Proust, ma chère

April 19th, 2010

De la politique étrangère comme illustration de la relation possessive.

Et vice versa:

“les préparatifs de guerre, que le plus faux des adages préconise pour faire triompher la volonté de paix, créent au contraire, d’abord la croyance chez chacun des deux adversaires que l’autre veut la rupture, croyance qui amène la rupture, et quand elle a eu lieu cette autre croyance chez chacun des deux que c’est l’autre qui l’a voulue.”

C’est déjà pas mal comme citation, mais la suite vaut la peine également;

“Même si la menace n’était pas sincère, son succès engage à la recommencer. Mais le point exact jusqu’où le bluff peut réussir est difficile à déterminer; si l’un va trop loin, l’autre qui avait jusque-là cédé s’avance à son tour; le premier, ne sachant plus changer de méthode, habitué à l’idée qu’avoir l’air de ne pas craindre la rupture est la meilleur manière de l’éviter (ce que j’avais fait ce soir avec Albertine), et d’ailleurs à préférer par fierté de succomber plutôt que de céder, persévère dans sa menace jusqu’au moment où personne ne peut plus reculer. (…)”

(La Prisonnière, Garnier Flammarion, 1984, p. 471-472)

Proust continue à comparer sa “tendre guerre” de jalousie avec la politique étrangère de la France pendant quelques lignes…

Avouez qu’on ne saurait mieux dire…

Les Allemands ont toujours tort.

April 14th, 2010

Je me lisais un petit article sur le lendemain de la 2e guerre mondiale et la réflexion y montait sur la culpabilité du peuple allemand, du peuple japonais, du peuple italien quant à ce.

Il paraît notamment qu’un historien du nom de John Dower a montré combien les Japonais sortirent de la guerre avec un fort sentiment d’auto-victimisation, préoccupés par leur sort plutôt que par celui des autres peuples auxquels “ils avaient fait du tort”.

L’article était illustré par la photo d’un petit garçon blond d’environ 5 ans, tenant en main un panneau avec son nom, KLINGE Erich, écrit à la craie. Il s’agit de l’une des nombreuses photos d’orphelins allemands qui furent faites pour tenter de trouver des membres de leurs familles quelque part en Allemagne.

Bon…

Il est évident que la 2e guerre mondiale fut l’un des pires événements de l’histoire et, pour ceux qui y sont restés comme pour ceux qui en sont revenus avec des séquelles irréparables, psychologiques ou physiques, c’était le pire événement de l’histoire. Qu’il y ait eu des bourreaux et des victimes, nul n’en disconviendra. Que les victimes méritent au moins reconnaissance et compensation, cela me paraît sain et logique.

Là oú je bloque, c’est sur l’idée que les victimes soient les membres de peuples particuliers et les bourreaux d’autres peuples déterminés.

L’idée qu’il n’y ait pas eu de bourreau du côté anglais, français, étatsunien, russe, polonais ou autre; l’idée qu’il n’y ait eu aucune victime du côté allemand, japonais ou italien; l’idée même qu’il ne pourrait y avoir de personnes, disons, ni responsables, ni coupables au sein de ces trois nations en particulier, là, je bloque sérieusement.

Pour deux raisons principalement. D’abord, parce que la sociologie, la psychologie sociale ont depuis lors largement montré combien l’effet de masse peut être responsable des pires crimes, et l’ampleur de ceux-ci, finalement, n’importe guère: cent personnes peuvent en tuer dix, 50 millions pourront en masscrer 5 millions dans un élan de fureur irrationnelle, démesurée, uniquement menée par des ressentiments attisés au bon moment contre des personnes qui se trouvaient au mauvais endroit, il s’agit du même crime.

Ensuite, parce que ce petit garçon de 5 ans, né probablement au début de la guerre, ne peut être reconnu comme responsable du contexte dans lequel il est né. Et on peut remonter comme cela assez loin. Les Allemands nés au sortir de 1919, enfants du traité de Versailles, de la crise économique, des ressentiments nationalistes, de l’héritage antisémite, d’une éducation frustrée et ne favorisant pas le questionnement personnel, avaient peu de chance de trouver d’autres échappatoires que celui qui vint. Certes, il y eut des Allemands résistants, et heureusement. Mais ils ne peuvent servir de caution aux juges de l’après-guerre pour déterminer unilatéralement les responsabilités.

