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“Venez, venez dans la rue”

Friday, June 21st, 2013

Eclaircissements sur le mouvement de protestation brésilien, en particulier à São Paulo

Ces deux dernières semaines, un large mouvement de protestation dans plusieurs grandes villes du Brésil a semblé rassembler des centaines de milliers de personnes dans les rues, donnant l’apparence d’une vague uniforme. Rien n’est pourtant moins évident.

Comme souvent au Brésil, quand il s’y passe quelque chose, il s’en passe beaucoup trop. En périphérie des interrogations légitimes sur la mobilisation de l’argent public en vue des événements sportifs des années 2014 et 2016, dont les exigences urbanistiques ont de larges répercussions sur des quartiers entiers de personnes souvent en état de fragilité importante, ce sont aujourd’hui des mouvements de protestation impressionnants qui secouent de nombreuses villes du pays, à commencer par les deux plus importantes en terme de population : Rio et São Paulo.

Et ce n’est pas tout : une proposition d’amendement de la constitution, connue sous le terme PEC37, propose de limiter le pouvoir d’investigation du Ministère Public, ce que nombre de personnes pensent être une espèce d’action de protection des politiciens contre la justice. La réalité est plus confuse : selon certains juristes, c’est le PEC33 qui est bien plus dangereux à cet égard, visant à « limiter l’autonomie du seul pouvoir qui ait encore un peu de respect au Brésil », nous précise Leandro Kfouri Bianchini, juriste pauliste. Ce pouvoir, selon lui, c’est la Cour Suprême, espèce de garde-fou contre les abus les plus flagrants de la classe politicienne brésilienne, mélange de Cour Suprême américaine et de Cour Constitutionnelle européenne. L’épouvantail PEC37 agité par la presse et de nombreux manifestants, semble, lui, vouloir mettre un peu d’ordre dans la confusion des attributions judiciaires ((Voir pour information le site suivant : http://www.anonymousbrasil.com/politica/uma-analise-sobre-os-textos-das-pecs-33-e-37/)).

Dans un autre ordre d’idée, une proposition de loi vient encore d’être renvoyée aux calendes grecques, probablement en raison de l’agitation actuelle. Cette proposition a connu une récente notoriété sous le nom de « cura gay » ; elle est censée permettre aux psychologues de « traiter » les homosexuels. Cette proposition de loi émane de députés membres d’Eglises Evangéliques. Par contre, « il n’y a pas de loi autorisant le mariage gay au Brésil, mais la Cour Suprême a déclaré qu’il était anticonstitutionnel de les empêcher. Et donc, dans la pratique, ils se font, » nous explique Leandro.

MPL et les origines des agitations

C’est donc dans cette ambiance que les slogans ne pouvaient manquer à l’appel du MPL ou « Mouvement du Passe Libre » (Voir encadré), qui, depuis plusieurs années, milite pour un meilleur accès aux transports collectifs ((Collectifs, mais pas vraiment publics, puisque ces transports sont contrôlés par des entreprises privées.)), et surtout à moindre coût. Une toute récente augmentation du prix des transports collectifs (métro, bus), dans les principales villes du pays, a mis le feu au poudre. Le MPL a réussi à galvaniser une grande quantité de personnes, notamment des étudiants, qui, comme les médias européens l’ont fait savoir, ont longuement manifesté, tant à São Paulo, qu’à Rio et ailleurs, jusqu’à obtenir, ce 19 juin, la suppression de cette augmentation des tarifs.

« Groupe de militants depuis 2005 pour l’instauration du « passe libre » à São Paulo, le MPL s’est transformé en un mouvement national de lutte pour une nouvelle gestion de la mobilité urbaine, basée sur le transport public, gratuit et de qualité. Le MPL estime que cet objectif est possible si l’Etat renonce à ses investissements dans les transports privés et les reportent sur les transports publics. », d’après Dirceu Franco, historien. « Le MPL est un mouvement social indépendant et horizontal, sans président, dirigeant, chef ou secrétaire »

Ces manifestations furent tout d’abord très froidement accueillies par les couches sociales traditionnellement réactionnaires, et notamment par les médias. Mais suite à certaines violences policières, touchant notamment des journalistes, on eut une impression de retournement de la situation. « Ainsi, dit Amanda Vasconcelos Brito, étudiante en histoire de l’art, nous sommes passés d’une manifestation de « vandales » (comme la presse voulait la qualifier), à une « manifestation légitime d’un état démocratique » (pour moi, ce l’était depuis le début). » Désormais, ce n’était plus seulement les groupuscules d’extrême-gauche, les libertaires ou les seuls mouvements citoyens qui s’enflammaient, tant sur la toile que dans la rue, mais une bonne partie de la population bien-pensante, mais cette fois agitée de nouveaux slogans tels que « Je suis brésilien et fier de l’être », « Assez de corruption », « Pas de parti », vite rejoints par « Tous contre Dilma » (Dilma Rousseff étant l’actuelle présidente de la République), voisinant des « Non au PEC37 » et des appels à ne pas venir à la Coupe du Monde de l’année prochaine.

« Un ami vient de me dire que nombre de ses amis réactionnaires ne cessent de poster des trucs contre le gouvernement actuel. Tous veulent en profiter, évidemment… Des choses du genre : Plus de Bolsa Familia ! » ((Bolsa familia est un programme d’aide aux plus démunis, généralement attribué sous forme d’une carte de crédit alimentée mensuellement et mise à la disposition, la plupart du temps, de mères de familles.)), nous rapporte Bianca Antunes, rédactrice et éditrice à São Paulo. Ces « manifestants issus de la classe moyenne (…) semblent depuis un bon moment (et même depuis toujours, je crois) mécontents du gouvernement du PT, on parle même déjà d’une procédure d’impeachment de la présidente. Comme si ça allait résoudre quelque chose », constate Amanda.

Les critiques contre la présidente de la République, légitimes à d’autres occasions, n’ont guère de sens ici : « L’augmentation (des tarifs de transports) est le fruit d’un accord entre les gouvernements des Etats et ceux des villes », nous apprend Plinio Birskis Barros, licencié en Lettres de l’Université de São Paulo. Rien à voir, donc, avec l’Etat Fédéral. Mais tout est arrivé, comme dans un entonnoir, sur les images des manifestations, et la présidente a toujours été la cible privilégiée des classes sociales les plus réactionnaires. Par facilité surtout, car, si donc Dilma Rousseff peut être critiquée aussi bien sur sa gauche que sur sa droite, il faut également rappeler qu’elle gouverne avec une coalition de centre-droit et que son élection fut soutenue, Etat par Etat, par pratiquement tous les hommes d’influence qui désiraient se placer dans le sillage de la popularité de Luis Ignacio Lula da Silva, le précédent président.

Cette confusion a fini par noyer le fond du message du MPL, dont la critique sociale était bien plus profonde que les seuls 20 centimes de real supplémentaires par billet de bus. Mais non pas comme la presse bien pensante tente de le faire passer, c’est-à-dire un mouvement poujadiste de rejet du gouvernement fédéral. « Qu’il soit bien clair que la Globo (principale chaîne de télévision privée) et toutes les autres n’appuieraient jamais un mouvement qui lutte contre l’augmentation (des tarifs de transport) ; ils ont voulu tirer la couverture à eux, et ils y sont arrivés », selon Plinio. « A partir de vendredi (14), les médias ont commencé à promouvoir un discours de « Ce n’est pas seulement pour les 20 centimes » (…) J’ai tout de suite pensé : quelque chose va mal, avant même de déceler la stratégie de la droite. (…) Hier (18 juin), la manifestation confondait déjà les choses (…), d’autres thèmes, d’autres panneaux commençaient à surgir, portés par un groupe ridicule enrubanné dans le drapeau du Brésil, chantant « je suis brésilien, avec beaucoup de fierté et beaucoup d’amour ». La lutte contre les tarifs était encore présente, mais rejointe par des arguments étranges contre la Coupe du Monde, contre la corruption et contre Dilma. Voilà la stratégie de la presse : nous dirons que ce n’est pas seulement contre l’augmentation, mais aussi contre la corruption du gouvernement du PT, de sorte que nous neutraliserons le mouvement et nous liquiderons Dilma devant le monde entier… »

Ce qui n’était pas du tout l’objectif du MPL. D’après Dirceu Franco, historien, c’est l’industrie automobile qui est en ligne de mire. « Depuis au moins soixante ans, l’industrie du pneumatique et des véhicules est responsable, au Brésil, d’une partie significative des emplois offerts chaque année. Ces grands entrepreneurs sont depuis longtemps plus forts que les gouvernements eux-mêmes. L’exemple le plus récent est la succession de réduction de la taxe sur les produits industrialisés dans leur domaine. Le gouvernement de Dilma Rousseff a perdu tous ses bras de fer avec l’industrie de la voiture. » Le MPL remet en question l’importance accordée depuis le président Juscelino Kubitchek au développement du transport privé. Ce qui n’est pas du tout du goût des médias traditionnels… et suffit pour expliquer la récupération…

Depuis la manifestation du jeudi 13 juin dernier, le mouvement de contestation s’est donc trouvé peu à peu confisqué au MPL, non seulement par ces dizaines de slogans à la limite du poujadisme, mais aussi par une presse qui, apparemment retournée par les violences policières, en a profité pour mettre en exergue toutes ses critiques contre le parti de la présidente, flattant donc par là la frange droitière du pays. On entend dire dans les manifestations « La seule bannière acceptable est celle du Brésil. » Le MPL avait eu beau répéter qu’il ne refusait la présence de personne, ni d’aucune bannière, il souffrait naturellement des faiblesses de son type de mouvement : horizontal, sans chef, sans service d’ordre, il fut vite débordé par les initiatives qui s’agglomérèrent autour de lui, qu’elles viennent de groupuscules désireux d’en venir aux mains ou de briser des vitrines ou de faux protestataires dont le souci principal est de préserver leurs privilèges.

