professeurs protégés 2 -retour en arrière
February 16th, 2008Je ne voudrais pas que certains manquent la discussion qui se développe sur le post d’il y a maintenant une semaine: http://thitho.allmansland.net/?p=227
Je ne voudrais pas que certains manquent la discussion qui se développe sur le post d’il y a maintenant une semaine: http://thitho.allmansland.net/?p=227
Suite de professeurs protégés 1 et 2 et de J’en saigne.
Plus on rencontre des gens, plus nous aurons la chance de trouver ceux qui compteront pour nous -et mieux vaut commencer tôt.
En primaire, la plupart des enfants ont entre trois et six professeurs (sans compter l’adjudant de la gym et le prof de religion-morale).
En secondaire, ce chiffre explose… Personnellement, j’ai eu 5 professeurs que j’ai trouvés réellement intéressants sur la quarantaine que j’ai dû avoir.
Ça fait peu…
Je pense à certaines rencontres que j’ai faites tardivement, de personnes intéressantes, vraiment, que je voyais une, deux fois, à l’occasion de souper à la maison, chez ma mère… de conversations fabuleuses avec telle amie de ma mère qui me fit découvrir ma romancière favorite ou avec tel autre type rencontré par hasard -et qui s’avéra être le frère de ma prof d’histoire -bien plus intéressant que la soeur…
Des personnes dont j’ai gardé le souvenir vague, mais qui n’avaient pas le temps matériel pour parler régulièrement avec un gamin de 14 ans…
J’ai eu la chance d’avoir des parents pas idiots -bien qu’ils m’aient laissé enfermé dans ma prison pendant 12 ans-: j’ai pleinement profité des vacances “vivantes” qu’ils m’ont offertes dans des camps de “sports-études” ou des quinzaines de cours de langue (dont une où je suis tombé amoureux pour la première fois -de ma prof d’anglais).
J’ai découvert les bibliothèques à l’âge de 6 ou 7 ans avec ma maman qui avait yoga juste à côté. Je suis resté abonné… Quand j’ai enseigné la morale à des gamins de 16 ans à Jemelle, je les ai emmenés dans la bibliothèque communale de Rochefort, pas mal du tout… C’était la première fois qu’ils y allaient -et c’était la première fois qu’un prof emmenait des élèves de mon école dans cette bibliothèque… Deux ont pris une carte ce jour-là… C’est toujours ça…
Quel travail, rien que de se rendre compte que les collègues vous laissent tout le travail…
Mais moi j’avais plus de temps, je n’étais pas pressé, je n’avais pas de voiture à payer, ni de famille, et encore moins de maîtresse… J’étais ouvert à la déprofessionnalisation de mon occupation, je pouvais facilement rester deux heures de plus à l’école pour ranger les pots de peinture avec mon collègue d’expression artistique, un gamin de 25 ans bourré d’enthousiasme qui a fait décorer les locaux immondes des préfabriqués de Jemelle par ses ch’tits élèves de 4e, 5e et 6e technique animation…
Dans la même école, j’ai donné plusieurs cours à l’extérieur -et ils me donnaient envie d’aller donner cours dans les bois pas loin, ou dans les champs, d’aller visiter la ferme où l’un de mes élèves travaillaient déjà en dehors des cours avec son père…
Je me souviens encore d’un prof de mon école -enfin, pas vraiment: un intérimaire qui refusait de se faire nommer quelque part.
Que de souvenirs avec lui! Des choses étranges, spéciales… Un cours près de l’étang du parc… Des leçons entières qui n’étaient que des dialogues entre quelques élèves et lui -qui se rendit compte que le programme, ben, il allait falloir s’asseoir dessus…
Mais quels heures extraordinaires passées sur Hugo, Baudelaire et Rimbaud!
Ça vaut tous les Lagarde&Michard du monde ça…
Goliomitis, il s’appelait, tiens… Hommage… Un prof que j’ai eu trois mois à peine… Un congé de maternité…
Communiqué par un pote syndiqué et militant (ce qui n’est pas toujours incompatible):
DANGER : MENACE…ANTITERRORISTE
Au lendemain des évènements tragiques du 11 septembre 2001, et sous l’influence de l’administration Bush , la lutte contre le terrorisme devient la priorité de la politique internationale. Aux Etats-Unis, au nom de cette priorité, les restrictions aux libertés individuelles se multiplient. Nombreux sont alors ceux qui dénoncent les atteintes multiples au droit à la vie privée, aux libertés d’opinion, d’expression et d’association. Dans ce contexte général, la belgique adopte, en 2003, sous l’impulsion de l’Union européenne, la loi relative aux infractions terroristes.
