Ze Marché of ze Nations

September 10th, 2012

Après Johnny, le “Johnny national” des Français et des Belges, qui fut pourtant longtemps plus étatsunien qu’autre chose, c’est au tour d’un autre pauvre privilégié de la vie de venir demander la nationalité belge, un certain Bernard Arnault, l’homme le plus riche d’Europe, LVMH-man, l’un de ces hommes qui murmurent à l’oreille des présidents, tous partis confondus.

Dans le Canard Enchaîné de cette semaine, page 4, le non-lecteur de la Tribune ou des Echos apprend qu’il pourrait bien devenir moins intéressant pour un Français de mourir en Suisse, à partir de 2014, car le pays par excellence de l’évasion fiscale (bon, avec le Luxembourg, les Iles Caïmans, Gersey, le Liechtenstein, Monaco, Andorre, et une bonne cinquantaine d’autres destinations amusantes) pourrait en venir à taxer les successions comme en France suite à un accord avec son grand voisin.

En Belgique, une information sur un possible arrangement entre la Suisse et la Belgique concernant le secret bancaire et la taxation de capitaux discrets de certains de nos compatriotes a fait un petit buzz cette semaine. Mais comme Reynders n’est plus ministre des Phynances, il est possible que le côté un peu trop “One shot” de l’affaire, porteur électoralement, ne séduise pas tout le monde -mauvais joueurs!

Et on ose dire que le système n’est pas libéral

Qu’est-ce que le libéralisme, sinon la possibilité pour le consommateur de choisir à son gré le produit qu’il désire sur un marché ouvert, en fonction du prix, des conditions, des contraintes? Si je veux acheter une voiture, sur un marché libre, en effet, je dois considérer son prix, ses qualités propres, ses défauts, mais aussi les conditions de vente: la garantie qui l’accompagne, par exemple, mais également les conditions de financement ou les conditions de reprise, bref, plein de choses.

L’intervention des Etats dans ces conditions joue aussi: il arrive que, pour relancer l’économie, un Etat décide de réduire temporairement une taxe sur un produit (le carburant par exemple) ou de proposer de meilleures conditions de reprise de véhicules anciens. Le consommateur averti -et dans un marché libéral idéal, le consommateur est averti- profitera de ces moments également. Donc, le temps devient aussi un facteur à considérer sur le marché de la consommation. Quelque part, l’Etat étend le marché libéral au-delà de l’espace, dans le temps ((Oui, je sais, le temps était *déjà* une dimension économique sans l’Etat, oh, on chipote.)). Le “lieu” du marché avance dans la quatrième dimension.

Avec la mécanique quantique et la théorie des cordes, qui sait où le marché s’arrêtera…

Ceci pour rappeler que l’Etat, loin d’être un obstacle au libéralisme, en tant qu’acteur agissant sur le marché (que le consommateur, comme le producteur, le distributeur, le vendeur, doit considérer), au contraire, l’entretient, fait jouer les axes de la loi de l’offre et la demande. Geindre sur l’Etat sous prétexte qu’il serait un frein au marché est de la dernière des hypocrisies. Au contraire, l’Etat augmente les facteurs de décision, propose des arguments dynamiques au marché lorsque celui-ci a trop tendance à s’endormir.

C’est l’Etat qui ouvre les vannes de l’immigration, quand les entrepreneurs ont besoin de main-d’oeuvre corvéable et d’un matelas de chômeurs officiels, ou qui les ferme, non pas tant pour réduire ce matelas que pour clandestiniser les nouveaux arrivants pour des raisons aussi économiques que politiques.

C’est aussi l’Etat qui relance les investissements, par le jeu des Partenariats Public-Privé ou par les guerres qu’il provoque un peu partout dans le monde. Sans l’Etat, toute une série de grands chantiers n’auraient pas vu le jour, car le privé, qui aime la sécurité, n’aurait pas osé les entreprendre. Ce qui explique aussi le jeu de balancier entre les privatisations et les nationalisations qui, loin d’être purement idéologiques, suivent également des trajectoires mercantiles, l’Etat intervenant plus souvent lorsque les acteurs privés n’en peuvent mais, ou qu’ils ont besoin d’un coup de pouce par manque de capitaux -après tout, une nation, c’est un très, très vaste capital disponible et qu’il n’est pas inintéressant d’exploiter, mais… il ne faut pas que ça se voie trop…

C’est aussi l’Etat qui joue des coudes pour favoriser -ou non- les entreprises “nationales” (expression bien comique quand on sait que le capital se fiche des frontières), dans un souci certes électoral, mais surtout parce que l’Etat, en tant que facteur agissant sur l’économie, est le lieu d’un marché d’influences très important: avoir un pied, un bras, ou plus, au sein du législatif, ou mieux de l’exécutif, c’est, après tout, un actif au sein de son capital, c’est, pour une entreprise, aussi important que d’avoir des liquidités disponibles ou des biens immobiliers.

