Archive for the ‘discussions piquantes’ Category

Israël >< Holocauste

Tuesday, August 18th, 2009

La discussion sur les territoires palestiniens et l’autorité israélienne (ou le contraire) souffre d’un problème évident de racine historique: l’holocauste.

L’histoire d’Israël a été intrinsèquement liée à celle du massacre des Juifs sous le régime nazi.

Pourtant…

Ce n’est pas nier, ni diminuer, ni dévaloriser l’holocauste -fait dramatiquement historique, montré et démontré, témoigné et ‘archéologiquement’ visible- que de condamner un État colonialiste, impérialiste, pratiquant l’Apartheid “comme les grands”, usant d’armes létales, qu’elles soient légales ou illégales, pour frapper aveuglément sur des groupes, infligeant des punitions collectives “comme dans la Thora“…

Israël -l’État- ne mérite pas la caution de l’Holocauste. Les Juifs, dans leur ensemble, ne méritent pas d’être associé à un crime d’État continu…

Noam Chomsky, Hannah Arendt, Albert Einstein, Emma Goldman, Alexandre Berkman, Karl Marx, sont parmi les plus grands esprits humains. Ils sont Juifs. Ils font partie de mon Panthéon à moi. Pas l’État d’Israël.

Prendre parti sans être au parti

Tuesday, August 4th, 2009

Je ne suis pas chaviste.

Je ne peux pas l’être, je suis allergique aux gouvernements et aux uniformes.

Mais.

Je ne peux pas m’empêcher de faire de l’urticaire quand je lis des pseudo-infos genre issues de Libération ((Qui accable régulièrement le régime vénézuélien.)), de Reporters sans Frontières ou d’autres médias frauduleusement catalogués de gauche ((Comme le Soir en Belgique, on rêve!)) ou engagés.

Pourquoi? Parce que généralement les prétendus reportages qui concernent l’expérience bolivarienne (discutable, mais intéressante) au Vénézuéla déforment les faits, les informations, les points de vue, s’appuient sur la presse droitière du pays et ne cherchent que mollement à proposer le point de vue du gouvernement local.

Alors, certes, c’est un gouvernement, et je n’ai pas tendance à le croire sur parole.

Pour moi, un gouvernement est présumé coupable.

Cependant, à la lecture d’Acrimed, du blog de Thierry Deronne ou du site RISAL, je réalise que des enquêtes de terrain, des reportages, des rapports directs sur ce qui se passe là-bas sont bien plus utiles pour comprendre ce que peut être une alternative au tout-libéral.

Je ne fais pas confiance à un gouvernement pour installer le socialisme et j’espère que le président, un jour, passera la main à d’autres, qu’on réduira le culte de la personnalité qui, malheureusement, est encore le moteur de la politique dans la plupart des pays du monde ((Tous?)), mais il y a des pistes intéressantes au pays de Chávez, parmi lesquelles:

-encouragement des coopératives de production;
-promotion des médias locaux;
-lois qui soutiennent, protègent, réclament de la population les groupements horizontaux afin qu’ils créent leurs propres solidarité.

Tout cela, les hommes devraient pouvoir le faire par eux-mêmes, et ça ne m’amuse pas que l’initiative vienne “d’en haut”, mais il faut reconnaître que le gouvernement chaviste est le premier du genre qui encourage la récupération d’une partie du pouvoir par des cercles populaires.

Rien que cela, ça vaut des éloges.

Le reste, les relations diplomatiques douteuses, les étatisations, les confiscations de licence aux médias de curés et de publicitaires, les procès aux opposants putschistes… Franchement, rien de ce que Chávez et ses partenaires ont fait ne pourrait être critiqué si cela se faisait dans un pays européen ou nord-américain.

Le tout en rappelant que la plupart des faits critiqués sont modifiés, détournés, amplifiés voire inventés pour salir un gouvernement qui ose s’opposer à la force de frappe capitalistico-libérale.

Tout en rappelant que le capitalisme existe encore au Vénézuéla, que beaucoup d’hommes d’affaires y font d’excellents bénéfices et que le pays n’a probablement jamais connu une sécurité juridique générale supérieure à celle qui s’y pratique actuellement.

Mais bon, c’est pas nécessaire d’y croire: c’est sans doute plus confortable de “nier l’affaire”…

N’est pas à gauche qui veut…

Saturday, August 1st, 2009

J’ai envoyé une lettre à deux des principaux éditorialistes du CartaCapital, une revue hebdomadaire brésilienne ((Hebdomadaire vendu à 75.000 exemplaires, ce qui n’est pas très impressionnant comparé au million de Veja, franchement de droite.)), réputée la plus à gauche des quatre principales revues de ce type. Cette lettre concerne la situation de Cesare Battisti, ex-militant d’extrême-gauche, condamné en Italie pour faits de terrorisme, impliquant notamment la mort de quatre personnes, crimes qu’il nie.

Mino Carta et Walter Fanganiello Maierovitch ont consacré de nombreuses pages sur le sujet de janvier à juillet. Je vous reproduis cette lettre traduite en français, avec quelques commentaires supplémentaires pour éclairer mon propos à des non-Brésiliens.

Voici cette lettre ((Dont j’attends encore, fol espoir, la réponse.)):

Une obsession

Le Caros Amigos ((Revue de gauche ayant notamment pour chroniqueur des figures engagées comme Eduardo Suplicy, João Pedro Stedile du MST e José Arbex Junior.)), revue généralement bienveillante à l’égard du CartaCapital, s’étonnait dans un numéro récent de la virulence de vos propos à l’égard de Cesare Battisti ((Mais contrairement à vous sans revenir systématiquement sur la question.)). Au point où l’on pourrait s’interroger à leur place comme vous le faisiez sur une couverture: “Qu’y gagnez-vous?” (Vous vous posiez la question à propos de Tarso Genro, ministre de la justice) ((À en croire l’édition de votre revue du 18 février dernier, le ministre Tarso Genro a dû échanger sa décision d’accorder le droit d’asile À Battisti contre quelque chose –mais quoi? À ce propos, le moins que vous pourriez faire, ce serait d’avancer une hypothèse. Simple lecteur, me voilà frustré par une affirmation qui pourrait facilement être taxée de diffamatoire. Rermarque: tarso Genro fait partie de l’aile gauche du PT. Bien qu’il soit ministre, il fait figure de ce qu’il y a de plus…, enfin, de moins… Bon, il ne sera pas candidat à la présidentielle pour cause de gauchisme. Mais tout est relatif…))
Probablement rien du tout. Messieurs Mino Carta et Wálter Maierovitch, vous êtes très certainement bien trop ancrés dans votre position pour en saisir toute la relativité. Et pour votre lectorat de gauche, ce n’est pas évident de s’y retrouver.