Une des premières mises en oeuvre de cette législation a eu lieu dans “l’affaire Bahar Kimyongur”, dans laquelle un jeune homme belge s’est vu poursuivre du chef d’infraction terroriste (“apartenance à une organisation terroriste”) alors qu’aucun acte matériel grave ne lui est reproché. Après une longue procédure, au terme de laquelle la Cour de cassation a mis à néant les jugements et condamnations (5 ans de prison !) intervenus, pour défaut d’impartialité des juges, un nouveau verdict sera rendu prochainement. L’occasion, pour nous, de revenir sur les dangers de cette législation “antiterroriste”.
Pour comprendre ces dangers, il n’est pas inutile de rappeler brièvement quelques grands principes qui prévalaient, jusqu’il y a peu, en matière pénale.
La Révolution française a imposé l’idée selon laquelle l’Etat ne peut poursuivre et punir un individu que si celui-ci a commis un acte puni par la loi. Deux conditions apparaissent. Il faut, premièrement, que la loi définisse avec précision les actes qu’elle prohibe et qu’elle veut sanctionner. Deuxièmement, il faut…un “acte” : il n’appartient pas à la loi de s’immiscer dans les consciences et de punir les pensées ou les opinions des individus. Ces principes expriment une méfiance à l’égard du pouvoir de punir de l’Etat. En limitant ce pouvoir aux seuls actes matériels, ces principes consacrent le choix d’une société libre et démocratique, dans laquelle penser différemment, contester une politique ou un système, ou exprimer sa révolte ne constituent pas, en soi, des activités interdites.
La législation antiterroriste en vigueur en Belgique depuis 2003 remet en question ces acquis qui ont permis, au fil des années, aux citoyens de réfléchir ensemble, de s’organiser, de contester et d’améliorer le système dans lequel ils vivent.
En vertu de cette nouvelle législation, une infraction devient “terroriste” sitôt que l’intention de son auteur est “terroriste”. Or qu’est-ce qu’une intention terroriste ? La loi énumère une longue définition très large, trop large. Ainsi, dès lors que l’auteur d’une infraction (telle que la perturbation de l’approvisionnement en électricité, la destruction d’un système de transport, d’une propriété publique ou privée…) sera de “contraindre indûment des pouvoirs publics ou une organisaton internationale à accomplir, ou à s’abstenir d’accomplir un acte”, l’individu devient terroriste. Outre les lourdes peines dont il est alors passible, l’enjeu de cette qualification est le suivant : le caractère terroriste de l’infraction justifie le recours aux méthodes particulières de recherches (mise sous écoute, surveillance…), qui sont spécialementattentatoires à la liberté individuelle et à la vie privée.
D’entrée de jeu, on aperçoit la menace que constitue cette définition très large de l’infraction terroriste pour la contestation sociale et le combat syndical : les modes d’action utilisés par les travaileurs et tous ceux qui luttent contre l’injustice ne visent-ils pas, assez souvent, à “contraindre une autorité publique à s’abstenir d’accomplir un acte” ? Rappelons-nous du mouvement, dur mais combien légitime, contre le Pacte de solidarité entre les générations : il s’agissait bien, alors, d’empêcher le gouvernement d’adopter son plan…
Avec la nouvelle loi, l’intention de l’individu devient suspecte : ce ne sont plus son comportement, ses actes, qui sont poursuivis, mais sa pensée. Redoutable retour en arrière…
Lors de l’élaboration et de l’adoption de la loi de 2003, la FGTB et d’autres organisations progressistes avaient dénoncé les dangers d’une telle législation antiterroriste aveugle, estimant qu’elle risquait d’aboutir à la criminalisation de l’action sociale. Certes, la loi prévoit qu'”une organisation dont l’objet réel est exclusivement politique, syndical, philosophique ou religieux ou qui poursuit exclusivement tout autre but légitime ne peut, en tant que telle, être considérée comme un groupe terroriste”. cette disposition n’est pourtant pas satisfaisante : outre le fait que les termes “objet réel”, “exclusivement” et “but légitime” laissent aux autorités policières et judiciaires une (trop) grande liberté d’appréciation, elle ne met d’aucune manière à l’abri des poursuites pour terrorisme les individus eux-mêmes : c’est l’organisation en tant que telle qui semble plus ou moins protégée, et non l’activité des travailleurs et des citoyens.
