Des racines? Carrées!

April 24th, 2013

De quoi avons-nous besoin?

De la certitude que nous allons mourir? Peut-être…

De manger? Non, puisque nous allons mourir.
De pouvoir nous exprimer? Mais non, nous allons mourir…
De pouvoir nous soigner, suivre des cours,nous déplacer? Nenni, nous allons mourir.

Par contre, la liberté d’entreprendre, elle, nous est indispensable. Et tant pis si, renforçant celle-ci, nous nous dégarantissons tous les autres droits.

Critiquer le nucléaire? Pourquoi faire? Nous allons tous mourir, laissez-les donc rentabiliser le moindre atome à nos risques et périls.

Remettre les traités européens en question? Horreur! C’est toutes les traditions européennes, chrétiennes, d’ouverture et des Lumières que nous voulons hypothéquer! Et puis, de toute façon, nous allons mourir…

Nous n’avons pas de racines, nous ne sommes pas raisonnables, pourquoi ne laissons-nous pas les hommes d’affaires nous diriger? Ne savent-ils pas mieux que nous ce qu’il faut faire pour que nos décès arrivent au bon, au juste moment?

Ne comprenons-nous pas? Nous devons laisser l’Etat garantir la propriété et l’entreprise; tout le reste, c’est de la restriction de l’entreprise, c’est du pognon jeté par la fenêtre. Et comme nous allons tous mourir, l’argent, c’est bien plus important, ne comprenons-nous pas? Cet argent, c’est l’argent que les pères des pères des pères des pères de nos riches maîtres et patrons qui l’ont fait naître, l’ont fait croître, l’ont nourri, l’ont soigneusement distribué (au mérite, à la naissance, à leurs fils), méticuleusement, histoire de s’assurer que le Produit Intérieur, ou National, ou International Brut poursuivrait son éternelle ascension, parce que c’est notre gloire, notre identité, notre assurance… Parce que, finalement, face à l’infini, l’important, ce n’est pas la souffrance des hommes, des femmes, des esclaves, des salariés et des indépendants (faux ou non), des serfs, des sans-terre, de tous les autres qui contribuent avec leur sueur aux accumulations de patrimoines dans les indécences de la City ou des records d’altitude du Qatar, non, l’important, c’est que l’histoire retienne le nom de Rockfeller et de Vanderbilt, de Soros et de Mittal.

Rassurons-nous, dans cent ans, tout le monde aura oublié les noms des familles mises sur la paille par les quelques milliers de celles qui se partagent la toute grande majorité des biens et revenus sucés sur la Terre.

Qui se souvient des noms qui se cachent sous le Carnegie Hall?

Ah, les philanthropes! Les grands hommes!

Les philanthropes!
Qui dénoncent le radicalisme, l’extrémisme, le terrorisme, les restrictions de la liberté,… enfin, celle d’entreprendre, évidemment…

En d’autres temps, des hommes comme moi auraient appelé à ce qu’on les bombe, les poignarde, les pende… Aujourd’hui, des lois scélérates me l’interdisent. Elles nous durrutisent. Elles nous berkmanisent. Ah! Je suis pleutre, car des lois pareilles existaient déjà dans ces autres temps…

Radical, moi?

Bien entendu, je suis radical. Je dois être radical! Je suis radicalement pour la liberté (pas celle d’entreprendre, la liberté tout court), l’égalité, la démocratie, je suis radicalement pour la vie, le droit à la santé, le droit à se servir dans la soupe des aliments produits par la terre et le travail, le droit à se vêtir en dépit du droit des affaires et des traités commerciaux, le droit à jouir d’un toit et d’un système de chauffage en hiver, malgré le droit de l’entrepreneur immobilier; je suis radicalement contre la primauté du capital, de la finance sur tout le reste; je suis même contre le droit du travail ou du mérite face au droit à la vie et au pain; je suis radicalement contre la primauté de l’image historique, de l’esprit de la nation sur la vie des hommes, le droit à chercher le bonheur dans l’espace de temps auquel chacun a droit dans la mesure des possibilités les plus larges et dont chacun devrait pouvoir disposer selon son désir; je suis radicament pour le droit à fuir la misère, la guerre et la bêtise religieuse contre le droit des frilosités.

Par contre je suis modérément pour le droit à la sécurité; de toute façon, n’allons-nous pas mourir? N’avons-nous pas assez appris “Vivre libre ou mourir”?

Il semble qu’on préfère un peu trop “vivre en cage plutôt que mourir”…

Radicaux, nous? Extrémistes? Si vous le dites! Nous sommes extrémistes parce que vous l’êtes! Nous sommes radicaux, parce que vous l’êtes! Vous êtes notre extrême comme nous sommes le vôtre. Européistes, libéraux, sociaux-démocrates, vous êtes des extrémistes. Vous êtes des terroristes. Vous êtes des criminels. Mais, naturellement, l’histoire est de votre côté…

A ce jour, nous déclarons tout qui s’attaque, ne fut-ce que d’une once, aux soins de santé, à l’enseignement ou aux transports publics, ennemi des hommes et des femmes.

A ce jour, nous déclarons tout qui privilégie la sécurité des biens à la liberté d’expression, de pensée ou au droit au confort de vivre, ennemi des femmes et des hommes.

A ce jour, nous déclarons tout qui s’accroche à des soucis d’identité et à des valeurs même bien emballées pour justifier leurs bombes, ennemi des hommes et des femmes.

A ce jour, nous déclarons tout qui repose sur un dogme, un livre, une mystique le droit de réduire ceux des autres, ennemi des femmes et des hommes.

A ce jour, nous déclarons tout qui privilégie le droit à bétonner pour aller plus vite, plus loin, plus fort contre la liberté de maintenir son environnement, ennemi de l’homme.

Pendant l’exposition, les travaux continuent…

April 11th, 2013

Ce blog n’est pas fermé, il est en souffrance de temps et de motivation, mais il n’est pas question, encore, qu’il meure…

En attendant, j’invite la lectrice et le lecteur à déclarer ennemis du peuple tous ceux qui s’attaquent toujours un peu plus aux soins de santé, à l’enseignement, aux transports publics, qui bradent la vie des femmes et des hommes au nom d’une austérité qui sert de cache-sexe à une politique qui doit faire mouiller l’ex-dame-de-fer “là où elle est”, qui vous vendent des nécessités là où il n’y a que celles des amasseurs, qui considèrent comme superflu ce que chacun est en droit de considérer comme essentiel dans sa quête du bonheur terrestre; je les invite aussi à ne jamais renoncer à la lutte contre la foi, les dogmes, les allumés, les inspirés, les éclairés qui trouvent dans un livre, un haddit, un verset, un évangile, un traité d’économie autrichien la vérité de toute la vie et de tout savoir; je les invite à pendre, fut-ce symboliquement, tous les faiseurs de papier inutile, tous ceux qui n’ont rien à dire qui vaille et qui vous vendent de la consolation; tous ceux qui n’ont d’originaux que leurs plans commerciaux; n’hésitez pas à pendre Amélie Coelho, Alain Nothomb ou Paulo Minc; n’hésitez pas à jeter au feu… pardon, au recyclage, les livres imbéciles de Bernard Glucksmann ou André-Henri Lévy; ne votez pour aucun parti qui a ait fait preuve de son attachement au courant dominant, qui vous vend toujours plus blanc avant élection, et repasse les mêmes soupes le jour d’après…

Essayez autre chose.