Le mouvement homogène n’existe donc pas, ou plus : il s’agit désormais de grandes tendances, souvent contradictoires, certaines clairement cautionnées par les grandes chaînes de télévision et les journaux généralement les plus suivis par l’Establishment. Ces oppositions devaient fatalement tourner au vinaigre ; au cours de la manifestation du 20 juin, des heurts opposaient les porteurs de bannières brésiliennes et ceux qui portaient les couleurs de partis ou de mouvements sociaux. Ce sont les premiers qui semblent s’être emparé du terrain.

Dirceu Franco: « Ecoute, vraiment, le mouvement dominant, c’était la bannière contre la corruption. Derrière, un grand groupe du PT/CUT/MST.
Hélène Châtelain: « Le MPL n’est plus là? »
Dirceu: « Le MPL est là aussi. »
Hélène: « Et cette bannière contre la corruption… Elle est comment? »
Dirceu: « En tissus, avec du bleu, du blanc et du noir. »
Hélène: « Non, je veux dire: critique sociale ou droite conservatrice? »
Dirceu: « Ah… Droite conservatrice. De la pire espèce. Personne ne parle de lutter contre la mafia des transports, ou de participer de la distribution du budget municipal. Ces bannières, à l’exception de celles du MPL, sont assombries par la droite conservatrice aujourd’hui. Je ne sais pas. Je crois que ça va se démobiliser, vraiment… » ((Voir aussi: http://www.cartacapital.com.br/politica/militantes-de-partidos-e-movimentos-sociais-viram-alvo-em-sao-paulo-6932.html.))

Ces mouvements peuvent-ils être animés par une « connexion centrale (…), le sentiment d’injustice et de faillite des Pouvoirs de l’Etat brésilien -en particulier des Pouvoirs Exécutif et Législatif », comme le fait remarquer Leandro Kfouri Bianchini ? « Il existe une idée collective selon laquelle nos gouvernants et législateurs sont corrompus, font un mauvais usage de la machine publique et de l’argent public, qu’il est investi dans des travaux surfacturés et superflus (comme les stades de la Coupe et les installations pour les Olympiades), alors que nous manquons d’hôpitaux de qualité et bien équipés, des écoles, alors que le transport public est bien trop cher et inefficace, etc. Pour résumer en quelques mots : les montagnes d’argent que nous payons en impôts ne sont pas employées correctement, et ne reviennent jamais à la population, (ceci menant à) l’élaboration de lois qui ne bénéficient qu’aux gouvernants eux-mêmes -y compris pour les protéger des crimes qu’ils commettent. »

Le problème, note encore Leandro, c’est que cette connexion est ténue, parce que « les intérêts (des manifestants) sont très hétérogènes, bien qu’unis par un sentiment commun d’injustice. Et donc, chacun dans la foule crie une chose différente. Les uns défendent la liberté d’expression, les autres la réduction des impôts, les autres une meilleure sécurité publique, et ainsi de suite. »

Leandro, optimiste, se réjouissait encore le 19 juin de la présence de « pauvres et de riches, de noirs et de blancs, de travailleurs et de chômeurs, de docteurs et d’analphabètes, de gays et d’hétéros, de protestants et d’athées, qui tous luttent côte à côte. »

Trop optimiste ?

Vendredi 21 juin… Suite à la dernière manifestation organisée la veille, et qui fut marquée, comme nous l’avons dit, par des marques d’hostilité de nombreux manifestants à l’égard des mouvements sociaux et des partis, y compris ceux qui sont partie prenante depuis le début aux revendications du MPL, ce dernier décide de ne plus organiser d’actions pour le moment… Sans doute la prudence et le dégoût de la récupération du mouvement par des ensembles réactionnaires ont-ils contribué à cette décision. En dépit des déclarations d’un porte-parole temporaire, leur conquête resssemble bien à une victoire à la Pyrrhus.

Même jour. Plinio revient de manifestation… Il était du côté gauche… Du côté droit sont arrivés des projectiles, objets enflammés, bouteilles… Une sur sa tête…
Leandro était peut-être trop optimiste, mercredi…

A suivre…

Des racines? Carrées!

Wednesday, April 24th, 2013

De quoi avons-nous besoin?

De la certitude que nous allons mourir? Peut-être…

De manger? Non, puisque nous allons mourir.
De pouvoir nous exprimer? Mais non, nous allons mourir…
De pouvoir nous soigner, suivre des cours,nous déplacer? Nenni, nous allons mourir.

Par contre, la liberté d’entreprendre, elle, nous est indispensable. Et tant pis si, renforçant celle-ci, nous nous dégarantissons tous les autres droits.

Critiquer le nucléaire? Pourquoi faire? Nous allons tous mourir, laissez-les donc rentabiliser le moindre atome à nos risques et périls.

Remettre les traités européens en question? Horreur! C’est toutes les traditions européennes, chrétiennes, d’ouverture et des Lumières que nous voulons hypothéquer! Et puis, de toute façon, nous allons mourir…

Nous n’avons pas de racines, nous ne sommes pas raisonnables, pourquoi ne laissons-nous pas les hommes d’affaires nous diriger? Ne savent-ils pas mieux que nous ce qu’il faut faire pour que nos décès arrivent au bon, au juste moment?

Ne comprenons-nous pas? Nous devons laisser l’Etat garantir la propriété et l’entreprise; tout le reste, c’est de la restriction de l’entreprise, c’est du pognon jeté par la fenêtre. Et comme nous allons tous mourir, l’argent, c’est bien plus important, ne comprenons-nous pas? Cet argent, c’est l’argent que les pères des pères des pères des pères de nos riches maîtres et patrons qui l’ont fait naître, l’ont fait croître, l’ont nourri, l’ont soigneusement distribué (au mérite, à la naissance, à leurs fils), méticuleusement, histoire de s’assurer que le Produit Intérieur, ou National, ou International Brut poursuivrait son éternelle ascension, parce que c’est notre gloire, notre identité, notre assurance… Parce que, finalement, face à l’infini, l’important, ce n’est pas la souffrance des hommes, des femmes, des esclaves, des salariés et des indépendants (faux ou non), des serfs, des sans-terre, de tous les autres qui contribuent avec leur sueur aux accumulations de patrimoines dans les indécences de la City ou des records d’altitude du Qatar, non, l’important, c’est que l’histoire retienne le nom de Rockfeller et de Vanderbilt, de Soros et de Mittal.

Rassurons-nous, dans cent ans, tout le monde aura oublié les noms des familles mises sur la paille par les quelques milliers de celles qui se partagent la toute grande majorité des biens et revenus sucés sur la Terre.

Qui se souvient des noms qui se cachent sous le Carnegie Hall?

Ah, les philanthropes! Les grands hommes!

Les philanthropes!
Qui dénoncent le radicalisme, l’extrémisme, le terrorisme, les restrictions de la liberté,… enfin, celle d’entreprendre, évidemment…

En d’autres temps, des hommes comme moi auraient appelé à ce qu’on les bombe, les poignarde, les pende… Aujourd’hui, des lois scélérates me l’interdisent. Elles nous durrutisent. Elles nous berkmanisent. Ah! Je suis pleutre, car des lois pareilles existaient déjà dans ces autres temps…

Radical, moi?

Bien entendu, je suis radical. Je dois être radical! Je suis radicalement pour la liberté (pas celle d’entreprendre, la liberté tout court), l’égalité, la démocratie, je suis radicalement pour la vie, le droit à la santé, le droit à se servir dans la soupe des aliments produits par la terre et le travail, le droit à se vêtir en dépit du droit des affaires et des traités commerciaux, le droit à jouir d’un toit et d’un système de chauffage en hiver, malgré le droit de l’entrepreneur immobilier; je suis radicalement contre la primauté du capital, de la finance sur tout le reste; je suis même contre le droit du travail ou du mérite face au droit à la vie et au pain; je suis radicalement contre la primauté de l’image historique, de l’esprit de la nation sur la vie des hommes, le droit à chercher le bonheur dans l’espace de temps auquel chacun a droit dans la mesure des possibilités les plus larges et dont chacun devrait pouvoir disposer selon son désir; je suis radicament pour le droit à fuir la misère, la guerre et la bêtise religieuse contre le droit des frilosités.

