Dernier post sur réseau pas social

Voilà, je m’en vais. Je m’en vais de Facebook. Je n’y retournerai plus. Je ne veux plus y retourner parce que les bonnes raisons que j’avais pour y venir, puis pour y rester, n’existent plus.

Hélène Chatelain retourne ranger les factures de Nestor Burma.

Je ne peux pas dire que je vais regretter les engueulades, les insultes et les discussions qui tournent à vide.

J’ai retrouvé sur FB des personnes que j’avais perdu de vue depuis des décennies et ça m’a fait du bien de les retrouver. J’ai rencontré aussi des personnes très intéressantes, que je continuerai de voir autrement, parce que la technologie n’est pas la propriété de FB.

Car je ne dois pas tout cela à FB: ces retrouvailles auraient pu se faire autrement. Un réseau social, vraiment libre et vraiment social, ne marchande pas ses partages. D’ailleurs, à partir du moment où il y a marchandage, il n’y a plus partage, mais profit, caché ou non.

Je crains aussi que FB ne nous ait pas fait grandir, ni en tant qu’humains, ni sur le plan politique.

Ce qui nous fait grandir, ce sont les espaces conquis sur le marché, ce sont les exploits des gens qui se battent pour l’égalité, ce sont les collectivités qui se dressent contre l’Etat autoritaire (y compris en Europe), ce sont les défaites des grandes entreprises -car ce sont nos victoires.

Ce qui nous fait grandir, c’est de réduire les souffrances de tous, et non d’augmenter les jouissances d’un petit nombre.

Ce qui nous fait grandir, c’est l’accès de chacun aux conditions de vie qui nous permettent de vivre mieux que nos ancêtres, et non la confiscation de ces moyens par la distribution inégalitaire du capital.

Ce qui nous fait grandir, c’est de réaliser que nous sommes tous et chacun des individus qui ont droit à l’existence, sur toute la surface de la planète, et que nous faisons partie d’un ensemble gigantesque d’où nul n’est exclu. C’était ça, l’idée de la Révolution de 1789, imparfaite dans la réalisation, mais universelle dans l’esprit.

Ce qui nous fait grandir, c’est de constater que notre action permet d’améliorer la vie des humbles, et non de satisfaire les privilèges.

Ce qui fait de nous des gens bien, c’est quand nous renonçons à faire du tort, sous quelque prétexte que ce soit.

Ce qui nous fait grandir, c’est le Monde Diplomatique, c’est les voix libres que l’on retrouve sur les-crises.fr, ce sont les personnes qui animent des réseaux vraiment alternatifs comme Young Turks ou Democracy Now!, c’est le Manifesto en Italie ((Et on n’est pas obligé d’être d’accord avec tout ce qu’ils disent pour s’accorder sur ce fait.)), c’est plein de choses dans ce genre.

Ce qui nous fait grandir, ce sont les bonnes découvertes de journalistes libres, de réseaux courageux, de gens qui ne font que quelques centaines de vue, avec des arguments raisonnables.

Ce qui nous fait grandir, c’est aussi Pierre-Emmanuel Barré et GiedRé; c’est Giorgio Gaber et Carson McCullers; c’est la littérature qui ne cherche pas à vendre, mais à découvrir; c’est l’art et ceux qui nous font partager leur amour de l’art.

Ce qui nous fait grandir, ce sont les moments où nous reconnaissons que ce sont les travailleurs qui créent la richesse et la vie, ou la conservent quand il s’agit du personnel soignant, et pas le capital.

Ce qui nous fait grandir, c’est l’inverse du marché: c’est le partage, l’égalité et l’épanouissement dans la liberté d’aller et venir.

Ce qui nous fait grandir, c’est l’émulation, pas la compétition.

Ce qui nous fait grandir, c’est quand nous nous dépassons nous-mêmes pour en faire profiter les autres, et non quand nous dépassons les autres pour en profiter seul.

Ce qui nous fait grandir, c’est l’idée que notre vie aura été tournée vers les autres, et non vers une jouissance matérielle accumulée qui, de toute façon, ne fera l’objet d’aucun commentaire positif dans cent ans, et encore moins dans mille ans, et de plus aucun commentaire du tout, certainement, dans dix mille ans.

Ce qui nous fait grandir, c’est quand nous reconnaissons que, dans le temps et l’espace qui nous sont impartis, le sens de notre vie réside dans le peu de souffrance que nous causons et le bien-être que nous donnons aux autres.

Tout cela mis ensemble, ce qui fait que notre action pourra avoir un impact positif sur la vie de l’humanité, c’est aussi de ne plus sympathiser avec ceux qui encouragent le contraire, c’est-à-dire la division de la société, la confrontation des humbles entre eux et les privatisations des services;

ceux qui favorisent l’accumulation entre moins de mains;

ceux qui contribuent à la concentration des pouvoirs;

ceux qui insultent la démocratie et salissent l’expression populaire;

ceux qui prétendent remplacer l’expression populaire par les jeux télévisés et la consommation;

ceux qui refusent que le progrès soit partagé par tous;

ceux qui censurent;

ceux qui manient la rhétorique sans argument et qui dénigrent la raison que n’anime pas les sophismes; ceux qui, au total, encouragent l’exclusion derrière “l’égalité des chances”.

Voilà, ce dernier post, il est sur mon blog, et si vous voulez retrouver mes réflexions, c’est plutôt de ce côté-là qu’il faudra chercher.

N’allez pas dire ce que je n’ai pas dit: comme j’ai dû utiliser FB pendant un temps, je sais qu’il est indispensable à certains -jusqu’à ce qu’on trouve d’autres moyens -qui existent, qu’on doit promouvoir, qu’on doit soutenir.

Je voulais juste vous rappeler la réalité de ce qu’est l’espace de liberté de Facebook. C’est ceci:

Leave a Reply

Time limit is exhausted. Please reload CAPTCHA.

*