? Pierre aurait-il été libéré aussi facilement?
Autre chose: les éditoriaux ‘révolutionnaires’ (charrie pas!) de la Libre et du Soir sur la pertinence de l’application de la loi anti-terroriste auraient-ils été publiés?

On peut en douter sérieusement.

On doit peut-être -c’est terrible à dire- à l’arrestation de Wahoub une mobilisation “démocratique” et des réactions journalistiques et d’ONG telles que le débat sur les arrestations arbitraires de “l’après-11-septembre” (qui, franchement, joue à l’arlésienne que c’en n’est plus permis –si ce l’a jamais été) s’est un tout petit peu rallumé comme il aurait dû depuis un paquet de temps.

Combien d’entre nous n’auraient parlé de cette affaire qu’avec légèreté, au détour d’une bière ou en lisant un entrefilet dans le journal du matin, se demandant même si la police ne faisait pas tout bêtement son boulot et s’il ne fallait pas laisser la justice régler cette petite affaire qui, après tout, ne concerne que deux anciens poseurs de bombes, peut-être nostalgiques et désireux de faire montre de leur savoir-faire à d’autres moments qu’à des fêtes de mariage, un ex-truand et deux zozos dont, on l’entend souvent, on ne sait pas grand’chose -ce qui indique qu’on peut en imaginer plein, évidemment…
Quelle force, quelle légitimité, le Secours Rouge aurait-il eu si Wahoub n’avait pas été arrêtée?
Aurait-elle autant fait la différence depuis l’extérieur que de l’intérieur de sa cellule?

Attention, je ne remets pas du tout en question sa combativité, son dévouement, son intelligence et son engagement, mais bien les raisons de son actuelle capacité de mobilisation. Et surtout les motivations de ceux qui la soutiennent, qui font bien de la soutenir, mais dont on peut se demander s’ils vont continuer à remettre en question le processus en cours si wahoub échappe –comme je le souhaite- aux foudres des procureurs. Ces foudres que sont la criminalisation de tout ce qui refuse le diktat de la « guerre contre la terreur » et la condamnation a priori de qui ne pense pas dans les mêmes termes que la bourgeoisie au pouvoir.

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Me serais-je moi-même manifesté plus que nécessaire depuis mon lointain exil? Certes, j’aurais écouté Julien et Wahoub qui sont les détenteurs inconditionnels de ma confiance en toute matière politique -et autres- (à part sur la question de la responsabilité de l’échec de la Première Internationale de 1866, sans doute). Mais cela m’aurait-il autant touché d’apprendre que d’anciens activistes marxistes et trois de leurs amis s’étaient fait arrêtés si mon amie était, elle, restée dehors?

Soyons honnêtes ; malgré la certitude que c’est de la même liberté d’expression, d’action et d’association qu’il s’agisse, et que j’en suis bien conscient, la réponse est : sûrement pas. Sûrement pas autant.

Mais, et parce que je sais que c’est ce que voulait Wahoub dedans et ce qu’elle veut dehors, je ne me mobilise aujourd’hui que pour que tous sortent le plus vite possible -et en groupe de préférence- de cet imbroglio pseudo-judiciaire sous les acclamations de tous leurs proches et de celles des vrais citoyens responsables qui privilégient les droits de chacun à la vieille vierge effarouchée qu’est cette insupportable sécurité d’État, à laquelle tant de libertés et de vies humaines ont été sacrifiées partout dans le monde et à toutes les époques -sans exception -stupidement…

Les nouveaux Zola

Tuesday, June 24th, 2008

Je fais référence à des événements précis, dont les acteurs se reconnaîtront.

Le révisionnisme, à l’époque de Zola, c’était une bonne chose. Proust, Gide, France, Durkheim, Renard sont parmi les nombreux Français qui voulaient que soit revu le procès du capitaine Dreyfus, condamné pour faits d’espionnage dont il n’était pas l’auteur. (Les anars, à part Fénéon, devaient bien rigoler à cette époque.)

Aujourd’hui, sont appelés révisionnistes les méchants qui prétendent que les chambres à gaz n’ont pas existé, ou alors, si, mais en petite quantité (et pas assez, sans doute). Bref, des imbéciles frustrés et qui ne valent pas la corde pour les pendre, mais à qui, selon moi, Chomsky et Voltaire, on a tort de vouloir couper la parole: ils adorent afficher leur martyrologue.