Essayez de travailler moins, de consommer moins, de planter des graines pas homologuées Grosse Industrie, de moins râler sur le temps et de chauffer moins vos pièces chimiquement isolées; de refonder des liens avec le libraire, le maraîcher et le boucher; de vous acheter un vélo, d’apprendre à le regonfler, à réparer un pneu, à remettre une chaîne, à la huiler; d’arrêter de chier sur les transports publics et de vous reporter sur les files de conducteurs tout seuls dans leurs grosses berlines; et de penser à tout ce qui fait qu’on va dans le mur…

Lisez Kropotkine, Proudhon, Bakhounine, Malatesta, Debord, Goldman, Luxembourg, Marx, Goodwin, Lucien, Epicure, Chomsky, Jorion, Miller (Henri et Arthur), McCullers, Steinbeck,…

A plus tard, qui sait, sur les barricades?

Dernier tango à Davos

January 18th, 2013

On a tort de dire que les capitalistes ne savent pas se remettre en question. En fait, quelque part, on aimerait qu’ils le fassent… moins.
Je reçois dans ma boîte mail le dossier de l’Echo Week-end, à paraître, avec en tête le titre “Profil bas à Davos”. Tiens, peut-être un acte de contrition en projet sur les hautes montages de la finance et du pouvoir? Pour rappel, Davos est ce petit lieu cossu isolé dans les hauteurs helvètes où chaque année se réunissent les auto-proclamés maîtres du monde d’en bas (en attendant celui des cieux, naturellement); ceux-ci invitent dans leurs anneaux généralement l’un ou l’autre élu du peuple -les moins repoussants-, histoire de montrer qu’ils sont ouverts aux choses de la démocratie.

Une forme de consécration, de reconnaissance, pour ces valets. Bref…

Généralement, l’arrogance de “ceux de Davos” n’a d’égal que les mesures de sécurité qui entourent leurs réunions. Il est rare de trouver dans leurs discours des traces de compassion envers les syndicats, de sympathie pour les mouvements alternatifs ou d’ouverture à l’invite des paysans sans terre. En général, leurs réunions se soldent par des appels à plus de liberté (d’entreprendre), moins de contrôle (sur les déplacements d’argent), ce genre de choses, et surtout des critiques aux auteurs de lois allant dans le sens inverse.

Croissance, dérégulation, privatisation sont les éléments de langage les plus agréables à ces précieuses oreilles.

Mais bon…

Par ces temps de crise, qu’il est de plus en plus difficile de n’attribuer qu’aux méchants gouvernements (qui sont méchants, de fait) ou aux sans-papiers, il fallait bien qu’ils admettent… mais quoi? On verra ça ce week-end… Ou plutôt, cherchons l’article sur le web, qui sait? Il est peut-être déjà en ligne. Tapotons “Profil bas à Davos”…

Ah ben non, pas d’article de 2013, mais… tiens… un article intitulé “Davos a adopté un profil bas”… On y lit:

«Plus personne ici (à Davos, donc) n’ose dire que, puisque c’est le business qui sauvera le monde, il ne faut pas gêner le business, explique un participant. Responsables d’entreprises et politiques sont bien obligés d’admettre certains dysfonctionnements de la mondialisation». Comme celui d’une finance globalisée, souvent pris en exemple à Davos, notamment par le Nobel d’économie, Joseph Stiglitz.

Participant samedi à une table ronde, il a pu dénoncer les méfaits d’une finance globale sans garde-fous, devant un parterre de patrons, sans être contredit. «Ces considérations n’auraient jamais eu droit de cité ici, il y a encore peu, estime le directeur général de l’Organisation internationale du travail Juan Somavia. Car avant, Davos était trop occupé à faire du business pour s’angoisser».

Oh ben ça alors.

Quelle audace dans les éléments de langage!

D’un article qui remonte à

2004

Et oui…

9 ans plus tard, Davos repart-il à la pêche aux indulgences?

Tardi refuse la breloque…

January 3rd, 2013

Contrairement à beaucoup, Jacques Tardi, que je flattais pas plus tard que deux posts plus… bas (sur cette page), ne parvient toujours pas à nous décevoir… Il a refusé la Légion d’Honneur et on ne peut que l’en féliciter…

Vive l’anarchiste!

Extraits d’Imbrications

December 21st, 2012

De mon incapacité à convaincre les personnes qui m’étaient proches depuis tant de temps (et que dire de mon frère, qui venait d’accepter de se présenter aux prochaines élections parlementaires sous une bannière qui criminalisait depuis presque toujours tous les mouvements auxquels j’avais participé depuis la fin de mon adolescence), je ne ressentais aucune frustration, aucun sentiment d’inaboutissement, seulement un énorme complexe de culpabilité, du fait que j’estimais avoir l’intelligence nécessaire pour les amener à nous suivre et que, n’y parvenant pas, cela ne pouvait signifier qu’une seule chose : c’était ma propre personnalité, prétentieuse ou méprisante, comme on me l’avait déjà soulignée, qui les empêchait de s’accorder pour changer de route et participer à un monde effectivement meilleur, plus égal et plus libre, moins dangereux et moins désespéré. Pourtant, au cours de maintes discussions, je m’étais aussi entendu dire que, si je me présentais, les mêmes personnes qui me taxaient d’orgueil surdimensionné et de mépris pour leurs intelligence, juraient qu’elles voteraient pour moi, persuadées que j’apporterais quelque chose de nouveau et peut-être parviendrais à résoudre les problèmes qui les touchaient particulièrement. Comme il n’en aurait pu être question, les élections dans le cadre d’une démocratie représentative figurant pour moi l’aboutissement de l’exploitation intellectuelle des masses et ne pouvant en aucun cas permettre l’émancipation des populations, je me renfermais lors de ces discussions dans un discours brumeux –souvent lié à l’alcool y ingurgité- qui devait justifier de ma position (« Nan, c’est pas de l’antiparlementarisme primaire ! Et, nan, j’suis pas poujadiste ! ») et qui ne servait généralement qu’à faire croire à mes interlocuteurs que ma paresse restait plus forte que mon ambition révolutionnaire ou que mes belles idées n’étaient destinées qu’à les rester (« un’idea, un concetto, un’idea, Finché resta un’idea, é soltanto un astrazione… »), qu’en fin de compte ma position politique n’était qu’une posture –au moins, évitais-je probablement le terme d’imposture de la part de ceux qui m’aimaient.