Par contre je suis modérément pour le droit à la sécurité; de toute façon, n’allons-nous pas mourir? N’avons-nous pas assez appris “Vivre libre ou mourir”?

Il semble qu’on préfère un peu trop “vivre en cage plutôt que mourir”…

Radicaux, nous? Extrémistes? Si vous le dites! Nous sommes extrémistes parce que vous l’êtes! Nous sommes radicaux, parce que vous l’êtes! Vous êtes notre extrême comme nous sommes le vôtre. Européistes, libéraux, sociaux-démocrates, vous êtes des extrémistes. Vous êtes des terroristes. Vous êtes des criminels. Mais, naturellement, l’histoire est de votre côté…

A ce jour, nous déclarons tout qui s’attaque, ne fut-ce que d’une once, aux soins de santé, à l’enseignement ou aux transports publics, ennemi des hommes et des femmes.

A ce jour, nous déclarons tout qui privilégie la sécurité des biens à la liberté d’expression, de pensée ou au droit au confort de vivre, ennemi des femmes et des hommes.

A ce jour, nous déclarons tout qui s’accroche à des soucis d’identité et à des valeurs même bien emballées pour justifier leurs bombes, ennemi des hommes et des femmes.

A ce jour, nous déclarons tout qui repose sur un dogme, un livre, une mystique le droit de réduire ceux des autres, ennemi des femmes et des hommes.

A ce jour, nous déclarons tout qui privilégie le droit à bétonner pour aller plus vite, plus loin, plus fort contre la liberté de maintenir son environnement, ennemi de l’homme.

Genova 2001 – Ragazzi, ragazze…

Saturday, October 6th, 2012

Ceci est la traduction de l’italien d’une lettre reçue en ce début de mois d’octobre d’un très cher ami bolognais.

Très chers amis,

J’essaierai de n’être pas trop long. Ces derniers jours furent publiées les motivations de la sentence de la Cour de Cassation qui confirmait les peines infligées aux 18 “serviteurs” de l’Etat, condamnés pour divers délits, depuis la violence aggravée jusqu’à la fabrication de fausses preuves destinées à couvrir les arrestations illégales de dizaines de manifestants de la boucherie de l’école Diaz [à Gènes].

Vous aurez pu lire que la Cour de Cassation, loin d’être un club anarchiste, a qualifié cette boucherie de très grave événement ayant atteint non seulement aux déjà très misérables garanties démocratiques de ce pays, mais également à l’image même de l’Italie en tant que pays démocratique.

La sensibilité de chacun le mènera à considérer le silence assourdissant de la politique institutionnelle dans les confrontations de ces mots et de la dissumulation omertienne de toutes les forces face à l’embarrassante permanence de De Gennaro (qui était alors chef de la police et caution morale de la boucherie DIAZ) au poste de sous-secrétaire à la Présidence du Conseil.

ndt: Pour information sur De Gennaro:
http://it.wikipedia.org/wiki/Giovanni_De_Gennaro

Je ne sais qui de vous se trouvait à Gènes en ces journées [de juillet 2001]. J’y étais, moi, le samedi de la Diaz, avec trois cent mille autres individus et je n’en oublierai pas facilement l’ambiance. Derrière chaque coin de rue, nous rencontrions un autre groupe de brutes casquées armées de boucliers, de matraques et de badges, qui ne regardaient personne en face. La seule chose sensée à faire était de tenter de trouver la fuite entre les lacrimogènes, la foule, les matraques et le sang sur les trottoirs.

Outre les lacrimogènes et les matraques, ce jour-là, les brutes utilisèrent une arme bien plus dangereuse: les vidéocaméras. Sur la digue qui dominait la plage de Gènes, sur les hélicoptères qui vibrillonnaient comme des frelons, sur les camionnettes utilisées par les carabiniers comme de béliers dans la foule, il y avait des caméras. Ces caméras ont servi à identifier ceux que certains qualifieraient de violents. Ceux qui brisèrent des vitrines de banques, ou qui montèrent des barricades avec les précieux containers à ordure de la ville, ou qui osaient relancer les lacrimogènes en direction de ceux qui les avaient envoyés. Grâce à elles, des dizaines de ces personnes ont été condamnées pour dévastation et saccage (délit prévu par le code fasciste, même pour qui -a confirmé la Cour de Cassation- n’a eu qu’un rôle de “co-participation psychique”), peine confirmée en Casssation de 8 à 15 (quinze) années de prison. Le geste le plus violent qu’ont commis ces 10 personnes fut de détruire une vitrine… Les condamnés de la Diaz, qui ont mis une personne dans le coma, ont provoqué des dommages irréversibles à deux personnes et brisé quelques os, ont été condamnés à des peines allant de 3 à 5 ans. Perugini, le bon Perugini, dont certains se souviendront sur la photo où on le voit frapper un garçon de 17 ans, un garçon maintenu fermement par d’autres policiers, et bien son affaire est prescrite.

voir ici par exemple: http://veronacritica.blogspot.be/2008/03/reduci-di-bolzaneto-promozioni-go-go.html

Aujourd’hui, j’ai découvert que l’on a réactivé l'”assistance légale” pour les événements de Gènes. On récolte des fonds pour soutenir les personnes (deux) déjà incarcérées et toutes celles qui furent frappées par une répression légale qui, je ne cesserai de le dire, touve ses bases dans le code pénal fasciste. Personnellement, j’y ai contribué, et fondamentalement, je vous écris pour trois raisons:

1) si vous ne connaissez pas Gènes 2001, ça vaut la peine de vous informer;

2) si vous pouvez donner quelque chose, outre la valeur monétaire, vous ferez ressentir à ces personnes qu’elles ne sont pas abandonnées;

3) faites circuler l’information parce que Gènes est une plage purullente d’où s’est disséminé le cancer de ce pays.

Dans le fonds, à Gènes, il y avait des gens qui contestaient un pouvoir qui, peu après, allait déclencher deux guerres et jeter le monde dans une crise comparable à celle de 1929. Une crise qui est en train de détruire l’existence au profit d’un système destiné de toute façon à disparaître.

Merci

piero cavina

http://www.supportolegale.org/

http://www.buonacausa.org/page/donate/380

PS faites tourner!

version originale:

Carissimi,

cercherò di non dilungarmi troppo. E’ di questi giorni la pubblicazione delle motivazioni della sentenza della Cassazione che confermava le pene inflitte a 18 “servitori” dello stato condannati per svariati reati, dalla violenza aggravata fino alla fabbricazione di prove false per coprire gli arresti illegali di decine di manifestanti della mattanza della scuola Diaz.

Avrete letto che la Cassazione, non un circolo Anarchico, ha definito quella mattanza come un gravissimo evento lesivo non solo delle già deboli garanzie democratiche di questo Paese, ma dell’immagine stessa dell’Italia come paese democratico.

La sensibilità di ognuno di voi lo porterà a cogliere l’assordante silenzio della politica istituzionale nei confronti di queste parole e l’omertosa latitanza di tutte le forze di fronte all’imbarazzante permanenza di De Gennaro (l’allora capo della polizia e mandante morale del macello DIAZ) come sottosegretario alla Presidenza del Consiglio.

Non so chi di voi era a Genova in quelle giornate. Io c’ero il sabato della Diaz assieme ad altri trecentomila e difficilmente dimenticherò quel clima. Dietro ogni angolo ci potevi trovare un gruppo di violenti, caschi, scudi, manganelli e distintivo, che non guardavano in faccia a nessuno. L’unica cosa sensata da fare quel pomeriggio era cercare una via di fuga tra i lacrimogeni, la calca, i manganelli e il sangue sui marciapiedi.

Oltre ai lacrimogeni e ai manganelli quel giorno i violenti hanno usato un’arma molto più letale: le videocamere. Sul terrapieno che sovrasta il lungomare di Genova, sugli elicotteri che ronzavano come calabroni, sulle camionette usate dai carabinieri come arieti tra la folla, c’erano le videocamere. Videocamere che sono servite a identificare i così detti violenti. Certo gente che ha anche spaccato vetrine delle banche, o che ha fatto barricate con i preziosi cassonetti genovesi, o che addirittura osava rilanciare i lacrimogeni verso chi li aveva tirati. Ora dieci di queste persone sono state condannate per devastazione e saccheggio (reato previsto dal codice fascista anche per chi – cassazione dixit- attua una “compartecipazione psichica”), a pene confermate in Cassazione da 8 a 15 (quindici!) anni di carcere. Il massimo gesto violento che hanno commesso queste 10 persone è stato spaccare una vetrina… i condannati della Diaz, che hanno mandato in coma una persona, due hanno subito danni irreversibili e rotto parecchie ossa, sono stati condannati a pene tra i 3 e i 5 anni. Il buon Perugini, quello che molti ricorderanno nella foto mentre sferra un calcio a un ragazzino di 17 anni tenuto fermo da altri poliziotti, ha avuto la condanna prescritta.

