Archive for the ‘politopics’ Category

Saute, camarade, le capitalisme te court au cul

Friday, July 3rd, 2009

“Le compromis social, c’est le point où le bénéfice tiré de l’opération reste supérieur à l’inconvénient produit.”
(cité d’après le Canard enchaîné, 6 mai 2009, p. 7, qui fait le compte-rendu d’une émission de télévision sur les Jumpers)

Cela signifie qu’un homme qui estime s’y retrouver, peut risquer sa vie si “le salaire de la peur” est suffisant. Ça signifie qu’il y aura toujours des epsilons, des morlocks, des mandaïs, des coolies, des rabatteurs, des sous-hommes qui accepteront de faire le “sale boulot” pour d’autres.

Les jumpers sont des “nettoyeurs de l’atome”, des gugusses qui interviennent dans les réacteurs nucléaires quand il faut y changer les combustibles. ((Intéressant d’aller voir le film en question, rien que pour remettre en question le nucléaire, si vous n’étiez pas encore arrivés là dans vos réflexions. Personnellement, ça faisait un moment que…))

“Ça fait quand même un drôle d’effet d’entrer dans les trappes d’un réacteur…”

Combien vous prendriez pour y aller?

Eux, ils prennent pas cher… Sous-traitants… Marché… Prix cassés…

En tout état de cause, la réflexion ci-dessus (“Le compromis social…”) est intéressante: dans notre société, un certain nombre de personnes sont prêtes à faire les pires travaux dans des conditions dégueulasses: pourquoi? Parce qu’elles estiment leur propre vie à rien? Ou plutôt parce que la société est organisée pour qu’ils existent et acceptent effectivement ce genre de saloperies.

Le capitalisme, c’est ça: qu’il soit privé ou d’État, d’ailleurs, il nécessite l’existence de non-êtres.

De non-êtres?

Oui, à partir du moment où l’on estime qu’une société démocratique est organisée pour et par le “démos”, c’est-à-dire l’ensemble de la communauté qui occupe le pouvoir ou en désigne ses représentants, il est indiscutable de considérer que ceux qui, en son sein, font les travaux les plus durs ou les plus risqués, sacrifient leur santé ou pire, pour qu’un élément plus ou moins nécessaire puisse fonctionner, on peut dire -à moins d’être bouddhiste et de penser qu’ils se réincarneront en surhommes la prochaine fois- que ces sacrifiés ne sont pas des êtres à part entière, puisqu’ils ne méritent pas l’accès aux bienfaits de notre civilisation…

Le salaire de la peur des jumpers est ridicule. Il n’empêche qu’on trouve des gens pour se prendre des paquets de rayons-hulk dans la gueule -jusqu’à ce que ça devienne intolérable, bien entendu…

Et si demain je vous disais que pour continuer à toucher le salaire minimum, vous avez le choix entre ça et votre boulot au Sri Lanka parce qu’il a été délocalisé, vous me répondez quoi?

“Le compromis social”, c’est quand on l’a dans le cul sévère.

Le compromis social, c’est quand le capitalisme s’y retrouve, ne vous y trompez pas, et qu’il a trouvé un contractant assez (censuré) pour reproduire sa marge bénéficiaire propre.

Le compromis social, oui, c’est quand on accepte l’exploitation.

Saute, camarade…

Alors, c’est vrai? Vous êtes de droite?

Monday, June 22nd, 2009

Loin de moi l’idée de penser que voter social-démocrate ((PS ou les Verts en France, PS ou Écolo en Belgique, Parti démocrate en Italie, PSOE en Espagne, les travaillistes en Angleterre ou aux Pays-Bas, les sociaux-démocrates en Allemagne, etc.)) puisse indiquer une quelconque appartenance ou affinité à gauche ((Pour une définition de la gauche voir ici.)).

C’est que certains journaux brésiliens ((Et ils ont plutôt l’air de s’en réjouir, à part ceux qui se disent “à gauche”.)) s’amusent à présenter l’Europe comme en porte-à-faux par rapport au continent américain où l’illusion électorale semble porter sur la gauche. On rit sous cape à l’idée que Lula, Bachelet, Kirchner (mari et femme) ou Obama (là, ce n’est même plus sous cape) puissent être taxés de gauchisme, mais bon, soit. L’Europe, paraît-il, vire à droite et l’Amérique à gauche.