Bref, le mot révisionniste a un peu changé de sens…

Par rapport à l’époque de Zola, une autre chose a changé: lui, l'”intellectuel” (qui n’avait pas son bac) accusait l’État et ses sbires d’avoir fait un mauvais procès à un pauvre bougre qui fera la Première Guerre Mondiale avec le grade de colon. Aujourd’hui, les “citoyens responsables” sont ceux qui condamnent des faits qui ont déjà été condamnés par la justice (de classe) et des hommes qui ont déjà été enfermés, voire massacrés, par le pouvoir qu’on ne discute pas. Parce que sans le pouvoir, c’est le bordel, je suppose. Mieux vaut un mauvais ministre de l’Intérieur que pas de ministre du tout.

On constate que la prison, supposée amender le forçat, ne le fait pas: alors, on re-condamne: on ne défendra pas un poseur de bombes. Ciel, se dit-on, l’effet tant désiré par les joyeux démocrates depuis la révolution française (et dont Vidocq déjà dénonçait l’efficacité plus que moyenne dans son opuscule Considérations sommaires sur les prisons, les bagnes et la peine de mort en 1844), de la prison, à savoir la rédemption, ne suit pas l’investissement. Qu’à cela ne tienne, le rôle principal de la prison n’est-il pas d’isoler et de punir le méchant?

Mais alors, pourquoi finit-il par sortir?

Toute la question, semble-t-il, est là: de plus en plus, le fragile terreau de la très moderne (quoique contestable, dans le principe) idée selon laquelle la prison peut “récupérer”, “amender”, “rééduquer” les malfrats pour les rendre ensuite à la citoyenneté dont ils n’auraient jamais dû se détourner, ce fragile terreau qui, finalement, est assez récent (c’est le XVIIIe siècle qui en a fait germer l’idée parmi d’autres bien plus rigolotes comme celle du bon sauvage ou de la main invisible du marché -était-on spirituels à l’époque), est remis en question en Europe.

Non seulement la prison sert de plus en plus à punir sans chercher à amender (voyez les lois fascistoïdes qui consistent à emprisonner ceux qu’ensuite l’on expulsera sous prétexte que la guerre et la famine ne sont pas assez manifestes “chez eux”), mais en outre on remet en question ici et là (et plutôt ici que là) l’idée selon laquelle le condamné, une fois sa peine purgée, a le droit de revenir vivre au milieu de ses pairs -c’est-à-dire ceux qui ne se sont pas fait attraper: les citoyens responsables.

Après tout, elle n’est pas belle l’idée selon laquelle certains feraient mieux de naître en taule et d’y rester? Cette thèse, dont son plus scientifique représentant, Cesare Lombroso, sévit au XIXe Siècle, mériterait d’être revivifiée et réactualisée par nos “imbéciles heureux d’être nés” le cul dans la sociale-démocratie. Ça leur permettrait d’asseoir leurs condamnations et leurs re-condamnations sans souci de devoir en vérifier les faits. Ainsi, tout agité social relâché dans la nature pourra, à tout moment, être remis derrière les enceintes ducpétiesques quand le contexte social le réclamera. Et, par extension, tout qui se sera un peu trop approché d’eux sera considéré comme contaminé par la violence émanant de leurs personnes (C’est McCarthy, en gros…) telles les effluves séductrices et obscènes des chevelures musulmanes qu’il faut enfermer sous d’irrationnelles protections de soie -éventuellement Gucci ou Versace.

Comme il est facile de refuser de défendre des “poseurs de bombes” ou de se cacher derrière des “principes” pour ne pas se prendre un coup de bâton électoral. On agite le mythe de l’Islam intégriste (encore un mot -intégriste- qui, au temps de Zola, signifiait autre chose qu’aujourd’hui, tiens) pour stigmatiser des gamines et les replier dans les jupes des moins intéressants des clercs de cette religion-là ou on évoque les “années de plomb” sans aucune perspective historique (et en oubliant la popularité -même relative- des activistes de gauche de cette époque) pour se draper dans un monceau de clowneries et diviser ce qui reste des progressistes sous prétexte qu’on se sent plus près de Louis Michel que d’un obscur militant d’extrême-gauche. Bientôt, ils se sentiront plus près de Bush que des Farc, d’Uribe que de Chávez, de de Gaulle que de Cohn-Bendit (jeune), de Nicolas que d’Arlette. Après tout, dans le tas, qui sont les citoyens responsables?

