Propositions de réflexions sur une ou plusieurs stratégies de sortie de crise -pour une place publique.

Que l’on ne se méprenne pas: je ne suggère pas que nous nous interrogions ici sur la crise, ou dite crise, financiairo-immobiliaro-souveraino-dividienne.
Ce n’est pas notre crise, ce n’est pas nos oignons, même si ce sont nos oignons qu'”ils” nous ôtent de la gueule.

Non, j’évoque ici la crise qui étouffe notre monde depuis que le capitalisme a mis la main dessus; cela remonte à quelques milliers d’années, maintenant, en tout cas pour certaines régions du monde1, dont celle qui nous concerne plus directement, nous, Européens, exploités, exploiteurs, profiteurs et esclaves, conscients, inconscients, etc. Et, oui, une crise, ça peut durer longtemps. C’est pas nous qui l’avons inventé.

Je me suggère, moi, pauvre -velléitaire- révolutionnaire, amoureux des miens, un peu trop père de famille, pas assez ouvrier, pas assez africain, pas assez en bas du panier, un peu trop connecté, un peu trop bien chauffé, trop bien nourri certainement, je me suggère de porter au dialogue public -pauvre blog- quelques éléments de réflexions sur des stratégies à envisager pour soutenir l’effort de sortie de crise…

Difficile de se mettre d’accord sur ce type d’idées puisque, de manière générale, pour trois révolutionnaires et deux réformistes, il y a six conceptions différentes des maux et de leurs causes. Sans compter que mettre un réformiste et un révolutionnaire dans le même sac de couchage, ça fait plutôt du boudin que des petits équilibrés…

C’est d’ailleurs une des raisons de notre marasme, de notre défaite récurrente. Je ne m’attends pas à ce que nous nous entendions demain sur le diagnostic: cela fait cent cinquante ans que nos luttes internes nous affaiblissent, pendant que “l’autre côté” engraisse, se nourrit, lui, de la lutte, qu’il appelle de ses voeux. Et oui!, le capitalisme ne se repaît-il pas du rapport de force? Le plus fort ne l’emporte-t-il pas? Le capital le plus gonflé n’est-il pas le mieux préparé?

Et pourtant, tout, dans la théorie de gauche, devait nous privilégier même en ceci, puisque le capital le plus précieux était, est et restera toujours la masse, les travailleurs, les femmes et les hommes, le nombre, ce qui fera que nous sommes les plus tout ça -ah, les 99%!-, mais nous le savons bien, n’est-ce pas, que, de cette masse, bien peu nombreux sont ceux qui s’accordent sur l’opportunité du moment M, de la lutte L…

Pourquoi perdons-nous régulièrement face à la monstruosité des status quo plus ou moins bancals auxquels nous contraignent les adeptes de la guerre éternelle des capitaux contre les capitaux? des religions contre les religions? des porte-avions contre les terroristes? des soldatesques, des flicailles, des gardiens, des matons, des “affreux”, des gens d’armes, des sociétés de surveillance, des yeux de Moscou et autres murs transparents contre “Nous autres”?

Nous perdons pour plusieurs raisons. J’en identifie quelques-unes et je vous serais gré de m’en fournir d’autres, car plus le diagnostique sera fourni, mieux nous y répondrons. Et puis n’hésitez pas à me corriger.

La première est que trop d’entre nous refusent de se considérer parmi nous -l’inconscience de la lutte, des classes, de la nécessité -la peur du vide révolutionnaire -la mort, l’inconfort, les fins de mois, bien de raisons légitimes mais précaires -la solidarité sélective, craintive… Comment faire en sorte que nous nous retrouvions plus nombreux sur la même plate-forme, et surtout en même temps?

Une deuxième est que nous restons toujours divisés face au bloc institutionnel, qu’en dépit des luttes internes de celui-ci, il reste toujours cohérent dans le refus de se remettre fondamentalement en cause et que, “Tous pouvoirs confondus”, il s’avance comme un seul homme, un seul bloc, un seul capital accumulé, distribuant ses dividendes parmi ses thuriféraires, pseudo-divisés, en une belle sarabande d’alternance calculée, “bonne pour la démocratie”, bonne pour le capitalisme, alors que nous, pauvres de nous, nous nous disputons les miettes du marché de la gauche comme si nous n’avions que nos petites niches à défendre, alors que, non.

Une troisième, j’en suis intimement convaincu, mais je suis prêt à la lâcher s’il le faut pour que nous nous rassemblions, et que je le garde par devers moi, dans mon univers intellectuel petit-bourgeois, histoire de, c’est que nous continuons d’accepter le combat sur des terrains qui nous ferons perdre, ces terrains où le rapport de force nous sera fatalement défavorable, puisque nous partons avec l’idée d’affronter ces capitaux là où ils se sont amassés sur les siècles et les siècles jusqu’à devenir incalculables; si nous avions encore une chance de les renverser en certaines périodes -lorsqu’ils étaient encore faibles -lorsqu’ils étaient encore éparpillés, de jacqueries en révoltes d’esclaves, de frondes populaires en révoltes urbaines, si nous avions pu prendre conscience de notre commun besoin d’horizontalité, si nous étions parvenus à pendre nos chefs quand ils voulaient prendre la place de nos maîtres, alors, oui, mais aujourd’hui, la verticalité a atteint des sommets babylonesques et, curieusement, aucun Dieu de colère ne semble vouloir intervenir pour abattre cette tour d’argent et d’armes… Mais bon, s’il le faut, s’il en vaut la peine, je renonce à me plaindre de ce troisième facteur, pour autant que nous trouvions moyen de renverser flicaille et soldatesque vers notre bord, si nous réussissons à arsenaliser les armes de la réaction à notre profit, alors, soit, oui, pourquoi pas? Si nous parvenons à acquérir les techniques, les savoir-faire nécessaires pour manipuler ou neutraliser (ce serait mieux) bombes au phosphore et canons à micro-ondes, peut-être, oui. Parce que hackers et blockers, c’est bien joli, mais ça ne gagnera jamais contre une bonne vieille Catling…

Alors voici ma question, suite à ces réflexions, c’est que nous en redéveloppions, copines et amis, frères et soeurs, camarades de tous les sexes, au vu et au su, sans nom, sans numéro, histoire d’animer nos réseaux en vue de démolir Jéricho globale, vu qu’il est temps.