Pourquoi avez-vous essuyé tant de contestations sur ce sujet? ((Essentiellement sur le site personnel de Mino Carta)) Et bien, parce que, tout simplement, votre perspective historique ne correspond pas à celle qu’espère, qu’attend un lectorat de gauche.

Votre point de vue est celui de l’État de Droit, conception éminemment bourgeoise et qui a essentiellement eu pour but, dans l’histoire récente, de défendre un concept encore plus relatif: la propriété privée. Raccourci? En effet, je me dois de m’expliquer.

Le sort de Cesare Battisti, en tant qu’individu, finalement, ne semble pas vous importer outre-mesure, et je dois avouer qu’il me laisse assez indifférent: j’ai plus de sympathie pour les milliers de morts palestiniens, pour les Népalais ignorés jusqu’en 2006, pour le sort des Indiens de l’Amazone et pour la cause des paysans du MST; en outre, je ne connais pas Cesare Battisti, je n’ai jamais rien lu de lui -que ce que vous avez pu citer, vous et d’autres revues brésiliennes-, je ne sais pas s’il est un bon père, un bon compagnon; j’ai rencontré tellement de personnes désagréables dans les mouvements de gauche, que ce n’est pas tellement en tant qu’individus que je peux les apprécier, mais en tant que partenaires vers un objectif commun; une société de gauche.
Puis-je le faire avec Cesare Battisti? Puis-je le ranger, en dépit de Giorgio Napolitano, Massimo D’Alema ou de tout autre membre de ladite gauche italienne, parmi ceux qui partagent -en gros- les mêmes idées sociales que moi?

Les politiques italiens

Mino Carta, vous citez à de nombreuses reprises le président actuel de la république italienne, Giorgio Napolitano, pour justifier de votre point de vue, arguant qu’un communiste historique et acteur de la période des années de plomb comme lui a plus de légitimité pour juger de la situation de Cesare Battisti que bien d’autres personnes (y compris vous-même?).

D’après Mino Carta et de nombreux sujets traités dans la presse brésilienne, Giorgio Napolitano est intervenu pour réclamer de l’État brésilien qu’il restitue le justiciable Battisti à ses juges.

Vous arguez aussi des positions comme celle de l’ex-président Cossiga pour contester ses critiques à l’égard de l’État de Droit italien de la même époque.

Francesco Cossiga, personnage de la “démocratie chrétienne”, a reconnu que la législation produite à l’époque des années de plomb était un ensemble de mesures d’exception qui, de fait, suspendait la démocratie.

Vous allez jusqu’à ridiculiser -et ce n’est pas moi qui vous en ferez le reproche- des personnages comme le sénateur à vie et ex-président du conseil démocrate-chrétien Andreotti pour appuyer votre thèse ((Voir CC 18 février.)).

Voyez comme les mots peuvent faire mal: vous démolissez un démocrate comme Giulio Andreotti, Monsieur Carta; vous refusez de considérer la parole d’un président de la république honoraire (Francesco Cossiga) ayant joué un grand rôle pendant les années de plomb, un homme qui a été élu à ce poste (certes lors d’élections indirectes, mais c’est la règle de cet État de Droit, similaire à celle d’autres pays à la même époque, comme les USA, ou la France sous la IVe République), et qui donc devrait, de votre part, recevoir les honneurs de la parole, si j’en crois vos raisonnements.

Dois-je rappeler que votre argument principal repose sur l’idée que la décision souveraine de tribunaux de justice dans un État de Droit ne peut pas être contestée par un autre État de Droit? -qu’en est-il de leurs pouvoirs législatif et exécutif?

Mais non. Cossiga ne mérite pas la considération que vous prêtez à Napolitano, parce qu’il est méprisable, parce que des scandales entourent son nom, parce qu’il est de droite, tout simplement, peut-être, puisqu’il n’a jamais été condamné pour aucune de ses actions que vous estimez pendable. De même, Giulio Andreotti a systématiquement été sauvé -certes, de manière douteuse, par le biais de manoeuvres judiciaires adroites, mais, eh! ce sont des pratiques courantes dans un État de Droit.

Giulio Andreotti et Francesco Cossiga sont deux des respectables sénateurs à vie qui ont d’ailleurs contribué à soutenir le très fragile gouvernement Prodi en 2006. Ils font partie des “sages” de la république ((Cela dit, on se demande pourquoi vous parlez de Giulio Andreotti, car vous ne rapportez aucune déclaration de sa part qui pourrait influencer la situation de Battisti dans un sens ou dans l’autre.)).

D’autre part, un président du Conseil comme Berlusconi ne cesse d’être attaqué, vilipendé, brocardé dans vos pages. En Italie, sa popularité est à comparer à celle du Président Lula au Brésil ((Il est vrai que la gauche institutionnelle, en Italie, est tellement medíocre, que les Italiens n’ont guère le choix.)). Paradoxe.

Chose curieuse, encore, lorsque vous évoquez Bettino Craxi, ou plutôt son gouvernement, cet homme “de gauche” qui a été premier ministre ((En fait président du conseil, entre 1983 et 1987, nommé par Sandro Pertini (78-85, et encore sous le mandat de Cossiga (85-92)!)) à l’époque où Battisti a subi ses foudres judiciaires depuis son exil, ce qui vous permet donc de justifier la condamnation qui a suivi, vous oubliez de rappeler que celui-ci a bel et bien été condamné pour ses agissements dans le même État de Droit dont vous vous faites les défenseurs. Serait-ce que le président d’alors commît une erreur en le nommant à la place équivalente à celle d’un chancelier allemand élu par le peuple et désigné par le Président de la République pour diriger le pays?