Cette législation est d’autant plus critiquable qu’elle n’était pas nécessaire pour lutter contre le terrorisme : avant 2003, les organisations criminelles, les actes de violence aveugle contre des civils et les crimes contre l’humanité étaient déjà incriminés et poursuivis sur base du droit belge et du droit international.
Pour éviter que des militants syndicaux, politiques ou écologistes ne soient inculpés pour terrorisme, pour qu’il n’y ait plus d'”affaire Kimyongur”, pour que la liberté d’opinion et d’expression soit sauvegardée, il n’y a qu’une solution : abroger la loi du 19 décembre 2003, relative aux infractions terroristes.
SYNDICATS, magazine de la FGTB Bruxelles-Brussel, 8 février 2008, p.2
Et ce commentaire d’une photo de manifestation : Qu’une infraction soit commise à l’occasion d’un mouvement de contestation et qu’elle soit punie est une chose, critiquable à certains égards; qu’elle devienne une infraction terroriste et qu’elle soit punie comme telle en est une autre : totalement inaccceptable.
En suite de ceci
et cela, et malgré le peu d’enthousiasme qui a suivi en guise de discussion, je vais continuer à développer les raisons pour lesquelles la profession d’enseignant devrait être déprofessionnalisée.
Un horaire normal de prof, s’il veut pouvoir louer un appartement pas trop moche à Bruxelles, c’est entre 20 et 22heures de cours (quelques-uns de mes collègues du cycle inférieur totalisaient parfois 24 heures). Un instit’, ça grimpe encore un peu plus, sans compter les heures “hors cours” (surveillance, administration, logistique, réunions de collègues ou de parents, etc.) et bien sûr les préparations, corrections, …
Un prof, c’est un esprit qui ne se repose jamais de ses élèves. Carnaval, Toussaint, c’est bien trop court pour déconnecter. Pâques et Noël (quand on ne part pas en voyage scolaire), c’est tout juste assez pour recharger les batteries psychologiques au minimum… Il reste les vacances d’été, où l’on continue à penser à nos gamins pendant plusieurs semaines “après” et au moins pendant dix ou quinze jours “avant”…
(Notez que penser à nos gamins n’est pas désagréable en soi, mais c’est prenant physiquement, moralement et mentalement.)
Être prof, c’est un boulot à temps plein au sens où il est hardu de ne se concentrer sur nos garnements moins de 50 heures par semaine. Si certains enseignants ne se reconnaissent pas au moins en partie dans ce portrait, je ne suis pas sûr qu’ils font le même métier que celui que je faisais.
Malheureusement, tout ce temps où nous sommes en même temps que profs, éducateurs, flics, assistants sociaux, psychologues, gardiens de prison, spécialistes en électricité et en plomberie appliquées, et autres joyeusetés, nous avons parfois du mal à nous mettre au parfum de ce qui ferait de nous des profs plus modernes, plus frais, plus adaptés au système qui ne cesse d’évoluer. On nous fourgue bien des formations, mais j’en ai vues qui semblaient n’avoir guère évoluer depuis un moment. Ça doit être l’exception…
Difficile aussi de discuter progrès avec un inspecteur qui n’a plus enseigné depuis quinze ans. Ou avec un préfet qui pense à vendre son école plus qu’à la rendre conviviale.
L’enseignant est largement coupé de sa hiérarchie par les exigences du métier que lui comme elle défendent. L’enseignant est là pour enseigner à des jeunes; la hiérarchie est là pour s’assurer que la démocratie parlementaire ait de longs et beaux jours devant elle.