Oggi ho scoperto che si è riattivato “suportolegale” per i fatti di Genova. Raccolgono fondi per sostenere le persone (due) già incarcerate e tutte quelle colpite da una repressione legale che, non mi stancherò di dirlo, trova i fondamenti nel codice penale fascista. Personalmente ho donato, e fondamentalmente vi scrivo per tre motivi

1) se non conoscete Genova 2001, vale la pena di informarsi
2) se potete donate qualcosa che, oltre al valore monetario, farà sentire a quelle persone di non essere state abbandonate
3) fate circolare l’informazione perchè Genova è una piaga purulenta dalla quale è partita la cancrena di questo paese

In fondo a Genova c’era gente che contestava un potere che da lì a poco avrebbe scatenato due guerre e gettato il mondo in una crisi paragonabile solo a quella del 29. Crisi che sta triturando esistenze a beneficio di un sistema destinato comunque al collasso.

Grazie

Piero

http://www.supportolegale.org/

http://www.buonacausa.org/page/donate/380

PS fate girare!!

Syriana II

Friday, September 14th, 2012

Les anarchistes, parce qu’ils ne font pas confiance aux Etats, parce qu’ils savent que ceux-ci n’agissent que dans l’intérêt de leurs classes dirigeantes, ne peuvent cautionner le “devoir d’ingérence”, les “guerres humanitaires”, et toutes ces interventions qui prônent la défense des droits de l’homme et l’imposition de la démocratie dans des pays la plupart du temps oubliés avant les campagnes de préparation des populations aux mouvements de troupes et, surtout, après le passage d’icelles au-dessus des cadavres des pays un temps concernés par les éditorialistes et les nouveaux philosophes.

Les anarchistes peuvent comprendre que certains s’organisent, se forment en brigade d’intervention à l’instar de celles auxquelles ils contribuèrent en 1936 pour tenter de sauver l’Espagne de l’oubli des mêmes démocraties qui aujourd’hui s’arrogent des droits exhorbitants. Quand ces brigades horizontales se forment, ce sont les mêmes qui prônent l’intervention et qui se battent. Généralement, lorsqu’un éditorialiste, un ministre appellent à l’intervention, ce sont des ploucs du bas-peuple qu’il envoie au combat, pas son fils, ou ce sont des mercenaires ou des fous de Dieu qu’il arme… Cela, les anarchistes ne peuvent pas le comprendre.

Les anarchistes ne renvoient cependant pas dos à dos les tyrans et les rebelles ou prétendus tels; ils restent lucides sur la réalité de gouvernements qui ne sont pas d’émanation populaire -mais lesquels le sont?-, cependant ils ne se posent pas en juges de l’extérieur, et luttent déjà sur le sol où ils se trouvent contre les injustices produites dans leurs frontières, luttent pour le droit des hommes à se déplacer librement, balaient devant la porte des gouvernements de leurs régions -ou alors, s’ils estiment devoir intervenir ailleurs, ils le font eux-mêmes, en pleine connaissance de cause, pour aider des populations qui les ont convaincus de venir, et non pas des chroniqueurs ou des généraux en mal d’exercice.

Cependant, dans de nombreux cas, les anarchistes, et moi le premier, s’estiment surtout incompétents pour parler de la plupart des régions du monde. Ils ne se prétendent pas spécialistes parce qu’ils ont fait trois sauts de puces quelque part, qu’ils ont partagé le quotidien de dix personnes sur place ou qu’ils se sont retrouvés “embedded” d’un côté ou de l’autre d’un conflit.

En tout cas, c’est ainsi que je vois les anarchistes.

Bahar, mon ami Bahar, n’est pas un anarchiste, ou alors pas publiquement -pas vrai, Bahar?-, mais j’ai la faiblesse de lui faire confiance au moins sur deux sujets qui lui tiennent à coeur. Et ces sujets sont la Turquie et la Syrie. Et si je lui fais confiance, c’est parce que Bahar veut réellement ce qu’il y a de mieux pour les autres comme pour lui-même, parce que ce genre de choses-là, on l’apprend en connaissant Bahar. Aussi, je vous propose de lire les lignes suivantes qui sont de sa main. Histoire de faire un peu contre-poids au discours de guerre ambiant.
(Seuls les mises en évidence et un intertitre ne sont pas de lui; je ne partage pas nécessairement toutes les expressions utilisées par lui, ni certaines conclusions, mais il ne me viendrait pas à l’idée de changer une ligne de son ensemble)

Stop à l’intervention occidentale en Syrie

Jadis, l’Occident menait la Guerre Sainte pour répandre le christianisme et la civilisation. Aujourd’hui, la religion nouvelle s’appelle « droits de l’Homme », « démocratie » ou « protection des civils ». Au nom de ses valeurs et de ses intérêts, l’Occident, Etats-Unis en tête, ne recule devant aucun sale coup : financement de groupes d’opposition et de filières terroristes, désinformation, opérations psychologiques (Psyops), livraison d’armes, formation de mercenaires, actions de sabotages et de déstabilisation, embargos et sanctions, attentats ciblés, attentats aveugles et au besoin, bombardements massifs.

Si la Syrie est aujourd’hui dans la ligne de mire de nos Etats, ce n’est certainement pas parce que le régime maltraite ses opposants. Nous avons vu en effet comment nos élites pouvaient faire preuve de compassion et d’indulgence envers leurs alliés régionaux qui ne sont pas moins violents comme le régime de Tel-Aviv, celui d’Ali Abdallah Saleh au Yémen, de Ben Ali en Tunisie, celui des Saoud au Royaume du même nom ou celui des Al Khalifa au Bahreïn.

D’abord, la Syrie paie le prix de son attachement à sa souveraineté nationale. C’est le dernier pays arabe capable de résister au courant néoconservateur qui déferle avec le soutien de l’Occident sur les pays de la région à la faveur du « printemps arabe ».

Ensuite, la Syrie subit des représailles pour son insoumission à Israël. L’alliance stratégique que Damas a tissée avec l’Iran et les organisations de la résistance libanaise et palestinienne est un crime grave et sans appel aux yeux de nos élites. Officiellement en état de guerre avec Israël, l’Etat syrien est de surcroît doté de la dernière armée arabe capable de résister à la superpuissance de Tsahal.

Tous les mémorandums altruistes de l’Occident sur la Syrie ne servent qu’à dissimuler ces deux réalités. Pour se rendre compte de l’imposture humanitaire, est-il besoin de rappeler l’aveu d’Henry Kissinger, ancien secrétaire d’Etat sous le président Ford, affirmant que « les grandes puissances n’ont pas de principes, seulement des intérêts » (cf. Georges Soros, On Globalization, New York Review of Book, 2002, p. 12)?

Nous aurions bien voulu croire que la mission de nos élites soit de répandre le Bien. Mais nous pensons avoir le droit d’être sceptique quant aux intentions et aux moyens mis en œuvre en Syrie par ceux-là même qui nous avaient tant promis l’avènement de la démocratie en Afghanistan, en Irak ou en Libye.

La Libye pour ne citer que cet exemple a curieusement disparu de nos écrans-radars alors que les milices y font régner la terreur et procèdent à une épuration ethnique et religieuse méthodique. Des dizaines de milliers de prisonniers politiques accusés de loyauté envers l’ancien régime et d’émigrés subsahariens croupissent dans plusieurs prisons secrètes. Ces détenus sont quotidiennement torturés et parfois assassinés dans l’indifférence générale. Tous les jours, des attentats sont commis par des inconnus et des règlements de compte opposent des bandes rivales. Les tombeaux des saints considérés comme « hérétiques » sont détruits un à un sous le regard bienveillant des nouvelles forces de « sécurité » (cf. De Morgen, 30 août 2012). Bref, la Libye est en pleine voie de « somalisation ».