Lorsqu’une nation propose de meilleures conditions de vie aux grandes fortunes de ce monde, celles-ci se posent la question: vaut-il la peine de m’exiler pour rejoindre d’autres foyers? Autrement dit, l’investissement de l’ensemble des formalités, en plus du déménagement sera-t-il amorti par les avantages que je trouverai en traversant la frontière et en m’installant à Bâle ou à Uccle? C’est exactement ce genre de raisonnment que se font ces grandes fortunes, et c’est exactement ce genre de raisonnement que l’on se fait lorsqu’on hésite entre conserver sa bonne vieille guimbarde qui consomme un peu trop ou acheter le dernier outil technologique à consommation hybride (qui, par ailleurs, ne préservera guère plus l’environnement que si on avait gardé la vieille, mais nous sortons du sujet). Si vous n’avez pas de voiture, reportez le même raisonnement sur vos récentes hésitations concernant tel outil de communication -téléphone portable, netbook, tablette, que sais-je? C’est exactement la même idée: la France, pour Bernard Arnault, c’était à ses yeux un gros portable en bout de course, et il a décidé de s’offrir la dernière tablette, parce qu’au fond, son utilisation lui reviendra moins chère.

En quoi sortons-nous des principes du libéralisme?

Eclairez-moi, car je ne vois pas…

Quand il est mort le *POUET*

August 21st, 2012

Guy Spitaels est mort…

Quelques réactions à chaud?

Elio Di Rupo: “J’espère qu’il sera incinéré avec ses dossiers.”

Didier Reynders: “Moi aussi.”

Paul Magnette: “Qui?”

Nietzsche: “Allons donc, ça fait longtemps que Dieu est mort.”

Staline: “Spitaels? Combien de divisions?”

Wall Street: “Spitaels? Combien de points au Bel20?”

Guy Coeme: “S’il n’en reste qu’un, je serai celui-là…”

Charles-Ferdinand Nothomb: “Ah non, c’est moi.”

Paul Magnette: “Qui?”

André Cools: “Le pauvre n’est même pas mort de mort naturelle, comme Michel ou moi…”

Wilfried Martens: “La Flandre a perdu… Pardon, la Belgique… Non, pardon, la Flandre a perdu un ami.”

Charles Picqué: “Bruxelles aussi.”

Rudy Demotte: “La Wallonie aussi… oui, oui… D’ailleurs on va sûrement faire un truc à Namur. Ou alors à Ath.”

Paul Magnette: “Où?”

Thierry Giet: “A Ath!”.

Dernière minute: Le PS de Charleoi et le PS de Liège ont tenu à marquer leur accord exceptionnel sur le sentiment qui les anime à l’occasion de la mort de Guy Spitaels.

Limites et anarchie

July 31st, 2012

La liberté totale n’existe pas; elle exigerait que nous soyons sans limite, éternels, que notre jugement soit sûr et profond, bref que nous ne puissions être que parfaits, à l’instar d’un dieu chrétien.

Par l’absurde, cette définition nous entraînerait dans la plus complète détermination en ce que, parfaits, nous ne pourrions produire que du parfait -ce qui, à l’évidence, ne fut pas le cas d’un dieu chrétien, mais passons.

Par l’absurde encore, cette définition de la liberté totale impliquerait que nous ne puissions être nous, je veux dire multiples, plusieurs, nombreux,…

En suite de quoi, nous ne pourrions être des individus, puisque les individus ne le sont qu’au sein de groupes, ne le sont que par opposition au nombre, au pluriel, au multiple.