Est-ce que j’exagère? Sûrement, notamment parce que nombre de mes collègues se satisfont, sinon de leur sort, du moins du rôle qui leur est attribué -si seulement ils pouvaient recevoir une plus grande part de dessert, ça serait parfait. Mais de nouveau on n’est pas dans la même perspective. Certains de mes collègues sont là pour faire “là où on leur dit de faire”. Les profs idéalistes, ceux qui sont repris dans les films avec plus ou moins de bonheur (Ça commence aujourd’hui étant sans doute un des tous meilleurs), ne sont pas si bien vus que ça dans la réalité. Surtout par leurs collègues.
L’école telle que nous la connaissons fut un progrès. Il fallait la faire. Il faut admettre qu’elle ne l’est plus et qu’il faut repenser l’enseignement.
L’enseignant n’a pas le temps d’être tout ce qu’il doit être en plus d’être un animal social. De nombreux collègues autour de moi travaillaient alcooliques, désillusionnés, dépressifs, divorcés, solitaires, avec un matériel vieux de dix ans, et parfois tout cela à la fois.
Un enseignant, dans la vision romantique, c’est quelqu’un qui a le temps de faire de beaux supports, de belles préparations, quelqu’un qui parvient à répondre à ses élèves quand ils veulent voir quelque chose qui sort du programme… Plein de belles et jolies idées.
J’en connais qui… et moi aussi, je m’y efforçais. Mes élèves me titillaient régulièrement pour qu’on sorte du programme -que je n’ai pas souvent fini. J’essayais de rendre le latin amusant et moderne en comparant un discours de général romain avec celui d’un président américain, par exemple. Pas évident tous les jours, le cours de latin… Plus facile était le cours d’histoire. Plus libre encore, le cours de morale…
Mais, bref, le rythme de travail que je m’imposais pour arriver à intéresser mes bambins entravait ma vie sociale et ma vie affective. Sans parler de ma vie militante…
Ce que je remarque, c’est que le professeur a besoin d’étendre son horizon pour parvenir à le ramener en classe. Et pour ça, il manque quelque chose à une grande quantité de mes collégues…
À mon sens, diminuer le temps de travail des profs (ce qui n’arrivera pas), les payer mieux (ce qui n’est pas à négliger, mais qui n’aidera pas), mieux les encadrer (ce qui me fait rire à l’avance) ou leur prémâcher les préparations (ce qui n’amènera pas d’enthousiasme en classe, car on ne peut pas porter la passion d’un autre) ne sont pas des solutions au problème.
Le problème, c’est le cloître, c’est la boîte, c’est l’entreprise…
Le problème, c’est l’école en tant que lieu de professionnalisation de l’enseignement.
Un des grands penseurs de cette idée, c’est Ivan illich, dont je ne peux que vous recommander la lecture de “Deschooling society”, qui a été improprement traduit en “Une société sans école”.
L’idée est toute simple: les enfants (comme les adultes d’ailleurs) ne se passionnent que pour ce qui les intéresse vraiment; ce qu’ils ont envie de faire (voir également pour ceci: Alexander S. Neill). Les agents de l’enseignement (généralement des adultes, mais ce n’est pas une règle) n’enseigneront jamais mieux que ce qu’ils maîtrisent avec plaisir. Enseigner de la géographie quand on aime l’histoire et vice-versa, ce n’est pas le grand pied. Faire de la chimie alors qu’on est prof de math, ce n’est pas toujours évident non plus. Il y en a qui aiment, évidemment. Il y en a qui n’aiment pas et à qui on ne demande pas d’enseigner ce qu’ils aiment.
Et puis il y a des adultes partout dans le monde qui seraient d’excellents profs, à qui des enfants adorent poser des questions… Mais ils ne sont pas disponibles parce qu’ils doivent travailler et parce que les gosses doivent aller à l’école…
Vous voyez où je veux en venir?
La rumeur veut que Sarko le Petit complote pour créer ce qu’il appelle (lui ou ses communicants) des ministres-missionnaires.
L’information a été reprise par divers journaux et magazines (dont un actuellement aux prises avec le même Sarko pour avoir parlé une fois de trop de sa vie privée).
Personnellement, je trouve l’idée tellement bonne que je pense qu’elle devrait être généralisée.
Que des ministres-missionnaires.
