Ô que ma quille éclate ! Ô que j’aille à la mer…
Depuis longtemps, je songe à une idée, comme ça, en passant, du fait que je désire que mon corps ne soit ni enterré, ni incinéré. La première solution me rappelle trop les bondieuseries et la seconde me semble anti-écologique. Le coup de l’arbre sur le bide, c’est pas trop dans mes goûts non plus. Reste l’immersion.
Il paraît que c’est interdit en Belgique. J’avoue que je n’ai pas encore vérifié. Mais admettons. Il resterait alors une solution : si je meurs en mer, en dehors des eaux territoriales, ça ne pose plus de problème : j’échappe aux règles imbéciles qui disent notamment que l’on ne peut éparpiller les cendres d’un corps dans son jardin, par exemple (ce qu’aurait bien voulu mon père).
Le droit, c’est bien (hum), mais de temps en temps on a un peu trop l’impression que l’État se charge d’objets qui ne le concernent pas. Comme on dit en Poujadie : ferait mieux de s’occuper des chômeurs et des étrangers. Comme on dit dans ma famille de gauche : s’il voulait être crédible, il ferait mieux de s’occuper de la fraude et des taxes sur le grand capital.
Comme on n’en est pas là, une idée toute bête m’est venue, et en plus ça pourrait s’avérer à la fois ludique, intéressant pour la science et la médecine et, avec un peu de chance, profitable à plus d’un titre. Peut-être pas financièrement, mais c’est bien le dernier de mes soucis.
La mer est l’avenir de l’économie, a l’habitude de dire Jean-Luc Mélenchon. Envoyons donc nos mourants en croisière, sur des bateaux prévus pour, équipés de structures médicales susceptibles de récupérer les organes donnés et de procéder aux transplantations (ça va secouer, on retrouvera des foies à la place des reins, ça pourrait même être comique).
Ce type de croisière serait donc organisée pour offrir un dernier voyage à nos futurs chers disparus qui souhaiteraient faire don de leurs restes recyclables à la science et à la médecine et de ce qui ne l’est pas aux petits poissons. Après un ultime examen médical, on apprendrait que telle ou telle personne dispose encore de tel organe susceptible de satisfaire à la demande de telle personne demandeuse, et qui pourrait dès lors prendre un ticket, elle aussi, pour la croisière.
Coup double : si jamais la transplantation échoue, le trajet final est tout trouvé.
Bon, si cette dernière idée n’est pas faisable, elles attendront à quai le retour du bateau. Ou alors un service rapide accompagne le bateau. Bref, c’est un détail, on peut broder autour.
Mais donc, vous l’aurez compris, l’objectif final et principal est d’offrir une vraie sépulture de marin aux futurs chers disparus. Et je dois avouer que je m’espère bien ce destin. Je souhaite réellement être plongé dans les eaux de mer où nul fossoyeur ne pourra se jeter sur mon cadavre. J’ai une sainte horreur de cette idée : se retrouver manipulé par un professionnel de la chose, ça ne me dit rien. Aucun film ou feuilleton n’est parvenu à me rendre la chose sexy. Une petite cérémonie, et hop le grand saut dans les profondeurs, de préférence dans un sac de toile en lin ou en chanvre, histoire d’éviter l’accumulation des plastiques, c’est tout ce que je demande. On aura eu soin, éventuellement, de me retirer les matières trop flottantes du corps, ce qui en plus me donnera une dernière fois une allure un peu plus svelte.
Non, mais franchement, quel inconvénient peut-on voir dans cette idée ?
-Pour celles et ceux qui désireraient (on peut rêver) faire un pèlerinage sur ma tombe, il leur suffirait de se rendre au bord de la mer et de se souvenir de moi (j’aurai une espèce d’aura de marin disparu) ;
-Pour les poissons, c’est une opération win-win (miam) ;
-Pour les problèmes de place et de consommation de gaz, on ne peut rêver mieux (surtout si l’on trouve une utilité secondaire à la croisière) ;
-Pour les problèmes de dons d’organe, ça ne peut qu’être une bonne idée (ça pourrait être inclus dans un avantage financier au disparu, tiens, qui éviterait de devoir payer pour mourir, payer pour être enterré ou incinéré) ;
En plus, il suffirait d’établir comme règle que les corps soient jetés dans des eaux interdites à la pêche, avec suffisamment de lest pour qu’il bouge le moins possible (je suggère des déchets non polluants et biodégradables encombrants, genre briques, par exemple), et si jamais le corps revient dans les filets d’un chalutier, on aura la preuve qu’il enfreint les règles de pêche internationale !
Le justicier post-mortem ! C’est pas cool ? Je viens d’inventer l’acte ultime militant non-violent, anarchiste, écolo et altruiste…