Mino Carta, chroniqueur et éditeur célèbre au Brésil, cite un sociologue français ((Je l’ai plutôt trouvé politologue et économiste sur le net, mais ça m’embête de contredire Carta. Oh, et puis non, ça m’embête pas.)), Marc Lazar, selon lequel une majorité des Européens croient encore en l’économie de marché et estiment que l’action collective n’est pas assez attrayante.

Je pense que c’est un peu trop simple de voir les choses de cette manière.

Prenons le cas simple de la Belgique. Le choix, apparent, des dernières élections -piège à cons- semble, comme toujours, un balancement entre les trois (fois deux) partis dits traditionnels, en sus du cadeau-bonus écologiste et des gadgets communautaires. Qui est belge sait bien que la donne est bien autre: il n’y a plus réellement de “trichotomie” gauche-centre-droite, mais une espèce de confusion entre des boutiques aux vitrines vaguement colorées, confusion alimentée par des scandales plus ou moins localisés, des faits avérés ou supposés, et en tout cas médiatisés, de corruption, des révélations de tous les côtés qui devraient prêter au discrédit final de pratiquement toutes les têtes de la classe politique…

Et malgré cela, les élections restent le feuilleton du printemps avec son éternelle baisse de l’extrême-droite francophone ((Dites-moi si je me trompe, mais j’ai l’impression que les fachos francophones baissent depuis que je suis en âge de m’intéresser aux élections. En âge, seulement, pas disposé…)) et ses “querelles lingwistiks”, également inusables…

Une chose est certaine: si les électeurs lisent réellement les programmes des partis, mais surtout votent en fonction des réalistions des gouvernements auxquels leurs champions ont participé depuis ne fut-ce qu’une génération (et ils ont tous les 8 (+2 ou 3) participé au moins à une kyrielle d’entre eux, étant donné les nombreux lieux de pouvoir au pays de Vondel, Toone et Julos), alors il faut que je reconnaisse que 80 à 90% des Belges -et par extension des Européens- donnent raison à tout ce que je sais comme de mauvaises solutions pour la société en général: le capitalisme, le marché, le particularisme (régional, national, linguistique), la religion, le sécuritaire, le verticalisme social, et j’en passe.

Toutes valeurs que je considère de droite et en opposition avec un progrès social que nécessiterait un monde en larmes -surtout hors des frontières européennes, mais aussi en partie dedans, à considérer la masse des non-votants, l’environnement, les animaux et ceux de ses habitants à venir-.

Suis-je hors de mode? Je veux dire, moi et les quelques milliers de zozos qui refusons ce consensus imbécile autour d’idées impérialistes, individualistes, sécuritaires, anti-sociales, égoïstes, et je vais m’arrêter, je deviens redondant…

Ou dois-je considérer qu’eux et moi représentons en fait l’avenir et que vous n’êtes qu’un réflexe du passé?

Alors, c’est vrai? Vous êtes de droite, comme le dit Mino Carta?

Je pense plutôt que vous êtes moules…

Réfléchissons: vous pensez vraiment que l’alternance entre les différents grands partis au pouvoir en Europe est susceptible d’apporter des solutions durables à de vrais problèmes?
Et, à propos, vous croyez vraiment en l’alternance? Parce que cela signifierait que les idées ne signifient décidément rien: s’il faut changer des équipes, ça veut dire qu’elles ne sont décidément pas bonnes. Mais si on les change par les précédentes, alors ça ne veut plus rien dire du tout…

Allez, non, vous n’êtes pas de droite. Vous êtes nouilles…

Définition

Thursday, June 11th, 2009

Par gauche, Boaventura de Sousa Santos, entend “l’ensemble des théories et pratiques transformatrices qui, au cours des 150 dernières années, ont résisté à l’expansion du capitalisme et au type de relations économiques, sociales, politiques et culturelles qu’il génère, et qui ainsi ont participé à la croyance d’un futur post-capitaliste, d’une société alternative, plus juste, parce qu’orientée vers la satisfaction des nécessités réelles des populations, et plus libre, parce que centrée sur la réalisation des conditions effectives de la liberté.” ((in Por que é que Cuba se transformou num problema difícil para a Esquerda?, Le Monde Diplomatique Brésil, mai 2009, encart CLACSO, p.1.))

