Archive for the ‘politopics’ Category

Brève de comptoir, mais alors vraiment de comptoir

Wednesday, April 25th, 2012

Reprise du Canard Enchaîné de ce 25 avril, cette information sur le barouf du Parti Socialiste français à Lille, ce 17 avril dernier, dont je ne parlerais pas si, de notre côté de la frontière, les libéraux n’en avaient fait un tel caca nerveux concernant la présence d’Elio Di Rupo, dont le noeud-pap’ voulait soutenir l’ex-humoriste (de deuxième catégorie) qui vient d’arriver au deuxième tour des zélections présidentielles françaises.

A la fin dudit Congrès, “La plupart des (…) ténors du PS ont vidé les lieux rapidement (…). Ne restent avec le candidat que Jospin (…), Pierre Moscovici et le Premier ministre belge, Elio Di Rupo. (…) Le lendemain, Hollande raconte la scène à ses lieutenants au QG de campagne: “Martine (Aubry) avait disparu, rien n’avait été prévu pour que l’on puisse se restaurer, pas même un sandwich. Je me suis retrouvé seul avec Lionel, Elio Di Rupo et Pierre devant une assiette de cacahuètes.”

Elio, pilier de bar, a donc fait la fermeture dans une boîte de Lille avec quelques copains…

Et c’est pour ça qu’on a fait un tel foin? Comme si la charge de Premier devait aussitôt empêcher not’ brav’ Elio de s’amuser un peu en faisant la tournée des bars chez les Chtimis…

Et vice versa…

Saturday, February 18th, 2012

Le Soir est-il politiquement engagé?

Certes, oui, mais dans quelle direction? Analysons un article mis en ligne ce samedi pour s’en faire une petite idée:

Des navires de guerre iraniens franchissent le canal de Suez

Rien que le titre devrait nous mettre la puce à l’oreille: serait-ce que lorsque ce même canal est traversé par un navire étatsunien, britannique, français, israélien ou issu d’un autre pays de l’axe du bien, même non démocratique (tout peut se discuter), le Soir écrit-il un article? Vous allez me dire: c’est le contexte… L’Iran, les avancées nucléaires, le Détroit d’Ormuz…

De fait, ce contexte devrait nous être rappelé, avec toutes les bases étatsuniennes et alliée qui encerclent l’Iran, les prétentions civiles du nucléaire iranien, les deux à trois cents têtes nucléaires avérées de la première puissance militaire de la région (Israël) ((Jimmy Carter a récemment émis l’hypothèse que l’Iran puisse effectivement mentir et construire deux ou trois ogives nucléaires. Sa réaction était en réponse qu’il n’y voyait guère la moindre menace considérant la masse nucléaire que représente l’Etat d’Israël. Carter aurait pu aussi bien évoquer les milliers de têtes nucléaires étatsuniennes dont une grande quantité se trouvent stockées sur des navires dans la région dont question.)), et le fait que le Détroit dOrmuz se trouve dans les eaux territoriales de l’Iran bien plus que dans celles de n’importe quel Etat qui lui conteste le droit d’y envisager un blocus. Dont acte.

C’est la seconde mission en un an que les navires de guerre iraniens effectuent dans la Méditerranée.

Ciel! Et la première s’est bien passée? Que peut-on craindre de celle-ci?

Des navires de guerre iraniens sont entrés samedi en Méditerranée après avoir franchi le canal de Suez, a annoncé le commandant en chef de la marine l’amiral Habibollah Sayyari, cité par l’agence officielle Irna.

Il n’a pas donné de précisions sur la destination ou la mission de ces bâtiments, se bornant à indiquer qu’ils portaient « un message de paix et d’amitié » aux pays de la région mais « montrent également la puissance de la République islamique d’Iran ».

Jusqu’à preuve du contraire, ces navires iraniens (à moins qu’on nous ait menti depuis des décennies sur la puissance de feu de l’Otan) ne constituent en rien une menace pour aucune nation “libre” du monde. Le message de paix proclamé, il est vrai, serait sans doute plus crédible avec un navire de plaisance, un bateau-école ou un canot de Greenpeace, mais, bon, on a vu pire avec des messages similaires transportés par des porte-avions occidentaux ((Vu qu’ils ne sont pas des gens comme nous, on les imagine mal utiliser une colombe, évidemment.)).

Les navires ayant traversé samedi le canal de Suez pourraient être le destroyer Shahid Qandi et le bâtiment de soutien et de ravitaillement Kharg.

C’est pas pour dire, mais question précision de l’information, on a fait mieux… Cela dit, si le plus gros machin que les Iraniens nous envoie est un destroyer, même nos dragueurs de mines nationaux pourraient leur contester la prééminence en Mare Nostrum -on peut rire un peu…

Lors de la première mission en Méditerranée de la marine iranienne, les deux navires s’étaient rendus en Syrie pour une escale au port de Lattaquié avant de regagner la mer Rouge et l’Iran.

Ah ben revoilà la mission de l’an dernier… On peut pas dire qu’elle ait brillé par ses exploits guerriers… Et pourtant:

Cette première mission avait suscité de vives réactions de la part d’Israël qui l’avait qualifiée de « provocation » et avait mis sa marine en état d’alerte, tandis que Washington avait lancé un avertissement aux navires iraniens en leur demandant de « se conformer aux lois internationales et n’entreprendre aucune action qui pourrait compromettre la sécurité ».

Les Zuessa mettent-ils aussi en garde dans les mêmes termes les navires de guerre canadiens quand ils quittent un port proche des côtes du Maine ou de Colombia? Renâclent-ils à l’idée d’un baleinier japonais proche des eaux territoriales de l’Alaska? Sûrement pas: les Iraniens, ce sont sans doute de grands enfants qui ne respectent les règles QUE si on les leur rappelle…

Quant à Israël, oui, certes, bon… Ben oui… Mais on ne peut rien dire sur Israël, sinon on est antisémite, alors, bon, rien…

La nouvelle mission iranienne en Méditerranée intervient alors que les tensions entre Israël et l’Iran sont au plus haut, alimentées par la crise autour du programme nucléaire iranien et les récents attentats anti-israéliens en Inde et en Thaïlande attribués par l’Etat hébreu à Téhéran.

Tiens, et ça n’a pas de lien avec les attentats attribués au Mossad et ayant touché des scientifiques iraniens sur le sol iranien? Ah ben non. Ou alors le Soir n’est pas au courant. Ni AFP, dont le journal reprend la dépêche.