L’État de Droit -remise en question

Voyez comme votre point de vue à l’égard de l’État de Droit peut être contradictoire.
De la même manière, votre interprétation de l’histoire de l’Italie et du Brésil sonne étrangement, et en tout cas ne peut se targuer de vérité absolue. Votre vision, surtout celle de Monsieur Maierovitch, est celle d’une ligne conformiste, conservatrice, qui cherche à se définir à partir de critères juridiques qui, finalement, reposent uniquement sur des compromis historiques qui ne se justifient que par eux-mêmes.

L’État de Droit, si vous observez l’histoire de toutes les nations où il existe ou a existé, se fonde sur la violence, naît dans la douleur, a connu des excès, des révolutions, des exécutions sommaires, des injustices, la terreur ((Les lois “patriotes” en Europe, suivant celles des USA, ont de manière évidente cet objectif. En Belgique, d’où je viens, elles ont déjà servi à criminaliser des mouvements militants et alternatifs. Ce n’est qu’un exemple.)), qui sont le ciment qui a servi à joindre les pierres prétendument légitimes de sa réalité: la constitution, la loi, les élections.

Vous parvenez à citer (et condamner) Robespierre ((Maierovitch, CC 20 mai 2009.)) pour évoquer les régimes de terreur, l’État terroriste. Mais Robespierre et ses associés ne sont jamais que des révolutionnaires qui ont renversé un état précédent pour le remplacer par un autre; eux-mêmes, et en particulier Robespierre, étaient partis avec des principes nobles ((Bien que discutables encore, selon moi.)) et opposés à la peine de mort, mais ils furent confrontés à la violence des conservateurs. Le système Gandhi n’étant pas encore à la mode à l’époque, ils répondirent par la force, avec des excès qui, finalement, au regard du résultat (avènement de la république française et tout ce qu’elle implique dans l’histoire) peut -relativement- expliquer la violence que Robespierre a appliquée, et que presque tous les autres ont ou auraient appliqué à sa place, de Danton aux Girondins…

Pour revenir encore sur la notion d’État de Droit que vous évoquez régulièrement, notamment pour dire que l’Italie possède une bien vénérable constitution de 60 ans ((Vous évoquez dans votre éditorial du 22 juillet l’article premier selon lequel l’Italie est une république basée sur le travail; je vous trouve incroyablement cynique, au regard de l’histoire mafieuse, capitaliste, exploiteuse de la classe au pouvoir en Italie depuis 1948 –sans compter les années précédentes qui sortent du propos.)), il faut aussi rappeler que cette base politique n’a pas empêché que la Péninsule possède l’une des histoires les plus remuantes en terme de corruption, de relations mafieuses entre ses dirigeants et la grande criminalité (vous l’avez vous-même souligné concernant au moins deux de ses ténors), de personnages comme Bettino Craxi, impliqués dans des procès très lourds, mais dont la plupart échapperont par des manoeuvres que seuls peuvent se permettre les membres de la classe au pouvoir d’un… État de Droit ((Je crois que M. Maierovitch ne me contredira pas si je dis que l’une des conditions pour qu’un État de Droit existe soit que tous les justiciables, y compris les plus importants, soient mis sur un pied d’égalité face à la loi. Ce n’est remarquablement pas le cas en Italie. Mais où l’est-ce?))… Ainsi firent Berlusconi, Cossiga ou Andreotti, dont le destin fut, est et reste de régner sur les institutions de ce État de Droit. Cette situation n’est pas neuve. Elle est dénoncée par les esprits les plus brillants d’Italie depuis des décennies, comme par les voix de Giorgio Gaber ((Je vous invite à écouter Qualcuno era comunista (ici ou ), ainsi que Destra-Sinistra, Io non mi sento Italiano, Io se fossi Dio et bien d’autres textes de Luporini et Gaber.)), Dario Fo ((Morte accidentale di un anarchico.)), Nanni Moretti, Beppe Grillo, Sabina Guzzanti, par exemple, parmi bien d’autres, y compris des journalistes et penseurs modérés.

La démocratie et le fascisme

Comme le disait Giorgio Gaber, plus nous sommes libres de les critiquer, plus cela signifie qu’ils sont forts; le droit d’expression n’est donc pas nécessairement un signe déterminant de la réalité d’un état démocratique, car les dirigeants se sentent suffisamment forts pour mépriser leurs opposants les plus rationnels, les plus raisonnables et les plus intelligents.

Un autre point à considérer et qui remet tout de même considérablement en question votre appréciation de la stabilité de la constitution italienne, est que les gouvernements italiens se sont succédés à un rythme effréné depuis 1948: on compte pas moins de 57 gouvernements différents, une moyenne de pratiquement un par an. Avec une prime à l’étonnante stabilité du gouvernement Berlusconi II, l’un des plus longs de cette époque.

Vous estimez encore régulièrement dans vos nombreux éditoriaux que le droit n’a rien d’exceptionnel en Italie.
Je me permets de vous citer ce passage d’un livre de Morris West, paru en 1973 en anglais:
((La traduction, ici, malheureusement, vient du portugais: Morris WEST, A Salamandra, p. 196-197, trad. de Pinheiro de Lemos, éd. Record. Titre original: “The salamander”.))

“Les lois italiennes, de toute manière, favorisaient largement l’Etat et étaient contre l’individu. Bien des vieilles dispositions fascistes figuraient encore dans les livres et pouvaient être invoquées à volonté. Nous n’avions jamais adopté, Dieu seul sait pourquoi, l’institution anglaise de l’habeas corpus. Un homme pouvait être maintenu indéfiniment en prison sur base d’une accusation fallacieuse et un juge complaisant pourrait retarder les interrogatoires et les demandes de la défense jusqu’à son jugement. Notre justice était surchargée de travail et nos systèmes de documentation étaient terriblement anciens. Nos méthodes d’interrogatoire étaient brutaux dans le meilleur des cas et nos prisons une véritable honte (…)”

Faut-il vous rappeler l’affaire Pinelli, l’un des points de départ des années de plomb, véritable provocation contre les mouvements de gauche, qui n’étaient absolument pas responsables des massacres perpétrés, selon toute vraisemblance, par des mouvements d’extrême-droite, et probablement avec la bienveillance d’une partie de l’appareil policier et d’état? ((Pinelli est un anarchiste italien qui, prétenduement suspecté d’avoir commis un attentat en 1969, “tombera” d’une fenêtre pratiquement inaccessible d’un immeuble de la police après plusieurs journées d’interrogatoire. Son ami Valpreda passera plusieurs années en prison avant d’être libéré, faute de preuves.))