Il y aurait beaucoup à dire, et bien que je ne sois pas d’accord avec quelques détails, bien que ça respire évidemment le marxisme, je trouve cette définition mignonne et intéressante.

Aïe am ze law

Monday, June 8th, 2009

Il est assez étrange pour moi de constater un phénomène récurrent auprès de certains de mes familiers. Il semble que j’aie acquis une espèce de figure de juge ((D’où le titre. J’ai vu récemment un morceau de Judge Dredd qui m’a interloqué.)), ou de je ne sais trop quelle représentation mythologique. Il suffit que, dans une conversation anodine, je dise:

“Alors tu as accompli ton devoir de citoyen soumis?”

pour que les choses se gâtent.

Il est un fait que je suis un abstentionniste revendiqué et actif et que le vote au sein d’une démocratie parlementaire me rebute de manière aussi automatique qu’une fraude fiscale.

J’ai le devoir citoyen complexe.

Pour moi, le remplir tous les x temps au moyen d’un bulletin, qu’il soit électronique ou papier, et se dédouaner le reste du temps, me rend blet.

On peut certes encore se justifier par des “on ne peut rien y changer” ou des “que veux-tu que je fasse?” ou des “je ne vais quand même pas prendre les armes”. Mais dans ces cas, restez dans votre lit, envoyez un mot d’excuse et ne leur donnez pas la satisfaction de voir leurs nombres de voix augmenter systématiquement et leur auto-satisfecit déborder de nos médias mainstream et bêlants.

Vous êtes lourds: si vous ne croyez pas dans la démocratie parlementaire, ne votez pas!

On me dit aussi “L’extrême-… y gagne chaque fois tu ne votes pas.” Rassurez-vous (si je puis dire), vu les cliques au pouvoir dans la plupart des pays du monde entier, l’extrême y gagne toujours plus, malheureusement ce n’est pas la gauche…

Certains de mes amis me disent aussi: “ne pas voter ne te rend pas plus libre” et “je vote et je fais quelque chose: je participe à telle et telle choses”.

Pour la première affirmation, c’est absolument vrai: je m’en voudrais de me contenter de ne pas voter, ce ne serait absolument pas logique. Ne pas voter n’est en soi rien si l’on ne le complémente pas d’un acte subséquent. Rester dans ses plumes n’est en rien citoyen si vous ne vous manifestez pas les autres jours.

D’un autre côté, voter -c’est-à-dire abdiquer de votre pouvoir citoyen à l’échelon des forces représentatives surpuissantes des démocraties parlementaires- et prétendre ensuite “faire autre chose” en plus me paraît contradictoire. Moins malsain que de ne rien faire, mais contradictoire tout de même.

Coller un copain à la charge de vice-premier-consul de Schaerbeek ne changera rien à la problématique générale et l’idée qu’un Besancenot puisse frôler le deuxième tour des présidentielles dans trois ans me laisse aussi froid que lorsque Le Pen y était, lui, arrivé. Bien que je trouve le premier immensément plus sympathique que le faux borgne, je m’en voudrais d’avoir pu participer à l’envoyer à une quelconque charge représentative, fût-elle celle de conseiller rural ((Je connais beaucoup de potes qui se présentent aux élections et que je trouve bien, mais je ne leur ferai jamais de promotion, de peur qu’ils soient élus… Ce qui arrive à certains, à mon corps défendant.)).

Pour autant que je sache -et je prétends en savoir un morceau-, nous ne pouvons pas envisager d’amélioration de la société “à petits pas” ou “par lobbying” ou par toute autre formule naïve de participation à un système qui, par essence, n’accepte de changer que pour que tout reste identique.

“Yes we can”, “Ensemble tout est possible” et autres “Ce serait pire sans nous” ne peuvent que vous plonger dans l’illusion systématique que les choses évoluent effectivement par les urnes ((Certaines expériences sud-américaines semblent contredire ce que je dis, mais ce sont des cas spécifiques qui mériteraient une analyse séparée. À la grande rigueur, on pourrait comparer l’émergence démocratique du Vénézuéla ou de la Bolivie avec l’Espagne pré-franquiste, mais c’est à la fois un jeu compliqué et un ensemble de cas de figures totalement en inadéquation avec les démocraties parlementaires classiques et qui ne peut en aucun cas servir de référence pour le “Premier Monde”.)).