La liberté totale, si elle est impossible, serait-elle souhaitable? Il semble que Sade nous montre le contraire: par liberté totale, nous entendons la possibilité pour son détenteur de faire à l’autre ce qu’il veut. Pour autant qu’un instant de fureur ou de méchanceté le frappe et les destins de Sodome et Gomorrhe ressembleront à des plaisanteries.

Qu’est-il d’ailleurs besoin de se tourner vers des exemples bibliques ou des références littéraires pour le montrer? Il suffit de rappeler la capacité d’hommes au quotidien pour montrer combien ils peuvent abuser de leurs prochains. Si ces capacités sont loin d’être générales, elles touchent suffisamment de nos semblables pour que nous soyons autorisés à nous protéger des Mussolini, des Sharon, des Schneider, des Empain, des Rockfeller, mais aussi de tous leurs valets, des Eichmann, des Finkelstraus, des Thiers, des Friedman ou des Lincoln.

Notre souci doit être de cultiver la liberté tout en questionnant les devoirs de limites que nous devons malheureusement lui imposer. Cette limite réside dans la capacité de nuire.

La capacité -c’est le maître mot.

Nous ne pourrons jamais tout à fait empêcher un être humain de s’emparer d’un couteau, mais nous pouvons l’empêcher d’armer un escadron, ou même une escouade.

Nous ne pourrons jamais tout à fait empêcher un père de subjuguer ses enfants, mais nous pouvons lui retirer le pouvoir d’hypnotiser des foules.

Nous ne pourrons jamais tout à fait empêcher un mari de tuer sa femme sans prévenir, mais nous pouvons l’interdire de faire croire qu’elle l’a mérité.

Tout ce que l’accumulation des richesses permet aux détriments de certains, de quelques-uns ou d’une immensité, nous pouvons l’empêcher.

Il suffit d’empêcher la possibilité d’entasser des biens et de les capitaliser.

Et alors, il ne restera plus à chacun que le droit de hurler alentour de soi.

Et ce sera bien tout.

Et l’écho lui répondra.

Et nous serons libres parce que nul ne le sera totalement.

L’utopie, non; le désir…

July 13th, 2012

Je compte, en lisant le livre de Barjavel, Le Voyageur Imprudent, à combien de misères s’évalue ma joie de pouvoir contempler mon fils, rond et rose -je veux dire le contraire de faible et malade, comme l’histoire a porté la toute grande majorité des humains à ce jour. Naïveté, non; capacité de flouter ma conscience par moments, lorsque je ne la confronte pas à la lucidité de tels travaux -comme d’autres… J’aurais pu prendre Fallet, Proudhon, Camus, bien d’autres…

Nous possédons tous les outils aujourd’hui pour renverser les inexorabilités de la nature -celles que consacrent les darwinistes sociaux -manger ou être mangé -vaincre ou périr, et qui semblent justifier à leurs yeux toutes les bassesses envers le reste du genre humain pour entasser le plus possible de biens dans des forteresses imprenables. Nous pouvons mettre ces outils à la disposition de tous en quantité égale, histoire de permettre à chacun d’obtenir une chance plus ou moins égale de rechercher un bonheur fugace et léger sur Terre avant l’obscurité totale. Mais ce que nous possédons, une minorité considère juste de se l’accaparer.

Que retardent-ils, sinon le passage dans l’éternité de l’oubli? Aussi, accumulent-ils des quantités effarantes de souffrances pour de futiles instants que l’on peut compter en années, en décennies, qu’on comptera peut-être en un peu plus que cela dans quelques temps -À quoi bon? Ces sursis sont minables, ce qui les permet méprisables.

Abolissons la possibilité d’encercler les biens qui permettraient de soulager la plus grande partie des souffrances de l’humanité (avant, qui sait, d’aborder celles du monde); abolissons la propriété privée, mais aussi celle de l’État; abolissons les privilèges, les verticalités, les “grands hommes”, qui ne seraient rien sans tous ceux qui les ont portés -à tort et dans l’ignorance-; abolissons les limites iniques à la recherche du bonheur que sont les frontières, les hiérarchies, les serrures, les codes et les videurs.

En anarchie, il y aura toujours des secrets, des trahisons, des coups dans le dos: on ne sera pas meilleurs pour autant, mais les enjeux seront tellement moins importants… Impossible pour un crétin de déclencher une guerre, d’accumuler les moyens de former une armée, de “prendre possession” de terres, d’usines, de femmes… Il y aura toujours des crimes, c’est vrai, on imagine mal un monde sans Othello, même si Iago n’aura plus de raison d’être… Les motifs des racismes, des nationalismes, des impérialismes auront cependant disparu… J’ose affirmer que le temps de deux générations l’aura montré.