Depuis dix-neuf mois, un feu destructeur ravage la Syrie. Affirmer que ce feu est alimenté par la seule intransigeance et la seule brutalité du pouvoir syrien est parfaitement malhonnête. Car ce feu n’est ni une nouveauté ni exclusivement dû à des facteurs intérieurs. Ce feu est en effet entretenu sous forme de guerre larvée par les puissances occidentales depuis la libération de ce pays en 1946 du joug français. Soucieuse de restaurer leur tutelle sur la Syrie, ces puissances coloniales ont indirectement contribué à la militarisation de ce pays en soutenant la création et l’expansion d’Israël (1948) ainsi que toutes les pétromonarchies du Golfe dont le discours religieux sectaire s’avérait utile face au panarabisme prôné entre autres par l’Egypte de Nasser et la Syrie baassiste.
En avril 1949, pour établir leur hégémonie sur la Syrie et soulager Israël, les USA ont soutenu le coup d’Etat du colonel Za’im.
En 1957, soit bien avant l’avènement de la Syrie d’Hafez el-Assad, l’axe américano-britannique a planifié d’assassiner trois dirigeants syriens jugés trop pro-soviétiques (cf. Ben Fenton, The Guardian, Macmillan backed Syria Assassination Plot, 27 septembre 2003). A l’époque, tous les plans de renversement du régime baassiste ont été envisagés par la CIA et le SIS (MI-6) : organisation de troubles, appels à l’insurrection, création d’un « Comité Syrie Libre », armement de l’opposition, « activation des Frères Musulmans à Damas ». Bien naïf serait celui qui nierait la similitude entre cet épisode de l’histoire syrienne et la situation actuelle.

Désinformation

Revenons un moment sur le traitement de l’information à propos des événements récents.
A partir de mars 2011, profitant de l’agitation naissante dans le pays, nos experts en communication ont exagéré le poids de l’opposition et l’ampleur de la violence d’Etat tout en minimisant le réel soutien populaire dont dispose le gouvernement de Damas ce que d’ailleurs l’ambassadeur de France en Syrie Eric Chevalier n’a pas manqué de reprocher à son ministre Alain Juppé. On nous a sciemment caché la militarisation d’une partie de l’opposition syrienne et la présence de groupes terroristes s’infiltrant depuis le Liban, une réalité pourtant constatée dès le mois d’avril 2011 par des journalistes d’Al Jazeera, la chaîne qatarie. La censure imposée par le patron d’Al Jazeera alias émir du Qatar sur les événements qui révéleraient la conspiration anti-syrienne a contraint ces journalistes à faire « défection » pour utiliser un terme que l’on nous sert toujours à sens unique.
Qui plus est, à vouloir dénoncer systématiquement la propagande de l’Etat syrien, la presse mainstream occidentale a soit gobé soit alimenté la propagande de l’opposition radicale allant jusqu’à déguiser des massacres de soldats ou de civils par des terroristes en « crimes de la dictature » comme à Jisr-Al-Choughour (juin 2011), Houla (mai 2012), Deir Ez Zor (mai 2012) ou Daraya (août 2012).
On peut en conclure que l’Occident mène au moins une guerre psychologique contre la Syrie.

Est-il cependant raisonnable de croire que l’Occident n’est pas militairement engagé dans ce pays ?

En automne de l’année dernière, lorsque le gouvernement syrien a appelé les conjurés à déposer les armes, Victoria Nuland, porte-parole du département d’Etat US, a sommé ses protégés syriens de désobéir. Parallèlement, les agents de la CIA et leurs acolytes européens ont incité les soldats syriens à passer dans les rangs d’une armée de mercenaires placée sous commandement de l’OTAN par le truchement de l’armée turque.
Sans surprise, les QG de l’Armée syrienne libre (ASL) installés au Hatay accueille désormais des terroristes du monde entier désireux d’en découdre avec les Syriens patriotes accusés d’être des « infidèles » à la solde de « l’ennemi chiite ». Ces terroristes y reçoivent une formation militaire, des armes, des pick-up surmontés de fusils-mitrailleurs, des MANPAD (systèmes portatifs de défense anti-aérienne) et des appareils de communication performants.
« Nous avons surtout récupéré des roquettes RPG9 puisées sur les stocks de l’armée saoudienne » jubile un rebelle dans les colonnes du Figaro (28 juin 2012) qui ajoute « Elles ont été acheminées par avion, jusqu’à l’aéroport d’Adana, où la sécurité turque a surveillé les déchargements avant de savoir à qui ces roquettes allaient être destinées ». Petits détails: l’armement saoudien est essentiellement américain et la base turque d’Adana dont parle le terroriste, est la base américaine d’Incirlik.
L’Occident s’est longtemps défendu de fournir des « moyens létaux » aux terroristes alors que des agents du Service fédéral de renseignement (BND) croisant au large de la Syrie transmettaient des informations concernant les mouvements des troupes syriennes aux services britanniques et US pour qu’elles parviennent aux rebelles (cf. Bild am Sonntag, 19 août 2012).
Selon le Sunday Times, les services britanniques basés à Chypre ont eux aussi aidé les insurgés à mener plusieurs attaques.
Le fait d’indiquer à ces derniers à quel moment et quel endroit ils doivent tirer sur les troupes syriennes ne revient-il pas de facto à participer militairement au conflit ? L’Occident semble donc loin d’être neutre et habité par de louables intentions. En cette époque de crise et de récession, il peut même se targuer de mener une guerre low cost dans laquelle les seules victimes sont des Arabes.

En rappelant ces faits, notre but n’est absolument pas de minimiser les responsabilités du gouvernement de Damas dans la terrible répression du mouvement de contestation syrien, les crimes d’Etat commis au nom de « la paix et la sécurité », le degré de corruption de certains hauts fonctionnaires de l’Etat, la cruauté de ses services de renseignement, ni l’impunité dont ils ont trop longtemps bénéficié. Tous ces facteurs internes de la tragédie syrienne font partie des éléments déclencheurs de la légitime révolte populaire lancée en mars 2011.

Nous réitérons au passage notre profonde indignation face au degré de violence du conflit syrien et souhaitons que le peuple syrien puisse accéder à l’improbable démocratie à laquelle il aspire légitimement.

En soulignant le rôle de l’Occident dans la militarisation de l’Etat syrien, nous tenons avant tout à renouveler cet avertissement à ceux qui croient en « la libération » du peuple syrien par la voie des armes : au-delà du caractère illégitime de l’action de nos pompiers pyromanes, celle-ci a pour seul résultat l’augmentation de la souffrance de ce peuple et entraîne inexorablement l’humanité dans une aventure aux conséquences que nul ne peut aujourd’hui mesurer.

Les show médiatique d’un Laurent Fabius qui appelle au meurtre du président syrien (en déclarant qu’il ne mérite pas de vivre), celui d’un Didier Reynders qui vient de plaider au sommet de Paphos pour « le devoir d’ingérence » en Syrie ou les déclarations scandaleusement violentes de l’administration Obama ne font que précipiter l’humanité vers ce chaos.

Hier -au nom du respect de la souveraineté des peuples, de l’humanisme et de la paix-, nous, avons dénoncé l’invasion de l’Afghanistan sans pour autant éprouver de sympathie pour les Talibans. Nous avons manifesté contre l’invasion de l’Irak sans pour autant défendre le président Saddam Hussein. Nous avons protesté contre l’ingérence occidentale en Côte d’Ivoire sans être des laudateurs du président Laurent Gbagbo. Nous nous sommes indignés de l’implication occidentale dans la guerre civile libyenne sans adorer le dirigeant Kadhafi. Et aujourd’hui, nous nous insurgeons contre l’intervention militaire en cours en Syrie sans pour autant être des partisans du président Bachar El-Assad.

Constatant que la destruction de la Syrie ne profite qu’à ses ennemis de toujours, conscients que seules les initiatives prônant la paix, le dialogue et la réconciliation pourront offrir une alternative digne et viable au peuple syrien, nous appelons tous les véritables amis de la Syrie à condamner l’ingérence de nos dirigeants dans les affaires intérieures de ce pays.

Dans le cadre du lancement de notre campagne pour la paix, le dialogue et la réconciliation en Syrie, nous appelons à protester contre l’ingérence militaire occidentale par un rassemblement devant l’ambassade des Etats-Unis à Bruxelles le mardi 25 septembre à partir de 18 heures.

Pour le Comité contre l’ingérence en Syrie (CIS)
Bahar Kimyongür

comitesyrie@hotmail.fr

Ze Marché of ze Nations

Monday, September 10th, 2012

Après Johnny, le “Johnny national” des Français et des Belges, qui fut pourtant longtemps plus étatsunien qu’autre chose, c’est au tour d’un autre pauvre privilégié de la vie de venir demander la nationalité belge, un certain Bernard Arnault, l’homme le plus riche d’Europe, LVMH-man, l’un de ces hommes qui murmurent à l’oreille des présidents, tous partis confondus.

Dans le Canard Enchaîné de cette semaine, page 4, le non-lecteur de la Tribune ou des Echos apprend qu’il pourrait bien devenir moins intéressant pour un Français de mourir en Suisse, à partir de 2014, car le pays par excellence de l’évasion fiscale (bon, avec le Luxembourg, les Iles Caïmans, Gersey, le Liechtenstein, Monaco, Andorre, et une bonne cinquantaine d’autres destinations amusantes) pourrait en venir à taxer les successions comme en France suite à un accord avec son grand voisin.