Est-ce que le Soir, par ailleurs, ou AFP, font le décompte de l’ensemble des navires occidentaux qui manoeuvrent du côté d’Ormuz? des troupes qui patrouillent autour de la République, certes islamique, mais dotée d’un parlement élu, d’un président élu, qui ne nous réjouissent peut-être guère, mais bon, sommes-nous VRAIMENT une référence démocratique? Le Soir a-t-il véritablement produit un message intéressant, apaisant, propre à informer ses lecteurs autrement qu’en leur foutant la trouille-genre-attention-les-vilains-Perses-sont-à-deux-doigts-de-nous-envahir-avec-une-flotte-innombrable-d’au-moins-2-(deux!)-navires-de-GUERRE, oui, de guerre, de guerre, ça dit bien ce que ça veut dire, non?

Allez, ils nous ont déjà fait le coup avec Saddam, Mouamar et les autres… C’était sans doute des coups d’essai: si ça marche contre des dictateurs laïcs, ça marchera contre des présidents fondamentalistes: quelle différence après tout? Et puis, c’est dans les vieilles casseroles qu’on fait les meilleures soupes…

Journal d’un ingénu à Jérusalem

Wednesday, January 4th, 2012

Guy Delisle accompagne sa femme qui travaille pour MSF dans les coins du monde où vaque cette ONG. Après la Corée du Nord et la Birmanie, il passe donc un an à Jérusalem-Est, arrivant dans une totale ignorance de la situation locale. Peu à peu, il découvre, dessine, se défend de juger, relate, souffle, peste en silence, dessine encore, reste remarquablement stoïque…

Au bout d’un an, en dépit de toutes les difficultés, il regrette de partir si tôt; il s’est attaché à ceux qu’il y a rencontrés. Mais sa vision des choses est à la fois émouvante, drôle et fûtée car, parti sans préjugé, il ne peut s’empêcher de poser les poids dans la même balance…

“Chronique de Jérusalem” rapporte le quotidien d’un dessinateur père au foyer entre août 2009 et juillet 2010, témoin presque direct de l’Opération Plomb Fondu et du surréalisme dramatique des situations vécues par les habitants de Jérusalem et de ses alentours, au hasard de ses visites touristiques, de ses désirs de rencontre, de son travail aussi -il fait des conférences et organise des stages dans les écoles d’art et les universités.

Son point de vue reste mesuré, mais ses récits sont sans appel face aux abus de pouvoir de l’Etat d’Israël, des colons, des Hassirim… Avec un ton mi-détaché, mi-surpris, sans chercher jamais à manifester publiquement son indignation, il ne fait qu’exposer des réalités concrètes et, à travers elles, les humiliations au quotidien des Palestiniens.

Et on se rappelle alors que, en 2002, il y a eu 55 attentats suicides pour 5 millions d’habitants palestiniens, mais que ce sont ces 5 millions qui paient collectivement, tels des Philistins, parce que l’Etat israélien se la joue David contre Goliath…

Bien vu, Guy le calme.

Guy Delisle, Chronique de Jérusalem, Shampooing, 2011, 334 p. de dessins.

Bienvenue chez vous

Friday, November 25th, 2011

http://gettingthevoiceout.wordpress.com/about/en-tant-que-refugie-tu-n-es-pas-le-bienvenu-en-europe/

En tant que réfugié, tu n’ es pas le bienvenu en Europe

Issa Salah 50 ans, Palestinien détenu au centre fermé 127bis à Steenokkerzeel depuis le 12 septembre 2011. Interview du dimanche 30 octobre 2011.

Ceci n’est pas une transcription de son interview. Monsieur Issa Salah nous a demandé de rajouter certains éléments importants dont il n’a pas eu l’occasion de parler lors de l’interview. Il demande que son histoire soit connue de tous et diffusée.

“J’ai appris une chose ici : En tant que réfugié, tu n’ es pas le bienvenu en Europe. Ils te mettent en prison sans que tu ais commis de crime, ils te traitent sans aucun respect. Je conseille à tout le monde de rester sur le territoire arabe. Je pensais pouvoir lutter en Europe pour une Palestine libre, mais je vois maintenant que je ne suis pas le bienvenu et que je n’ai pas plus de droits ici. Mon souhait est de retourner en Palestine, où j’ai encore des frères et soeurs et de réunir ma famille, ou de rester en Belgique avec mon fils.”

Ses combats :

En 1967: la famille de Salah Issa fuit la Palestine. Issa a 6 ans. Ils s’installent à Beyrouth, dans le camp de réfugié Tel Al Za’atar. En raison du statut de réfugié palestinien au Liban, il a, comme tous les autres réfugiés palestiniens, suivit des cours dans les écoles de l’UNRWA.

Entre 1975-1974 suite à l’attaque du camp par le kata’eb militias libanais (Salah Issa a 14 ans) il devient combattant pour protéger le camp. L’OLP ordonne finalement aux combattants de se retirer vers la zone Beqaadans l’est du Liban. Il reste là un certain temps avant de revenir avec l’OLP à Beyrouth.

En 1982 suite aux conflits dans le Sud Libanil reprend le combat et y perd beaucoup d’amis. Il frôle lui-même la mort dans un raid de l’armée Israélienne. La même année, après l’expulsion de l’OLP du Liban il retourne en Syrie et y poursuit ses études (Grâce à un accord avec le régime syrien, il a l’occasion d’étudier la dentisterie).

En 1983 suite à la scission entre le Fatah et la Syrie, il passe trois mois en prison en raison de son activisme politique au sein du Fatah. Il est menacé d’expulsion s’il continue.
IL se rend à Chypre comme la majorité des combattants de l’OLP et choisit ensuite d’aller au Soudan. (“Under the agreed evacuation plan most of the PLO fighters will go to Cyprus and then be dispersed to Jordan, Syria, Iraq, Sudan, North and South Yemen, Tunisia and Greece.”)(http://news.bbc.co.uk/onthisday/hi/dates/stories/august/30/newsid_2536000/2536441.stm)

En 1985, Pauline Cutting (MAP) et lui-même retourne au Liban. Il vit à Burj IL Barajnehoù les réfugiés palestiniens vivent dans des conditions épouvantables.

En 1986, il retourne au Soudan après un nouveau passage à Chypre où il travaille en tant que dentiste.

En 1988, il revient au Liban. Il apprend que le ‘Fatah al Intifada’, un groupe militant soutenu par le gouvernement syrien a tué son père à cause de son soutien à l’OLP.
Il travaille à l’hôpital du croisant rouge Bar Elias à Beqaa. Il se marie et a des enfants.

En avril 2009, alors qu’il travaille, on essaye de le tuer avec une arme à feu. Son patient reçoit des balles dans le dos et reste invalide. L’agresseur de l’attaque est connu des autorités libanaises mais ils refusent d’enregistrer l’incident. D’après lui, c’est une attaque politiquement motivée.
Il travaille ensuite avec le Fatah et l’OLP au Liban où il est chargé d’enquêter sur la corruption au sein des groupes. Son patron est tué (Dr Kamal Mithat) car il était en possession de documents concernant la corruption au sein du Fatah.

En juin 2009, des membres du Fatah attaquent sa maison. Les renseignements libanais lui disent de quitter le Liban car ils sont incapables d’assurer sa sécurité.