Des luttes d’ego? Certainement. Mais impossible de les étendre à grande échelle, puisque ces échelles n’existeront plus. Des combats de coqs? Eh oui, mais ils devront se débrouiller sans poulailler. Peu à peu, les femmes et les enfants apprendront qu’ils n’appartiennent pas à leurs pères; et les contrats n’existant plus, nul ne pourra prétendre aux petits caractères…

Il y aura toujours des disettes, des carences, des maladies, des épidémies, mais elles ne seront pas organisées et nul ne pourra profiter, spéculer, détourner, éluder, marchander, sacrifier, emmagasiner, confisquer, mégoter, ergoter, louvoyer, escamoter, banquer, voler, emprunter, s’approprier, légiférer, reporter, emporter, déporter, rapporter, dénoncer, étatiser, nationaliser, multinationaliser, privatiser, sécuriser, limiter, autoriser, comptabiliser, minauder, militariser, évincer, dépasser, gratter, grignoter, siphonner, emmurer, amonceler, évincer, juger, administrer, admonester, attribuer, convoiter, bref, démutualiser, décollectiviser, désindividualiser, sans que nous ne lui tombions sur le dos en lui en rappelant l’impossibilité, l’inanité, l’iniquité, l’inhumanité.

Au moins l’inhumanité telle que nous aurons redéfini l’humain.

L’inertie est de droite

June 27th, 2012

Je ne voudrais pas que l’on s’imagine ce texte « de circonstance », suite aux dernières élections françaises ou à l’apparition d’un nouveau machin dans le spectre des partis en Belgique francophone. La réflexion en est beaucoup plus structurelle, bien plus liée à une réalité historique, une forme de constance, une logique malheureusement vigoureuse.

Le scénario du monde n’est pas un scénario de solidarité, d’émancipation, de mieux-être général et individuel. La tendance lourde, celle des directions nationales et internationales, va dans un sens général autoritaire, élitiste, mercantile. La droite mène le monde par le rapport de force, parce que le rapport de force ne peut que profiter, par définition, aux plus forts, et que les plus forts, fatalement, ce sont avant tout ceux qui capitalisent, autrement dit des habitués de la droite. Ce raisonnement peut s’étendre par ailleurs vers les grandes organisations non-étatiques, telles que les ONGs et les syndicats, mais aussi, évidemment, les entreprises.

Dois-je nuancer ? Bien sûr : il existe des personnes sincèrement de gauche dans tous les espaces dont je viens de parler, des personnes qui, à tort ou à raison, estiment faire œuvre utile et de gauche au sein de ces entités -y compris dans les entreprises-, et sinon ouvertement de gauche, humaniste, solidaire, compassionnelle, émancipatrice -donc, de gauche, bien qu’elles refusent de le reconnaître.

Si l’on définit la gauche par la promotion d’une plus grande, d’une plus large émancipation, d’une solidarité plus forte et étendue, d’une vision plus horizontale de la gestion, tant locale que globale, il y a beaucoup d’individus qui se disent de gauche et ne le sont pas, comme il y en a beaucoup qui refusent de se dire de gauche, et le sont pourtant.

Mais s’il y a bien une chose qui empêche d’être de gauche, c’est l’inertie. Avoir des idées de gauche, penser à gauche, se dire de gauche, ne suffit en aucune manière pour l’être. Être de gauche réside dans l’action, dans le faire, dans l’opposition à l’inertie, car l’inertie est de droite. Dire, mais ne rien faire, ou en tout cas ne rien faire dans le sens de la gauche (de l’émancipation, de la solidarité, de l’horizontalité), c’est en réalité faire le jeu de la droite, et donc être de droite. Parce que faire -ou ne pas faire- dans le sens de la droite catalogue à droite.