En outre, on ne peut attribuer l’existence des lois d’exception aux seuls événements des années dites de plomb: de nombreuses lois liberticides préexistaient aux années 60, comme l’évoque Morris West, certaines remontent à la période fasciste, continuèrent d’exister, et pour certaines existent encore. Je vous invite à découvrir les articles 270 à 270-decies du code pénal italien, toujours en vigueur.

Le code pénal actuel a été promulgué sous Mussolini et a ensuite évolué, mais son inspiration reste fasciste.

Il me reste par ailleurs à vous rappeler que, jusqu’en 2006, une loi de ce même code pénal (art. 272), interdisait, sous peine de prison, de se réclamer d’une autre option politique –en l’occurrence celle de la dictature du prolétariat de Marx- que celle qui existe en Italie: preuve s’il en est de l’incroyable intolérance de l’état que vous appelez de droit et qui ne souffre pas la moindre remise en question.

Continuité de l’État de Droit

Un autre élément essentiel de l’État de Droit, selon les études que j’ai faites en Belgique, est la nécessité de sécurité juridique qui doit prévaloir, afin d’assurer au justiciable qu’une décision prise à son bénéfice puisse l’assurer d’une non rétroactivité en sa défaveur plus tard. Or, vous défendez le changement de politique en France qui a frappé la doctrine Mitterrand et critiquez Battisti qui a ensuite fui la France pour d’autres refuges. C’est la France qui, en l’occurrence, n’a pas respecté un engagement qui aurait dû prévaloir dans la logique de la “continuité de l’État” ((Principe que je trouve au demeurant extrêmement contestable considérant les activités de gouvernement de droite, corrompus, dictatoriaux, qui laissent des ardoises aux gouvernements de gauche que l’on accable généralement dans la presse réactionnaire. Je reconnais que ce n’est habituellement pas votre cas, surtout concernant les régimes de gauche en Amérique Latine. Ce qui fait que je m’attriste d’autant plus de votre position dans cette affaire-ci.)). Quod non.

Enfin, et pour en terminer avec l’État de Droit, il faut tout de même soulever que cette notion est et reste éminemment subjective, relative et d’une fragilité nerveuse: si l’on rappelle que l’un des principes majeurs de l’état de droit est la hiérarchie des normes, considérant que dans la plupart des pays qui prétendent la pratiquer le pouvoir exécutif s’est emparé, aussi bien en Italie, qu’au Brésil ou dans les autres démocraties “traditionnelles”, du pouvoir de “dire la loi” au détriment du pouvoir législatif, passif, qui ne réagit que mal, peu, voire pas du tout, on peut, par l’absurde, affirmer que l’État de Droit existe rarement, qu’il est l’exception, surtout si l’on considère le droit du plus faible, de celui qui ne possède rien, de celui qui n’a pas les moyens de prester en justice alors que d’autres se présentent bardés d’avocats et pourvus des meilleures garanties de résultat de leurs procès. Mais cela, vous le savez aussi bien que moi, sinon mieux.

Concernant le procès Battisti, je vous renvoie au site (en italien) suivant qui conteste la totalité de l’argumentation des tribunaux italiens. Certes, de ces pages, il ne peut s’établir avec certitude que Battisti soit blanc dans les faits qui lui sont reprochés, mais le fait que la justice italienne n’ait exprimé aucun doute à cet égard est d’une grande légèreté ((Dans votre éditorial du 22 juillet, vous contredisez encore le ministre Genro sur base du fait que ne peuvent bénéficier de l’asile les personnes qui ont participé à des actes terroristes. Une fois de plus, votre argument repose ici sur le principe que le droit a été dit dans les règles, alors que le ministre Genro soutient le contraire: vos arguments ne peuvent donc se rencontrer.)).

Histoire comparée n’est pas raison

Comparer Battisti au cas Ben Laden ((CC du 20 mai 2009.)) montre bien jusqu’où votre point de vue est biaisé par votre relativisme historique. Votre raisonnement rappelle la critique faite au pacte germano-soviétique tout em évitant de parler de la rencontre de Chamberlain et Daladier avec Hitler em 1938. Que dire des réfugiés espagnols de la République? Après tout, les États démocratiques auront des relations suivies, claires et amicales, avec le régime de Franco au lendemain de la 2e Guerre Mondiale: la Republique espagnole de 1932 a été trahie par les États de Droit, qui ont privilégié la diplomatie à la justice. Mais je suis certain que vous le déplorez, n’est-ce pas? Pourtant, vous ne pouvez les comparer à l’attitude de Tarso Genro; ce serait même plutôt une attitude opposée à la sienne. L’Italie d’aujourd’hui n’est pas l’Espagne de Franco, soit, mais rien n’est jamais comparable, et surtout pas Battisti et Bin Laden, le Brésil et l’italie (qui, dans les années 70, s’entendaient bien) ou le nazisme et Robespierre.

De même, l’Italie des années 70′ n’est pas le Brésil à la même époque. Mais il semble pourtant que Mino Carta fasse la confusion sur son blog:

“Le ministre Tarso Genro a dit à Belem que sont principalement en faveur de l’extradition de Battisti ceux qui défendent l’amnistie des criminels de la dictature [brésilienne], “à l’exception de Mino Carta”. Je remercie (le ministre) pour la référence, mais j’observe cependant que le ministre tombe dans une flagrante contradiction. N’est-ce pas lui qui (…) a suggéré que l’Italie devrait promulguer une loi d’amnistie similaire à celle réalisée à l’époque par le dictateur de garde au Brésil?”

Attendez voir, ai-je bien suivi? Le ministre Genro n’aurait donc pas fait la différence entre l’Italie et le Brésil dans les années 70′ (un Etat de Droit et une dictature) lorsqu’il s’agissait de distinguer le terrorisme dans l’un et la rsistance dans l’autre, mais, dans ce cas-ci, le ministre Genro, selon Mino Carta, aurait dû estimer qu’il s’agissait des mêmes phénomènes et qu’aucun des deux ne devrait admettre de loi d’amnistie.
Mino Carta se refuse à considérer que dans les deux cas, le ministre Genro a suivi deux raisonnements différents parce qu’il s’agissait précisément de deux cas différents.