Attention, comme dirait l’autre, je n’excuse pas, j’explique. Continuez de suivre le raisonnement avant de me lyncher
.

Les autorités et les dirigeants économiques des pays alliés comme des pays vaincus de la 1e Guerre Mondiale sont à égalité responsables pour avoir promu, encouragé, installé, imposé un système économique et social qui ne pouvait que produire de tels excès. De même que la guerre du Vietnam et la tragédie De My Lai est de la responsabilité des décideurs étatsuniens; que les massacres des colonisations et des épisodes de la décolonisation doivent être imputés aux promoteurs des premières; que l’esclavage, l’apartheid, l’oppression de populations déterminées (Arméniens, Kurdes, Palestiniens); la promotion de guerres civiles dans de nombreux pays africains; etc., etc.

Les tribunaux de Nuremberg et Tokyo devraient paraître ridicules à côté des responsabilités jamais établies au cours de l’histoire. Certes, Göring, Von Papen, Hess et tous les autres étaient largement complices et coresponsables de 12 ans de dictature et de 5 années de guerre. Mais combien de dirigeants alliés, de promoteurs industriels, d’idéologues de tous poils, ne l’ont voulue, cette guerre, en tout cas n’ont pas cherché à l’empêcher, n’ont rien fait pour éteindre le feu des nationalismes, assainir les mauvais mécanismes économiques, encourager les solidarités internationales?

La vérité est que des petits enfants de 5 ans doivent assumer plus de responsabilités que des décideurs politiques, des dirigeants économiques et des imposteurs intellectuels pour toutes les horreurs que l’histoire humaine a connues.

Que certains de ces responsables, une fois leur “peuple” vaincu, fussent alignés sur le banc des accusés en a étonné beaucoup: c’est qu’il ne paraissait pas normal, entre cadors, de se tirer dans les pattes. Généralement, les princes défaits, les présidents déposés, se retrouvaient le plus souvent avec une petite retraite accordée par les vainqueurs -Napoléon ou l’empereur Guillaume n’en ont-ils pas bénéficié? Pourtant, dans le genre responsables, on fait difficilement mieux.

Pour revenir au coeur de cet article, j’aimerais reparler de mes petits Japonais du lendemain de la guerre. Certes, des soldats aux yeux bridés sont allés répandre l’esprit de l’empire du soleil levant sur tout le Pacifique, ont tué, massacré, égorgé, violé et fait ce que des dizaines de générations de soldats ont toujours fait au cours de l’histoire de l’humanité. Et ils ont produit des souffrances terribles à des femmes, des enfants et des hommes pour qui ils seront à jamais la représentation de la plus haute horreur. Mais ce n’est pas le peuple japonais qui est allé massacrer, exploiter d’autres peuples. Ce sont des individus aveugles qui sont allés tuer des individus pour le service d’une cause qui n’y entendait rien dans le domaine des individus.

Si nous voulons parvenir à une société où l’individu compte, et non une abstraction comme la nation, le peuple, la religion ou même la personne et l’intérêt personnel, c’est par là qu’il faut (re)commencer. En fait, ce que les tribunaux des différentes guerres depuis 1945 n’ont jamais voulu abordé, c’est celle-là: la reconnaissance par ces idéologies de masse de la négation de l’individu. Car s’ils l’avaient fait, ils auraient dû aussitôt se déclarer incompétents, ces tribunaux prétendant représenter eux-mêmes les intérêts, soit des vainqueurs, soit des victimes, généralement rassemblés sous des appellations abstraites, comme “les Alliés”, “l’ONU”, “L’État français” ou “Le peuple américain”, pour ne prendre que quelques exemples.

Tant que les choses en resteront à ce point, il y aura toujours des petits garçons orphelins, des habitants d’Okinawa, des paysans siciliens, qui ne comprendront pas pourquoi ils doivent porter une croix pour des faits qui les ont totalement dépassés.