Globalement, les partis sont de droite, ou tendent vers la droite dès qu’on en néglige les principes, les bases de gauche. Si le tribun peut être de gauche, le césarisme est de droite, et donc l’héroïsation, la personnification du pouvoir (méfions-nous des tribuns dès qu’ils sortent de leur rôle) est de droite ; la confiscation du pouvoir au sein d’un parti par un petit groupe ne peut que rappeler l’aristocratie, et l’abandon des beaux principes de rotation des élus, par exemple, est clairement un réflexe de droite qu’il s’agit de combattre si l’on est sincèrement de gauche -qu’importe les résultats immédiats ! -qu’importe les visions tactiques !; les concessions estimées nécessaires, les compromis permettant une politique des petits pas, ces concessions étant sacrificielles de droits ou d’intérêts de gauche, ne permettant pas une amélioration générale des principes de gauche, sont à proscrire, car il ne sert à rien d’avancer d’un pied à gauche, si l’on cède à droite de l’autre côté -la souffrance, la répression, l’oppression des uns ne peuvent être compensées par la diminution de celles des autres ; ainsi, les solutions globales, venant d’en haut, des échelons élevés, estimant ne pas pouvoir tenir compte des réalités de terrain, sont également des visions droitières, même si ceux qui les mènent s’estiment sincèrement de gauche.

On peut ainsi dessiner des visions, non pas manichéennes, mais tendancielles, de gauche et de droite, avec des destins dont les trajectoires politiques se croisent, se perdent dans leurs actes. Il est d’ailleurs possible d’être qualifié alternativement de gauche ou de droite suivant ses positions dans des domaines différents. Mais, au total, celui qui estime pouvoir se retrouver au centre, modéré, nuancé, fait le jeu de la droite, car il va dans le sens de la chute, de la gravité politique, qui est de droite, alors que la gauche est le sens de l’effort, du vol, de l’ascension. Sans vouloir jouer d’une image eschatologique paradis-enfer, l’idée de considérer la droite comme la solution de facilité et la gauche comme celle du travail nous autorise à cette métaphore de l’envol, de la poursuite vers la lumière. Coupons la métaphore ici, je m’en voudrais qu’elle puisse permettre d’évoquer une opposition du genre « consommation d’énergie de gauche – paresse de droite », la gauche se retrouvant plus souvent dans l’économie de l’énergie et la droite dans la surproduction et la croissance.

Mais donc, ne baissons pas les bras, tant que nous conservons le crédit d’énergie de notre jeunesse ou de notre expérience, la capacité de choisir, la liberté de refuser. Soyons de gauche, et donc agissons comme tels.

Démocratie sélective

June 24th, 2012

Ferme soutien de mon ami Bahar, je vous propose aujourd’hui un de ses récents articles (écrit à la 3e personne du singulier, ce qui est une marque de grande humilité, à l’instar de Jules César):

De la torture, en veux-tu en voilà
Bahar Kimyongür

A notre connaissance, jamais un bureau des droits de l’homme n’a occupé autant de place dans la presse mainstream. Nous parlons bien sûr de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), cette officine située à Londres, en très bons termes avec l’administration Cameron et animée par un homme d’affaires, Oussama Ali Souleimane alias Rami Abdel Rahmane. Dans ses communiqués repris comme parole d’évangile par les agences de presse, l’OSDH fait régulièrement passer des combattants armés pour des victimes civiles, classe les victimes « pro-Bachar » de l’insurrection parmi les victimes de l’armée gouvernementale et gonfle sa liste nécrologique avec de décès « apolitiques », notamment des accidentés de la route. Surfant sur le succès de l’OSDH et dans l’espoir que les victimes du terrorisme de l’Etat turc soient un peu plus entendues, notre collaborateur et ami Bahar Kimyongür qui milite depuis plus de quinze ans pour la démocratisation de la Turquie, s’est autoproclamé « directeur de l’Observatoire turc des droits de l’homme » (OTDH). Les deux seules fois où il est passé à la télévision belge pour expliquer la situation en Turquie lui ont valu d’être poursuivi pour terrorisme. Syrie-Turquie, deux poids deux mesures ?

Voici des images qui ne feront pas le tour du monde (libre) :

http://www.youtube.com/watch?v=a3ED4-z-3QY&feature=related

Et pour cause, elles montrent un lynchage policier qui ne s’est déroulé ni en Iran, ni en Syrie mais en Turquie.

La Turquie, cette magnifique destination de vacances est aussi une belle dictature islamo-libérale placée sous la férule du Parti de la justice et du développement (AKP) depuis 10 ans et le garde-chiourme du monde « libre » depuis 60 ans, 1952 étant l’année de son adhésion à l’OTAN.