L’histoire comparée est un exercice difficile que ni les juristes ni les journalistes ne devraient aborder sans de grandes précautions.

Suppositions

En réalité, ce que vous, Mino Carta, essayez de faire, c’est de justifier de votre amitié pour une certaine “gauche” italienne ((CC du 18 février 2009.)) qui, depuis longtemps, n’est plus du tout à gauche. Le Parti Rifondazione Comunista seul se positionne plutôt contre l’extradition de Battisti. À l’inverse de Napolitano, D’Alema et les autres, Rifondazione est resté plus ou moins fidèle à ses positions anciennes. Certes, lors des années de plomb, Berlinguer eut une attitude péremptoire à l’égard des militants communistes violents -que vous appelez terroristes-, mais Berlinguer n’était pas tout le PCI et ce dernier a souffert de la division qu’entraîna notamment cette condamnation: rien n’est simple. La gauche n’est pas Napolitano et, selon moi, Napolitano n’est plus à gauche ((Et je suis loin d’être seul dans mon cas. La “gauche historique” de d’Alema et consorts n’est plus reconnue par la plupart des Italiens que par opposition aux très droitiers Berlusconi, Fini, Bossi et leurs alliés. Ce phénomène n’est d’ailleurs ni nouveau ni particulier à l’Italie. La “gauche” des démocraties parlementaires n’est plus depuis longtemps véritablement de gauche -si elle l’a jamais été…)).

Ce que vous, Wálter Maierovitch, essayez de faire, est de justifier un système juridique qui vous convient: l’État de Droit bourgeois tel qu’il existe en Europe principalement, et qui -faut-il vous le dire- reste injuste malgré ses avancées historiques indiscutables ((Il n’y a pas qu’au Brésil que le système judiciaire est notoirement de parti pris pour les classes supérieures et que le parlement est majoritairement corrompu. )).
Le fait que Cesare Battisti puisse vous échapper ((Plus exactement échapper à ce que vous défendez: la force de la loi et de la justice institutionnelle.)) vous est intolérable, Monsieur Maierovitch; on peut le comprendre, mais on ne peut le faire que si l’on suit votre propre raisonnement: il n’y aurait, selon vous, de contestation acceptable qu’à l’intérieur du droit; c’est-à-dire par les élections, par les manifestations encadrées, par la presse autorisée, par la grève déterminée par le droit.

La violence historique, la violence de l’État

Il faut cependant vous rappeler que, sans aucune violence, si l’on ne se réfère qu’à la transition de l’époque moderne à l’époque contemporaine, il n’y aurait jamais eu d’élections, jamais eu de parlement, jamais eu de république, jamais eu aucune de ce que vous appelez démocratie.

Sans révolution, sans mouvement violent, l’Allemagne serait un empire, la France une monarchie de droit divin, et le Brésil une colonie portugaise avec des esclaves.
Sans révolution, l’Angleterre aurait un prince omnipotent à sa tête et le parlement anglais n’aurait que le droit de murmurer son mécontentement; les USA devraient encore payer la taxe sur le thé et que dire des ex-colonies espagnoles?

La violence, je la déplore de manière générale; mais il serait trop facile de la condamner d’un côté en oubliant qu’elle est surtout exercée par l’État “légitime” de Droit et surtout comme vous le faites aussi facilement dans le chef d’un homme qui doit être replacé dans son contexte: les années de plomb sont la dernière période de l’histoire, jusqu’à ce jour, où il était permis d’espérer, à gauche, qu’un monde meilleur pouvait arriver si l’on parvenait à renverser l’ordre bourgeois. C’était au lendemain de la révolution cubaine, c’était juste après la défaite américaine au VietNam, l’époque de l’indignation contre les dictatures sud-américaines, et de l’imitation des résistances de ces pays.

Pensez ce que vous voulez aujourd’hui, mais vous êtes en contradiction avec l’ensemble des pensées de la gauche de cette époque-là, ou peut s’en faut. Vous condamneriez les discours de Sartre jusqu’à sa mort, les positions de Malraux sur la révolution chinoise ou sur la guerre d’Espagne; vous voueriez Orwell aux gémonies, vous ne pourriez supporter les textes révolutionnaires de la totalité des penseurs de gauche du milieu du XXe Siècle (Russel ou Reich, par exemple), sans parler naturellement des anarchistes, dont les pensées ont pourtant insipré les mouvements émancipateurs des femmes, des objecteurs de conscience, des pacifistes…

J’apprécie le Carta Capital pour le courage de ses propos, mais je désespère de vous voir reprendre vos esprits, Mino Carta, car vous perdez votre temps, votre énergie et notre patience à insister aussi lourdement sur un cas qui, finalement, devrait être plus du ressort des conservateurs que du vôtre. Abandonnez vos illusions sur la gauche italienne qui n’existe pour ainsi dire plus; souvenez-vous de Nanni Moretti dans “Aprile” qui implorait Massimo D’Alema de dire “quelque chose de gauche” au cours d’un débat télévisé. Cher Mino Carta, vous montrez habituellement des positions politiquement plus libertaires. Certes, vous n’êtes pas opposé au marché libéral régulé, contrairement à une bonne frange de la gauche qui existe encore et aspire au socialisme, mais vous êtes indulgent au chavisme et aux mouvements sociaux qui parcourent le Brésil: vous êtes, dans la presse hebdomadaire, une bouffée d’oxygène. C’est là que nous vous attendons, que nous espérons vos qualités d’éditorialiste, de penseur, d’intellectuel de gauche. Laissez tomber Battisti.

De Monsieur Maierovitch, je n’attends pas la même chose. La plupart du temps, je suis en désaccord avec ses positions conservatrices, même si ses arguments sont souvent intéressants. On ne peut guère attendre de vous autre chose, de même que je verrais mal Antonio Delfim Netto critiquer ouvertement le régime sous lequel il fut autrefois ministre…

Le reste de la lettre était essentiellement formule de politesse…

Pas de nouvelles, bonnes nouvelles?