Plus de ces omnipotents seigneurs détenant un chèque en blanc pendant toute une législature sauf caca nerveux…
Mais sous conditions:
-le mandat doit être accompli dans les conditions prescrites par le mandant;
-le mandataire doit accomplir le mandat et rien que le mandat;
-le mandant doit être un organisme représentatif de l’ensemble concerné -idéalement, l’ensemble lui-même;
-le mandat ne confère aucun privilège, que ce soit durant ou après celui-ci, au mandataire;
-le mandataire sera responsable devant le mandant de l’accomplissement de son mandat;
-un mandat incorrectement exécuté impliquera un retour du mandant à sa charrue pour le reste de ses jours;
-il faut de toute manière éviter d’accumuler les mandats, et en tout cas ne jamais les cumuler;
-un mandataire n’est pas une vitrine politique, mais un exécutant -idéalement, le mandataire ne fait partie d’aucune formation politique: c’est un technicien.
Comme dirait Desproges: avec mes idées originales, je crois que j’ai l’étoffe d’un excellent président. Dommage que je n’aie pas le bras long. (et puis cette idée n’est pas originale, elle fait partie des théories anarchistes de longue date)
Évidemment, ce genre de plans ne valent que si ils sont appliqués dans leur ensemble. Ce que Sarkozy veut faire, c’est n’importe quoi(1)… De toute façon, dans la théorie anar, le mandant ne peut être une autorité -même élue-, mais uniquement un corps représentatif de l’ensemble concerné.
Un seul exemple: les enfants, les profs (déprofessionnalisés), les parents, pour un sujet qui concerne un domaine de l’éducation.
(1) C’est-à-dire probablement un simple ssytème pour augmenter sa clientèle de petits chefs autour de lui.
Bahar reste désormais libre, et plus rien ne l’empêchera.
Ces dignes héritiers des régimes dictatoriaux que sont Mme Onkelinx, MM. Verhostadt et Dewael ne peuvent plus rien contre lui. Ils mériteraient même de se prendre un détour par la case prison sans toucher 10 mille plaques. (sans compter qu’un certain Delmulle y mériterait une couchette également)
Ce n’est même pas moi qui le dis. C’est Marc Metdepenningen dans un article du Soir (on aura tout vu).
Il ne le dit pas exactement comme ça, mais c’est ainsi que je l’interprêterai.
On attend le courageux procureur qui descendra dans l’arêne pour y combattre ces trois comploteurs de bas niveaux…
Et pas plus tard que tout de suite, tiens.
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‘culés…
Louis vient de mourir, reste Lazare.
Le 20 janvier dernier, Louis de Cazenave, l’avant-dernier poilu français est mort à l’âge respectable de 110 ans. Il était aussi le doyen des français. Anarchiste (donc, ça peut conserver), il avait refusé tous les honneurs -n’acceptant la légion d’honneur que sur le tard et sous la pression des autres anciens combattants.
Comme son nom ne l’indique pas, après la guerre, il travailla à la SNCF et épousa une receveuse des postes. Parmi les citations du bonhomme, amoureux de son potager et absent aux commémorations:
« La guerre ? Hay hay hay ! Un truc absurde, inutile ! A quoi ça sert de massacrer des gens ? Rien ne peut le justifier, rien ! »
« La gloire, l’héroïsme ? De la fumisterie ! »
« Le patriotisme ? Un moyen de vous faire gober n’importe quoi ! »
« Les médailles ? Certains de mes camarades n’ont même pas eu le droit à une croix de bois ! »
« La Légion d’honneur ? Je m’en serais bien passé. Dites-le bien que l’État n’a pas été correct avec moi. »
De celle-ci, il avait dit à son fils qui lui avait annoncé qu’il l’avait obtenue: “Tu peux te la mettre quelque part.”
Tu n’auras pas d’obsèques nationales, frangin, mais tu as bien mérité d’avoir ta place dans notre panthéon à nous aux côtés de tous les mutins de 1917, de ceux de Craonne (dont tu disais bien te rappeler la chanson), des créateurs du Canard Enchaîné, et de tous les autres…
Sors d’ici, Louis, et si tu vois Malraux, file-lui un coup de trampe… On arrive…
Quelques sources:
Un blog alsacien
Un article du Nouvel Obs
Un article du Monde de 2005, dont sont probablement issus pas mal d’infos de Wikipedia.
Une jolie photo pour les voyeurs.