Ses migrations :

Le 11 octobre 2009, il quitte le Liban avec un faux passeport, après 44 ans de vie sans droits. Il y laisse sa femme et son fils, en espérant pouvoir les faire venir un jour en Europe. Il part à la recherche d’un pays démocratique qui respecte les droits de l’homme, afin d’y continuer son activisme. Il désire être reconnu comme réel citoyen et bénéficier de droits. Isa Salah pense aller à Copenhague. Il traverse la Turquie et arrive à Budapest en Hongrie.

En novembre 2009, il s’y fait arrêter. Il passe alors 230 jours dans différentes prisons hongroises. Ils prennent 17 fois ses empreintes digitales, et lui font subir de nombreux interrogatoires afin de lui retirer des informations sur ses activités politiques. Le 21 avril 2010, il est transféré dans un centre ouvert pour lui permettre de demander l’asile. Il ne veut pas demander l’asile en Hongrie, vu les mauvais traitements qu’il a subit. Il obtient un passeport Egyptien avec lequel il part pour la Syrie.

En juin 2010, il arrive en Syrie et y cherche de l’aide médicale, mais il ne veut pas rester là. Il essaie de renouveler son passeport palestinien. Il l’obtient en décembre 2010, accompagné de la preuve qu’il y a plus de 3 mois qu’il a quitté la Hongrie et qu’il réside en Syrie

En janvier 2011, il part vers la Belgique à la recherche de son fils qui y réside depuis janvier 2010.

Il voyage en voiture et arrive à Istanbul le 25 janvier 2011. Il quitte la Turquie en camion et arrive en Belgique le 2 Février 2011

Le 3 février 2011, Issa Salah demande l’asile au CGRA à Bruxelles.
Il est envoyé dans le centre ouvert de Gembloux. Après 4 mois il est transféré dans un autre centre ouvert à Herbaymont. C’est là qu’il apprend que sa demande d’asile est refusée. Une demande 9ter pour raison médicale est aussi refusée.

Le 12 septembre 2011, il est appelé pour une interview à l’Office des étrangers : il se fait alors arrêter et transférer au centre fermé 127 bis. On lui annonce qu’il sera renvoyé vers la Hongrie. Issa Salah a très peur. Il ne veut pas retourner en Hongrie après l’ expérience terrible qu’il a eu là-bas. Son avocat obtient une suspension de cette expulsion vers la Hongrie.

Par contre, on lui fait signer un document disant qu’il ne demandera plus l’asile dans aucun pays européen. Issa Salah signe le document (sans l’accord de son avocat) et demande un retour volontaire vers la Palestine.

Le 19 octobre 2011, Issa apprend que son retour vers la Palestine est refusé par les autorités Israéliennes qui refusent de lui délivrer une carte verte.

On le menace de l’expulser vers la Syrie, pays par lequel il est passé pour venir en Belgique. De peur de se retrouver en Syrie où il risque des gros problèmes suite à ses implications comme activiste et ses liens avec l’OLP, il demande un retour volontaire (vers le Liban cette fois-ci), même s’il sait que le Liban risque aussi de le refuser à cause de ses opinions politiques.

Au centre fermé, il vit dans des conditions très difficiles : la nourriture est très mauvaise, il y a 1 wc pour les 30 détenus, la température dans les pièces est très basse. De plus, il a de gros problèmes de santé et souffre de plusieurs pathologies. Il a plusieurs rendez-vous chez des spécialistes dans le courant de novembre et décembre et il semble qu’une opération chirurgicale soit envisagée.

L’avocat refait une demande de régularisation 9ter sur base médicale et lui propose de faire une demande de statut “apatride”, car il ne pourra pas rentrer ni en Palestine, ni au Liban. Mais Issa Salah ne veut pas de ce statut d’«apatride» car il veut pouvoir circuler librement et retourner en Palestine, y rassembler sa famille qui y vit…

Ce 25 novembre 20011, on va l’amener à l’ambassade du Liban pour obtenir un laissez-passer pour pouvoir l’expulser vers le Liban……

A suivre……

L’agitée du facial et l’outré sans accent.

Tuesday, November 22nd, 2011

“Qu’on arrête les slogans: il n’y a pas de petite, moyenne ou grande classe. Il n’y a que des hommes et des femmes.” ((Le Soir, 22/11, p. 2))

Laurette Onkelinx est une professionnelle de la politique depuis plus de trente ans. On peut difficilement penser qu’il s’agisse ici dans son chef d’une phrase lancée sous le coup de l’émotion. Et c’est bien ça le pire: la pseudo-défenderesse des travailleurs ((Comme elle s’affirmait encore sur RTL hier soir et sur Matin-Première aujourd’hui.)) entérine -est-ce une surprise, certes non- la fin de la lutte des classes.

Qu’à la limite elle ne distingue plus la classe moyenne de celle des travailleurs, soit, c’est même de bonne composition dans un pays prospère comme le nôtre, en comparaison des deux tiers des Etats où ça n’est pas encore le cas, mais qu’elle y intègre la “grande classe” (drôle d’expression), il y a de quoi faire bondir même un syndicaliste FGTB expérimenté.

C’est une phrase, en pleine crise institutionnelle, lourde de sens, en dépit des rodomontades du MR et du VLD, des pseudo-renoncements du PS et du SP.A: elle signifie clairement que les “libéraux” (ou les partis de centre-droite, ou les neuneus, ou tout ce que vous voudrez mettre à leur place) n’ont théoriquement plus grand’chose à craindre d’un parti qui s’affiche encore avec un grand S sur son drapeau: en réalité, la dérégulation libérale est en route à l’échelon de l’Union Européenne, comme au fédéral, depuis des dizaines d’années. La seule chose que les pseudos-libéraux peuvent craindre, c’est que dans un jour prochain, ils perdent le reste de leur fond de commerce -a’pu’rin’à défend’, on a tout-. Sinon, pourquoi le MR de Charles Michel ne cesse-t-il de répéter qu’il est là pour défendre les travailleurs?

Comment expliquer qu’une rhétorique se retrouve à ce point retournée dans les bouches des communicants politiques?
Ce n’est pas neuf, évidemment: les éléments de discours des différents partis “de gauche” européens qui reprennent en choeur les nécessités de compétitivité, de productivité, suivent des logiques largement capitalistes: essayez de retrouver ces idées positivement dans un texte de Marx ou de Kropotkine, vous serez, je pense, bien en peine.
De l’autre côté, la “droite populiste” ne cesse depuis des dizaines d’années de se reposer sur des éléments de discours qui semblent compatir à chaudes larmes sur les ‘classes moyennes’. Qui le leur reprochera? Mais est-ce vraiment ceux qui “se tracassent quand une chaudière tombe en panne” ((Ch. Michel, Matin Première, à deux reprises: c’est donc bien un élément de communication.)) que le MR défend? Le MR et le VLD veulent faire encore baisser la dette publique au pire moment possible. Voilà une logique intéressante…

J’entends le fils Michel ce matin dire qu’il est prêt à envisager de faire supporter une plus grande partie de l’effort sur les revenus et les richesses les plus importants. Il chipoterait juste sur les modalités d’une nouvelle taxe.