En Belgique, une information sur un possible arrangement entre la Suisse et la Belgique concernant le secret bancaire et la taxation de capitaux discrets de certains de nos compatriotes a fait un petit buzz cette semaine. Mais comme Reynders n’est plus ministre des Phynances, il est possible que le côté un peu trop “One shot” de l’affaire, porteur électoralement, ne séduise pas tout le monde -mauvais joueurs!

Et on ose dire que le système n’est pas libéral

Qu’est-ce que le libéralisme, sinon la possibilité pour le consommateur de choisir à son gré le produit qu’il désire sur un marché ouvert, en fonction du prix, des conditions, des contraintes? Si je veux acheter une voiture, sur un marché libre, en effet, je dois considérer son prix, ses qualités propres, ses défauts, mais aussi les conditions de vente: la garantie qui l’accompagne, par exemple, mais également les conditions de financement ou les conditions de reprise, bref, plein de choses.

L’intervention des Etats dans ces conditions joue aussi: il arrive que, pour relancer l’économie, un Etat décide de réduire temporairement une taxe sur un produit (le carburant par exemple) ou de proposer de meilleures conditions de reprise de véhicules anciens. Le consommateur averti -et dans un marché libéral idéal, le consommateur est averti- profitera de ces moments également. Donc, le temps devient aussi un facteur à considérer sur le marché de la consommation. Quelque part, l’Etat étend le marché libéral au-delà de l’espace, dans le temps ((Oui, je sais, le temps était *déjà* une dimension économique sans l’Etat, oh, on chipote.)). Le “lieu” du marché avance dans la quatrième dimension.

Avec la mécanique quantique et la théorie des cordes, qui sait où le marché s’arrêtera…

Ceci pour rappeler que l’Etat, loin d’être un obstacle au libéralisme, en tant qu’acteur agissant sur le marché (que le consommateur, comme le producteur, le distributeur, le vendeur, doit considérer), au contraire, l’entretient, fait jouer les axes de la loi de l’offre et la demande. Geindre sur l’Etat sous prétexte qu’il serait un frein au marché est de la dernière des hypocrisies. Au contraire, l’Etat augmente les facteurs de décision, propose des arguments dynamiques au marché lorsque celui-ci a trop tendance à s’endormir.

C’est l’Etat qui ouvre les vannes de l’immigration, quand les entrepreneurs ont besoin de main-d’oeuvre corvéable et d’un matelas de chômeurs officiels, ou qui les ferme, non pas tant pour réduire ce matelas que pour clandestiniser les nouveaux arrivants pour des raisons aussi économiques que politiques.

C’est aussi l’Etat qui relance les investissements, par le jeu des Partenariats Public-Privé ou par les guerres qu’il provoque un peu partout dans le monde. Sans l’Etat, toute une série de grands chantiers n’auraient pas vu le jour, car le privé, qui aime la sécurité, n’aurait pas osé les entreprendre. Ce qui explique aussi le jeu de balancier entre les privatisations et les nationalisations qui, loin d’être purement idéologiques, suivent également des trajectoires mercantiles, l’Etat intervenant plus souvent lorsque les acteurs privés n’en peuvent mais, ou qu’ils ont besoin d’un coup de pouce par manque de capitaux -après tout, une nation, c’est un très, très vaste capital disponible et qu’il n’est pas inintéressant d’exploiter, mais… il ne faut pas que ça se voie trop…

C’est aussi l’Etat qui joue des coudes pour favoriser -ou non- les entreprises “nationales” (expression bien comique quand on sait que le capital se fiche des frontières), dans un souci certes électoral, mais surtout parce que l’Etat, en tant que facteur agissant sur l’économie, est le lieu d’un marché d’influences très important: avoir un pied, un bras, ou plus, au sein du législatif, ou mieux de l’exécutif, c’est, après tout, un actif au sein de son capital, c’est, pour une entreprise, aussi important que d’avoir des liquidités disponibles ou des biens immobiliers.

Lorsqu’une nation propose de meilleures conditions de vie aux grandes fortunes de ce monde, celles-ci se posent la question: vaut-il la peine de m’exiler pour rejoindre d’autres foyers? Autrement dit, l’investissement de l’ensemble des formalités, en plus du déménagement sera-t-il amorti par les avantages que je trouverai en traversant la frontière et en m’installant à Bâle ou à Uccle? C’est exactement ce genre de raisonnment que se font ces grandes fortunes, et c’est exactement ce genre de raisonnement que l’on se fait lorsqu’on hésite entre conserver sa bonne vieille guimbarde qui consomme un peu trop ou acheter le dernier outil technologique à consommation hybride (qui, par ailleurs, ne préservera guère plus l’environnement que si on avait gardé la vieille, mais nous sortons du sujet). Si vous n’avez pas de voiture, reportez le même raisonnement sur vos récentes hésitations concernant tel outil de communication -téléphone portable, netbook, tablette, que sais-je? C’est exactement la même idée: la France, pour Bernard Arnault, c’était à ses yeux un gros portable en bout de course, et il a décidé de s’offrir la dernière tablette, parce qu’au fond, son utilisation lui reviendra moins chère.

En quoi sortons-nous des principes du libéralisme?

Eclairez-moi, car je ne vois pas…

L’utopie, non; le désir…

Friday, July 13th, 2012

Je compte, en lisant le livre de Barjavel, Le Voyageur Imprudent, à combien de misères s’évalue ma joie de pouvoir contempler mon fils, rond et rose -je veux dire le contraire de faible et malade, comme l’histoire a porté la toute grande majorité des humains à ce jour. Naïveté, non; capacité de flouter ma conscience par moments, lorsque je ne la confronte pas à la lucidité de tels travaux -comme d’autres… J’aurais pu prendre Fallet, Proudhon, Camus, bien d’autres…

Nous possédons tous les outils aujourd’hui pour renverser les inexorabilités de la nature -celles que consacrent les darwinistes sociaux -manger ou être mangé -vaincre ou périr, et qui semblent justifier à leurs yeux toutes les bassesses envers le reste du genre humain pour entasser le plus possible de biens dans des forteresses imprenables. Nous pouvons mettre ces outils à la disposition de tous en quantité égale, histoire de permettre à chacun d’obtenir une chance plus ou moins égale de rechercher un bonheur fugace et léger sur Terre avant l’obscurité totale. Mais ce que nous possédons, une minorité considère juste de se l’accaparer.

Que retardent-ils, sinon le passage dans l’éternité de l’oubli? Aussi, accumulent-ils des quantités effarantes de souffrances pour de futiles instants que l’on peut compter en années, en décennies, qu’on comptera peut-être en un peu plus que cela dans quelques temps -À quoi bon? Ces sursis sont minables, ce qui les permet méprisables.

Abolissons la possibilité d’encercler les biens qui permettraient de soulager la plus grande partie des souffrances de l’humanité (avant, qui sait, d’aborder celles du monde); abolissons la propriété privée, mais aussi celle de l’État; abolissons les privilèges, les verticalités, les “grands hommes”, qui ne seraient rien sans tous ceux qui les ont portés -à tort et dans l’ignorance-; abolissons les limites iniques à la recherche du bonheur que sont les frontières, les hiérarchies, les serrures, les codes et les videurs.

En anarchie, il y aura toujours des secrets, des trahisons, des coups dans le dos: on ne sera pas meilleurs pour autant, mais les enjeux seront tellement moins importants… Impossible pour un crétin de déclencher une guerre, d’accumuler les moyens de former une armée, de “prendre possession” de terres, d’usines, de femmes… Il y aura toujours des crimes, c’est vrai, on imagine mal un monde sans Othello, même si Iago n’aura plus de raison d’être… Les motifs des racismes, des nationalismes, des impérialismes auront cependant disparu… J’ose affirmer que le temps de deux générations l’aura montré.

Des luttes d’ego? Certainement. Mais impossible de les étendre à grande échelle, puisque ces échelles n’existeront plus. Des combats de coqs? Eh oui, mais ils devront se débrouiller sans poulailler. Peu à peu, les femmes et les enfants apprendront qu’ils n’appartiennent pas à leurs pères; et les contrats n’existant plus, nul ne pourra prétendre aux petits caractères…

Il y aura toujours des disettes, des carences, des maladies, des épidémies, mais elles ne seront pas organisées et nul ne pourra profiter, spéculer, détourner, éluder, marchander, sacrifier, emmagasiner, confisquer, mégoter, ergoter, louvoyer, escamoter, banquer, voler, emprunter, s’approprier, légiférer, reporter, emporter, déporter, rapporter, dénoncer, étatiser, nationaliser, multinationaliser, privatiser, sécuriser, limiter, autoriser, comptabiliser, minauder, militariser, évincer, dépasser, gratter, grignoter, siphonner, emmurer, amonceler, évincer, juger, administrer, admonester, attribuer, convoiter, bref, démutualiser, décollectiviser, désindividualiser, sans que nous ne lui tombions sur le dos en lui en rappelant l’impossibilité, l’inanité, l’iniquité, l’inhumanité.

