Entretenir l’ennemi, justifier la guerre, affaiblir les amis ou futurs amis, et autres petits effets de stratégie…

Ne pas toucher à l’Arabie Saoudite, au Qatar, au Bahrein… Jamais… Même dans les médias les plus “honnêtes”, si l’on devait comparer au poids les articles incendiaires consacrés à ces trois régions et à leurs troubles rapports à la démocratie, aux femmes ou au terrorisme du genre Al-Quaida, avec ceux qui touchent aux “grands méchants” du genre Syrie, Iran, Libye (jusqu’il y a peu) ou Irak (jusqu’à la mort du précédent nouvel Hitler), il n’y aurait pas photo.

A tout prendre, l’Arabie Saoudite est un pays de joyeux bédouins qui viennent de temps en temps dépenser des fortunes dans nos casinos tout en achetant les hôtels où ils dorment. Ou l’inverse.

Or, ces figures caricaturales, images d’Epinal, dont on entend rarement parler autrement qu’avec des photos souriantes et des poignées de main exotiques, sont loin d’être des gentils républicains ou des aristos modérés.

Mais on ne scie pas la branche sur laquelle est assis son ennemi. Il pourrait disparaître trop vite.

1941-1943: Arthur Harris, commandant en chef de la flotte de bombardement stratégique de la RAF britannique, lance ses opérations sur l’Allemagne. Bombardements massifs (Area Bombing), avec l’objectif de démoraliser l’Allemagne. Quelles vont être généralement ses cibles? Les noeuds routiers et ferroviaires? Les usines d’acier ou de roulement à bille? Les barrages hydroélectriques?

Non, ou si peu.

En dépit d’une défense aérienne allemande médiocre (Göring était un piètre commandant aérien), qui aurait sans doute permis aux alliés d’arrêter la guerre dès la fin de 1943, s’ils avaient focalisé leurs bombardement sur ces cibles, selon les dires mêmes du ministre de l’armement allemande de l’époque, Albert Speer, ce sont les villes et les usines périphériques qui seront les cibles d’une campagne aérienne dont la stratégie échappait complètement à Speer. Au lieu de frapper les “sources” de l’industrie allemande, les bombardements toucheront les “embouchures”, tout à fait réparables.

Pire: les assauts répétés sur les villes vont ressouder le peuple allemand autour de ses chefs, en qui pourtant leur confiance s’était effritée au cours des derniers mois de 1942 avec l’enlisement du front russe, suivi du débarquement en Italie et de la défection de l’allié latin.

On était sans doute à un pouce d’une révolte ou d’un abandon faute de matériel… Speer admet qu’un bombardement de plus sur les usines de roulement à bille de Schweinfurt aurait stoppé la production d’armes lourdes (tanks, avions, navires, sous-marin), et donc précipité la fin du IIIe Reich. C’est tout le contraire qui arriva: il parvenait à produire tellement de matériel, qu’il n’y avait plus assez d’hommes pour les porter.

Les alliés n’avaient-ils pas compris à quel point leur stratégie correspondait peu aux objectifs avoués?

Ou fallait-il retarder l’affaiblissement de l’ennemi tant que l’on n’était pas prêt à débarquer, de peur que “d’autres” récoltent les lauriers 1? Faut-il croire ceux qui pensent ques les USA voulaient réduire l’Europe à l’état de dépendant chronique de leur économie?

Ou penser que les stratèges alliés étaient des gros nuls? Ce que pensait manifestement Albert Speer qui voyait en Harris un “excellent partenaire”, puisqu’à lui tout seul il soutenait le morale du peuple allemand.

Est-ce parce qu’ils sont nuls que les Etatsuniens écrasent ou menacent d’écraser tous les Etats qui n’ont précisément aucun lien avec Al-Quaida? Saddam Hussein, Khadafi, l’Iran étaient loin d’être des copains de feu Oussama. Ou ne serait-ce pas parce que Al-Quaida tape bien plus sur les Chiites que sur les Sunnites? Ou est-ce parce qu’il faut se garder en permanence un ennemi crédible sous le coude?…2

  1. Pour rappel, les Alliés occidentaux n’ont rien fait pour accélérer l’avancée de l’Armée Rouge, premiers arrivés à Berlon. []
  2. A lire: Un article sur le site de Collon et au moins deux livres: Albert Speer, Le journal de Spandau et Joachim Fest, Albert Speer. Le confident de Hitler, parmi d’autres. []

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