December 14th, 2012

J. TARDI, Moi René Tardi prisonnier de guerre au Stalag IIB, Casterman, 2012.

Jacques Tardi ne nous déçoit pas, même quand il se met en difficulté.

Plus de 160 pages de récits relatant l’histoire d’un soldat de la IIe guerre mondiale.

Ce serait peut-être banal ou juste un témognage intéressant si ce n’était pas le travail de Jacques Tardi, qui parvenait à nous toucher sur la Guerre de 14-18, à laquelle avait participé son grand-père; cette fois, c’est son père, servant d’un char Hotchkiss, capturé dès 1940, qui raconte à son fils dix ans de sa vie, de 1935 à 1945. René Tardi passera notamment plus de quatre ans dans un stalag allemand, sur la Mer Baltique. Un récit étonnant, présenté comme un dialogue entre le père prisonnier et son fils âgé d’une quinzaine d’années. Tardi s’est inspiré, pour reconstruire cette belle relation avec son père décédé depuis 1986, des cahiers que ce dernier avait rédigé pour lui quelques années avant de mourir.

Changeant de période, d’horizon, il n’est plus en France, ni aux alentours des années 1910. Son souci du détail, de l’information, mêlé à son sens de la mise en scène, de l’adaptation, nous offre plus qu’un reportage au sein du monde des prisonniers de guerre. Il prête également à son père ses vieux réflexes anarchistes -à moins qu’ils ne fussent authentiques-, ce qui n’est pas pour nous déplaire. A un détail près, Tardi ne cherche jamais à embellir ou à manipuler l’histoire pour nous la rendre. Il la dessine telle qu’il la lit.

Tardi, pour la première fois à ma connaissance, se déshabille lui-même et n’hésite pas à montrer la passion qu’il devait éprouver pour son père, une passion de petit garçon qui vécut ses premières années sans son père, d’un adolescent bouleversé par le caractère fermé, colérique de son paternel.

Le résultat, c’est probablement l’un des meilleurs opus (auquel ont participé ses enfants et sa femme) de ce géant sans Dieu, ni maître, comparable en vigueur à “Ici-même” et dans le souci de la reconstitution à “C’était la guerre des tranchées”.

Jacques Tardi, une fois de plus, n’a pas pu nous décevoir.

Dialogue des Maures

November 30th, 2012

%-Ah mais alors, vous êtes athée?

&-Pardon?

%-Vous êtes athée?!

&-…

%-Vous ne croyez pas en Dieu, n’est-ce pas?

&-Ah, non, pas plus en Dieu qu’en…

%-Oui, bon, vous ne croyez pas en Dieu, donc vous êtes athée.

&-Je ne sais pas, c’est vous qui voyez.

%-Vous êtes quoi alors?

&-Je suis rationaliste.

%-Comment? Pourquoi rationaliste?

&-Je suis rationaliste, ça veut dire que je base mon discours et ma pensée sur la raison et l’observation.

%-Mais moi aussi.

&-Ah? Alors vous ne croyez pas en Dieu non plus?

%-Mais si!

&-Ah bon? Comment vous faites?

%-Pardon?

&-Comment vous faites pour croire en Dieu en basant votre discours et votre pensée sur la raison?

%-Et bien, mais, comme Pascal ou Descartes, Voltaire, John Locke, aussi: la raison me sert pour tout ce qui est observable et me permet de douter de tout, sauf d’une chose: Dieu.

&-Ah, je vois. Donc Dieu existe?

%-Oui.

&-Pourquoi?

%-Ah ben, Dieu est cause de Lui-même, évidemment. Dieu est cause première et dernière.

&-Dieu existe parce que Dieu existe alors?

%-…

&-Je n’ai pas l’impression que ce soit très rationnel, ça.

%-Attendez-attendez-attendez: on *peut* être rationnel et croire en Dieu, non?

&-Ben, je ne sais pas, je me demande comment vous l’expliquez. Je veux dire, comment vous pouvez l’expliquer *rationnellement*.

%-Tout de suite les grands mots. Mais donc vous êtes athée.

&-Oui, bon, disons-le, je suis athée, puisque je n’ai pas le choix de l’appellation.

%-Comment ça? Ben si, vous pourriez choisir de croire en Dieu ou d’être agnostique.

&-Ah, j’ai le choix, alors?

%-Evidemment, vous êtes libre: Dieu vous donne le choix de croire ou ne pas croire.

&-C’est le libre-arbitre?

%-Voilà, c’est le libre-arbitre. Vous êtes libre de choisir la voie éclairée ou de plonger dans l’obscurité de l’ignorance.

&-Ah, vu comme ça… Mais donc j’ai le choix, alors?

%-Ah oui, vous avez le choix de prendre le bon ou le mauvais chemin. La lumière ou les ténèbres.

&-En connaissance de cause?

%-Ah oui, sinon, ce n’est pas un choix.

&-Ah parfait… C’est mieux comme ça… Mais… J’y pense… Quels sont les abrutis qui choisissent le mauvais chemin en connaissance de cause?

%-Et bien… Les orgueilleux… Les pervertis… Ceux qui sont tentés par le péché d’incroyance… Ceux qui refusent l’amour de Dieu… Ceux qui refusent de craindre Dieu…

&-Attendez, attendez, là, j’ai un problème…

%-Lequel?

&-Et bien, si je choisis en connaissance de cause, cela signifie que je choisis de croire en Dieu ou non en sachant que Dieu existe, non?

%-…

&-Quand vous me dites que j’ai le choix de croire ou de ne pas croire en Dieu en connaissance de cause, ça signifie que j’ai le choix de croire ou non en Dieu en sachant que Dieu existe…? Ou non?

%-…

&-J’imagine mal le contraire. Donc, un athée, selon cette idée, c’est quelqu’un qui sait pertinemment que Dieu existe mais qui choisit de ne pas croire en Dieu?