Et, selon moi, ils auront raison de ne pas comprendre…

Film catastrophe

April 12th, 2010

Caramba… J’en avais entendu parler, mais j’espérais encore que ce fût ((Élèves du cours de français, ici gît un subjonctif imparfait non nécessaire.)) un hoax, un faux bruit ou… enfin, bref, je ne m’attendais pas à ce que Luc Besson fasse un film sur l’un des personnages de la Bande Dessinée que je préfère, Adèle Blanc-Sec. Me voilà à nouveau “forcé” d’aller me taper un blockbuster, tout ça parce que des cons aiment les mêmes choses que moi… Ah si seulement il pouvait aussi être anar… Mais il n’y a aucun signe de cela dans son oeuvre somme toute conventionnelle et faite pour plaire avant tout à un public d’adolescents attardés.

Désolé si vous aimez Besson…

économie, mon amour

April 9th, 2010

Pour qui ça intéresse, je viens d’ajouter une nouvelle catégorie d’articles qui reprend ceux qui évoquent l’économie -vue à travers les lunettes d’un anarchiste, naturellement.

Je n’ai pas assez de mes nuits et de mes jours pour traiter de tous les sujets que je voudrais. Je pense qu’il me faudrait quatre ou cinq vies pour ce faire. Et bien plus d’énergie aussi. Mais je pense aussi que, contrairement à une idée fort répandue, les problèmes économiques sont bien plus accessibles qu’on a l’habitude de le prétendre, surtout du côté des professeurs de cette matière. Intéressez-vous à l’économie, car elle, elle s’intéresse beaucoup à vous… Enfin, à certains aspects de votre personne…

Ah, et puis, il y a aussi la colonne de droite, avec quelques titres toujours d’actualité… Bien qu’ils aient parfois trois ans.

Se servir sur la bête

April 6th, 2010

D’après un article, loin d’être surprenant, de Libé en ligne, les dirigeants des Hedge Funds (ces espèces de maîtres de l’univers bien cachés derrière leurs décisions financières sans aucun souci de production ou d’utilité sociale) ont réussi une année 2009 bien meilleure que la précédente, en raison des possibilités de rachat à la baisse de parts de nombreuses institutions financières fragilisées par la crise. Mais comment ont-ils fait? Comment, en période de crise, peut-on gagner du pognon? C’est extrêmement et diaboliquement simple.

Imaginez que vous soyez à la tête d’une grosse somme d’argent et que vous ayez l’esprit un peu, disons, spéculateur. Pas entreprenant, mais spéculateur. Qu’allez-vous acheter comme actions? Des valeurs montantes? Hm. Oui, c’est une possibilité. Du moins, si vous êtes convaincu que cette valorisation ait un fond de réalité suffisant pour conserver ensuite un certain niveau et vous permettre de gagner de l’argent sur le long terme, soit grâce aux dividendes des actions -mais il faut espérer que l’entreprise fasse suffisamment de bénéfices pour en distribuer à ses actionnaires-, soit en revendant vos actions avec bénéfice -mais dans ce cas, il faut espérer qu’il y ait des acheteurs et que le bénéfice dépasse les frais engagés.

Bref, faire du pognon quand la bourse va bien, c’est possible. Mais ça peut être long et, surtout, c’est très risqué, car, vous le savez sûrement, une valorisation boursière peut être un mirage et résulter en une catastrophe. Plus de dividendes, plus d’acheteurs, chute de l’action, fin des haricots, suicide…

Enfin, ne dramatisons pas trop.

Il y a l’autre cas de figure: qui irait acheter des actions d’une entreprise dont le cours de l’action baisse, voire s’écrase? Auriez-vous acheté des actions Lehman Brothers le jour précédant sa déclaration de banqueroute?

Non, pas de Lehman Brothers, parce que vous auriez su, informé comme vous l’êtes, que le gouvernement étatsunien n’avait aucunement l’intention de la sauver. Mais quid de sa “copine”, Goldman Sachs, qui paraissait dans le même cas? Sa valeur boursière s’était effondrée, et on pensait qu’elle allait suivre sa grande soeur dans le gouffre. Sauf que l’un de ses anciens CEO, Henry Paulson, est un membre du gouvernement Bush; c’en était même le Secrétaire au Trésor. Bref, le porte-monnaie.