C’est le genre de raisonnements qui les aurait amenés à condamner à mort ou à la prison à peu près tout ce que l’histoire compte de rebelles ayant eu l’idée d’user de la violence un jour parce qu’ils ont cru que le contexte social le leur permettait pour parvenir à un monde meilleur. Les travailleurs de Hay Market Square Chicago de 1886 n’auraient pas trouvé grâce à leurs yeux, ni, qui sait?, les mutins les plus violents de 1917.

Allez, vais-je encore crisper plus la situation? Condamner la violence par principe, c’est bien joli, mais ça leur demanderait un peu plus de boulot qu’une carte blanche sélective dans ses affinités…

responsables / irresponsables

Friday, June 20th, 2008

Je vous invite à aller jeter un oeil sur ces deux sites.

http://www.secoursrouge.org/
http://wahoub-fayoumi.blogspot.com/
Vous y trouverez des demandes de soutiens de toute sorte, y compris financiers. C’est assez urgent…

“Citoyens responsables”, de quoi l’êtes-vous, exactement? Et bien notamment de vivre en sociale-démocratie théorique, sans réagir lorsque des gamins sont mis en centres fermés, lorsque des arrestations arbitraires sont réalisées sous prétexte que nous sommes tous amérloques, lorsque vous vous gaussez de vos politiques qui s’occupent plus de la scission d’un district électoral que du respect des droits fondamentaux de l’individu…

En attendant, courez, les copains, vous avez la croissance au cul!

Ils sont encore de plus mauvaise foi que les nôtres

Tuesday, June 17th, 2008

“La police nie avoir utilisé des matraques” (appelée casse-tête en portugais)

Lors d’une manif “tous nus à vélo

Regardez la deuxième photo surtout. La première c’est un casse-couilles…

Les plus avisés d’entre vous reconnaîtront aussi le gaz au poivre sur la deuxième photo…

Vive la fête

“la saison de reproduction des cols blancs…

Thursday, June 12th, 2008

… coïnciderait-elle enfin avec celle des cols bleus aux USA.”

Non, il ne s’agit pas de canards (déchaînés), mais de l’expression utilisée par les médias US pour parler des employés de bureaux supérieurs (cols blancs) et des ouvriers (cols bleus). C’est mignon, non?

Or, jusqu’il y a peu, constate cet article du magazine plus-ou-moins-mais-pas-trop progressiste-genre-pro-Obama The Nation, les luttes syndicales des uns et des autres ne correspondaient guère. Mais il semble que le vent tourne (il y a d’ailleurs un joli “manifesto” comme on dit en italien, en tête d’article, qui rappelle les plus belles heures de la propagande maoiste, ce me semble): les cols blancs, eux aussi, sont maltraités par les patrons (grrr). Alors ils rouspètent. Enron, la crise des subprimes, les “permatemps“, c’en est trop!

Notons que des problèmes comme celui de faillites plus ou moins arrangées ou de crise sur les emprunts, lorsqu’elles ne concernaient que les (très) bas revenus, n’intéressaient pas le politique, mais comme ils commencent (enfin!) à toucher de plein fouet cette classe sociale normalement privilégiée que sont les employés de bureau de type “upper middle professional class” -comme les appelle l’article- alors, évidemment, ça change tout.

Que les ouvriers se prennent des délocalisations par milliers dans la gueule, c’est normal: c’est la preuve que le libéralisme fonctionne, ça a été le cas pendant deux cents ans, pas de raison de changer.

Que les employés, mais aussi petits actionnaires via leur fond de pension, d’une grosse compagnie énergétique se prenne une faillite et mette des milliers de pavillonards sur le carreau, retraite (privée) comprise, et tout à coup les mass-medias se disent que, tiens, c’est pas juste, dis donc, et que, quand Wall Street pique du nez et que surgissent des “petits propriétaires emprunteurs de tous les États, unissez-vous”, même les très républicains congressistes en appellent à un allègement des dettes -alors que les ouvriers expulsés depuis la fin des trente glorieuses, eux, sont toujours en train de graisser leurs riot-guns dans leurs caravanes avec l’espoir de liquider un de ces sales petits Coréens qui leur ont piqué leur boulot au cas où ces sales jaunes venaient à visiter une ville sinistrée pour rigoler.

Dans l’article, c’est, semble-t-il, dans le giron de Microsoft(1) que des employés maltraités (permatemps: permanents temporaires) se sont réveillés parmi les premiers et ont commencé la révolte.
Ira-t-elle jusqu’à la lutte finale? Les “Dilberts of the world” iront-ils, tous, mug dans le mug, jusqu’à la grève générale de la souris?