La victime de ce lynchage policier est un chauffeur pressé de conduire une femme enceinte à l’hôpital.

Pendant son contrôle d’identité, Ahmet Koca a eu le malheur de parler en kurde, la « langue des terroristes » selon ses tortionnaires.

Il subira une véritable ratonnade pendant de longues minutes devant la femme enceinte qu’il conduisait et devant ses enfants.

Ahmet Koca sera assommé par une volée de coups de poings, de coups de pied, de coups de matraque et de ceintures.

Le cas d’Ahmet Koca est loin d’être isolé. L’an dernier, au moment où la presse occidentale nous rivait les yeux sur la Syrie, la Ligue turque des droits de l’homme (IHD) a enregistré 3.252 cas de torture et de mauvais traitements dans les centres de détention turcs.

Voici quelques données chiffrées concernant l’ampleur du terrorisme d’État sévissant dans ce pays qui, paradoxalement, se situe à l’avant-garde de la guerre pour la démocratie en Syrie :

– Avec 96 journalistes emprisonnés (chiffres publiés le 18 juin 2012 par la Plate-forme de solidarité avec les journalistes emprisonnés – TGDP), la Turquie compte le plus grand nombre de journalistes incarcérés au monde. Ces derniers sont accusés à tort et à travers de terrorisme d’extrême-gauche, de terrorisme séparatiste ou de complot putschiste.

– La Turquie compte actuellement 8.010 prisonniers politiques (chiffres officiels de 2011) soit le plus grand nombre de prisonniers politiques au monde

– Les prisonniers politiques sont tués à petits feux dans le silence des cellules d’isolement (prisons de type F). Quant aux prisonniers de droit commun, ils sont tués à grandes flammes, parqués comme du bétail dans des dortoirs surpeuplés (prisons de type E) où règne une chaleur de plus de 40 degrés. Le 16 juin 2012 à Urfa, une mutinerie s’est soldée par la mort de 13 détenus, victimes de l’incendie qu’ils ont eux-mêmes allumés pour protester contre leurs conditions de détention inhumaines. La plus jeune des victimes avait 18 ans. La plus « âgée » : 34 ans. La révolte carcérale s’est propagée vers les prisons d’Adana, Osmaniye, Gaziantep où l’on dénombre de plusieurs blessés.

– Pas moins de 2.200 étudiants et lycéens croupissent dans les prisons pour avoir manifesté pacifiquement pour un enseignement gratuit et démocratique ou pour le respect de leurs droits nationaux et culturels
– D’après les chiffres publiés par le ministère turc de la justice en avril dernier, 2.281 enfants se trouvent derrière les barreaux. Ils subissent régulièrement des abus sexuels notamment à la prison de Pozanti.

– En dix ans de règne de l’AKP, 171 enfants auraient été tués par les forces de sécurité d’après la Ligue turque des droits de l’homme (IHD)

– L’armée turque utilise des armes chimiques et du napalm contre les maquisards kurdes. Le 22 octobre 2011, 24 combattants kurdes ont perdu la vie sous les bombes chimiques interdites larguées par l’aviation militaire.

– L’armée turque utilise des drones israéliens Heron ou des drones américains Predator contre la rébellion kurde. De nombreux villageois sont victimes de ces opérations meurtrières. Le 28 décembre dernier, 34 civils kurdes ont été tués à Uludere/Roboski.

– La police exerce une violence létale contre les rassemblements démocratiques à travers l’usage de matraques ou de gaz lacrymogènes hautement toxiques. Le 28 mai dernier, Cayan Birben, 31 ans, est mort asphyxié par les bombes à gaz de la police. Birben est la 6e victime de ces gaz en un an.

– Le parlement turc compte huit députés de l’AKP réputés proches des djihadistes qui ont bouté le feu à l’hôtel Madimak le 2 juillet 1993 tuant 34 intellectuels. Il s’agit de Zeyid Aslan, Hüsnü Tuna, Ali Bulut, Ali Aslik, Halil Ürün, Haydar Kemal Kurt, Bülent Tüfekçi et Ibrahim Hakki Aksar.

Malgré la terreur que fait régner cette dictature pro-occidentale et membre de l’OTAN sur nos peuples, l’opposition turque n’a jamais sollicité la moindre intervention de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) ni celle des États-membres de l’Alliance bolivarienne pour les Amériques (ALBA).