%-…

&-Je vous sens dubitatif, là. Douteriez-vous de quelque chose?…

%-…

&-Je plaisante… En tout cas, maintenant, vous voyez peut-être pourquoi je n’aime pas beaucoup l’appellation d’athée. Lorsque vous me dites “athée”, vous me définissez par rapport à un concept que vous avez adopté -Dieu- et sur lequel, en un sens, je n’ai pas envie de me prononcer, mais vous voulez que je me prononce. Imaginez qu’un type vienne me dire que le Père Noël est à l’origine de toute chose, il faudrait que je me définisse aussi comme apèrenoël… Ca ne vous paraît pas un peu lourd?

%-…

&-A propos, vous êtes apèrenoël?

(généralement, c’est alors que commencent les imprécations du genre “agressif”, “mécréant”, “enfer”, “pas de dialogue possible”… Parfois, c’est beaucoup plus tôt…)

La preuve que Dieu n’existe pas n’est pas obligatoire…

November 27th, 2012

… Il suffit de montrer que Dieu n’est pas nécessaire…

Or, la théorie de l’évolution et le principe anthropique permettent de montrer comment le monde que nous connaissons a pu prendre naissance, se développer et évoluer jusqu’à ce jour. A l’instar de Laplace, nous pouvons dire que nous n’avons pas besoin de l’hypothèse de Dieu pour expliquer l’existence du monde. Est-ce suffisant? Cela ne le sera jamais à ceux qui ont besoin d’une cause, d’une raison.

Mais, comme Dawkins le montre abondamment dans son livre “Pour en finir avec Dieu” ((Le livre roboratif et efficace de Richard Dawkins, Pour en finir avec Dieu, est paru en français chez Robert Laffont, en version de poche dans la collectin Tempus.)), l’hypothèse de Dieu, destinée à donner une raison d’être à notre présence plutôt qu’à notre absence bute sur une aporie: pourquoi y’aurait-il un Dieu plutôt que rien? Qui a conçu le concepteur? C’est le coup du mythe indien qui pose que la Terre repose sur une tortue qui repose sur une tortue qui repose sur une tortue….

Donc, Dieu ne justifiant rien, il n’est pas nécessaire. S’il n’est pas nécessaire, rien ne nous oblige à considérer cette hypothèse. Toute personne désirant inclure Dieu dans une théorie scientifique doit donc en montrer la pertinence par des faits et observations scientifiques. A ce jour, rien ne permet de s’en approcher. La théorie du “dessein intelligent”, aussi subtile puisse-t-elle paraître, achope elle aussi sur la justification de l’existence de Dieu -Pourquoi un Dieu plutôt que rien?

Il reste que beaucoup de travail reste à faire pour parvenir à convaincre la plupart des gens de la justesse de cette position, à commencer par la mise en mots à la fois intelligente et accessible des faits corroborants la théorie de l’évolution et le principe anthropique appliqué au Cosmos.

Ce principe explique l’existence d’une planète susceptible d’accueillir la vie (la Terre, par exemple) par l’énorme quantité de planète existante dans l’univers connu. Même s’il est très très improbable que la vie apparaisse sur une planète, le fait qu’il existe une quantité énorme de planètes permet d’obtenir une probabilité finalement très grande de conditions permettant l’apparition de la vie sur une planète -à commencer par la nôtre. Cette théorie peut également s’appliquer sur les lois régissant l’univers (et notamment aux constantes de l’univers permettant aux lois de la physique et de la chimie d’avoir une chance de développer la vie.

Quant à la théorie de l’évolution, aujourd’hui corroborée par des millions de scientifiques ayant observé des milliards de faits étalés dans des disciplines aussi différentes que la biologie, la géologie, l’archéologie, la physique, la chimie, l’éthologie, et j’en oublie certainement, elle n’attend qu’une chose: que l’on montre qu’elle ne fonctionne pas. Un grand généticien de la première moitié du XXe Siècle, défié par un popperien borné de dire comment l’on pourrait réfuter la théorie de l’évolution, marmonna cette réponse restée fameuse: “Des lapins fossiles dans le Précambrien.” Le Précambrien remontant largement avant les dinosaures, il devrait être impossible de trouver un lapin dans une couche géologique de cette période. Cette phrase est restée tellement célèbre qu’il y a même eu des tentatives de fraude à son endroit ((Voir http://www.talkingsquid.net/archives/133 par exemple.)).

La génétique et l’établissement de ses lois permettent également de conforter la théorie de l’évolution. L’observation des chaînes de mutation menant à des impasses d’un côté -les plus fréquentes-, à des stades d’évolution plus adaptés d’un autre -les plus rares-, nous permet de montrer comment, depuis l’apparition de la vie, il y a près de 4 milliards d’années, elle a pu évoluer jusqu’à aujourd’hui -et comment, contrairement à ce que prétendent les créationnistes, cette évolution de la vie est longue, très variée et ne répond pas du tout aux assertions bibliques. Le simple fait qu’il a existé des millions d’espèces qui se sont éteintes, que les espèces actuelles sont généralement très récentes, est déjà un signe évident que la “création” est un joli mythe qui n’explique plus rien. Par ailleurs, l’évolution par mutation génétique montre qu’il n’y a pas d’intention dans les mutations, mais simplement une série gigantesque d’accidents qui donnent une infime proportion de succès. Ce qui mène Hawkins à dire qu’un athée a toutes les raisons de se réjouir d’exister et aucune de se lamenter de mourir, car nous sommes les bénéficiaires d’une probabilité extrêmement ténue de pouvoir considérer le monde pendant un temps très réduit, et pourtant suffisamment long pour en apprécier les plaisirs.

A cet égard, une chouette expérience -qui n’est pas démonstrative, mais illustrative- à faire est la suivante: prenons une phrase bien déterminée, assez longue, et une quantité importante de personnes qui joueront le rôle des étapes de l’évolution.

Un premier cobaye prononce la phrase à trois autres cobayes, une seule fois, sans se répéter et sans l’écrire. Le premier cobaye représente le porteur d’un gène qui se reproduit, les 3 autres la première génération de ses successeurs. Ces trois membres symbolisant la 1e génération répéteront la phrase une fois et sans la répéter à, respectivement, trois nouveaux cobayes, qui représenteront donc, à 9, la 2e génération. Et ainsi de suite; à la 3e génération, ils seront donc 27 et à la 4e 81. A la 5e, il faudrait qu’ils soient 243. Au total, l’expérience nécessiterait déjà 364 personnes, à ce stade. Idéalement il serait bon de la poursuivre le plus loin possible, jusqu’à la 10e génération. On peut envisager l’expérience autrement, en se contentant de 2 successeurs à chaque fois, ou alors de partir avec une 1e génération de 10 membres qui ne transmettent leur “gène” qu’à un successeur chaque fois. Cette version de l’expérience n’aurait besoin que d’une centaine de cobayes pour 10 générations. Rien ne nous empêche de produire les deux versions de l’expérience.