Wednesday, July 15th, 2009

Hier, les juges ((Dans le cadre du procès de l’État belge contre une demi-douzaine de militants turcs ou d’origine turque dont le principal crime est en réalité de penser autrement qu’un procureur liberticide.)) ont décidé de…
décider plus tard…

C’est-à-dire, histoire de faire monter la tension, la pression, le stress, tout… vers la mi-octobre…

Si d’ici là ils ne trouvent pas encore le moyen de prolonger encore un procès qui n’en finit pas (cela fait dix ans que Bahar et ses amis vont de condamnations en cassations, toujours avec le même dossier imbécilement vide…)…

Bref…

Pas de nouvelles réelles…

Je crois que, moi, j’aurais déjà envisagé d’attaquer l’État belge pour persécution, pour prolongation inutile de poursuites sans autre objectif que de justifier des lois liberticides…

Et après ça vous voudriez qu’on se calme? qu’on ait du respect pour la “démocratie représentative”? qu’on aille voter tranquillement? qu’on soit “européens”?

Être révolutionnaire, parmi les temps qui courent, est la seule position un tant soit peu raisonnable.

Dixi.

Saute, camarade, le capitalisme te court au cul

Friday, July 3rd, 2009

“Le compromis social, c’est le point où le bénéfice tiré de l’opération reste supérieur à l’inconvénient produit.”
(cité d’après le Canard enchaîné, 6 mai 2009, p. 7, qui fait le compte-rendu d’une émission de télévision sur les Jumpers)

Cela signifie qu’un homme qui estime s’y retrouver, peut risquer sa vie si “le salaire de la peur” est suffisant. Ça signifie qu’il y aura toujours des epsilons, des morlocks, des mandaïs, des coolies, des rabatteurs, des sous-hommes qui accepteront de faire le “sale boulot” pour d’autres.

Les jumpers sont des “nettoyeurs de l’atome”, des gugusses qui interviennent dans les réacteurs nucléaires quand il faut y changer les combustibles. ((Intéressant d’aller voir le film en question, rien que pour remettre en question le nucléaire, si vous n’étiez pas encore arrivés là dans vos réflexions. Personnellement, ça faisait un moment que…))

“Ça fait quand même un drôle d’effet d’entrer dans les trappes d’un réacteur…”

Combien vous prendriez pour y aller?

Eux, ils prennent pas cher… Sous-traitants… Marché… Prix cassés…

En tout état de cause, la réflexion ci-dessus (“Le compromis social…”) est intéressante: dans notre société, un certain nombre de personnes sont prêtes à faire les pires travaux dans des conditions dégueulasses: pourquoi? Parce qu’elles estiment leur propre vie à rien? Ou plutôt parce que la société est organisée pour qu’ils existent et acceptent effectivement ce genre de saloperies.

Le capitalisme, c’est ça: qu’il soit privé ou d’État, d’ailleurs, il nécessite l’existence de non-êtres.

De non-êtres?

Oui, à partir du moment où l’on estime qu’une société démocratique est organisée pour et par le “démos”, c’est-à-dire l’ensemble de la communauté qui occupe le pouvoir ou en désigne ses représentants, il est indiscutable de considérer que ceux qui, en son sein, font les travaux les plus durs ou les plus risqués, sacrifient leur santé ou pire, pour qu’un élément plus ou moins nécessaire puisse fonctionner, on peut dire -à moins d’être bouddhiste et de penser qu’ils se réincarneront en surhommes la prochaine fois- que ces sacrifiés ne sont pas des êtres à part entière, puisqu’ils ne méritent pas l’accès aux bienfaits de notre civilisation…

Le salaire de la peur des jumpers est ridicule. Il n’empêche qu’on trouve des gens pour se prendre des paquets de rayons-hulk dans la gueule -jusqu’à ce que ça devienne intolérable, bien entendu…

Et si demain je vous disais que pour continuer à toucher le salaire minimum, vous avez le choix entre ça et votre boulot au Sri Lanka parce qu’il a été délocalisé, vous me répondez quoi?

“Le compromis social”, c’est quand on l’a dans le cul sévère.

Le compromis social, c’est quand le capitalisme s’y retrouve, ne vous y trompez pas, et qu’il a trouvé un contractant assez (censuré) pour reproduire sa marge bénéficiaire propre.

Le compromis social, oui, c’est quand on accepte l’exploitation.

Saute, camarade…

Oh le Bel20!

Friday, June 19th, 2009

(Je vous fais profiter d’un extrait de ce bidule que je suis en train de préparer sur le thème: l’économie capitaliste pour les nuls -c’est pas le titre, hein… C’est l’idée. Et si ça se trouve, ce ne sera pas dans la version finale, mais voilà…)

Le capitalisme libéral a un côté poétique : il imagine de la valeur là où il n’y en a pas. Il rétorquera : « là où il n’y en a pas encore » et pense qu’elle viendra, pense même qu’en idée, elle est déjà là –d’où la hausse de l’action.

Mais tous (y compris le capitalisme) nous savons que cet espoir est infondé dans de nombreux cas –c’est la dure loi du marché: il faut des perdants pour qu’il y ait des gagnants. Et tous nous savons aussi que l’équilibre du capitalisme nécessite qu’il se réalise dans une large proportion, faute de quoi l’insolvabilité des rêveurs se retourne contre l’ensemble des créditeurs qui avaient contribué à alimenter des rêves creux.

La crise, en fin de compte, résulte de la baisse de cette proportion : plus les rêveurs, les poètes du capitalisme se sont trompés lorsqu’ils croyaient avoir créé de la valeur –et avaient gonflé artificiellement la croissance du PIB mondial- et plus la réalité s’avèrera amère ((C’est exactement ce qui s’est produit, en un sens, pour cette dernière crise, comme pour toutes les précédentes: on a attribué de la valeur à ce qui n’en avait pas, et lorsque trop de monde s’en est aperçu, patatras…)).

Le capitalisme libéral a un côté poétique… Mais les rimes sont plates et le rythme n’a rien de chantant. Les vers sont convenus, sans surprise et pleins de lourdeurs. Les thèmes sont répétitifs. Même McHammer n’en aurait pas pu faire un disque.

Dans la série “nos fils de pute”

Monday, June 8th, 2009

Omar Bongo, représentant de la Françafrique au Gabon, est mort (c’est officiel).

“Bon, on le remplace par qui?” se demande-t-on à Paris…

Voir, s’il était besoin, le petit post ci-inclus.