Consciente que seule la lutte sociale permettra de faire de la Turquie une patrie libre et démocratique, l’opposition turque remercie cette autre communauté internationale (dont se gausse bien entendu l’Occident nombriliste et “humanitaire”) pour son respect envers notre droit de disposer de nous-mêmes.

Observatoire turc des droits de l’homme (OTDH)
otdh.turquie@yahoo.fr
Le 21 juin 2012

Quand ils sont venus jeter la Grèce, je n’ai rien dit…

May 14th, 2012

Et si, au lieu de mettre la Grèce dehors, on y réfléchissait à deux fois…

Quel pays fait pression sur nos salaires sous prétexte qu’il est le pays le plus compétitif et qu’il exporte plus qu’il importe?

Dans quel pays un chef d’Etat “social-démocrate” a-t-il permis que les entreprises engagent des mandaïs à 1 euro de l’heure?

Quel pays est un modèle de traitement des étrangers en Europe?

Le chef d’Etat de quel pays est actuellement le blocage principal à une politique un chouia différente histoire de considérer la crise autrement qu’à l’aune de la rigueur?

Alors, certes, je ne me fais guère d’illusion sur les dirigeants des autres pays de l’UE, mais, à tout prendre, s’il faut sortir un pays de l’UE, si on considère que l’important dans une Union Internationale, c’est la solidarité, et pas la compétitivité, alors, c’est les Teutons qu’il faut sortir, et pas les Grecs.

Si on sortait l’Allemagne Fédérale, que se passerait-il?

On donnerait un signal fort que ce sont les partenaires les moins intéressants socialement qui risquent le plus gros;
L’Euro se prendrait un grand coup dans les dents et on aurait en retour plein de touristes et les exportations reprendraient de plus belle;
Les moins forts de l’UE se sentiraient plus à l’aise dans la discussion, et il me semble que dans une organisation qui se veut collective, marcher au rythme des moins rapides est plus intelligent que de faire courir tout le monde;
De la même manière, les petits pays gagneraient en poids pour rééquilibrer le dialogue, aujourd’hui dominé par quelques grosses pointures.

En plus, il paraît qu’elle y pense…

Alors, aidons-la…

Carnavals (25 juin 1999)

May 8th, 2012

Dans les ornières
Dans les refuges
Il y a des corps
Endimanchés.

Tous les flambeaux
Se sont éteints.
Les grondements
Sourdent plus loin.

Les routes éparpillées de cortèges tout vibrants de la ferveur enragée de peuples qui n’existent pas.

Les lumières étaient chaudes -crépitants flashs multicolores tout à leur joie.
Une fois finie la bringue, ballent les bras le long des corps décomposés -gueules de bois infernales -on ne se sent pas dessouler.

Puis le soir tombe
Sur les campagnes,
Les défilés
Se désagrègent.

Les masques jaunes
Les masques rouges
Grisent de vie
Dans les ornières.

Dans les refuges, les belles-mères effectivement montrent leurs langues autour des pantins sacrifiés à de meilleurs printemps.

Les rues se massent d’ivresses discontinues -Chacun se presse, pour effleurer l’agneau qui emporte avec lui le malheur de la cité.

La nuit s’achève enfin sur ce qu’il n’est même pas drôle d’appeler un rite de purification.

Elections, tu nous parles

May 6th, 2012

Ce soir, un nouveau président en France… Ou un ancien qui se renouvelle, enfin, on s’en fout, puisque la démocratie, étant en marche, le président n’est jamais que le chef de l’exécutif qui doit faire tout ce que le législatif lui dit de faire là où il lui dit de le faire quand il lui dit de le faire.

Non?

Ah! Ou alors, c’est vraiment important? Ah ben oui, on n’est pas encore dans la VIe République-où-c’que-le-pouvoir-personnel-ben-y-s’ra-aboli-y-s’rait-temps. Et, dans ce cas, les 50,1% de votants qui s’esbaudiront de la victoire de leur poulain ne manqueront pas de faire -tous- la fête dans les rues de France, se moquant gentiment des 49,9% qui se seront ramassés dans leur choix. Ben oui, puisque l’homme qui les représentera pile-poil comme ils veulent, ben, il sera élu. Et ce seront les aut’s qui l’auront dans le fion. Si tout se passe donc comme prévu une bonne dizaine de millions de bobos à lunettes ou de beaufs intégraux devraient danser la guinguette des Champs Elysées jusqu’à la Promenade des Anglais ((Sans compter les Froggies qui se sont réfugiés dans notre paradis fiscal d’Outre-Quiévrain.))… Logique, non?