L’idée ensuite est que l’on enregistre chaque version du gène transmis pour en observer l’évolution, par les changements accidentels survenus dans la phrase. On suppose que pour que le gène continue de fonctionner et permette à son porteur de “survivre”, de “s’adapter”, la phrase continue de signifier quelque chose de cohérent. Il est fort probable que dans certains cas la phrase reste exactement telle qu’elle était à l’origine. Dans d’autres, elle aura évolué de manière incohérente -probablement que les porteurs successifs du gène s’en seront émus, mais qu’importe pour notre objectif. Ce qui est intéressant, c’est de voir la quantité et la qualité de ces mutations. Enfin, parmi les mutations, certaines porteront peut-être à une phrase -qui serait pour les besoins de notre expérience le phénotype d’un gène- qui restera cohérente, tout en étant différente de celle d’origine. Ceci illustrerait à une échelle minuscule et de manière très parcellaire à ce qui se passe dans l’évolution. Il faudrait multiplier ce phénomène par le nombre de gènes susceptibles d’évoluer au sein d’un être vivant qui se reproduit, mais aussi par le nombre d’individus se reproduisant, par le nombre d’individus reproduits et enfin par le nombre de génération étendu sur une certaine période. Par cette expérience, les participants pourraient prendre la mesure de la puissance de la théorie de la mutation génétique accidentelle dépourvue de toute intention.

On pourrait aussi réaliser des variantes de cette expérience en mettant les éléments de la chaîne sur une seule ligne et pousser jusqu’à cent, deux cents, trois cents générations. Ou faire comme le propose Dawkins dans son livre de remplacer la phrase par un dessin ou un origami compliqué.

Une école serait à cet égard un excellent lieu où accomplir cette expérience, soumise à un protocole très sérieux, et dont les résultats pourraient envisager une publication. Rien qu’en en évoquant la possibilité, je me demande si cela n’a pas déjà été réalisé.

Dawkins évoque cette expérience, non encore faite par lui, pour montrer la pertinence du principe de l’évolution par mutation dans un autre domaine: la culture. Je trouve l’idée très jolie quoique je ne puisse l’apprécier dans sa subtilité, ne l’ayant pas étudié plus avant. Cependant, intuitivement, elle me paraît juste, ou tout au moins exploitable pour la plus grande joie de nos esprits scientifiques.

Genova 2001 – Ragazzi, ragazze…

October 6th, 2012

Ceci est la traduction de l’italien d’une lettre reçue en ce début de mois d’octobre d’un très cher ami bolognais.

Très chers amis,

J’essaierai de n’être pas trop long. Ces derniers jours furent publiées les motivations de la sentence de la Cour de Cassation qui confirmait les peines infligées aux 18 “serviteurs” de l’Etat, condamnés pour divers délits, depuis la violence aggravée jusqu’à la fabrication de fausses preuves destinées à couvrir les arrestations illégales de dizaines de manifestants de la boucherie de l’école Diaz [à Gènes].

Vous aurez pu lire que la Cour de Cassation, loin d’être un club anarchiste, a qualifié cette boucherie de très grave événement ayant atteint non seulement aux déjà très misérables garanties démocratiques de ce pays, mais également à l’image même de l’Italie en tant que pays démocratique.

La sensibilité de chacun le mènera à considérer le silence assourdissant de la politique institutionnelle dans les confrontations de ces mots et de la dissumulation omertienne de toutes les forces face à l’embarrassante permanence de De Gennaro (qui était alors chef de la police et caution morale de la boucherie DIAZ) au poste de sous-secrétaire à la Présidence du Conseil.

ndt: Pour information sur De Gennaro:
http://it.wikipedia.org/wiki/Giovanni_De_Gennaro

Je ne sais qui de vous se trouvait à Gènes en ces journées [de juillet 2001]. J’y étais, moi, le samedi de la Diaz, avec trois cent mille autres individus et je n’en oublierai pas facilement l’ambiance. Derrière chaque coin de rue, nous rencontrions un autre groupe de brutes casquées armées de boucliers, de matraques et de badges, qui ne regardaient personne en face. La seule chose sensée à faire était de tenter de trouver la fuite entre les lacrimogènes, la foule, les matraques et le sang sur les trottoirs.

Outre les lacrimogènes et les matraques, ce jour-là, les brutes utilisèrent une arme bien plus dangereuse: les vidéocaméras. Sur la digue qui dominait la plage de Gènes, sur les hélicoptères qui vibrillonnaient comme des frelons, sur les camionnettes utilisées par les carabiniers comme de béliers dans la foule, il y avait des caméras. Ces caméras ont servi à identifier ceux que certains qualifieraient de violents. Ceux qui brisèrent des vitrines de banques, ou qui montèrent des barricades avec les précieux containers à ordure de la ville, ou qui osaient relancer les lacrimogènes en direction de ceux qui les avaient envoyés. Grâce à elles, des dizaines de ces personnes ont été condamnées pour dévastation et saccage (délit prévu par le code fasciste, même pour qui -a confirmé la Cour de Cassation- n’a eu qu’un rôle de “co-participation psychique”), peine confirmée en Casssation de 8 à 15 (quinze) années de prison. Le geste le plus violent qu’ont commis ces 10 personnes fut de détruire une vitrine… Les condamnés de la Diaz, qui ont mis une personne dans le coma, ont provoqué des dommages irréversibles à deux personnes et brisé quelques os, ont été condamnés à des peines allant de 3 à 5 ans. Perugini, le bon Perugini, dont certains se souviendront sur la photo où on le voit frapper un garçon de 17 ans, un garçon maintenu fermement par d’autres policiers, et bien son affaire est prescrite.

voir ici par exemple: http://veronacritica.blogspot.be/2008/03/reduci-di-bolzaneto-promozioni-go-go.html

Aujourd’hui, j’ai découvert que l’on a réactivé l'”assistance légale” pour les événements de Gènes. On récolte des fonds pour soutenir les personnes (deux) déjà incarcérées et toutes celles qui furent frappées par une répression légale qui, je ne cesserai de le dire, touve ses bases dans le code pénal fasciste. Personnellement, j’y ai contribué, et fondamentalement, je vous écris pour trois raisons:

1) si vous ne connaissez pas Gènes 2001, ça vaut la peine de vous informer;

2) si vous pouvez donner quelque chose, outre la valeur monétaire, vous ferez ressentir à ces personnes qu’elles ne sont pas abandonnées;

3) faites circuler l’information parce que Gènes est une plage purullente d’où s’est disséminé le cancer de ce pays.