(Quel titre! Tu crois qu’il va encore parler religion?)
-Vous avez votre carte “plus”?
Oui, oui, il y en a ici, et même -moi qui n’en avais jamais eu auparavant-, je me suis retrouvé avec une carte -appartenant à mon épouse- de chacun des trois grandes chaînes de librairies du patelin dans le portefeuille. (oui, oui, j’ai un portefeuille)
Mais, tiens, si vous payez moins cher avec une carte de fidélité et sachant que votre magasin n’entend évidemment pas payer tout seul le coût logistique de votre privilège, qui le paie?
Le site http://www.nocards.org/ dont est extrait ce petit passage vous explique en long, en large et en travers pourquoi la carte de fidélité n’est pas un plus pour la communauté, tend à diviser les consommateurs en plusieurs camps et devrait être considérée comme notre ennemi public numéro 2 (après les puces de surveillance dont je reparlerai sûrement un de ces quatre matins).
Ça me rappelle un autre petit paradoxe de la société de marché, illustré par le dicton de Coluche: “Moins tu peux payer, plus tu paies.”
Si vous êtes dépourvu de hauts revenus, impossible d’acheter en une fois tout ce que la gentille publicité vous matraq… vous propose à longueur de journée. Il reste donc le crédit, qui vous permet de payer en plein de fois (et parfois à des taux très intéressants -mais pour qui?) le four à micro-onde “Oueurlpoule”, l’écran plasma Mundial 2014 (sic) “Tome-Sonne” et -pour les plus optimistes- le pick-up tout-terrain avec pare-buffle de série (plus modernes que la maison Merlin de coluche).
Si vous êtes bien riches, vous pourrez vous payer trois semaines de voyage aux Caïmans pour le prix de deux -il vous suffira de compter sur votre carte de crédit “Platinos”, “Golden fuckin’ client” ou que sais-je pour voir s’accumuler les points d’épargne de milles nautiques sur les vols de la compagnie de votre choix -champagne compris- et vous permettre de renouveler votre consommation de gaz-Kyoto l’an prochain…
La liberté du petit consommateur s’arrête là où commence celle du super-consommateur…
et je vous parle pas de la sécurité…
Petit consommateur, petit con; gros consommateur, gros con, pour paraphraser Albert Frère (qui disait: petit actionnaire minoritaire, petit con… vous avez saisi…). Super-consommateur, …?
Vous préférez quelle catégorie?
L’enseignement est une activité qui, exercée dans des conditions agréables pour l’apprenant et pour l’enseignant, est sans doute l’une des plus enthousiasmantes qui soient.
Malheureusement, rien n’est simple, et les obstacles à ces conditions sont nombreux.
Les difficultés matérielles, d’abord. Ce qui ne signifie pas que les profs soient particulièrement mal payés (en tout cas en Europe). S’ils ne roulent pas sur l’or (et même, dans certaines conditions, s’ils ont du mal à joindre les deux bouts), il s’agit d’une classe sociale qui bénéficie de certaines facilités par rapport à beaucoup d’autres. Mais les difficultés matérielles sont d’autres ordres: l’école est souvent pauvrement équipée de matériel inadéquat, vieillissant, rébarbatif et inadapté; les locaux répondent le plus souvent à des patrons (sic) qui remontent à une époque où l’enseignant était appelé maître et où l’élève avait essentiellement le droit de se taire; les écoles elles-mêmes sont soit des immeubles du XIXe siècle qui ressemblent plus à des casernes qu’à des lieux prévus pour les mômes, soit des bidules préfabriqués, sans caractère et où il fait froid l’hiver, où l’on habitue l’élève à sa future précarité d’emploi (ça et le turn-over des profs et des élèves, on ne fait pas mieux comme initiation au monde du travail).