Sachant cela -et bien d’autres choses que seuls les dieux de la finance, les maîtres de l’univers, selon Tom Wolfe, savent-, il était possible d’imaginer que Goldman Sachs allait s’en sortir, d’acheter des actions de la boîte au plus bas et les voir remonter rapidement au cours des deux années qui suivirent. Multiplier ce cas de figure simple par le nombre de boîtes, de banques, d’institutions financières qui sont passés du bleu au rouge et du rouge à l’azur, et vous expliquez les milliards de dollars de bonus touchés par les grands pontes des Hedge Funds, ces gangrènes des privatisations à tout-va, par ailleurs.

C’est ainsi que Nathan Rothschild renforça l’une des fortunes les plus extraordinaires de l’histoire en 1815 en spéculant sur la chute de l’Empire de Napoléon: pendant quelques heures, il fut le seul à savoir que Waterloo avait été gagnée par les Anglais, manipula les boursicoteurs de Londres et fit son beurre sur leur dos ((Les circonstances exactes de cette histoire sont sujettes à caution, mais la base en est bien réelle.)). Que faire? Le féliciter pour avoir tondu tous ces moutons de la finance, ou le pendre pour participation à l’exploitation capitaliste mondiale?

On n’a pas tout à fait tort de dire que l’information est devenue l’une des armes principales de l’économie. En fait, on a tort que sur une petite chose: l’information n’est pas devenue une arme, elle l’a toujours été. Lorsque Crassus investit sur César, jeune politicien audacieux, il se figure bien qu’il aura un retour sur investissement énorme. Et, de fait, s’il avait survécu à sa campagne orientale, ç’aurait été largement le cas. Le même Crassus avait fait fortune en couplant une compagnie de pompiers privés (ses ‘clients’) avec une entreprise de spéculation immobilière. Lorsqu’il apprenait qu’il y avait le feu, quelque part à Rome, il envoyait les deux sur places et signifiait aux malheureux propriétaires des terrains environants qu’il était prêt à faire éteindre l’incendie à condition qu’ils vendent leurs immeubles à vil prix. De l’art de montrer que la privatisation des services n’a qu’un seul objectif: le profit personnel…

Crassus est donc le premier exemple que l’histoire a retenu de ce que l’on peut faire fortune en spéculant sur la baisse de la valeur d’un bien et sur l’information de ce que cette baisse n’est que temporaire. Il montre également, tout comme Rothschild, que l’auteur du profit peut être aussi l’auteur de la fluctuation de la valeur en question.

Vous pouvez en tirer les conclusions que vous voulez. Moi, j’en ai tiré les miennes

La calote ou la culotte?

April 5th, 2010

Ce titre dans le Soir en ligne:

“Pédophilie : pour Pâques, l’Eglise resserre les rangs autour du pape”

Profitez-en, mes lapins… Croquez-vous les chocholats et foutez la paix aux mômes…

Le titre, il fallait le faire… Je suppose que c’est voulu…

les vases communicant(s)

April 2nd, 2010

Si, si, vous avez bien lu…

Que lisé-je sur divers journaux, y compris belgiens, ce 31 mars? Ciel, le président Sarkozy n’envisage pas de toucher aux précieux boucliers fiscaux qui limitent la taxation -principalement- de ses amis du CAC 40 et cadors… et consorts, voulais-je dire.

Par contre, et c’est tout l’intérêt de recevoir ses abonnements en retard, je voyais le même jour dans le Canard Enchaîné du 24 février, la mini-info suivante, relayé depuis L’Humanité (co-propriété Rotschild pourtant):
“À partir de cette année, la demi-part supplémentaire attribuée à tout contribuable vivant seul et ayant élevé un enfant sera réservée à ceux qui ont élevé cet enfant pendant cinq ans depuis qu’ils vivent seuls. Ce petit détail pourrait rendre imposable des personnes jusqu’à présent exemptées [d’impôts, parce qu’elles ne gagnent pas assez pour en payer], soit augmenter l’impôt de ceux qui le paient déjà de 500 à 800 euros, selon le calcul de la CGT-impôt.
“mais l’État y gagnera 1,2 milliards, ce qui est bien l’essentiel.”