Dans le fonds, à Gènes, il y avait des gens qui contestaient un pouvoir qui, peu après, allait déclencher deux guerres et jeter le monde dans une crise comparable à celle de 1929. Une crise qui est en train de détruire l’existence au profit d’un système destiné de toute façon à disparaître.

Merci

piero cavina

http://www.supportolegale.org/

http://www.buonacausa.org/page/donate/380

PS faites tourner!

version originale:

Carissimi,

cercherò di non dilungarmi troppo. E’ di questi giorni la pubblicazione delle motivazioni della sentenza della Cassazione che confermava le pene inflitte a 18 “servitori” dello stato condannati per svariati reati, dalla violenza aggravata fino alla fabbricazione di prove false per coprire gli arresti illegali di decine di manifestanti della mattanza della scuola Diaz.

Avrete letto che la Cassazione, non un circolo Anarchico, ha definito quella mattanza come un gravissimo evento lesivo non solo delle già deboli garanzie democratiche di questo Paese, ma dell’immagine stessa dell’Italia come paese democratico.

La sensibilità di ognuno di voi lo porterà a cogliere l’assordante silenzio della politica istituzionale nei confronti di queste parole e l’omertosa latitanza di tutte le forze di fronte all’imbarazzante permanenza di De Gennaro (l’allora capo della polizia e mandante morale del macello DIAZ) come sottosegretario alla Presidenza del Consiglio.

Non so chi di voi era a Genova in quelle giornate. Io c’ero il sabato della Diaz assieme ad altri trecentomila e difficilmente dimenticherò quel clima. Dietro ogni angolo ci potevi trovare un gruppo di violenti, caschi, scudi, manganelli e distintivo, che non guardavano in faccia a nessuno. L’unica cosa sensata da fare quel pomeriggio era cercare una via di fuga tra i lacrimogeni, la calca, i manganelli e il sangue sui marciapiedi.

Oltre ai lacrimogeni e ai manganelli quel giorno i violenti hanno usato un’arma molto più letale: le videocamere. Sul terrapieno che sovrasta il lungomare di Genova, sugli elicotteri che ronzavano come calabroni, sulle camionette usate dai carabinieri come arieti tra la folla, c’erano le videocamere. Videocamere che sono servite a identificare i così detti violenti. Certo gente che ha anche spaccato vetrine delle banche, o che ha fatto barricate con i preziosi cassonetti genovesi, o che addirittura osava rilanciare i lacrimogeni verso chi li aveva tirati. Ora dieci di queste persone sono state condannate per devastazione e saccheggio (reato previsto dal codice fascista anche per chi – cassazione dixit- attua una “compartecipazione psichica”), a pene confermate in Cassazione da 8 a 15 (quindici!) anni di carcere. Il massimo gesto violento che hanno commesso queste 10 persone è stato spaccare una vetrina… i condannati della Diaz, che hanno mandato in coma una persona, due hanno subito danni irreversibili e rotto parecchie ossa, sono stati condannati a pene tra i 3 e i 5 anni. Il buon Perugini, quello che molti ricorderanno nella foto mentre sferra un calcio a un ragazzino di 17 anni tenuto fermo da altri poliziotti, ha avuto la condanna prescritta.

Oggi ho scoperto che si è riattivato “suportolegale” per i fatti di Genova. Raccolgono fondi per sostenere le persone (due) già incarcerate e tutte quelle colpite da una repressione legale che, non mi stancherò di dirlo, trova i fondamenti nel codice penale fascista. Personalmente ho donato, e fondamentalmente vi scrivo per tre motivi

1) se non conoscete Genova 2001, vale la pena di informarsi
2) se potete donate qualcosa che, oltre al valore monetario, farà sentire a quelle persone di non essere state abbandonate
3) fate circolare l’informazione perchè Genova è una piaga purulenta dalla quale è partita la cancrena di questo paese

In fondo a Genova c’era gente che contestava un potere che da lì a poco avrebbe scatenato due guerre e gettato il mondo in una crisi paragonabile solo a quella del 29. Crisi che sta triturando esistenze a beneficio di un sistema destinato comunque al collasso.

Grazie

Piero

http://www.supportolegale.org/

http://www.buonacausa.org/page/donate/380

PS fate girare!!

Syriana II

September 14th, 2012

Les anarchistes, parce qu’ils ne font pas confiance aux Etats, parce qu’ils savent que ceux-ci n’agissent que dans l’intérêt de leurs classes dirigeantes, ne peuvent cautionner le “devoir d’ingérence”, les “guerres humanitaires”, et toutes ces interventions qui prônent la défense des droits de l’homme et l’imposition de la démocratie dans des pays la plupart du temps oubliés avant les campagnes de préparation des populations aux mouvements de troupes et, surtout, après le passage d’icelles au-dessus des cadavres des pays un temps concernés par les éditorialistes et les nouveaux philosophes.

Les anarchistes peuvent comprendre que certains s’organisent, se forment en brigade d’intervention à l’instar de celles auxquelles ils contribuèrent en 1936 pour tenter de sauver l’Espagne de l’oubli des mêmes démocraties qui aujourd’hui s’arrogent des droits exhorbitants. Quand ces brigades horizontales se forment, ce sont les mêmes qui prônent l’intervention et qui se battent. Généralement, lorsqu’un éditorialiste, un ministre appellent à l’intervention, ce sont des ploucs du bas-peuple qu’il envoie au combat, pas son fils, ou ce sont des mercenaires ou des fous de Dieu qu’il arme… Cela, les anarchistes ne peuvent pas le comprendre.

Les anarchistes ne renvoient cependant pas dos à dos les tyrans et les rebelles ou prétendus tels; ils restent lucides sur la réalité de gouvernements qui ne sont pas d’émanation populaire -mais lesquels le sont?-, cependant ils ne se posent pas en juges de l’extérieur, et luttent déjà sur le sol où ils se trouvent contre les injustices produites dans leurs frontières, luttent pour le droit des hommes à se déplacer librement, balaient devant la porte des gouvernements de leurs régions -ou alors, s’ils estiment devoir intervenir ailleurs, ils le font eux-mêmes, en pleine connaissance de cause, pour aider des populations qui les ont convaincus de venir, et non pas des chroniqueurs ou des généraux en mal d’exercice.