Allez, Charlie, vas-y, propose une modalité qu’on rigole. Chiche.

Jean Ziegler, Atlas de la faim.

Sunday, November 6th, 2011

Obscur, ce titre? Allons, qui ne connaît la croisade planétaire de l’Helvète le plus propre (dans sa tête), dont rares doivent être les fans issus du monde bancaire. Ziegler est le héraut des affamés de la Terre (ou des damnés de la faim). Il a écrit un énième bouquin sur le sujet, que je ne peux que vous recommander de lire incessamment tant il brûle d’actualité. Ziegler est encore parvenu à y mettre de nombreux événements (évènements selon la nouvelle orthographe, donc on va tenter de s’y coller) de cette année encore, pour montrer que décidément les instances internationales, à commencer par le FMI, ne font rien de bon pour enrayer la chose. Certes, on s’en doutait un peu, mais il est toujours bon de pouvoir étayer nos discussions d’exemples concrets.

Pour preuve, un seul exemple (parmi combien!!!), que je reprendrai ici, celui du Niger, qu’il explique au chapitre 3 de la première partie.

“Le Niger est un magnifique pays du Sahel de plus de un million de kilomètres carrés, qui abrite certaines des cultures les plus splendides de l’humanité -celles de Djerma, des Haoussa, des Touaregs, des Peuls ((Il faut reconnaître à Ziegler une verve émotionnelle touchante, qui tranche avec son propos dont le ton est immensément argumenté, posé, rationnel. Cette double tendance, chez lui, a probablement l’intention de faire vibrer la fibre humaniste et de nous convaincre par la raison. Ce n’est pas un exercice facile, mais il est remarquable dans l’efficacité, aussi bien écrite qu’orale, lorsqu’il intervient dans une émission de radio (comme Là-bas si j’y suis, l’an dernier) ou de télévision (encore récemment chez l’à peine satisfaisant Mattéi.)) (…)Le Niger possède 20 millions de têtes de bétail, chameaux blancs, zébus à cornes en lyre, chèvres (notamment la jolie chèvre rousse de Maradi ((quand on vous disait qu’il était lyrique.)) ), moutons, ânes. Au centre du pays, les sols sont gorgés de sels minéraux qui donnent aux bêtes qui les lèchent une chair extraordinairement ferme et goûteuse.

“Mais les Nigériens sont écrasés par leur dette extérieure. Ils subissent donc la loi d’airain du Fonds monétaire international (FMI). Au cours des dix dernières années, celui-ci a ravagé le pays par plusieurs programmes d’ajustement structurel successifs.

Le FMI a notamment ordonné la liquidation de l’Office national vétérinaire, ouvrant le marché aux sociétés multinationales privées de la pharmacopée animale. C’est ainsi que l’Etat n’exerce plus aucun contrôle effectif sur les dates de validité des vaccins et des médicaments. (…)

“Désormais, les éleveurs nigériens doivent acheter sur le marché libre ((Les libéraux iront peut-être dire qu’il manque des guillemets ici??)) de Niamey ((A 1000 km de la côte atlantique.)) les antiparasitoses, vaccins et autres vitamines pour traiter leurs bêtes aux prix dictés par les sociétés multinationales occidentales.”

Ziegler raconte ensuite comment les éleveurs, vite déstabilisés par ces prix ruineux, en viennent à abandonner leurs activités rurales et grossir les populations des bidonvilles.

“A ce pays de famines récurrentes, où la sécheresse expose périodiquement hommes et bêtes à la sous-alimentation et à la malnutrition, le FMI a imposé la dissolution des stocks de réserve détenus par l’Etat -et qui s’élevait à 40000 tonnes de céréales. L’Etat conservait dans ses dépôts ces montagnes de sacs de mil, d’orge, de blé afin, précisément, de pouvoir venir en aide, dans l’urgence, aux populations les plus vulnérables en cas de sécheresse, d’invasion de criquets ou d’inondations.

“Mais la direction Afrique du FMI à Washington est d’avis que ces stocks de réserves pervertissent le libre fonctionnement du marché. En bref: que le commerce des céréales ne saurait être l’affaire de l’Etat, puisqu’il viole le dogme sacro-saint du libre-échange.

“Depuis la grande sécheresse du milieu des années 1980, qui avait duré cinq ans, le rythme des catastrophes s’accélère.

La famine attaque désormais le Niger en moyenne tous les deux ans.

((J. ZIEGLER, Destruction massive. Géopolitique de la faim, Paris, Seuil, octobre 2011, p. 57-58.))

Ziegler explique ensuite que le Niger est pourtant la deuxième source d’uranium dans le monde, mais qu’Areva, société française, sous contrôle d’ailleurs de la République des droits de mon… de l’Homme, en conserve jalousement les droits d’exploitation sans pratiquement aucun bénéfice pour le Niger, dont l’ancien président Mamadou Tanja a tenté de changer la donne en mettant Areva en concurrence avec une entreprise chinoise ((Notons que ceci ne disculpe probablement pas Tanja des charges de corruption qui pèsent sur lui, mais il est éclairant que le bonhomme a pu rester au pouvoir tant qu’il n’inquiétait pas la position de la société française d’exploitation d’uranium, ndt.)).

“La sanction fut immédiate. Au matin du 18 février 2010, un coup d’Etat militaire porta au pouvoir un obscur colonel du nom de Salou Djibo. Celui-ci rompit toute discussion avec les Chinois et réaffirma “la gratitude et la loyauté” du Niger vis-à-vis d’Areva.”

((Op. cit., p. 59. Ziegler précisé en note que l’actuel président élu du Niger est un “brillant ingénier des mines et cadres d’Areva.))

Ziegler pose ensuite que la tragédie de la faim endémique au Niger pourrait être évitée par un simple programme d’irrigation, proposé par la très gauchiste Banque Mondiale elle-même. Mais, comme le Niger ne peut toucher aux dividendes de l’Uranium, elle n’a pas le premier cent pour initier le projet.
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Il est remarquable de constater que, plus le marché est libre, moins il a de possibilités de l’être véritablement. La demande, dans des situations de flux tendus organisés, sera toujours soumise aux dictats de l’offre qui organisera sa raréfaction ou supprimera la concurrence par sa capacité à user des bras armés locaux ou extérieurs. C’est une règle générale ((dont les exceptions ne sauvent pas le système.)): aussi bien les Etats aux ordres des multinationales, que les organisations internationales à ceux des entreprises jalouses de leurs droits à fixer les prix les plus absurdes, que les Nations dites avancées, civilisées ou démocratiques, que les trois ensemble, n’ont de cesse de réduire la possibilité des collectivités fragilisées (qu’elles soient de pays émergents, de communes en difficultés plus près de nous, d’organisations régionales, d’associations de soutien aux plus démunis) de s’organiser, de se défendre, de prévoir le pire, au nom de la sacro-sainte loi de l’offre et de la demande, du marché libre, qui ne se préoccupent pas du quotidien des individus, mais seulement des joies des flux tendus, des exaltations des marges de profit et des orgasmes de ses innovations en tous genres.