Non, c’est la rue, c’est la pression, c’est la lutte, c’est la merde qu’on remue, c’est le pouvoir qu’on abolit, c’est la réquisition citoyenne, c’est la contestation de la légitimité des forces en place par leur dénonciation toujours plus originale qui peuvent changer les choses. Qui ont déjà plus d’une fois changé les choses. Qui ont même amené le Suffrage Universel, mais bon…

Consommation responsable, production alternative, grèves, boycott, occupations, livres, articles, même manifestations, et j’en passe, ont toujours fait bien plus pour la cause que de voter rouge (pas rose) ou vert. Il y a encore bien plus à faire, mais je sortirais temporairement de mon sujet.

Maintenant, si ça vous plaît tant que ça d’aller faire la file au printemps pour faire une petite croix dans une case…

Mais par contre, je ne me permettrais pas de juger du comportement de quiconque. Il est ancré dans bien des esprits que l’acte dit civique de se planquer trente secondes dans un isoloir fait partie de la démocratie: je m’en voudrais de vous culpabiliser parce que vous remplissez votre “devoir de citoyen”.

Si vous y croyez vraiment, j’espère que vous remplissez aussi bien votre feuille d’impôt et que vous vous garez toujours à plus de cinq mètres des clous.

Et que vous mettez les patins en entrant…

Je m’appelle terroriste

Tuesday, June 2nd, 2009

Je suis apparu il y a très longtemps.

Pour les Hittites, j’étais Égyptien, déjà. Et pour les Égyptiens, j’étais Hittite. Les Chinois me voyaient Mongol. Dans la Bible, je suis Philistin, adorateur du Veau d’Or, Cham, Onan, Sodomite, Ghomoréen…

Les Grecs m’appelaient barbare, les Romains m’ont glorifié sous les traits de Spartacus, des esclaves révoltés ou des Germains…

Mais je ne m’exprimais pas encore dans la pleine puissance de ma personnalité.

C’est au Moyen-Âge que j’ai connu mes plus belles heures. On m’appelait alors hérétique, sorcier (et plus souvent sorcière), païen, rouquin, juif parfois…

J’étais dolcinien ou je participais aux jacqueries. J’étais pastoureau, ou étudiant malfaiteur, je vivais dans la cour des miracles ou dans les bois, attendant le passant.

Non, je n’ai jamais été Robin des Bois. Celui-là se battait en définitive pour son roi…

Mais j’ai suivi Jan Hus, je lisais Érasme, j’écoutais parler Étienne de la Boétie, j’ai finalement accompagné Giordano Bruno jusque sur son bûcher… J’ai renié François d’Assise, aussi…

Si le Moyen-Âge m’a vu occuper bien des places, à la Renaissance, je me suis éteint, bousculé par les guerres de religion auxquelles je n’ai pas pris part. Trop d’imbéciles…

Plus tard, je me suis reconverti dans la contrebande et le banditisme: j’accompagnais Mandrin et Cartouche sur toutes les routes de France. je trafiquais de tout, je rançonnais les riches et parfois même je brûlais les châteaux.

Je finissais sur la roue ou écartelé…

Je troublais l’ordre public.

Je raillais la couronne.

Je me moquais des édits et des agents de l’État.

je détroussais et l’on dit aussi que je troussais… Mais bon…

Puis, il y a eu la politique, la nation, l’État, la République… Autant de choses qui ont changé ma vie.

Ou plutôt non… J’ai continué comme avant… J’étais voleur, brigand, vagabond, je suis devenu titi et apache… J’ai eu tant de nom… Je troublais toujours l’ordre public. Je méritais la prison. Je terrorisais les bonnes gens….

Ah, ça y est, voilà qu’apparaissait mon vrai nom…

Je terrorisais.

