Premier chapitre d’une petite série sur la crise.
Sous prétexte que l’État est intervenu massivement, et en ponctionnant dans les sous des contribuables ((Et pas qu’un peu, malgré les rappels que l’argent manque même pour des financements mineurs, genre celui-ci .)), pour sauver les banques et les institutions d’assurances et autres joyeusetés financières, on annonce un peu vite que le capitalisme est malade et que le néo-libéralisme est mort.
Je ne serais malheureusement pas aussi optimiste ((Jusqu’ici, je n’ai lu de contradictions que sous la plume de clowns de droite et d’actes de décès du capitalisme que sous celle de chroniqueurs de gauche. Je ne prétends pas me ranger avec les premiers, mais je pense que les seconds font fausse route.)).
Le néo-libéralisme n’est jamais qu’un accomodement particulier du libéralisme, et il n’en est pas son opposé. Il n’est qu’une tendance parmi toutes les idéologies dérivées de la branche Smith-Tocqueville-Ricardo, défendue par l’école néo-classique autrichienne et les joyeux lurons de Chicago. Le capitalisme libéral n’est pas opposé à une intervention de l’État par principe. Le simple fait qu’il le tolère et qu’il en ait besoin (pour garantir l’existence de la propriété privée) nous le rappelle s’il était besoin.
L’État capitaliste de tendance libérale ((Oui, il existe d’autres clowneries capitalistes pas libérales : l’état moderne chinois, le stalinisme, l’état fasciste centralisé, par exemple, mais aussi le colbertisme ou le pharaonisme. )) (qui regroupe également des courants divers, y compris le clientélisme social-démocrate, la pieuvre mafieuse ou fasciste genre Chili ou Appartheid, la république fédérale de type américaine ou la confédération helvétique) n’existe que parce que les différentes catégories de personnages qui se partagent le pouvoir économique à l’intérieur de ses frontières, soit par choix, soit par tradition, y trouvent leur compte. Ils ont adopté un moyen d’assurer de manière commode un marché de consommateurs intérieur et un réseau de relations diplomatiques internationales telles que leurs nécessités financières et commerciales y gagnent. Leurs partenariats, leurs lobbyings s’accomodent de presque tous les changements de régime, y compris de ceux qui ont eu lieu récemment en Amérique Latine.
Bien sûr, certains de ces zozos très riches et pas très solidaires sont moins contents que d’autres et le font savoir, comme au Vénézuéla, en Bolivie ou en Équateur. Mais comme ils menacent plus la paix sociale qui garantit le marché qu’ils ne le soutiennent, leurs appuis internationaux restent marginaux, malgré leurs grandes gueules ((Croire qu’il n’y a que deux camps dans le monde est l’une des pires illusions qui soient. Elle est également contre-productive.)).
C’est dans le même ordre d’idée qu’il faut observer les aides aujourd’hui accordées à des institutions privées ou partiellement privatisées : les administrations d’État sont régies par des groupes de personnes liées de manière intégrées aux cercles du pouvoir économique. Le nier serait absurde : cela a été plusieurs fois montrés ((G. Geuens, Tous pouvoirs confondus, Etat, capital et médias à l’ère de la mondialisation, EPO (mars 15, 2003). )) et est facilement vérifiable par la simple consultation de données publiques ((Un abonnement au Canard Enchaîné ou au Plan B aiderait déjà à s’en rendre compte. )), y compris sur internet ((Belges, allez jeter un oeil sur le site du Cercle de Lorraine. Moins Belges, allez jetez un oeil sur ce descriptif du Groupe Bildenberg.)).
Prétendre que Paulson, Reynders ((Rions à l’évocation de notre grrrrand stratège, on est là aussi pour ça.)) ou Poutine sont plutôt ceci ou cela, tant qu’on ne les dit pas socialistes, n’a aucune espèce d’importance : ils sont tous capitalistes, mais ils sont avant tout favorables à ce qui les avantage le plus. S’ils se trouvent mieux de nationaliser temporairement une institution ou de privatiser la sécurité sociale, ils développeront les arguments pour nous en persuader et pour nous faire croire qu’ils ont toujours pensé la même chose en dépit des faits qui montrent le contraire ((Sauf peut-être Poutine qui n’a jamais cherché à sauver les apparences. A défaut d’être fréquentable, on peut au moins lui accorder ça : il n’ a pas hésité à proclamer qu’il n’adoptait une théorie économique que parce qu’elle lui permettait de conserver ou d’augmenter son pouvoir.)). Ça n’a pas d’importance, puisque les voix qui discordent de leurs discours n’ont qu’un faible écho dans les médias dont la majeure partie est largement contrôlée par les mêmes cercles ((Se demander si ce sont les Murdoch (Fox), Bouygue (tf1) et autres Rossel (ouais, bon) qui dirigent les politiques, si ce sont les politiques qui dominent les cercles financiers ou si ce sont les cercles financiers qui commandent aux médias est une perte de temps : ils s’entendent et s’échangent parfois les places, à l’image d’un Paulson ou d’une Lagarde, par exemple, d’un Thierry Breton encore avant. Il suffit aussi de constater le nombre de nos ministres et députés qui occupent des places d’administrateurs dans des entreprises d’importance et le sujet sera clos)).
Ainsi, les grands trésoriers du monde s’accordent-ils en fonction de leurs accointances personnelles pour financer plutôt tel ou tel gadget capitaliste et pas celui-là. Les prétextes officiels sont mignons : pour Lehman Brothers ((Pour laquelle je n’ai pas l’intention de verser une larme, notez.)), il n’y avait pas d’acheteurs, mais pour Freddy Mac et Fanny Mae, l’intérêt du système imposait le sauvetage. D’autres fois, on arguera que trop d’emplois seraient perdus sans un soutien de l’État, alors que les fermetures, par le passé des industries automobiles, métallurgiques ou minières un peu partout en Amérique du Nord ou en Europe, ne seraient jamais que des incidents dans la grande marche vers le progrès libéral…
Je pourrais rétorquer que, si des banques ferment, si des milliers d’employés perdent leurs jobs en Europe et aux USA, les banques brésiliennes ((Ici, en effet, le secteur bancaire est (malheureusement) solide.)) ou sud-africaines finiraient peut-être par y gagner et, qui sait ?, offrir plein de jobs à plein de petits mandaïs locaux -et aussi assurer une meilleure santé financière au système qui y gagnera en productivité, etc.
Sans les aides de nos administrations occidentales, les institutions financières des pays « émergents » pourraient racheter les bonnes vieilles insitutions euro-étatsuniennes (ça aurait de la gueule, le rachat des banques colonialistes par les anciens colonisés).
Tout ceci m’offre un argument supplémentaire pour dénier à l’État la prétention d’être la solution aux problèmes qu’il a contribué à créer. Ni le marché, ni l’État ne peuvent être dédouanés. Ils sont complices, d’autant plus pernicieux qu’ils jouent, devant le juge du public, à se renvoyer la balle avec des arguments qui ne permet d’en condamner aucun tout seul.
C’est ensemble qu’il faut les noyer.