Désirer le marché libre dans une société de 7 milliards d’individus dont les aspirations sociétales sont extrêmement diversifiées, dont les organisations traditionnelles (et parfois bien plus démocratiques que les nôtres) ne sont le plus souvent pas en demande de changement, en tout cas pas par l’extérieur, dont les équilibres sont fragiles, mais résistants depuis des siècles, parfois des millénaires, et menacés en permanence aujourd’hui par les lubies des règles commerciales internationales, désirer donc le marché libre, c’est passer à la moulinette les droits à la vie, à l’alimentation, à la santé de la plupart de ces femmes, de ces enfants et de ces hommes.

Les discours qui prétendent que le sacrifice de “quelques-uns” (potentiellement un milliard, quand même, en ce moment) pourrait amener dans l’avenir au mieux-être progressif de tous sont de terribles menaces rhétoriques car ce mieux-être est promis depuis plus de deux siècles par les mêmes raisonnements dont les effets sont toujours, disent-ils, repoussés à plus tard à cause même des interventions des Etats qui les empêchent de s’accomplir.

Or, aucun Etat au monde ne s’arrêtera jamais, “par delà le bien et le mal”, d’intervenir, soit pour le profit de ses populations, soit -plus souvent- pour le profit de ceux qui sauront le manipuler. Les libéraux -les vrais libéraux- ne pourront donc montrer la véracité de leur discours -si tant elle qu’il y ait une once de vrai dedans- qu’une fois ces Etats disparus.

La disparition de ces Etats, si on y réfléchit quelques minutes c’est, en deux temps, une terrible et meurtrière transition, certainement très longue, qui mènera une proportion gigantesque (à mon avis plus des deux tiers) de la population à une mort prématurée et sans doute horrible (guerre, famine, épidémies, pour ne parler que des fléaux les plus évidents), qui n’épargnera aucune région et qui aura pour résultat (deuxième temps) une situation où les plus “chanceux” se seront appropriés des espaces plus ou moins bien protégés qu’ils défendront au moyen de petites armées privées contre les voisins immédiats et d’alliances d’intérêts mutuels avec des pairs qui ne manqueront pas de se retourner les uns contre les autres à la moindre occasion d’agrandir leurs forteresses.

Même la réduction de l’Etat aux seules fonctions régaliennes (justice, police, armée) n’aide pas à sauver le système. N’oublions pas que ce type d’Etat a déjà existé par le passé (Rome fonctionnait sur ce modèle) et qu’il était particulièrement impérialiste et violent.

Le libéralisme, n’en déplaise aux plus sincères d’entre eux, se décline en réalité selon ses principes économiques, depuis très longtemps (Selon moi, on peut en établir les prémisses aux époques de constitution des premières cités-Etats, avec l’élaboration des premiers principes de la propriété impliquant l’abusus.)). Les Etats, jouets de lobbies, de groupes de pression, dirigés par les hommes liges des milieux d’intérêts privés, ne sont guère plus que des facteurs d’importances sur les places des marchés internationaux et même nationaux.

Sur un marché, celui qui en connaît le mieux les facteurs divers et qui peut les manipuler à son avantage est celui qui s’en tirera le mieux. Celui qui a un bras au ministère des affaires économiques ou dans une caserne militaire n’aura aucun mal à faire jouer les leviers en sa faveur de la même manière qu’un entrepreneur parviendra à user de son service marketing pour mentir mieux que son concurrent sur l’intérêt de son produit. Le libéralisme ne pourvoit pas le monde des meilleurs produits au meilleur prix pour les deux acteurs de la vente. Il obéit à la loi du plus roublard.

On n’en sort pas: le libéralisme, c’est un (joli) leurre dangereux.

Je suis contre.

Réflexions légères sur les 400 derniers jours (et quelque)…

Thursday, September 15th, 2011

[10:34:46 tt] eh ben… le reality show reprend de plus belle… voilà que le fdf refuse l’accord de cette nuit…
[10:35:09 tt]c’est le plus long reality show sans aucune élimination dont j’aie entendu parler
[10:35:53 cc] hu hu
[10:38:22 tt] tu ris?
[10:38:57 cc] quelle farce ce truc
[10:39:18 tt] oui ça ferait une bonne pièce de théâtre, au fond: “huit hommes en galère”
[10:39:39 tt] tiens, une bonne idée pour un post… 🙂
[10:39:47 cc] 😀
[10:39:57 tt] le problème, c’est que je ne connais pas assez le dossier pour faire quelque chose de profond
[10:40:10 tt] … cela dit, ça manque de fond, pour faire qq chose de profond aussi, mais bon…
[10:40:52 cc] voila
[10:41:49 tt] mais ce serait rigolo de faire une parodie dans ce sens, pour e théâtre
[10:42:01 tt] mais bon
[10:42:23 tt] il faudrait réduire à trois ou quatre personnages principaux, quelques collaborateurs
[10:42:41 tt] et peut-être un ou deux huissiers-domestiques pour les boissons
[10:43:16 tt] et puis tenter de déplacer les débats pour que ce ne soit pas belgo-belge, et envisager l’exportation de la pièce
[10:43:19 cc] des directeurs de cabinet
[10:43:23 tt] ça ferait un succès mondial
[10:43:25 tt] la gloire
[10:43:27 tt] le succès
[10:43:31 tt] l’argent
[10:43:33 tt] les femmes
[10:43:37 tt] heu…
[10:43:47 cc] 🙂
[10:43:48 tt] une adaptation à Hollywood
[10:43:52 tt] avec Henry Fonda
[10:43:57 tt] ah non
[10:44:00 tt] avec Matt Damon
[10:44:40 cc] et sean penn?
[10:45:26 tt] et dans le rôle de Laurette: Sigourney Weaver (ou alors Alien)

“L’alibye”: une mauvaise superproduction, une de plus, en attendant la suivante…

Tuesday, July 26th, 2011

J’ai insuffisamment étudié la guerre d’Espagne pour pouvoir l’affirmer comme un historien devrait pouvoir le faire, mais elle reste pour moi un exemple intellectuel d’application dans bien des cas de figures qui occupent le devant de la scène actuelle en matière d’engagement militaire. Les républicains, communistes, anarchistes –et autres, sûrement- qui se lancèrent à l’aide du gouvernement légitime espagnol pour le défendre contre les troupes rebelles d’obédience fasciste ou équivalente, soutenues par les régimes d’extrême-droite, la papauté et le silence radio des relatives démocraties de l’époque, le firent sur base d’une décision volontaire individuelle. Ils auront été motivés, hommes et femmes, par leurs propres convictions, peut-être par leur appartenance à un mouvement ou un parti, en suite d’une campagne de sensibilisation ou un recrutement quelconque, mais personne ne le leur a imposé. Aucun gouvernement, aucune force supérieure, n’a pu les obliger à se rendre en Espagne pour rejoindre les rangs des républicains.