Cependant, dans de nombreux cas, les anarchistes, et moi le premier, s’estiment surtout incompétents pour parler de la plupart des régions du monde. Ils ne se prétendent pas spécialistes parce qu’ils ont fait trois sauts de puces quelque part, qu’ils ont partagé le quotidien de dix personnes sur place ou qu’ils se sont retrouvés “embedded” d’un côté ou de l’autre d’un conflit.

En tout cas, c’est ainsi que je vois les anarchistes.

Bahar, mon ami Bahar, n’est pas un anarchiste, ou alors pas publiquement -pas vrai, Bahar?-, mais j’ai la faiblesse de lui faire confiance au moins sur deux sujets qui lui tiennent à coeur. Et ces sujets sont la Turquie et la Syrie. Et si je lui fais confiance, c’est parce que Bahar veut réellement ce qu’il y a de mieux pour les autres comme pour lui-même, parce que ce genre de choses-là, on l’apprend en connaissant Bahar. Aussi, je vous propose de lire les lignes suivantes qui sont de sa main. Histoire de faire un peu contre-poids au discours de guerre ambiant.
(Seuls les mises en évidence et un intertitre ne sont pas de lui; je ne partage pas nécessairement toutes les expressions utilisées par lui, ni certaines conclusions, mais il ne me viendrait pas à l’idée de changer une ligne de son ensemble)

Stop à l’intervention occidentale en Syrie

Jadis, l’Occident menait la Guerre Sainte pour répandre le christianisme et la civilisation. Aujourd’hui, la religion nouvelle s’appelle « droits de l’Homme », « démocratie » ou « protection des civils ». Au nom de ses valeurs et de ses intérêts, l’Occident, Etats-Unis en tête, ne recule devant aucun sale coup : financement de groupes d’opposition et de filières terroristes, désinformation, opérations psychologiques (Psyops), livraison d’armes, formation de mercenaires, actions de sabotages et de déstabilisation, embargos et sanctions, attentats ciblés, attentats aveugles et au besoin, bombardements massifs.

Si la Syrie est aujourd’hui dans la ligne de mire de nos Etats, ce n’est certainement pas parce que le régime maltraite ses opposants. Nous avons vu en effet comment nos élites pouvaient faire preuve de compassion et d’indulgence envers leurs alliés régionaux qui ne sont pas moins violents comme le régime de Tel-Aviv, celui d’Ali Abdallah Saleh au Yémen, de Ben Ali en Tunisie, celui des Saoud au Royaume du même nom ou celui des Al Khalifa au Bahreïn.

D’abord, la Syrie paie le prix de son attachement à sa souveraineté nationale. C’est le dernier pays arabe capable de résister au courant néoconservateur qui déferle avec le soutien de l’Occident sur les pays de la région à la faveur du « printemps arabe ».

Ensuite, la Syrie subit des représailles pour son insoumission à Israël. L’alliance stratégique que Damas a tissée avec l’Iran et les organisations de la résistance libanaise et palestinienne est un crime grave et sans appel aux yeux de nos élites. Officiellement en état de guerre avec Israël, l’Etat syrien est de surcroît doté de la dernière armée arabe capable de résister à la superpuissance de Tsahal.

Tous les mémorandums altruistes de l’Occident sur la Syrie ne servent qu’à dissimuler ces deux réalités. Pour se rendre compte de l’imposture humanitaire, est-il besoin de rappeler l’aveu d’Henry Kissinger, ancien secrétaire d’Etat sous le président Ford, affirmant que « les grandes puissances n’ont pas de principes, seulement des intérêts » (cf. Georges Soros, On Globalization, New York Review of Book, 2002, p. 12)?

Nous aurions bien voulu croire que la mission de nos élites soit de répandre le Bien. Mais nous pensons avoir le droit d’être sceptique quant aux intentions et aux moyens mis en œuvre en Syrie par ceux-là même qui nous avaient tant promis l’avènement de la démocratie en Afghanistan, en Irak ou en Libye.

La Libye pour ne citer que cet exemple a curieusement disparu de nos écrans-radars alors que les milices y font régner la terreur et procèdent à une épuration ethnique et religieuse méthodique. Des dizaines de milliers de prisonniers politiques accusés de loyauté envers l’ancien régime et d’émigrés subsahariens croupissent dans plusieurs prisons secrètes. Ces détenus sont quotidiennement torturés et parfois assassinés dans l’indifférence générale. Tous les jours, des attentats sont commis par des inconnus et des règlements de compte opposent des bandes rivales. Les tombeaux des saints considérés comme « hérétiques » sont détruits un à un sous le regard bienveillant des nouvelles forces de « sécurité » (cf. De Morgen, 30 août 2012). Bref, la Libye est en pleine voie de « somalisation ».

Depuis dix-neuf mois, un feu destructeur ravage la Syrie. Affirmer que ce feu est alimenté par la seule intransigeance et la seule brutalité du pouvoir syrien est parfaitement malhonnête. Car ce feu n’est ni une nouveauté ni exclusivement dû à des facteurs intérieurs. Ce feu est en effet entretenu sous forme de guerre larvée par les puissances occidentales depuis la libération de ce pays en 1946 du joug français. Soucieuse de restaurer leur tutelle sur la Syrie, ces puissances coloniales ont indirectement contribué à la militarisation de ce pays en soutenant la création et l’expansion d’Israël (1948) ainsi que toutes les pétromonarchies du Golfe dont le discours religieux sectaire s’avérait utile face au panarabisme prôné entre autres par l’Egypte de Nasser et la Syrie baassiste.
En avril 1949, pour établir leur hégémonie sur la Syrie et soulager Israël, les USA ont soutenu le coup d’Etat du colonel Za’im.
En 1957, soit bien avant l’avènement de la Syrie d’Hafez el-Assad, l’axe américano-britannique a planifié d’assassiner trois dirigeants syriens jugés trop pro-soviétiques (cf. Ben Fenton, The Guardian, Macmillan backed Syria Assassination Plot, 27 septembre 2003). A l’époque, tous les plans de renversement du régime baassiste ont été envisagés par la CIA et le SIS (MI-6) : organisation de troubles, appels à l’insurrection, création d’un « Comité Syrie Libre », armement de l’opposition, « activation des Frères Musulmans à Damas ». Bien naïf serait celui qui nierait la similitude entre cet épisode de l’histoire syrienne et la situation actuelle.