Tout chiffre inférieur serait immanquablement la preuve qu’une proportion des votants ne sont rien que des tièdes qui n’assument pas leur vote. Il faudrait donc les envoyer à la guillotine, comme la tradition révolutionnaire, modèle républicain, l’exige. En passant, ça ferait de la place dans les dernières usines et ça ferait du boulot dans les orphelinats. Je ne vois pas les inconvénients.

Le retour aux principes révolutionnaires m’apparaît comme une évidence, à une époque où la crise économique, la menace de conflits toujours plus nombreux, la multipolarisation des forces en présence, le rejet de plus en plus affirmé (en comparaison avec quand?) de l’autre “qui n’est pas soi forcément puisqu’il est différent”, tout ça implique des solutions radicales telles que, dans le désordre:

-mettre plus de flics dans les rues (on n’y avait pas pensé);

-mettre plus d’étrangers dans des pullmans (ça ne s’était jamais fait);

-mettre plus de chômeurs au boulot (oh, ben, ça c’est chic);

réenchanter le rapport au monde (vive la philosophie consommée);

vendre plus de choses -y compris des trucs gratuits ((D’ailleurs, la gratuité, ça n’existe pas, on te l’a dit, c’est sûrement vrai, sauf dans les boîtes de céréales.)) jusque là- à plus de gens même s’ils n’ont pas d’argent (ça, c’est de la bonne);

-donner plus de pouvoir à moins de gens qui savent plus et mieux que nous (ça, j’ai l’impression qu’on l’a déjà fait, aussi, mais je ne me rappelle plus quand… ça fait un peu pyramide, non?);

-faire plus de lois qui coûtent plus cher et faire des économies là où le privé peut faire moins bien pour le même prix (ça nous rappellera le XIXe Siècle).

Ca, c’est radical différent. Ca va nous faire rêver. Mais pourquoi on n’y avait pas pensé tout seuls? Qu’est-ce qu’on a à foutre d’une santé et d’une éducation bon marché si on n’a pas le droit de nous acheter toutes les consoles de jeu et les outils de communication radieuse dont on se passait jusque là -on se demande encore comment.

En fait, l’avantage, c’est qu’on n’a même pas besoin d’y penser tout seuls, vu que là, comme ils nous l’expliquent si bien, c’est la crise. La criiiiiiiiiiiiise… LA CRISE, BORDEL!

C’est la crise!

Et donc, tes élections… Elles te parlent…

Vote.

Et va faire la guinche.

Là où on te dit de faire.

Oublie pas le péage.

Brève de comptoir, mais alors vraiment de comptoir

April 25th, 2012

Reprise du Canard Enchaîné de ce 25 avril, cette information sur le barouf du Parti Socialiste français à Lille, ce 17 avril dernier, dont je ne parlerais pas si, de notre côté de la frontière, les libéraux n’en avaient fait un tel caca nerveux concernant la présence d’Elio Di Rupo, dont le noeud-pap’ voulait soutenir l’ex-humoriste (de deuxième catégorie) qui vient d’arriver au deuxième tour des zélections présidentielles françaises.

A la fin dudit Congrès, “La plupart des (…) ténors du PS ont vidé les lieux rapidement (…). Ne restent avec le candidat que Jospin (…), Pierre Moscovici et le Premier ministre belge, Elio Di Rupo. (…) Le lendemain, Hollande raconte la scène à ses lieutenants au QG de campagne: “Martine (Aubry) avait disparu, rien n’avait été prévu pour que l’on puisse se restaurer, pas même un sandwich. Je me suis retrouvé seul avec Lionel, Elio Di Rupo et Pierre devant une assiette de cacahuètes.”

Elio, pilier de bar, a donc fait la fermeture dans une boîte de Lille avec quelques copains…

Et c’est pour ça qu’on a fait un tel foin? Comme si la charge de Premier devait aussitôt empêcher not’ brav’ Elio de s’amuser un peu en faisant la tournée des bars chez les Chtimis…