Ce que l’État ne prend pas dans les caisses des plus grandes fortunes et des plus grands revenus de France, elle va le chercher dans les plus petits.

C’est le principe des vases communicants.

Et c’est tout l’art d’être vaseux dans la communication…

Pour paraphraser Poutine, le gouvernement français ira chercher ses pièces jaunes “jusque dans les chiottes”…

Au baaaaal, au bal masqué, ohé, ohé!

March 31st, 2010

Je n’ai guère fait qu’un an de droit mais il me semble que j’en ai retenu quelques petites choses

-d’une part, il existe en Belgique déjà une loi qui interdit le port du masque en dehors des périodes de carnaval (et en dehors de quelques petites exceptions soumises à contrôle), ce qui, dans un pays qui protège la propriété privée plus que le droit à l’expression, paraît logique -ne vous attendez cependant pas à ce que j’approuve cette situation, mais cela tend à dire que le projet de loi qui passe actuellement le test parlementaire n’est qu’une redondance digne des plus belles perles sécuritaires;

-d’autre part, je pense que, en dépit de toutes les précautions vraisemblablement prises au cours de la rédaction de ce projet de loi contre les “voiles faciaux”, il risque de se prendre une sanction lors de la vérification de sa compatibilité constitutionnelle ((Ce qu’apparemment redoutent les verts, mais ça ne les a pas empêchés de renouveler le coup du “oui de combat.)).

En effet, la constitution belge (à moins que j’aie loupé une très discrète réforme) défend la liberté du culte et de ses manifestations privées comme publiques. Or, il va être difficile de passer outre cet écueil quant à la burqa et la Niqbab. Si le voile peut passer pour culturel et donc non religieux dans certains pays à dominance musulmane, pour ce qui est de la burqa et de la niqab (cette dernière étant de toutes les modes dans un pays allié de l’OTAN, à savoir la très antidémocratique Arabie Saoudite), il sera plus difficile de nous en convaincre.

Autrement dit, en s’attaquant au voile intégral, c’est à la “liberté de l’expression du culte” qu’on s’en prend.

J’attends avec intérêt les réactions des différents représentants des très libertaires congrégations de toutes les religions du Livre. On va rire ((Il semble qu’on ait déjà commencé, à la lecture de cet article.)).

En tout état de cause, les seuls vainqueurs de cette loi, si elle passe (et elle passera probablement), ce seront les polémistes ludiques de la laïcité brouillonne d’un côté, et les petits fiefs de la foi castratrice de l’autre, et non pas la raison émancipatrice que l’on considère toujours plus inefficace dans son rôle libérateur, alors qu’elle est le principal outil ((Je dis bien outil, et non actrice.)) de la sécularisation de la société occidentale au cours des deux derniers siècles. Mais de raison, “nos” représentants n’aiment guère parler, car, si elle devait être remise au goût du jour en période électorale, ils seraient peu nombreux à retrouver leurs fesses sur les mêmes coussins douillets.

++++

Par ailleurs, je note que le projet de loi “limite la liberté d’aller et venir sur la voie publique, si on n’y est pas immédiatement identifiable” ((Lu ici.)).

Il n’y a pas à dire, les députés (verts compris, même si avec réticence hypocrite) savent joindre l’utile à l’agréable. On aura tout loisir de dire plus tard que cette loi s’oppose tout simplement au confort des criminels qui cherchent à se cacher derrière un masque, une fausse barbe ou tout autre artifice.

D’ailleurs, on pourrait aller plus loin ((Attention, hyperbole. Le sérieux n’est plus de rigueur.)): tout islamiste qui se sera rasé sera soupçonné de tenter de ne pas être identifié. On lui imposera donc le port de ses poils. Et ce n’est pas tout: pourquoi n’imposerait-on pas aux catholiques le port de la croix, additionnée du signe distinctif de sa tendance -opus dei, charismatique, béat, extrémiste modéré, leonardien, oecuménique… Juif, tu sais ce qu’il te reste à faire, malgré des souvenirs, certes déjà un peu lointain, mais qu’on va te rafraîchir vite fait.