Et puis, il y a l’école comme institution. Avec ses préfets, proviseurs, surveillants (ex-pions, désormais éducateurs), horaires, règlements, limites, murs, barreaux, vérifications, autorisations, interdictions, codes, portes fermées, accès limités, etc. Comme esprit bourgeois, c’est gratiné. L’apprentissage de la première des libertés -la sécurité des biens- y est bien intégrée. Celui de la hiérarchie également. De l’autorité. De l’ordre. De la place de chacun. Ein, zwei…
Enfin, il y a les contenus des cours, les contraintes d’apprentissage, les cadres, les paliers, les examens, les contrôles, les obligations de présence, les mesures disciplinaires, et les contre-mesures en cas de révolte, mais surtout, il y a la nécessaire sacralisation du professeur -dans la plupart des cas-, qui doit rester distant, ne pas devenir l’ami ou la grande soeur, le substitut du père ou de la mère, dont certains enfants ont souvent besoin… Si, si…
Bref, il y a une terrible inadéquation entre l’enfant de la société d’aujourd’hui, avec ses fragmentations et ses inhumanités, et l’école. Je ne dis pas “et le prof”, mais bien “et l’école”. Le prof, lui, il choisit entre l’élève et l’institution. S’il choisit la seconde, il perd le premier, parce que l’élève, alors, le tuera -au moins symboliquement- et il aura raison: le prof devient le représentant de cette société qui est en train de l’assimiler, d’en faire un consommateur-producteur plus qu’un citoyen (même s’il existe évidemment des programmes de citoyenneté, qu’on enveloppe dans des paquets cadeaux, tout creux, tout vides).
S’il choisit l’élève, le prof se met automatiquement en danger: “Je vous rappelle que c’est encore l’État qui vous paie” pour faire ce qu’on lui dit de faire, là où on lui dit de faire… Si l’instinct du prof lui dit que l’ordre venu d’en haut est contraire à l’intérêt de l’enfant, il a donc le choix entre… rien du tout, en fait, parce que même s’il choisit l’intérêt de l’enfant, l’autorité trouvera le moyen de passer outre. Et lui, entre-temps, aura été remercié. Au mieux.
Athénée Royal.
J’ai vécu cette situation à bien des reprises, mais la plus marquante fut une histoire à l’Athénée Jules Bordet. Je me souviens que c’était en hiver… Début 2001…
Bordet, athénée royal fondé en 1831, dans un immeuble du XVIIIe siècle. Le symbole de l’inadéquation à la Bruxelles du XXIe Siècle par excellence. En tout cas à ses enfants. Un établissement où la toute grande majorité de mes élèves était au cours de religion islamique. Des enfants souvent hyper-attachants, de terribles défaillances affectives et sociales dans de nombreux cas, des sourires merveilleux par moments, des colères noires et des conflits terribles trop souvent…
Je me souviendrai très longtemps de Souhaib, de Valérie (d’origine congolaise comme son nom ne l’indique pas), d’Angélique (rwandaise), de Tao, de Nabela, du sourire ensoleillé d’un élève dont un des copains me dit un jour qu’il ne souriait que lorsqu’il entrait dans ma classe…
Bref, un endroit que je n’oublierai pas non plus, avec ses salles de cinq mètres de haut, ses estrades, ses murs gris, qu’il nous fallait décorer nous-mêmes (j’y avais apposé des affiches anars, évidemment), ses lampes au néon, sa cour centrale sans arbre, sa concierge italienne et ses cuisinières magiciennes (la meilleure nourriture de cantine que j’ai connue).
À toi…
Un jour, un de mes élèves menace une éducatrice. Il est convoqué dans le bureau du préfet (faisant fonction) et, après une enquête rondement menée, où la culpabilité du gamin ne fait aucun doute (l’éducatrice par ailleurs est une personne très gentille et lui-même reconnaît la menace), le préfet décide de faire un exemple et d’expulser le gamin. Pour pouvoir le faire au plus vite, il a besoin de l’accord de tous ses enseignants.
Le lendemain midi, ils sont convoqués dans le bureau du prof et signent tous l’arrêt d’expulsion du gamin.
Tous sauf un.