Pousseront-ils le bouchon jusqu’à détruire leurs ordinateurs portables à la manière des ouvriers des siècles précédents qui manifestaient par là (eux détruisaient leurs machines, pas leurs portables, camarade) leur mécontentement (au risque d’abandonner leur droit à naviguer sur la Toile)?

Les verra-t-on signer des pétitions en masse on-line (auquel cas il leur faudra éviter l’action précédente)?

La révolution technologique tournera-t-elle à la révolution tout court?

On n’ose y croire -avec un n’, hein…

(1) Et ce malgré Akhtar Badshah, directeur des programmes communautaires globaux, qui, dans un interveiw accordé à CartaCapital, ici, affirme que Microsoft a toujours été à la pointe du souci social depuis 1983, et que, même que, dis donc, c’est dans l’ADN de la société, ce n’est pas du tout intéressé, cette fibre sociale et philanthropique. Dis donc.

faut-il être de droite pour être de gauche?

Wednesday, May 28th, 2008

On critique depuis longtemps les gauchisss’ qui -paraît-il- font le jeu de la droite en
-se présentant aux élections (et donc en favorisant la droite, fatalement)(1);
-critiquant les partis “soc-dem”;
-manifestant à tout bout d’champ, voire, les salauds, encourageant des grêves qui ne seraient même pas justifiées par des licenciements-Vilvoorde;
-pire, prétendant que le marxisme, l’anti-capitalisme, l’anarchisme, l’anti-libéralisme ne sont pas morts et méritent d’être encore défendus.

On trouvera des traces de cela ici, mais aussi sur le site d’Un homme et ici, et puis encore dans le discours de la Sego.

Ça me rappelle de loin une conversation que j’avais eue avec un imbécile fier de sa carte PS et qui me lançait des “il faut bien se battre pour que certains ne meurent pas de faim” et des “Toi, évidemment, tu n’assumes rien, c’est lâche.”

Il est clair qu’après tous les renoncements du PS en matière sociale et toutes ses compromissions guerrières, tout va mieux.

Mais au fond, c’est vrai, je suis de mauvaise foi: il doit y avoir beaucoup moins de gens qui meurent de faim aujourd’hui en Afghanistan, en Irak (où, si, si, en un sens nous intervenons, puisque des soldats belges ont remplacé des Amerloques en Afghanistan, ce qui a permis à ses derniers d’aller en Irak).

Et donc, je pose la question:
Faut-il être de droite pour être de gauche?

Et je vous entends déjà poser la vôtre: Mais qu’est-ce qu’il veut dire par là?

Justement…


(1) les soc-dem n’ont qu’à s’en prendre au système électoral, et puis voilà…

ceci est un mouvement (etc)

Monday, May 19th, 2008

Ciel! Ceci est la suite de ça.

Au début de l’année 1985, le MST (Mouvement des Sans-Terre) voulut entériner sa fondation en organisant un grand congrès auquel Tancredo Neves, l’alors élu président pas encore en fonction, avait promis de venir. Il ne vint pas et mourut d’ailleurs juste avant de prendre sa charge.

Entre le 29 et le 31 janvier eurent tout de même lieu ces trois jours de congrès au cours desquels le MST décida un paquet de trucs. Voici donc un nouvel extrait,

Un réflexe libertaire qui s’ignorait peut-être

d’après Sue Branford et Jan Rocha, Rompendo a cerca, a história do MST, Casa Amarela, São Paulo, 2004, p. 55-56:

“Après les trois jours de débat de Cascavel (voir le post précédent), on établit une liste de principes du mouvement, repris sous forme de quatre objectifs. Les deux premiers engagements -selon lesquels “la terre appartient à qui travaille dessus” et le mouvement s’engage dans la création d'”une société sans exploiteurs ni exploités”- possède un fort relent de socialisme. Les autres principes étaient moins utopiques et exprimaient des décisions prises plus tôt: le mouvement devrait être indépendant, ouvert à tous et dirigé par les travailleurs eux-mêmes.
Une fois établis ces principes, le congrès s’attaqua à la tâche principale de la réunion: la construction d’un mouvement national. Le premier problème était celui de la structure. Les Sans-Terre étaient inquiets à l’idée qu’un petit groupe de leaders puissants ne s’emparent du mouvement et, de ce fait, décidèrent de ne pas créer de charges individuelles telles que président, trésorier ou secrétaire-exécutif, mais, au contraire, de diriger le mouvement, tant que c’était possible, de manière collective, comme une administration décentralisée. Une autre bonne raison pour ne pas nommer un président national était qu’un leader en charge deviendrait une cible facile pour les balles des assassins. On décida d’élire des collectifs (qui existent jusqu’à ce jour) pour s’occuper de charges spécifiques, comme par exemple du recrutement, de l’entraînement et de l’administration financière. On insista encore sur la nécessité de la construction d’une démocratie interne. Les leaders et les coordinateurs devaient rester en permanence liés aux échelons inférieurs, dit-on, et chaque membre devrait participer au processus de prise de décisions, au travers de réunions et de discussions en plus petits groupes. Les informations devaient circuler à tous les niveaux.
On créa un comité de coordination nationale, avec des représentants des douze États où le mouvement était déjà organisé ou en voie d’organisation (ndt: le Brésil compte 26 États en plus du District Fédéral de Brazilia). Comme le comité déterminerait des “principes généraux” pour le mouvement, les délégués décidèrent de ne pas établir de politiques spécifiques. Celles-ci seraient décidées, dans les diverses régions, par ceux qui étaient directement engagés dans la lutte pour la terre. Dans le futur, cette décentralisation allait aider le mouvement à survivre dans les moments difficiles et devint l’une de ses caractéristiques permanentes. Le MST affronta la pire des crises de son existence lorsqu’il tenta, pour un bref moment, d’imposer une politique unique -le collectivisme de production agricole- à tout le mouvement.”

Ce n’est toujours qu’un extrait, histoire de vous donner un aperçu. Toujours en traduction copyleft, mais, cela dit, je dois préciser que je n’ai pas (encore) demander leur permission aux auteurs pour la réaliser.
Aide de lusitophones et assimilés toujours bienvenue.

Ceci n’est pas une maladie sexuellement transmissible (svp)

Thursday, May 15th, 2008

Je découvre progressivement (et je traduis au fur et à mesure des extraits de) la vie des Sans-terre brésiliens… Je découvre notamment que leur mouvement est plutôt jeune. Il n’est que lointainement apparenté à celui des Ligues Paysannes des années 50, par exemple, même si, hein, bon, mais quand même…

Et donc, premier extrait, pour vous, en primeur en français:

La rencontre de Cascavel, fondation du Mouvement des Travailleurs Sans-Terre (MST) au Brésil, 1984,

d’après Sue Branford et Jan Rocha, Rompendo a cerca, a história do MST, Casa Amarela, São Paulo, 2004, p. 42-43.

“Après trois jours de débat intense (après avoir notamment parlé avec les représentants de l’Église et ceux des syndicats et du PT, dont le jeune Lula, ndt), les principes du nouveau mouvement furent établis: il sera conduit par les travailleurs sans-terre eux-mêmes, indépendamment de l’Église, des syndicats et des partis politiques; il sera ouvert à toute la famille; il sera un mouvement de masse. Quatre objectifs furent définis: lutter pour la réforme agraire; lutter pour une société juste, fraternelle et pour la fin du capitalisme; inclure les travailleurs ruraux, locataires, métayers et petits agriculteurs de la catégorie des travailleurs sans terre; et garantir que la terre soit à qui travaille dessus et à qui vit d’elle.
“Prises en commun, les décisions de la rencontre de Cascavel montrèrent que, même à ce stade si précoce, les sans-terre essayaient, consciemment, de créer une organisation différente de tout ce qui existait alors au Brésil. À la différence des mouvements ruraux antérieurs (comme les fameuses Ligues Paysannes, qui dans les années 50’ avaient lutté pour les droits des travailleurs ruraux pauvres du Nordeste dans le contexte du mouvement syndical), les sans-terre voulaient fonder une organisation totalement indépendante. Ils croyaient encore être différents des Occupants (posseiros *) de l’Amazonie, qui luttaient exclusivement pour le droit de rester sur la terre qu’ils occupaient depuis plusieurs années. Les sans-terre se voyaient comme un nouveau type de travailleurs exploités –des personnes expulsées de leurs champs par la modernisation de l’agriculture- et, ceci étant, estimaient avoir besoin d’un mouvement qui leur soit propre, avec des objectifs spécifiques. Ils pensaient que la lutte pour la terre faisait partie d’un mouvement révolutionnaire plus large, pour en finir avec l’exploitation et garantir une justice pour tout le monde. Une vision utopique qui motivait principalement son appel vers les pauvres et les exclus.”

Traduction copyleftée du Hérisson

À suivre, donc… Bientôt un nouvel extrait.

PS: * posseiros: si quelqu’un a une meilleure traduction, je suis preneur.