Désinformation

Revenons un moment sur le traitement de l’information à propos des événements récents.
A partir de mars 2011, profitant de l’agitation naissante dans le pays, nos experts en communication ont exagéré le poids de l’opposition et l’ampleur de la violence d’Etat tout en minimisant le réel soutien populaire dont dispose le gouvernement de Damas ce que d’ailleurs l’ambassadeur de France en Syrie Eric Chevalier n’a pas manqué de reprocher à son ministre Alain Juppé. On nous a sciemment caché la militarisation d’une partie de l’opposition syrienne et la présence de groupes terroristes s’infiltrant depuis le Liban, une réalité pourtant constatée dès le mois d’avril 2011 par des journalistes d’Al Jazeera, la chaîne qatarie. La censure imposée par le patron d’Al Jazeera alias émir du Qatar sur les événements qui révéleraient la conspiration anti-syrienne a contraint ces journalistes à faire « défection » pour utiliser un terme que l’on nous sert toujours à sens unique.
Qui plus est, à vouloir dénoncer systématiquement la propagande de l’Etat syrien, la presse mainstream occidentale a soit gobé soit alimenté la propagande de l’opposition radicale allant jusqu’à déguiser des massacres de soldats ou de civils par des terroristes en « crimes de la dictature » comme à Jisr-Al-Choughour (juin 2011), Houla (mai 2012), Deir Ez Zor (mai 2012) ou Daraya (août 2012).
On peut en conclure que l’Occident mène au moins une guerre psychologique contre la Syrie.

Est-il cependant raisonnable de croire que l’Occident n’est pas militairement engagé dans ce pays ?

En automne de l’année dernière, lorsque le gouvernement syrien a appelé les conjurés à déposer les armes, Victoria Nuland, porte-parole du département d’Etat US, a sommé ses protégés syriens de désobéir. Parallèlement, les agents de la CIA et leurs acolytes européens ont incité les soldats syriens à passer dans les rangs d’une armée de mercenaires placée sous commandement de l’OTAN par le truchement de l’armée turque.
Sans surprise, les QG de l’Armée syrienne libre (ASL) installés au Hatay accueille désormais des terroristes du monde entier désireux d’en découdre avec les Syriens patriotes accusés d’être des « infidèles » à la solde de « l’ennemi chiite ». Ces terroristes y reçoivent une formation militaire, des armes, des pick-up surmontés de fusils-mitrailleurs, des MANPAD (systèmes portatifs de défense anti-aérienne) et des appareils de communication performants.
« Nous avons surtout récupéré des roquettes RPG9 puisées sur les stocks de l’armée saoudienne » jubile un rebelle dans les colonnes du Figaro (28 juin 2012) qui ajoute « Elles ont été acheminées par avion, jusqu’à l’aéroport d’Adana, où la sécurité turque a surveillé les déchargements avant de savoir à qui ces roquettes allaient être destinées ». Petits détails: l’armement saoudien est essentiellement américain et la base turque d’Adana dont parle le terroriste, est la base américaine d’Incirlik.
L’Occident s’est longtemps défendu de fournir des « moyens létaux » aux terroristes alors que des agents du Service fédéral de renseignement (BND) croisant au large de la Syrie transmettaient des informations concernant les mouvements des troupes syriennes aux services britanniques et US pour qu’elles parviennent aux rebelles (cf. Bild am Sonntag, 19 août 2012).
Selon le Sunday Times, les services britanniques basés à Chypre ont eux aussi aidé les insurgés à mener plusieurs attaques.
Le fait d’indiquer à ces derniers à quel moment et quel endroit ils doivent tirer sur les troupes syriennes ne revient-il pas de facto à participer militairement au conflit ? L’Occident semble donc loin d’être neutre et habité par de louables intentions. En cette époque de crise et de récession, il peut même se targuer de mener une guerre low cost dans laquelle les seules victimes sont des Arabes.

En rappelant ces faits, notre but n’est absolument pas de minimiser les responsabilités du gouvernement de Damas dans la terrible répression du mouvement de contestation syrien, les crimes d’Etat commis au nom de « la paix et la sécurité », le degré de corruption de certains hauts fonctionnaires de l’Etat, la cruauté de ses services de renseignement, ni l’impunité dont ils ont trop longtemps bénéficié. Tous ces facteurs internes de la tragédie syrienne font partie des éléments déclencheurs de la légitime révolte populaire lancée en mars 2011.

Nous réitérons au passage notre profonde indignation face au degré de violence du conflit syrien et souhaitons que le peuple syrien puisse accéder à l’improbable démocratie à laquelle il aspire légitimement.

En soulignant le rôle de l’Occident dans la militarisation de l’Etat syrien, nous tenons avant tout à renouveler cet avertissement à ceux qui croient en « la libération » du peuple syrien par la voie des armes : au-delà du caractère illégitime de l’action de nos pompiers pyromanes, celle-ci a pour seul résultat l’augmentation de la souffrance de ce peuple et entraîne inexorablement l’humanité dans une aventure aux conséquences que nul ne peut aujourd’hui mesurer.

Les show médiatique d’un Laurent Fabius qui appelle au meurtre du président syrien (en déclarant qu’il ne mérite pas de vivre), celui d’un Didier Reynders qui vient de plaider au sommet de Paphos pour « le devoir d’ingérence » en Syrie ou les déclarations scandaleusement violentes de l’administration Obama ne font que précipiter l’humanité vers ce chaos.

Hier -au nom du respect de la souveraineté des peuples, de l’humanisme et de la paix-, nous, avons dénoncé l’invasion de l’Afghanistan sans pour autant éprouver de sympathie pour les Talibans. Nous avons manifesté contre l’invasion de l’Irak sans pour autant défendre le président Saddam Hussein. Nous avons protesté contre l’ingérence occidentale en Côte d’Ivoire sans être des laudateurs du président Laurent Gbagbo. Nous nous sommes indignés de l’implication occidentale dans la guerre civile libyenne sans adorer le dirigeant Kadhafi. Et aujourd’hui, nous nous insurgeons contre l’intervention militaire en cours en Syrie sans pour autant être des partisans du président Bachar El-Assad.

Constatant que la destruction de la Syrie ne profite qu’à ses ennemis de toujours, conscients que seules les initiatives prônant la paix, le dialogue et la réconciliation pourront offrir une alternative digne et viable au peuple syrien, nous appelons tous les véritables amis de la Syrie à condamner l’ingérence de nos dirigeants dans les affaires intérieures de ce pays.

Dans le cadre du lancement de notre campagne pour la paix, le dialogue et la réconciliation en Syrie, nous appelons à protester contre l’ingérence militaire occidentale par un rassemblement devant l’ambassade des Etats-Unis à Bruxelles le mardi 25 septembre à partir de 18 heures.

Pour le Comité contre l’ingérence en Syrie (CIS)
Bahar Kimyongür

comitesyrie@hotmail.fr