Le paradis n’est pas viable

(texte qui a déjà plus de deux mois)

C’est la réflexion que je me suis faite, tout à l’heure, en écoutant distraitement la moitié d’une discussion téléphonique, dans le jardin, devant la maison… Une invitée parlait de son séjour ici et, difficile de le discuter, ici, c’est une succursale du paradis. Comme tout paradis qui se respecte, naturellement, ce n’est pas viable. Comme tout paradis terrestre, ça ne durera pas. Inutile de se faire la moindre illusion, ma chère, mon cher, le loyer, l’électricité et le gaz, tu n’y couperas pas. Puis, il y a le téléphone, quand même, et même si on est très tenté de le couper parce qu’on a envie de faire chier Telecom (qui s’en carre, naturellement), il reste que, pour avoir internet, ici, c’est la seule solution.

Puis, il y a les taxes communales pour la levée des ordures. C’est pas rien, même si je faisais mon possible pour jeter toujours moins; je gardais les boîtes de yaourt qui me servent beaucoup dans le potager, mais, difficile de ne pas acheter de temps en temps une pièce pour le tuyau d’arrosage, un bout de grillage pour protéger les plantes des animaux indésirables -et, à propos, il y a aussi les chats. C’est bien mignon les chats, et ça fait une présence, c’est sûr, que j’ai beaucoup apprécié quand je vivais seul ici; mais ça bouffe presque plus que moi! En tout cas, proportionnellement, c’est certain. Puis, pour aller chercher leur bouffe, sans voiture, c’est coton, vraiment… Parfois, on souhaiterait que ces sales bêtes soient végétariennes. Et puis on se prend à se dire que, le végétarianisme, c’est bien joli, et la vie bio aussi, mais ça ne coûte pas nécessairement moins cher que la vie carnassière; parce que les produits bio, hors les grands magasins ou les petites boutiques spécialisées qui coûtent bien plus cher qu’ailleurs, ce n’est pas évident du tout.

On voudrait se passer d’informatique, du journal, de la radio, du bois de chauffage, des produits de nettoyage, mais ce n’est pas possible, il faut s’y résoudre. C’est certain, quand je dis à un de mes correspondants que je vais devoir couper la communication, et que j’ai l’impression qu’il ne le prend pas bien, je me dis que ça ne vaut pas l’économie d’une demi-heure de ligne. Mais de demi-heure en demi-heure…

On peut ne pas lire le journal et éviter la radio, mais le chauffage, en hiver, à moins d’être un surhomme entraîné à vivre dans les pires conditions climatiques… Non.

Les copains et la vie de la ville ne sont pas loin, mais, curieusement, j’ai rarement été plus isolé dans mon crâne que depuis que je suis ici. Et quand il y a du monde, j’éprouve toujours un désir immense de solitude que je concrétise par l’enfermement dans ma chambre, la petite pièce où on doit frapper pour me voir, et si je ne réponds pas, on n’entre pas, c’est que j’ai des écouteurs sur les oreilles ou que je dors.

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