Aïe am ze law

Monday, June 8th, 2009

Il est assez étrange pour moi de constater un phénomène récurrent auprès de certains de mes familiers. Il semble que j’aie acquis une espèce de figure de juge ((D’où le titre. J’ai vu récemment un morceau de Judge Dredd qui m’a interloqué.)), ou de je ne sais trop quelle représentation mythologique. Il suffit que, dans une conversation anodine, je dise:

“Alors tu as accompli ton devoir de citoyen soumis?”

pour que les choses se gâtent.

Il est un fait que je suis un abstentionniste revendiqué et actif et que le vote au sein d’une démocratie parlementaire me rebute de manière aussi automatique qu’une fraude fiscale.

J’ai le devoir citoyen complexe.

Pour moi, le remplir tous les x temps au moyen d’un bulletin, qu’il soit électronique ou papier, et se dédouaner le reste du temps, me rend blet.

On peut certes encore se justifier par des “on ne peut rien y changer” ou des “que veux-tu que je fasse?” ou des “je ne vais quand même pas prendre les armes”. Mais dans ces cas, restez dans votre lit, envoyez un mot d’excuse et ne leur donnez pas la satisfaction de voir leurs nombres de voix augmenter systématiquement et leur auto-satisfecit déborder de nos médias mainstream et bêlants.

Vous êtes lourds: si vous ne croyez pas dans la démocratie parlementaire, ne votez pas!

On me dit aussi “L’extrême-… y gagne chaque fois tu ne votes pas.” Rassurez-vous (si je puis dire), vu les cliques au pouvoir dans la plupart des pays du monde entier, l’extrême y gagne toujours plus, malheureusement ce n’est pas la gauche…

Certains de mes amis me disent aussi: “ne pas voter ne te rend pas plus libre” et “je vote et je fais quelque chose: je participe à telle et telle choses”.

Pour la première affirmation, c’est absolument vrai: je m’en voudrais de me contenter de ne pas voter, ce ne serait absolument pas logique. Ne pas voter n’est en soi rien si l’on ne le complémente pas d’un acte subséquent. Rester dans ses plumes n’est en rien citoyen si vous ne vous manifestez pas les autres jours.

D’un autre côté, voter -c’est-à-dire abdiquer de votre pouvoir citoyen à l’échelon des forces représentatives surpuissantes des démocraties parlementaires- et prétendre ensuite “faire autre chose” en plus me paraît contradictoire. Moins malsain que de ne rien faire, mais contradictoire tout de même.

Coller un copain à la charge de vice-premier-consul de Schaerbeek ne changera rien à la problématique générale et l’idée qu’un Besancenot puisse frôler le deuxième tour des présidentielles dans trois ans me laisse aussi froid que lorsque Le Pen y était, lui, arrivé. Bien que je trouve le premier immensément plus sympathique que le faux borgne, je m’en voudrais d’avoir pu participer à l’envoyer à une quelconque charge représentative, fût-elle celle de conseiller rural ((Je connais beaucoup de potes qui se présentent aux élections et que je trouve bien, mais je ne leur ferai jamais de promotion, de peur qu’ils soient élus… Ce qui arrive à certains, à mon corps défendant.)).

Pour autant que je sache -et je prétends en savoir un morceau-, nous ne pouvons pas envisager d’amélioration de la société “à petits pas” ou “par lobbying” ou par toute autre formule naïve de participation à un système qui, par essence, n’accepte de changer que pour que tout reste identique.

“Yes we can”, “Ensemble tout est possible” et autres “Ce serait pire sans nous” ne peuvent que vous plonger dans l’illusion systématique que les choses évoluent effectivement par les urnes ((Certaines expériences sud-américaines semblent contredire ce que je dis, mais ce sont des cas spécifiques qui mériteraient une analyse séparée. À la grande rigueur, on pourrait comparer l’émergence démocratique du Vénézuéla ou de la Bolivie avec l’Espagne pré-franquiste, mais c’est à la fois un jeu compliqué et un ensemble de cas de figures totalement en inadéquation avec les démocraties parlementaires classiques et qui ne peut en aucun cas servir de référence pour le “Premier Monde”.)).

Non, c’est la rue, c’est la pression, c’est la lutte, c’est la merde qu’on remue, c’est le pouvoir qu’on abolit, c’est la réquisition citoyenne, c’est la contestation de la légitimité des forces en place par leur dénonciation toujours plus originale qui peuvent changer les choses. Qui ont déjà plus d’une fois changé les choses. Qui ont même amené le Suffrage Universel, mais bon…

Consommation responsable, production alternative, grèves, boycott, occupations, livres, articles, même manifestations, et j’en passe, ont toujours fait bien plus pour la cause que de voter rouge (pas rose) ou vert. Il y a encore bien plus à faire, mais je sortirais temporairement de mon sujet.

Maintenant, si ça vous plaît tant que ça d’aller faire la file au printemps pour faire une petite croix dans une case…

Mais par contre, je ne me permettrais pas de juger du comportement de quiconque. Il est ancré dans bien des esprits que l’acte dit civique de se planquer trente secondes dans un isoloir fait partie de la démocratie: je m’en voudrais de vous culpabiliser parce que vous remplissez votre “devoir de citoyen”.

Si vous y croyez vraiment, j’espère que vous remplissez aussi bien votre feuille d’impôt et que vous vous garez toujours à plus de cinq mètres des clous.

Et que vous mettez les patins en entrant…

Priorités mal à droite

Thursday, April 30th, 2009

Je n’ai malheureusement pas vu le film de Paul Moreira sur le Dollaristan -entendez l’Afghanistan alimenté par l’héroïne traiditionnelle et la corruption financée par l’Occident-, mais j’en ai lu un petit compte-rendu dans le Canard Enchaîné du 22 avril dernier.

Parmi les nombreux flops rencontrés par le journaliste sur place, on compte celui des écoles prétendument réalisée par l’USAID ((organisme par ailleurs reconnu d’utilité publique par tous ceux qui ne supportent pas la vue d’un socialiste à moins de deux cent mille kilomètres, il est l’un des principaux organisateurs des troubles préputchistes dans de nombreux pays latino-américains, notamment.)) et dont le journaliste a pu vérifier la réalité:

“L’aide? dit le Principal. Ils ont construit un mur d’enceinte. Des toilettes. Les travaux se sont arrêtés là.”

De l’art de poser les priorités en matière scolaire: ce sont les murs qui encerclent l’école que l’on commence par poser, rien avant -et, ici, rien après.