Pas plus d’ailleurs que le moindre “impératif moral” kantien ou cicéronien, d’ailleurs. Et c’est ce qui fait de cet engagement toute sa force, sinon sa beauté (qu’y a-t-il de beau dans une guerre, même menée par les motivations les plus pures?): les individus étrangers qui y prirent part le firent de leur propre chef. D’un autre côté, les Espagnols, sur place, n’avaient pas plus le choix de se retrouver champ de bataille et chair à canon que les Libyens aujourd’hui, ou les Syriens, les Egyptiens, les Irakiens, les Afghans, les Ivoiriens et combien d’autres encore -Palestiniens, Israéliens, Somaliens… La liste est longue de tous ces conflits, révoltes, révolutions, guerres civiles, occupations, qui ouvrent ou ferment nos journaux dans une monotonie qui entraîne chez nous la plupart du temps plus d’indifférence ou de résignation que d’indignation ou de colère, pourtant légitimes.

Des arguments obscurs et occidentalistes

Quand des militants de certaines obédiences tentent de briser un blocus -et l’on aura reconnu le cas israélo-palestinien- ou s’engagent à braver les colères des seigneurs de guerre pour aider une population touchée par la famine -comme en Somalie-, ils le font, pour de bonnes ou de mauvaises raisons selon le jugement des uns et des autres, mais ils le font sur base individuelle, en fonction de choix souvent courageux, mais en tout cas libres, pour autant que cet adjectif puisse signifier quelque chose.

Lorsque le Monde Diplomatique de juillet 2011 publie le témoignage d’Ibrahim Al-Koni, lequel nous fait part en réalité d’un de ses amis libyens (tout comme lui), exilé en Tunisie, anonyme, qui, après bien des hésitations, après avoir d’abord aidé les blessés qui quittaient son pays d’origine, décida que son devoir était de rejoindre la révolte contre le régime de Khadafi, le fit et disparut, lorsque le Monde Diplomatique nous présente ce témoignage tout brut, il oublie de le commenter. Car, comment l’interpréter? Le message d’Ibrahim Al-Koni est-il de nous faire part de ses propres hésitations à s’engager jusqu’à ce point dans la révolte? Le fera-t-il jamais? Dès lors, nous invite-t-il à la prudence ? Ou bien nous incite-t-il à approuver l’intervention des forces de l’Otan dans son propre pays? Pour ma part, et dans l’absence de plus de détails ((Qui sait si ce héros n’est pas en fait un infâme opportuniste ? On peut raisonnablement penser que non, mais ni Serge Halimi, rédacteur en chef du Monde Diplomatique, ni moi, ni la toute grande majorité des lecteurs de l’un des meilleurs journaux de langue française, ne peuvent connaître les motivations, ni le passé d’un inconnu, aussi honorable puisse être son garant.)), je salue ici la décision prise par un individu qui estime de son devoir d’intervenir physiquement, en son nom propre, réellement, dans un conflit qui le concerne au premier chef, lui et sans doute une grande partie de ce qu’il aime. Et même s’il ne le concernait pas, son geste rappelle, au fond, à bien des égards, celui des Brigadistes –je veux dire, ceux d’Espagne, ceux de 1936, même si comparaison, en histoire, jamais n’est raison.

Mais il y a un mais.

Les arguments d’Ibrahim Al-Koni –dont la thèse reste donc obscure- sont émaillés de citations qui ne laissent pas d’étonner -sa culture d’origine y transparaît à peine-: Cicéron, Kant et un certain Henri Frédéric Amiel, desquels il tire des principes d’exigences morales, de devoir et même de bonheur dans la mort. Rapidement, il cite aussi Platon et Rousseau, l’un pour évoquer celui que d’être avec un ami, l’autre qui en appelle à la fin de l’histoire avec la disparition des tyrans, des guerres et des conspirateurs –comment ne pas les approuver ? On pourrait cependant trouver chez Platon bien d’autres exemples d’impératifs moraux, liés au devoir envers la cité, et, si étrangement notre auteur le cite ici dans une dimension plus intimiste –et concernant un passage de son œuvre dont je ne me souviens pas et que je ne saurais situer, Ibrahim Al-Koni ne l’ayant pas précisé-, le Prince des Philosophes est bien dans la lignée des éthérés idéalisants qui plaçaient la vie humaine et l’individu bien en dessous –tant qu’il ne s’agissait pas de la vie des philosophes, bien entendu, Socrate s’étant sacrifié pour toute la caste ((Ils sont rares les philosophes de la transcendance qui puissent prétendre au statut de martyr ; Sénèque fut plus la victime de ses intérêts particuliers, Giordano Bruno était devenu un charnel, et qui d’autre ?))- des intérêts supérieurs de ce qu’on appellerait plus tard la nation.

Car beaucoup de ces arguments, dans un ton larmoyant, douçâtre, presque romantique, fleurent bon le patriotisme et les exigences de l’éducation formelle, évoquent sans aucun doute les appels martiaux qui précédèrent, provoquèrent et suivirent la déclaration de guerre de 1914, tout comme de nombreux cas de guerre de manière générale. Ces impératifs moraux, occidentaux et occidentalistes, souvent baignés d’idéaux transcendants, inexpliqués, supérieurs et, pour le moins, discutables si nous gardons la tête froide, sont ceux qui traversent l’histoire des guerres depuis le réveil des nations –et qu’on retrouve plus loin dans le passé à quelques occasions lorsque les armées ne sont pas professionnelles, comme lors des croisades des pauvres, par exemple, mais aussi dans les discours d’exhortations des généraux et des rois en prologue au carnage, justifiant le prétendu péché mortel du meurtre de son prochain anticipativement.

Justes causes et libertés

Si la guerre d’Espagne, la Commune de Paris, Kronstadt, la Makhnovchtchina, et quelques autres exemples résonnent en moi comme autant de défaites, il s’agit aussi des cas trop rares où les troupes qui y furent défaites ((Les victoires militaires émancipatrices, il faut le dire, sont assez rares. Même dans le cas de la révolution mexicaine zapatiste, le résultat est largement discutable, par exemple. Le cas cubain est hautement subjectif, encore qu’il ait une bonne part de ma sympathie, mais là aussi nous avons affaire à un cas bien discutable.)), et surtout traitant des étrangers venus les soutenir -en vain-, avaient la légitimité du choix personnel, individuel, libre -sans doute pas toujours, mais suffisamment souvent pour les démarquer des cas trop nombreux où une entité supérieure décidait pour les troufions envoyés au casse-pipe.