Était-ce voulu? Ils ne m’avaient pas trouvé, me diront-ils. Ils n’ont pas dû me chercher beaucoup, puisque j’étais dans ma classe, comme d’habitude… Quand ils m’alpaguent enfin, la pièce est jouée, tous mes collègues, têtes plutôt basses, les yeux sombres, pas fiers, me regardent et écoutent, comme moi, le préfet m’expliquer que ce serait mieux pour tout le monde que je signe aussi, que c’est important pour la cohésion de l’école, sa survie, tout ça… Que c’est important pour l’éducatrice que nous montrions notre solidarité…
Mais dans ma tête, il y a les jours précédents, les semaines précédentes, l’année précédente que j’ai passée déjà avec lui. Élève médiocre, mais qui réussit toujours à passer par la petite porte en cours général, section scientifique, avec un ou deux ans de retard. Un élève un peu obtu, pas très fûté, mais qui s’intéresse à ma voix quand j’aborde des sujets qui le touchent. Il faut dire que, de ce que je comprends assez vite, il suit régulièrement les prêches ou les enseignements post-scolaires d’une autorité islamique quelconque. Quand on aborde des points politiques qui se rapportent à Israël, au pétrole, à l’Amérique, au rôle des religions, ses yeux s’agrandissent et il me regarde avec beaucoup d’intérêt. Généralement, il ne disait rien le jour même, parfois il posait une question. Mais, au cours suivant, il arrivait avec des objections auxquelles je ne m’attendais pas. Jamais je n’ai été réellement mis en difficulté, mais il était facile de comprendre que les arguments qu’il me donnait n’étaient pas de lui. Comme ce n’était pas un amoureux de la lecture, c’était fatalement d’une source “alternative” qu’il puisait son inspiration. Et ses phrases étaient étonnamment bien tournées.
Nous parlions parfois jusqu’à la station du pré-métro Anneessens. Il m’a même invité à venir parler avec son imam. C’est là que je me suis dit que j’avais un adversaire, le bonhomme sachant que mon élève me trouve sympathique. La partie sera difficile…
Le grain et l’ivraie.
J’aimais retrouver cette classe d’élèves peu nombreuses, presque tous d’origine maghrébine, participatifs, rarement agressifs, pas loin de la fin de leurs études; ils sentaient qu’à mon cours, une certaine liberté de parole leur était donnée et qu’ils pouvaient en profiter. Je n’étais pas le seul prof à discuter avec eux, mais, par contre, sur la matière du cours, mes collègues hésitaient. Résultat: j’avais du mal à aller au bout du programme, mais nous allions à fond dans les sujets abordés.
Bref, mon bonhomme était en pleine crise personnelle. Pas beau, pas du tout scolaire et pas spécialement fûté, bien bronzé, il avait toutes les chances de n’en avoir aucune à la sortie de sa rhéto.
C’est tout cela qui m’est passé par la tête lorsque le préfet m’a enjoint de signer ce papelard où je distinguais avec dépit les noms de mes deux amis, la prof de bio et le prof de néerlandais, qui n’osaient pas me regarder.
Je pensais tout haut: “On va le livrer à cet imam.”
Et le préfet ne savait pas quoi me dire d’autre sinon me répéter les mêmes conneries.
Je suis resté une heure en compagnie de mes collègues. Les éducateurs (dont la jeune femme agressée verbalement) ont dû surveiller nos classes pendant que je tremblais de rage et d’angoisse.
Mes collègues s’y sont mis aussi. Le péremptoire prof de math que personne n’ose contredire bien qu’il ne cesse de dire des bêtises, le délégué syndical, sympa, souriant, mais vieux système… Et de toute façon, le préfet s’était arrangé pour que le môme ne puisse pas terminer l’année ici; mieux valait qu’il parte tout de suite, disait-il.
Une heure, j’ai mis, pour signer… Car j’ai signé…
Quand je suis rentré chez moi, ma petite amie de l’époque craignait que je ne sois tombé malade. Elle ne m’a jamais vu aussi blanc… Ni aprés mon tabassage en rue, ni après les manifs du sommet de Bruxelles…
Un prof ne devrait pas être lié à son autorité de cette manière. La solidarité entre collègues? Bien sûr qu’elle existe, mais elle ne devrait pas prévaloir à notre public; nous ne sommes pas là pour nos collègues ou, pire, pour notre “employeur”, l’État.
Notre responsabilité, notre véritable employeur, c’est le gosse qui est là, devant nous.
Ceci est la première raison pour laquelle je crois que nous devons être amateurs. Parce que nous devons être indépendants de ce “pouvoir organisateur”, de ce maître chanteur qu’est le pourvoyeur de fond. À suivre…
À toi, dont le nom m’échappe…
Faut que j’arrête d’appeler mon fils “mon poussin”; ça fait de Claúdia une poule et de moi un poulet…