-Maaaaaaiiiiiis, tu ne comprends pas: c’est pour éviter qu’on vole des trucs dans l’école qu’on commencer par les murailles.

Ben tiens: si vraiment on avait l’intention d’y accumuler des objets plus précieux qu’une règle en bois et un pot de craies de couleurs, ce ne sont pas les locaux qui risquaient de se servir sur la bête, mais bien les seigneurs de guerre qui règnent en maîtres absolus sur leurs petites portions de territoires -et, eux, ce ne sont pas des murs d’enceinte qui vont les arrêter.

Non, ceci est symptomatique de ce que, pour les autorités, pour l’idéologie dominante, représente ou doit représenter l’école: un espace clos, délimité, enfermé, détaché, soucieux d’enseigner, aussi bien aux enfants qu’aux parents, que les mondes productifs de savoir doivent être compartimentés, protégés, régulés, comme les mondes productifs de biens et de services, fondés sur la propriété et le profit.

Le parallèle avec l’usine et ses murs, le bureau et son service de sécurité, la prison aussi, est évident: l’école, loin de séparer l’enfant de la société, l’y intègre de force, le plonge dans la réalité de celle-ci, en lui en montrant ce qu’elle a de meilleur: l’enclosure.

C’est ainsi, chères têtes blondes, que vous produirez plus, plus vite et pour moins cher…

Ah, et en évitant de se bousculer dans les escaliers, s’il vous plaît…

Dictadouce

Friday, April 24th, 2009

La Folha de São Paulo, l’un des plus importants quotidiens du pays, bien à droite au niveau économique, mais qui se marque aussi par une nette préférence pour tout ce qui n’est pas Lula, bronzé, peu éduqué, petit, carrément brun, de gauche, trop intello, et vous avez saisi l’idée, ce quotidien, donc, a sorti récemment de jolies réflexions sur la dictature militaire qui sévit ici entre 1964 et 1988 ((Je dis 1988, bien qu’entre 1985 et 1989 ait sévi un président civil, mais clairement du parti des militaires. 1988 marque une rupture avec l’adoption d’une constitution qui promettait beaucoup de choses… à ceux qui y croyaient.)).

C’est au détour d’un article qui critiquait (pour la énième fois) le régime vénézuélien actuel, que la Folha, par l’entremise d’un éditorialiste, s’est permise de comparer les régimes militaires d’Amérique Latine, genre Pinochet, Stroesnner et le brésilien en particulier, avec le gouvernement élu au suffrage universel du président Chávez Fria.

Pour arriver à la conclusion que les généraux du pays de Pelé et de la Samba avaient été finalement assez cools. La preuve, Pelé pouvait y faire de la pub et la samba pouvait être dansée, même mal, par les touristes ((Y compris Pierre Richard dans le Retour du Grand Blond, pourtant excellent.)).

Et adopter l’expression “Ditabranda”, que l’on pourrait traduire par le titre repris ci-dessus… ((Ou plus précisément, mais ça perd son sel en jeu de mot, dictasouple.))

Dictadouce…

Plusieurs de ses collègues lui ont emboîté le pas quand les critiques ont commencé à fuser. Mal leur en a pris.

Indignations d’intellos, désabonnements et autres manifestations se sont naturellement succédées. Et de remuer la merde, naturellement, car la Folha et son groupe éditorial, en 1964, avaient clairement pris parti pour la junte putschiste. Elle faisait l’éloge des flingages de résistants (appelés bien sûr terroristes) et se félicitait, à l’instar de la classe entrepreneuriale, du “miracle économique” des annés 71-74, qui fit tout de même dire à l’un des présidents-généraux: “L’économie du Brésil va bien, mais pas le peuple.”

Raison de cette offensive révisionniste ((Le révisionnisme est un mot trop souvent employé de manière péjorative. À l’époque de Dreyfus, les révisionnistes étaient, faut-il le rappeler, ceux qui voulaient revoir le procès du bonhomme.))?
On en distingue plusieurs possibles.

La première serait de tenter de diminuer les mérites des résistants qui, depuis 25 ans, se battent (eux ou leurs familles) pour faire reconnaître leurs droits à des indemnisations, trés contestées du côté des nantis, des résistants parmi lesquels on compte aussi la très probable candidate du PT aux prochaines présidentielles, Dilma Rousseff ((À l’époque, franchement communiste.)), qui fut arrêtée, torturée et emprisonnée plusieurs années ((Le plus ironique est que le fort probable candidat de la droite est également un ancien résistant de gauche devenu, disons, pragmatique, le très sérieux gouverneur de SP, José Serra.)).

La seconde pourrait être une tentative d’auto-réhabilitation, puisque la Folha est mouillée jusqu’au cou dans l’entreprise militaro-putschiste de ’64 qui attire ces dernières années les foudres des historiens et des mouvements cherchant à faire comparaître les bourreaux et leurs commanditaires en justice ((La gauche brésilienne se plaint régulièrement du fait que l’Argentine, le Chili et même certains pays d’Amérique centrale, parviennent à confronter les anciens tortionnaires à la justice, alors que Lula et consorts traînent ici les pieds.)).

Une troisième motivation possible serait, selon certains, de préparer une éventuelle nouvelle fournée de mini-coups à l’échelon des États où la gauche (modérée, hein) a tendance à trop souvent l’emporter.

Enfin, il existe un lien possible avec la crise économique actuelle: le néo-libéralisme s’en est pris plein les dents. Or, celui-ci était bien sûr collé aux basques des dictatures latino-américaines. Les journaux et revues des milieux conservateurs sont ici en pleine panique et développent des arguments de plus en plus incohérents pour tenter de sauver ce qui peut l’être des théories ultralibérales qu’ils ont défendues depuis des dizaines d’années ((Tout en se parant de l’objectivité et de la neutralité journalistique que l’on devine aisément.)). Parmi ces arguments, la défense, même modérée, des régimes qui ont le mieux et le plus contribué à la diffusion de ces théories semble naturelle.

Toujours est-il que ça ne prend pas toujours aussi facilement.

Dans un prochain numéro, si je vous ai suffisamment mis l’eau à la bouche, je vous raconterai un peu les aventures des principaux quotidiens et hebdomadaires que l’on rencontre à São Paulo…