Car, même si dans le cas de la Libye les forces de l’Otan sont suffisamment prudentes -certains diraient lâches- pour éviter de s’exposer aux tirs ennemis, il faut reconnaître que dans la plupart des cas de guerres “justes” initiées ou prises en marche par les forces occidentales un peu partout dans le monde -et l’on peut remonter loin dans le temps, reprendre les cas des guerres coloniales, de l’intervention des « démocraties » en faveur des Tsars en Russie à partir de la fin de la guerre de 14-18, du soutien difficilement explicable de contingents français et belges au Mexique pour soutenir un Empereur européen, et combien d’autres encore-, c’est le roi, le prince, l’Etat qui décide pour les piétons où ils se doivent de poser leurs cantinières et bivouaquer en attendant de se prendre une embuscade sur la tête.

Je ne suis malheureusement pas enclin à pleurer avec les familles lorsque j’entends que tel nombre de soldats professionnels français, belges ou hollandais perdent la vie dans des conflits lointains, parce que je suis encore dans la logique primaire qui prétend que si ces soldats sont des professionnels, la mort fait partie de leur travail, aussi horrible que cela puisse paraître. Je déplore, sincèrement, ces morts, presque autant que je déplore celles de tous les autres combattants, méchants islamistes compris, mais bien moins que toutes celles des civils et des résistants aux régimes envahisseurs -Otan compris- qui, eux, n’ont décidément pas la possibilité de choisir la paix et la tranquillité, comme j’ai moi l’occasion de le faire ((Ou plutôt que je n’ai même pas à devoir le faire, même si, une fois ceci proclamé, quelque part, ayant pris conscience de ma situation, je fais le choix de ne prendre part –temporairement ?- à aucun conflit.)), assis que je suis en ce moment dans un train entre Bruxelles et Paris, pratiquement assuré de mourir dans mon lit ou, au pire, dans un accident quelconque, mais de toute façon avec une espérance de vie remarquable à l’échelle de l’histoire du monde et dans des conditions qui, si elles empirent en ce moment, n’ont jamais été égalées de mémoire d’archéologue. Comme le service militaire a disparu dans les pays que je côtoie le plus -à l’exception du Brésil, dont il serait intéressant de parler aussi-, il devient difficile d’évoquer le sort des troufions qu’on envoie au front à quelques semaines de la quille –il n’y en a plus.

Restent les décideurs politiques, les lobbys dans tous les sens, les intérêts privés et les intérêts d’état qui motivent les mouvements des troupes, des porte-avions et des lance-missiles un peu partout sur la surface encore bleue de notre planète. Je ne comprends toujours pas comment les soit-disantes démocraties peuvent encore autant être peuplées d’hommes et de femmes qui réagissent aussi peu à toutes les déclarations de guerre qu’ils et elles connaissent tout au long de leurs vies. Si Jean, Simon, Lucette ou Redouan décide de rejoindre les rangs de telle ou telle faction, armé de sa pétoire, la fleur au canon, les deux pieds dans ses godillots, en son nom, pour l’honneur, pour la gloire, pour le pognon ou pour sauver des vies, le tout en pleine conscience ou en pleine illusion, aucun gouvernement ne devrait être autorisé à l’en empêcher, pas plus qu’il ne devrait être autorisé à envoyer Georges, Rebecca, Momo ou Camille servir de cible dans les régions les plus invraisemblables.

Qu’on ne s’y trompe pas: je ne suis pas un pacifiste rabique (sic, avec un seul b): il existe de nombreuses causes devenues militaires que j’estime légitimes -souvent après-coup, car nous sommes si mal informés en réalité, même si nous sommes parfois trop informés-, mais j’en estime au moins dix fois plus qui ne le sont pas du tout, même si de nouveau cela n’apparaît clairement qu’aux yeux de l’histoire, un, deux, cinq, dix ou cinquante ans plus tard. Si je crains, sans pouvoir l’affirmer, que beaucoup d’individus sincères se sont lancés et se lancent encore dans un conflit sans en connaître suffisamment tous les tenants et aboutissants, je reconnais que ces individus exercent au moins un droit tout à fait légitime et élémentaire dans notre monde complexe et confus.

La guerre en Libye, en tant qu’individu, ne me montre pas clairement où se trouve le camp des populations opprimées. Si je n’ai aucune sympathie pour Khadafi et que sa disparition me laisserait au mieux froid, je ne suis pas convaincu qu’une rébellion menée par d’anciens dignitaires de son gouvernement, encouragée par une organisation internationale qui ne brille pas par son humanisme -l’Otan, si elle n’avait pas été reconnue-, mérite notre soutien ou notre indulgence quand on apprend les crimes qu’elle a contribué à perpétrer. Certes, tous les hommes et toutes les femmes qui subissent une tyrannie méritent notre soutien, notre sympathie et, au cas par cas, notre aide, mais cette aide doit être spontanée, venir des individus, n’impliquer qu’eux-mêmes et exclure par nature toute intervention émanant d’un organisme supérieur, qu’il soit national ou international.

Aussi, je ne pourrais que reconnaître le courage de qui déciderait demain de se jeter dans l’inconnu d’une bataille –quand bien même je ne serais pas sûr de le ou la comprendre-, mais je me refuse à concéder le droit ou la légitimité, jamais, à un corps législatif ou exécutif d’envoyer un corps de jeunes gens à leur place, au nom de quelque intérêt que ce soit, fût-ce de celui des droits de l’homme.

 

L’économie, c’est simple comme une réflexion de chef d’Etat

Friday, June 24th, 2011

Selon un rapport Natixis signé de l’économiste Patrick Artus ((Que l’on retrouve ici: http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=58440 -j’ai un problème avec mon Java, pour l’instant.)), et contrairement aux assertions imbéciles d’Angela Merkel ((Ici par exemple: http://www.atlantico.fr/pepites/angela-merkel-union-europeenne-trop-vacances-grece-espagne-portugal-101413.html )), les Allemands ne travaillent pas plus que les Grecs, les Italiens, les Espagnols ou les Portugais. Au contraire, on peut même dire qu’en moyenne les Allemands travaillent moins d’heure par an, mais aussi en moyenne dans toute leur vie, et ont -en moyenne toujours plus de vacances… ((Cela nous rappelle l’imbécillité sarkozienne qui réclamait de ses dockers du Havre qu’ils travaillent 4000 heures par an, ce qui représentait une charge horaire de 16h par jour sans férié, sans dimanche, sans vacances.))