Je n’achève pas ce post, car il n’est pas à achever par moi, mais à poursuivre, ici ou ailleurs. N’hésitez pas à me communiquer lieux de réflexions, sites, blogs, ou lieux physiques. Ceux qui s’admettent, ceux qui s’affirment. La clandestinité, c’est bien, un temps, mais la place publique, c’est mieux.

Après tout, ne nous garantissent-ils pas la liberté de pensée? 😉

  1. Et non pas depuis deux ou trois cents ans, ni depuis toujours. []

3 Responses to “Propositions de réflexions sur une ou plusieurs stratégies de sortie de crise -pour une place publique.”

  1. Paul Willems Says:

    Difficile discernement, effort méritoire, comme tout diagnostiC, partiel et à poursuivre. Bonne vision. Les causes des problèmes que tu évoques ont été parfois évoquées…

    La transformation par exemple de sociétés communautaires en sociétés statutaires expliquerait l’impossibilité de se grouper, de s’engager, chacun se séparant des autres, il n’y aurait plus de potentiel communautaire, de capacité de soutien, de fraternité capable de responsabilité.. Il n’y aurait plus qu’une sorte d’illimitation irresponsable, de verbiage indéfini, ou de sollicitation calculée de l’autre…
    Certains penseurs se sont interrogés sur la morale qui ne serait plus à la hauteur de l’engagement. Trop difficile à appliquer, mais surtout à concevoir. Au fond, il y a cent ans, les buts étaient simples. Aujourd’hui, il faudrait d’abord lutter contre sa propre communauté. C’est difficile à concevoir… Car quand on s’engage on s’attend au moins à un soutien! Pas à vivre dans un désert, à manger des racines… Est-ce que l’on attend trop des autres? L’engagement devient un obstacle en fin de compte à toute transformation révolutionnaire, une sorte de ressassement ambivalent. On critique le système financier et finalement on se mobilise contre ceux qui l’envoie promener… au nom de valeurs et d’institutions qu’on est incapable de justifier correctement.. D’une manière générale, l’individu ne se sent plus protégé par un groupe quelconque.. L’autoorganisation est une cible de ce capitalisme outrancier et despotique!

  2. tito Says:

    tout cela me guette sans doute, mais j’aimerais encore tenter le coup…

  3. Un Homme Says:

    Je suis bien evidemment globalement d’accord avec toi camarade meme si je trouve l’expose un peu simpliste.

    Je vais passer sur l’aspect du capitalisme millenaire (j’imagine que nos camarades marxistes ou marxiens se chargeront de discuter ce point de vue); par contre, je pense que nos differences se sont souvent traduites en luttes fratricides; mais elles ont aussi permis d’enrichir nos debats et nos reflexions. Je pense donc qu’elles sont essentielles pour le debat d’idees mais qu’il faut prendre garde a ce qu’elles ne se transforment pas en luttes.

    Par ailleurs, a mon avis, le capitalisme ne se nourrit pas du rapport de force, il l’utilise quand il lui est favorable (cad presque toujours) et il accepte certaines concessions lorsqu’il ne le lui est pas; mais il me parait evident que le capitalisme a toujours favorise les strategies qui lui permettaient d’affaiblir la force collective qui lui a fait face de maniere a garantir sa propre superiorite. De plus, un rapport de force, ca se construit et le capital, comme je viens de le dire, construit fort bien le sien. Faut-il des lors renoncer a construire la notre, de force?

    En ce qui concerne les raisons, je pense qu’effectivement la perte de la conscience de classe est tragique; mais qu’elle a ete deconstruite (plus ou moins consciemment) par les agents du capital et la destruction des outils de lutte collectifs.

    Sinon, je pense que les deux blocs sont loin d’etre homogenes ni clairement definis. C’est d’ailleurs l’une des plus grandes victoires du capitalisme d’avoir su recruter une partie des notres comme soutiens objectifs (par exemple en liant une partie de la pension au cours de la bourse ou en favorisant l’actionnariat salarie). Sans oublier une propagande de tous les instants qui fait du systeme actuel le seul envisageable (“realiste”).

    Par contre, je te rejoins tout a fait sur la question du terrain de la lutte. Beaucoup trop souvent nous acceptons de jouer le jeu du terrain institutionnel (via des partis, des medias, en acceptant les espaces de paroles qu’on nous concede, etc.) et combien de fois ne reproduisons-nous pas les memes mecanismes que ceux du systeme que nous voulons combattre (le “petit marche de la gauche” pour reprendre tes termes, par exemple). Pour autant, construire ces nouveaux terrains de lutte n’est pas chose facile et reste une question largement ouverte…

    En attentant, faisons fleche de tout bois, reconstruisons des syndicats de lutte, des medias de gauche, des formes de contestation nouvelles, etc. et concentrons nos tirs contre les institutions et nos ennemis de classe…

    (bon, comme je reponds un peu rapidement, c’est peut-etre un peu decousu et pas forcement tres clair, donc je m’en excuse par avance ;)).

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