Qui va à la chasse… extrait de “Curée de campagne”, 2013

– Vous vous y connaissez remarquablement dans le domaine de la chasse.

– Je me défends… Même si dans mon groupe de ce matin vous trouverez des experts bien plus compétents que moi. Je vous l’ai dit, je m’y suis vite intéressée, à l’époque où mon mari m’y emmenait pour faire étalage de sa nouvelle épouse… J’y ai pris goût…

– Le contact avec la nature ?

– Pas du tout. Non, non. Je n’ai pas ce prétexte hypocrite à l’esprit. Mon mari non plus d’ailleurs, qui ne tirait guère que pour effrayer des chiens errants. Je ne me souviens pas de la dernière fois où il nous a ramené quelque chose. Quand je pense à sa meute, ses pauvres chéris n’avaient jamais l’occasion de montrer leur valeur… Non, quant à moi, j’aime tirer et j’aime manger ce que j’ai tué.

Henriot sursauta.

– Je vous choque, Henriot ?

– Et bien, vous me surprenez.

– Pourquoi ? Serait-ce parce que je suis une femme ? Je ne suis pas seule à pratiquer ce sport parmi les mâles, vous savez.

– Je sais. Ce sont vos mots.

– Ah oui… Les animaux… Avez-vous déjà regardé un documentaire animalier, monsieur Henriot ? Avez-vous noté la violence de la mort qui touche les proies des prédateurs ? Elles meurent souvent en plusieurs minutes, parfois un quart d’heure, sont parfois dévorées en partie encore vivantes, et les dents des félins et des carnassiers, ce n’est pas de l’anesthésie, je vous prie de le croire. Quand je pense aux soins qu’on accorde aux condamnés à mort, au traumatisme que l’exécution provoque et que l’on cherche à éviter !… Quant à moi, je suis un très bon coup de fusil, monsieur Henriot, et je tue net : mes cibles n’ont pas le temps de souffrir. Et même si je ne les tue pas sur le coup, la chute les achève. Elles meurent en moins de quelques secondes. Je vous assure que la mort que je donne n’est rien en comparaison de la souffrance des proies des fauves,… des hyènes, autrement plus dangereux que moi.

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