Allons plus loin, histoire de rigoler à nos dépens: tout anarchiste ou communiste sera tenu de porter, qui son drapeau noir, qui son portrait du Che sur le ventre.

Et les électeurs du MR et de l’Open-VLD, pour parler d’une espèce à part, seront désormais obligés de porter une pancarte “j’encule les syndicalistes naturellement conservateurs”, dans les trois langues nationales, avec les voyelles en bleu roi et les consonnes en turquoise.

Dans la série “alimentons les débats crétins”, on peut dire que l’élite belgienne a encore fait fort…

Se taper un bon philosophe

March 29th, 2010

“Parfois, il faut faire un effort pour se taper un philosophe,” me disait récemment un ami dont les moeurs ne sont plus à vanter.

Je vous propose d’aller visiter le site de Normand Baillargeon qui, outre qu’il est hautement fréquentable (Normand, pas le site), fourmille de réflexions et d’exposés drôlatiques et pertinents (le site, pas Normand, rhooo)

en voici un exemple, piqué dans un post récent. Normand, j’espère que tu ne m’en voudras pas: c’est pour ta pub.

Comme nous l’avons vu plus haut, l’idée de Dieu a été jugée inconsistante par plusieurs philosophes, pour un bon nombre de raisons. En voici une, sous la forme d’un paradoxe concernant l’omnipotence. Il a été imaginée par C. Wade Savage et il a à ce point pénétré la culture populaire qu’il est même évoqué dans un épisode de la série Les Simpson.
Dans Weekend At Burnsie’s (diffusé en 2002) , on assiste en effet à l’échange suivant entre Homer et son pieux voisin, Ned Flanders :
Homer : — Hé! J’ai une question à te poser. (Il saisit un bout de papier) «Dieu pourrait-il réchauffer une tortilla au four à micro-ondes jusqu’à ce qu’elle soit tellement brûlante que lui-même ne pourrait pas la manger?»
Ned : — Mais bien sûr qu’il le pourrait … quoique … Wow! Pour un casse-coco, c’est tout un casse-coco!
Homer : Tu comprends maintenant tout ce que je dois endurer.
Ned : Heureusement, j’ai juste ici un livre tout plein de réponses. (Il sort une Bible et la tend à Homère, qui la feuillette).

Homer vient de retrouver, à sa manière bien particulière, l’intriguant paradoxe de Wade portant sur l’omnipotence divine de Dieu appelé le Paradoxe de la pierre.
Voici comment celui-ci le formulait en 1967 — X désignant ici n’importe quel être :
1. Ou bien X peut créer un pierre que X ne peut soulever, ou bien X ne peut pas créer une pierre que X ne peut pas soulever.
2. Si X peut créer une pierre qu’il ne peut pas soulever, alors il existe nécessairement au moins une tâche que X ne peut accomplir, à savoir soulever la pierre en question.
3. Si X ne peut pas créer un pierre qu’il ne pourrait soulever, alors il existe nécessairement au moins une tâche que X ne peut accomplir, à savoir créer la pierre en question.
4. Il existe donc au moins une tâche que X ne peut accomplir.
5. Si X est omnipotent, alors X peut accomplir n’importe quelle tâche
6. Donc, X n’est pas omnipotent.

Tout un casse-coco!

Laïcité, poil à la liberté.

March 24th, 2010

“Signe ostensible de religion”…
“Laïcité”
“Neutralité de l’État”
“Liberté du culte”
Et on en passe…

Que les choses soient claires: grand bien leur fasse aux femmes qui désirent se mettre des cornettes, voiles, girafes ou tout autre signe religieux ou culturel sur la tête, le ridicule ne tuant pas, cela ne me gène pas, et surtout, je m’en voudrais de m’opposer à l’exposition de sa foi ou de sa culture: je porte moi-même régulièrement un t-shirt arborant mon athéisme sous le très ironique message:

“Grazie a dio sono ateo”.

La minuscule est volontaire…

Quant au voile intégral, je me dis qu’il n’y a pas de raison: plus une religion est absurde, moins elle attire de monde spontanément.