Au moins l’inhumanité telle que nous aurons redéfini l’humain.

L’inertie est de droite

Wednesday, June 27th, 2012

Je ne voudrais pas que l’on s’imagine ce texte « de circonstance », suite aux dernières élections françaises ou à l’apparition d’un nouveau machin dans le spectre des partis en Belgique francophone. La réflexion en est beaucoup plus structurelle, bien plus liée à une réalité historique, une forme de constance, une logique malheureusement vigoureuse.

Le scénario du monde n’est pas un scénario de solidarité, d’émancipation, de mieux-être général et individuel. La tendance lourde, celle des directions nationales et internationales, va dans un sens général autoritaire, élitiste, mercantile. La droite mène le monde par le rapport de force, parce que le rapport de force ne peut que profiter, par définition, aux plus forts, et que les plus forts, fatalement, ce sont avant tout ceux qui capitalisent, autrement dit des habitués de la droite. Ce raisonnement peut s’étendre par ailleurs vers les grandes organisations non-étatiques, telles que les ONGs et les syndicats, mais aussi, évidemment, les entreprises.

Dois-je nuancer ? Bien sûr : il existe des personnes sincèrement de gauche dans tous les espaces dont je viens de parler, des personnes qui, à tort ou à raison, estiment faire œuvre utile et de gauche au sein de ces entités -y compris dans les entreprises-, et sinon ouvertement de gauche, humaniste, solidaire, compassionnelle, émancipatrice -donc, de gauche, bien qu’elles refusent de le reconnaître.

Si l’on définit la gauche par la promotion d’une plus grande, d’une plus large émancipation, d’une solidarité plus forte et étendue, d’une vision plus horizontale de la gestion, tant locale que globale, il y a beaucoup d’individus qui se disent de gauche et ne le sont pas, comme il y en a beaucoup qui refusent de se dire de gauche, et le sont pourtant.

Mais s’il y a bien une chose qui empêche d’être de gauche, c’est l’inertie. Avoir des idées de gauche, penser à gauche, se dire de gauche, ne suffit en aucune manière pour l’être. Être de gauche réside dans l’action, dans le faire, dans l’opposition à l’inertie, car l’inertie est de droite. Dire, mais ne rien faire, ou en tout cas ne rien faire dans le sens de la gauche (de l’émancipation, de la solidarité, de l’horizontalité), c’est en réalité faire le jeu de la droite, et donc être de droite. Parce que faire -ou ne pas faire- dans le sens de la droite catalogue à droite.

Globalement, les partis sont de droite, ou tendent vers la droite dès qu’on en néglige les principes, les bases de gauche. Si le tribun peut être de gauche, le césarisme est de droite, et donc l’héroïsation, la personnification du pouvoir (méfions-nous des tribuns dès qu’ils sortent de leur rôle) est de droite ; la confiscation du pouvoir au sein d’un parti par un petit groupe ne peut que rappeler l’aristocratie, et l’abandon des beaux principes de rotation des élus, par exemple, est clairement un réflexe de droite qu’il s’agit de combattre si l’on est sincèrement de gauche -qu’importe les résultats immédiats ! -qu’importe les visions tactiques !; les concessions estimées nécessaires, les compromis permettant une politique des petits pas, ces concessions étant sacrificielles de droits ou d’intérêts de gauche, ne permettant pas une amélioration générale des principes de gauche, sont à proscrire, car il ne sert à rien d’avancer d’un pied à gauche, si l’on cède à droite de l’autre côté -la souffrance, la répression, l’oppression des uns ne peuvent être compensées par la diminution de celles des autres ; ainsi, les solutions globales, venant d’en haut, des échelons élevés, estimant ne pas pouvoir tenir compte des réalités de terrain, sont également des visions droitières, même si ceux qui les mènent s’estiment sincèrement de gauche.

On peut ainsi dessiner des visions, non pas manichéennes, mais tendancielles, de gauche et de droite, avec des destins dont les trajectoires politiques se croisent, se perdent dans leurs actes. Il est d’ailleurs possible d’être qualifié alternativement de gauche ou de droite suivant ses positions dans des domaines différents. Mais, au total, celui qui estime pouvoir se retrouver au centre, modéré, nuancé, fait le jeu de la droite, car il va dans le sens de la chute, de la gravité politique, qui est de droite, alors que la gauche est le sens de l’effort, du vol, de l’ascension. Sans vouloir jouer d’une image eschatologique paradis-enfer, l’idée de considérer la droite comme la solution de facilité et la gauche comme celle du travail nous autorise à cette métaphore de l’envol, de la poursuite vers la lumière. Coupons la métaphore ici, je m’en voudrais qu’elle puisse permettre d’évoquer une opposition du genre « consommation d’énergie de gauche – paresse de droite », la gauche se retrouvant plus souvent dans l’économie de l’énergie et la droite dans la surproduction et la croissance.

Mais donc, ne baissons pas les bras, tant que nous conservons le crédit d’énergie de notre jeunesse ou de notre expérience, la capacité de choisir, la liberté de refuser. Soyons de gauche, et donc agissons comme tels.

Démocratie sélective

Sunday, June 24th, 2012

Ferme soutien de mon ami Bahar, je vous propose aujourd’hui un de ses récents articles (écrit à la 3e personne du singulier, ce qui est une marque de grande humilité, à l’instar de Jules César):

De la torture, en veux-tu en voilà
Bahar Kimyongür

A notre connaissance, jamais un bureau des droits de l’homme n’a occupé autant de place dans la presse mainstream. Nous parlons bien sûr de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), cette officine située à Londres, en très bons termes avec l’administration Cameron et animée par un homme d’affaires, Oussama Ali Souleimane alias Rami Abdel Rahmane. Dans ses communiqués repris comme parole d’évangile par les agences de presse, l’OSDH fait régulièrement passer des combattants armés pour des victimes civiles, classe les victimes « pro-Bachar » de l’insurrection parmi les victimes de l’armée gouvernementale et gonfle sa liste nécrologique avec de décès « apolitiques », notamment des accidentés de la route. Surfant sur le succès de l’OSDH et dans l’espoir que les victimes du terrorisme de l’Etat turc soient un peu plus entendues, notre collaborateur et ami Bahar Kimyongür qui milite depuis plus de quinze ans pour la démocratisation de la Turquie, s’est autoproclamé « directeur de l’Observatoire turc des droits de l’homme » (OTDH). Les deux seules fois où il est passé à la télévision belge pour expliquer la situation en Turquie lui ont valu d’être poursuivi pour terrorisme. Syrie-Turquie, deux poids deux mesures ?

Voici des images qui ne feront pas le tour du monde (libre) :

http://www.youtube.com/watch?v=a3ED4-z-3QY&feature=related

Et pour cause, elles montrent un lynchage policier qui ne s’est déroulé ni en Iran, ni en Syrie mais en Turquie.

La Turquie, cette magnifique destination de vacances est aussi une belle dictature islamo-libérale placée sous la férule du Parti de la justice et du développement (AKP) depuis 10 ans et le garde-chiourme du monde « libre » depuis 60 ans, 1952 étant l’année de son adhésion à l’OTAN.

La victime de ce lynchage policier est un chauffeur pressé de conduire une femme enceinte à l’hôpital.

Pendant son contrôle d’identité, Ahmet Koca a eu le malheur de parler en kurde, la « langue des terroristes » selon ses tortionnaires.

Il subira une véritable ratonnade pendant de longues minutes devant la femme enceinte qu’il conduisait et devant ses enfants.

Ahmet Koca sera assommé par une volée de coups de poings, de coups de pied, de coups de matraque et de ceintures.

Le cas d’Ahmet Koca est loin d’être isolé. L’an dernier, au moment où la presse occidentale nous rivait les yeux sur la Syrie, la Ligue turque des droits de l’homme (IHD) a enregistré 3.252 cas de torture et de mauvais traitements dans les centres de détention turcs.

Voici quelques données chiffrées concernant l’ampleur du terrorisme d’État sévissant dans ce pays qui, paradoxalement, se situe à l’avant-garde de la guerre pour la démocratie en Syrie :

– Avec 96 journalistes emprisonnés (chiffres publiés le 18 juin 2012 par la Plate-forme de solidarité avec les journalistes emprisonnés – TGDP), la Turquie compte le plus grand nombre de journalistes incarcérés au monde. Ces derniers sont accusés à tort et à travers de terrorisme d’extrême-gauche, de terrorisme séparatiste ou de complot putschiste.