 

Et ils ne coûtent pas non plus moins cher à leurs entreprises. Si les charges sociales allemandes sont actuellement en baisse, elles sont encore largement supérieures que dans ces quatre pays.

Alors quels sont les secrets de l’Allemagne pour avoir su maintenir la barque à flot?

Ce n’est pas un miracle: l’Allemagne exporte plus que ses voisins, vit sur son épargne, s’est endetté et s’endette beaucoup moins que la plupart de ses voisins. Ses ressortissants, tout comme ceux de la Belgique et de la France, sont bien formés, et donc sont plus productifs. Les infrastructures en Allemagne ou en Belgique, comme dans d’autres pays comme les Pays-Bas, sont simplement plus performantes et/ou plus modernes que dans la plupart des régions du Sud de l’Europe. En suite de quoi, ils sont également encore plus compétitifs dans bien des secteurs, car, même s’ils coûtent plus chers, ils produisent mieux et plus qu’ailleurs où les salaires creusent des galeries.

Quand un politique ou un économiste vous parle de coûts, de temps de travail, de productivité ou de compétitivité, prêtez l’oreille à ce qu’il ne dit pas. Car s’ils avaient vraiment raison de se plaindre, dans un marché mondial globalisé, il y a longtemps que leur pays n’existerait plus. C’est pas de moi tout ça, c’est simplement une petite adaptation de la théorie des avantages comparés. C’est un certain Adam Smith qui a sorti ça. Au XVIIIe Siècle. Selon lequel chaque nation devrait se concentrer sur ce qu’elle sait faire le mieux, exporter sur ces bases, et acheter ce qu’elle fait mal ou moins bien.

Ce n’est pas ma tasse de thé, personnellement… Non, non… Pas parce que la théorie de Smith serait infondée, incorrecte ou non scientifique, non: elle est fondée, judicieuse et basée sur l’observation des faits. Mais elle ne génère pas de la justice sociale.

En effet, dans un monde où les pouvoirs financiers sont aussi mobiles que des discours de vitrines politiques, les avantages comparés paraissent changer de situation toutes les dix minutes, et l’on ferme des entreprises qui venaient d’être ouvertes quelques années plus tôt sous prétexte qu’on fait mieux/moins cher/plus près du client/avec moins de syndicat/ bref, dans de meilleures conditions patronales ailleurs.

Tout cela resterait bel et bon si derrière cette logique il n’y avait pas chaque fois des individus embarqués -et débarqués- dans l’affaire, si ce n’était pas des familles par paquets de cent ou de mille qui dépendaient des caprices de la rentabilité d’un projet, des profits à deux chiffres, des soucis des fonds de pension et autres lubies de traders fous. Tout cela ne serait rien, donc, si les conditions de travail qui arrangent si bien les investisseurs ne concernaient pas si directement des travailleuses et des travailleurs éparpillés dans le monde, mais qui n’en ont pas moins chacun une vie, souvent une famille, fréquemment des rêves et des désirs de stabilité -ce qui n’est pas du tout du goût de ces personnes qui voient dans la Chine “l’atelier du monde”, dans l’esprit des Coréens un exemple de servitude ou dans l’Afrique Noire un immense terrain d’exploitation dont les habitants sont les bêtes de somme -et dans l’Europe et les Zuessa un immense marché de consommateurs abrutis -ce qui est en train de devenir dans les pays dits émergents, histoire de ne pas faire de jaloux et de bien foutre en l’air tout espoir de stabilité écologique.

Lorsque le moteur de l’économie est un mélange de recherche de profits et d’ambition politique ((Ce qui, à mes yeux, n’est pas loin d’être la même chose, mais laissons cela.)), elle ne peut se faire fatalement que dans l’intérêt d’une poignée d’illuminés qui se prennent pour des innovateurs, des entrepreneurs, des visionneurs, des enchanteurs, des enlumineurs, ou que sais-je encore, et qui se figurent, comme au bon vieux temps de l’aristocratie, qu’ils doivent rester en charge des décisions importantes en matière politique -vu que les gens, ils ne savent pas ce qu’ils veulent-, et ils ont même inventé un chouette mot pour ça: gouvernance.

C’est ainsi que les Grecs ne peuvent plus décider de leur sort, mais c’est aussi le cas de la plupart des individus et des nations dans le monde: ne nous leurrons pas, dès que les cliques vaguement alternées au pouvoir dans les sphères européennes en auront terminé avec la Grèce, le Portugal et l’Irlande, ils iront niveler un peu “par le haut” dans les autres pays où les syndicats ne peuvent de toute façon plus rien faire depuis qu’ils se sont réduits au rang de partenaires sociaux en charge de négocier le prix de la vaseline, en gros… D’ailleurs, ils nous préparent de temps à la chose, et ce n’est pas pour faire joli dans les canards.

Alors, oui, les Grecs vont devoir travailler plus pour gagner moins… Mais ce n’est pas du tout pour les raisons imbéciles que nous a sorties la non-moins dispensable Merkel ou le guère plus pertinent Sarkozy. C’est simplement parce que les chantres de l’économie qui-refuse-le-nivelage-par-le-bas n’a qu’une seule option: continuer à raser gratis les moins vernis de la planète pour le plus grand profit de ceux qui financent leurs études, leurs campagnes électorales, leurs journaux…

Evkaristo poli…

Les profondeurs

Friday, June 17th, 2011

A sa ministre des sports, qui tentait de faire passer l’idée que le monde du sport professionnel n’était pas si exaltant que ça en lui rappelant  qu'”il y a quand même des problèmes d’homophobie”, M. Nicolas Sarkozy, ci-devant président de la république, répondait ((Canard Enchaîné, 15 juin 2011, p. 2.)):

<i>”Je ne le crois pas. Il y a dans ce domaine l’exemple du Stade Français et de mon ami Max Guazzini qui a choisi des maillots roses pour ses joueurs. Je ne voudrais pas qu’on laisse croire qu’il y a des discriminations ou de l’homophobie dans le sport.”</i>

En une intervention, Sarkozy est parvenu à dire trois formidables bêtises du niveau au mieux de la brève de comptoir:

-en discréditant les observations et études faites sur le monde du sport dont Jouanno tentait sûrement de se faire l’écho;

-en se crapahutant sur un cliché sur l’homosexualité qui serait fatalement liée au rose, ou sur le rose qui serait fatalement lié à l’homosexualité -les Italiens apprécieront, eux dont le leader du Giro est vêtu de cette couleur;

-en distinguant l’homophobie des discriminations par un “ou” exclusif.

J’imagine tout de même les levées de sourcils qui ont dû se faire au cours de ce Conseil des Ministres -on ne peut pas penser qu’un Fillon ou un Juppé, par exemple, bien que salauds dans leur genre, ne se soient pas intérieurement effondrés en entendant des imbécillités pareilles.

Sarkozy, avec ou sans Carla, ça reste un exemple de profondeur abyssale…