Donc, non, pas d’interdiction, ni à l’école, ni à la commune, ni à l’hôpital: ça me ferait autant chier de me faire dorloter par une infirmière juive, musulmane ou catholique. Du moment qu’elle ne tente pas de me convertir… Quand on veut bien se rappeler que la médecine et tout ce qui s’y rapporte fait normalement partie du domaine de la science, on se dit que la religion, fatalement, doit rester au placard avec les vêtements civils de ces professionnelles (et trop rares professionnels) courageuses (et courageux) de la piqûre. Donc, qu’ils portent encore une croix, une étoile, un croissant ou un voile sur la tête, du moment que ça ne les gène pas pour faire leurs intraveineuses, on s’en fout. Libre aussi au patient d’exiger de voir au moins le nez, la bouche et les oreilles de son vis-à-vis, ça me paraît élémentaire. En tout cas, oui, bon. Aaah, ça y est on marche sur des oeufs! Et, non, je ne suis pas là pour te draguer, j’ai 40 de fièvre, coquine. En plus, tu viens de voir mon cul et de nettoyer mon plastron, tu crois que je me sens à l’aise pour te proposer un ciné?

Je me retourne maintenant vers ma famille politique: la gauche -je veux dire la gauche en tant que force anti-capitaliste, libertaire, qu’elle soit collectiviste ou coopératiste, qu’importe. Cette gauche forcément anti-patriarcale, favorable au féminisme, opposée au “droit du père de famille à choisir la religion de ses enfants” et privilégiant l’individu à la personne, la liberté au patrimoine.

Camarades, compagnes, compagnons, amies, amis (oui, enfin, bon), citoyennes, citoyens, lucides consciences du monde, ou tout ce que vous voudrez,

je me disais que je vous rappellerais bien deux petits principes propres à la gauche -je veux dire, celle dont je faisais question ci-dessus.

Premier principe: la liberté et l’égalité ne peuvent se construire dans la soumission à une hypothèse supérieure, quelle qu’elle soit: dieu, force supérieure, nation, héros quelconque, mythologie, affabulation,… Bref, non, rien. Il est important de se souvenir en permanence qu’un programme ou une idée de gauche ne peut contenir dans ses bases la moindre indulgence (sic) à l’égard d’aucune foi irrationnelle. Cela paraîtra évident si l’on se rappelle que les intérêts privés ne pourraient qu’être considérés comme abolis en cas de révolution, naturellement, mais aussi qu’il ne serait -dans l’hypothèse du grand soir juste là évoqué- plus jamais question de laisser aux pères -ni aux mères- le droit d’imposer leurs délires personnels à leurs progénitures.

Me dira-t-on que ceux-ci ne veulent que le bien de leurs enfants? Peut-être, mais c’est le prétexte de tous les capitalismes du monde aussi et justifie arbitrairement l’héritage du patrimoine autant que de la religion -ce qui est, de nouveau, incompatible à la raison de gauche, c’est-à-dire celle à laquelle je faisais référence un peu plus tôt, toujours la même. La famille, oui, mais la famille affective, pas la famille patriarcale.

Deuxième principe: non seulement la foi est irrationnelle et contraire à la gestion commune, collective, coopérative ou tout ce qu’on voudra qui ressemble à de la gauche (cf. ci-dessus), mais en plus elle s’appuie généralement sur des structures patrimoniales contraires à l’esprit de l’égalité et de la liberté.

L’égalité parce que ces structures supposent que certains savent ou croient mieux que d’autres et sont donc susceptibles de décider pour d’autres;

La liberté parce que, et ce n’est pas une coïncidence, ces structures n’aiment rien moins (ou ne détestent rien plus) que ceux qui quittent la foi en elles. Ce n’est qu’en de rares moments et rares endroits que la liberté de faire un bras d’honneur à la religion fut ou est défendue par les organismes autoritaires d’un espace géographique donné.

On l’oublie un peu trop souvent, mais le recul de la religion au cours du XXe Siècle dans certains îlots de la planète n’est pas un acquis mais une lutte continuelle

Ici Londres…