– La Turquie compte actuellement 8.010 prisonniers politiques (chiffres officiels de 2011) soit le plus grand nombre de prisonniers politiques au monde

– Les prisonniers politiques sont tués à petits feux dans le silence des cellules d’isolement (prisons de type F). Quant aux prisonniers de droit commun, ils sont tués à grandes flammes, parqués comme du bétail dans des dortoirs surpeuplés (prisons de type E) où règne une chaleur de plus de 40 degrés. Le 16 juin 2012 à Urfa, une mutinerie s’est soldée par la mort de 13 détenus, victimes de l’incendie qu’ils ont eux-mêmes allumés pour protester contre leurs conditions de détention inhumaines. La plus jeune des victimes avait 18 ans. La plus « âgée » : 34 ans. La révolte carcérale s’est propagée vers les prisons d’Adana, Osmaniye, Gaziantep où l’on dénombre de plusieurs blessés.

– Pas moins de 2.200 étudiants et lycéens croupissent dans les prisons pour avoir manifesté pacifiquement pour un enseignement gratuit et démocratique ou pour le respect de leurs droits nationaux et culturels
– D’après les chiffres publiés par le ministère turc de la justice en avril dernier, 2.281 enfants se trouvent derrière les barreaux. Ils subissent régulièrement des abus sexuels notamment à la prison de Pozanti.

– En dix ans de règne de l’AKP, 171 enfants auraient été tués par les forces de sécurité d’après la Ligue turque des droits de l’homme (IHD)

– L’armée turque utilise des armes chimiques et du napalm contre les maquisards kurdes. Le 22 octobre 2011, 24 combattants kurdes ont perdu la vie sous les bombes chimiques interdites larguées par l’aviation militaire.

– L’armée turque utilise des drones israéliens Heron ou des drones américains Predator contre la rébellion kurde. De nombreux villageois sont victimes de ces opérations meurtrières. Le 28 décembre dernier, 34 civils kurdes ont été tués à Uludere/Roboski.

– La police exerce une violence létale contre les rassemblements démocratiques à travers l’usage de matraques ou de gaz lacrymogènes hautement toxiques. Le 28 mai dernier, Cayan Birben, 31 ans, est mort asphyxié par les bombes à gaz de la police. Birben est la 6e victime de ces gaz en un an.

– Le parlement turc compte huit députés de l’AKP réputés proches des djihadistes qui ont bouté le feu à l’hôtel Madimak le 2 juillet 1993 tuant 34 intellectuels. Il s’agit de Zeyid Aslan, Hüsnü Tuna, Ali Bulut, Ali Aslik, Halil Ürün, Haydar Kemal Kurt, Bülent Tüfekçi et Ibrahim Hakki Aksar.

Malgré la terreur que fait régner cette dictature pro-occidentale et membre de l’OTAN sur nos peuples, l’opposition turque n’a jamais sollicité la moindre intervention de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) ni celle des États-membres de l’Alliance bolivarienne pour les Amériques (ALBA).

Consciente que seule la lutte sociale permettra de faire de la Turquie une patrie libre et démocratique, l’opposition turque remercie cette autre communauté internationale (dont se gausse bien entendu l’Occident nombriliste et “humanitaire”) pour son respect envers notre droit de disposer de nous-mêmes.

Observatoire turc des droits de l’homme (OTDH)
otdh.turquie@yahoo.fr
Le 21 juin 2012

Quand ils sont venus jeter la Grèce, je n’ai rien dit…

Monday, May 14th, 2012

Et si, au lieu de mettre la Grèce dehors, on y réfléchissait à deux fois…

Quel pays fait pression sur nos salaires sous prétexte qu’il est le pays le plus compétitif et qu’il exporte plus qu’il importe?

Dans quel pays un chef d’Etat “social-démocrate” a-t-il permis que les entreprises engagent des mandaïs à 1 euro de l’heure?

Quel pays est un modèle de traitement des étrangers en Europe?

Le chef d’Etat de quel pays est actuellement le blocage principal à une politique un chouia différente histoire de considérer la crise autrement qu’à l’aune de la rigueur?

Alors, certes, je ne me fais guère d’illusion sur les dirigeants des autres pays de l’UE, mais, à tout prendre, s’il faut sortir un pays de l’UE, si on considère que l’important dans une Union Internationale, c’est la solidarité, et pas la compétitivité, alors, c’est les Teutons qu’il faut sortir, et pas les Grecs.

Si on sortait l’Allemagne Fédérale, que se passerait-il?

On donnerait un signal fort que ce sont les partenaires les moins intéressants socialement qui risquent le plus gros;
L’Euro se prendrait un grand coup dans les dents et on aurait en retour plein de touristes et les exportations reprendraient de plus belle;
Les moins forts de l’UE se sentiraient plus à l’aise dans la discussion, et il me semble que dans une organisation qui se veut collective, marcher au rythme des moins rapides est plus intelligent que de faire courir tout le monde;
De la même manière, les petits pays gagneraient en poids pour rééquilibrer le dialogue, aujourd’hui dominé par quelques grosses pointures.

En plus, il paraît qu’elle y pense…

Alors, aidons-la…

Elections, tu nous parles

Sunday, May 6th, 2012

Ce soir, un nouveau président en France… Ou un ancien qui se renouvelle, enfin, on s’en fout, puisque la démocratie, étant en marche, le président n’est jamais que le chef de l’exécutif qui doit faire tout ce que le législatif lui dit de faire là où il lui dit de le faire quand il lui dit de le faire.

Non?

Ah! Ou alors, c’est vraiment important? Ah ben oui, on n’est pas encore dans la VIe République-où-c’que-le-pouvoir-personnel-ben-y-s’ra-aboli-y-s’rait-temps. Et, dans ce cas, les 50,1% de votants qui s’esbaudiront de la victoire de leur poulain ne manqueront pas de faire -tous- la fête dans les rues de France, se moquant gentiment des 49,9% qui se seront ramassés dans leur choix. Ben oui, puisque l’homme qui les représentera pile-poil comme ils veulent, ben, il sera élu. Et ce seront les aut’s qui l’auront dans le fion. Si tout se passe donc comme prévu une bonne dizaine de millions de bobos à lunettes ou de beaufs intégraux devraient danser la guinguette des Champs Elysées jusqu’à la Promenade des Anglais ((Sans compter les Froggies qui se sont réfugiés dans notre paradis fiscal d’Outre-Quiévrain.))… Logique, non?

Tout chiffre inférieur serait immanquablement la preuve qu’une proportion des votants ne sont rien que des tièdes qui n’assument pas leur vote. Il faudrait donc les envoyer à la guillotine, comme la tradition révolutionnaire, modèle républicain, l’exige. En passant, ça ferait de la place dans les dernières usines et ça ferait du boulot dans les orphelinats. Je ne vois pas les inconvénients.

Le retour aux principes révolutionnaires m’apparaît comme une évidence, à une époque où la crise économique, la menace de conflits toujours plus nombreux, la multipolarisation des forces en présence, le rejet de plus en plus affirmé (en comparaison avec quand?) de l’autre “qui n’est pas soi forcément puisqu’il est différent”, tout ça implique des solutions radicales telles que, dans le désordre:

-mettre plus de flics dans les rues (on n’y avait pas pensé);

-mettre plus d’étrangers dans des pullmans (ça ne s’était jamais fait);

-mettre plus de chômeurs au boulot (oh, ben, ça c’est chic);

réenchanter le rapport au monde (vive la philosophie consommée);

vendre plus de choses -y compris des trucs gratuits ((D’ailleurs, la gratuité, ça n’existe pas, on te l’a dit, c’est sûrement vrai, sauf dans les boîtes de céréales.)) jusque là- à plus de gens même s’ils n’ont pas d’argent (ça, c’est de la bonne);

-donner plus de pouvoir à moins de gens qui savent plus et mieux que nous (ça, j’ai l’impression qu’on l’a déjà fait, aussi, mais je ne me rappelle plus quand… ça fait un peu pyramide, non?);

-faire plus de lois qui coûtent plus cher et faire des économies là où le privé peut faire moins bien pour le même prix (ça nous rappellera le XIXe Siècle).

Ca, c’est radical différent. Ca va nous faire rêver. Mais pourquoi on n’y avait pas pensé tout seuls? Qu’est-ce qu’on a à foutre d’une santé et d’une éducation bon marché si on n’a pas le droit de nous acheter toutes les consoles de jeu et les outils de communication radieuse dont on se passait jusque là -on se demande encore comment.

En fait, l’avantage, c’est qu’on n’a même pas besoin d’y penser tout seuls, vu que là, comme ils nous l’expliquent si bien, c’est la crise. La criiiiiiiiiiiiise… LA CRISE, BORDEL!

C’est la crise!

Et donc, tes élections… Elles te parlent…

Vote.

Et va faire la guinche.

Là où on te dit de faire.

Oublie pas le péage.