Et cela ne s’est pas amélioré avec l’avènement de l’anarchie, voyez-vous. C’est qu’il en a plu, des bombes, ah madame! Pas toujours tirées par moi, ça non, car il y en avait bien dix mille (pour commencer) dans chaque guerre pour une que je lançais au parlement ou dans les cafés bourgeois. Je tirais sur les magistrats et j’assassinais même parfois des artistos encore, ou un président de la république…

Mais c’était rare. Je n’étais qu’un amateur…

J’étais surtout attablé avec des copains, devisant sur la gréve générale, évoquant le monde de demain, de l’oisiveté, des barques sur la rivière et du Moulin de la Galette… Mais c’était déjà trop que de vouloir distribuer des journaux gratuits et de créer des communautés et des écoles ni républicaines, ni catholiques. J’étais terroriste, voyez-vous…

Je devais être guillotiné. Je l’étais.

Puis, je devins objecteur de conscience, féministe, tire-au-flanc, gréviste, syndicaliste, et même encore cambrioleur et monte-en-l’air… Avec Bonnot, je suis revenu à mes bonnes vieilles amours d’antan et pillais banques et richards…

Ça n’a pas plus, naturellement, tiens donc.

Je terrorisais les villes et les campagnes encore. Alors, pensez, quand je devenais végétarien, j’empirais encore. Surtout que, par contre, je refusais d’arrêter de boire et de fumer. Si je ne me droguais pas et que je n’assassinais pas les bébés dont je me gorgeais du sang. Ben tiens…

C’était ma période anarchiste. Ma première vraie période sous mon nom de terroriste

Mais j’en ai eu d’autres, et de plus étonnantes.

J’étais encore terroriste entre 1940 et 1945. L’histoire m’a retenu sous le nom de résistant, mais, à l’époque, on m’appelait terroriste.

Après la guerre, je me suis retrouvé dans les colonies. Je terrorisais les colons, dis donc. Puis sous les dictatures latino-américaines. Je terrorisais les journaux qui avaient accepté la censure des militaires. Bien sûr, j’agissais aussi en Espagne, en Grèce, au Portugal…

J’étais aussi actif en Irlande du Nord…

J’étais un terroriste. Je m’appelais terroriste.

J’ai continué à agir en Espagne… J’étais encore terroriste.

En Italie, en Allemagne, en France, même en Belgique, j’agissais… J’étais un terroriste… Je pouvais faire ce que je voulais, il me suffisait de ne pas condamner les agissements des autres terroristes pour en être un moi-même.

Ou bien j’étais contre les terroristes, ou bien j’en étais un.

Ça n’a pas changé d’ailleurs aujourd’hui. Ne sommes-nous pas tous Américains?

En Israël… Enfin, en Palestine… Enfin, en “Terre Sainte”, je suis encore un terroriste, même si, bon…

Et ce n’est pas fini. Je me suis étendu avec le temps. Je suis encore un terroriste dès que j’empêche un patron de sortir de son usine ou des travailleurs d’y entrer. Je suis un terroriste quand je tente de m’exprimer lors d’un sommet de grands chefs internationaux. Je suis même un terroriste pour certains quand je veux voter Morales en Bolivie ou Chávez au Vénézuéla…

J’ai noté d’ailleurs un truc: Spartacus, jacque, dolcinien, contrebandier, apache, anarchiste ou terroriste, je suis certes gênant parce que je veux vivre d’une autre manière que celle qu’on veut m’imposer, mais je suis surtout un bon prétexte pour fermer la gueule de ceux qui pourraient exprimer de la sympathie à mon égard.

Rendez-vous le 14 juillet…

1er mai

Friday, May 1st, 2009

Juste pour vous souhaiter un excellent premier mai.

Travailleurs et non-travailleurs.

C’est tout…

Dictadouce

Friday, April 24th, 2009

La Folha de São Paulo, l’un des plus importants quotidiens du pays, bien à droite au niveau économique, mais qui se marque aussi par une nette préférence pour tout ce qui n’est pas Lula, bronzé, peu éduqué, petit, carrément brun, de gauche, trop intello, et vous avez saisi l’idée, ce quotidien, donc, a sorti récemment de jolies réflexions sur la dictature militaire qui sévit ici entre 1964 et 1988 ((Je dis 1988, bien qu’entre 1985 et 1989 ait sévi un président civil, mais clairement du parti des militaires. 1988 marque une rupture avec l’adoption d’une constitution qui promettait beaucoup de choses… à ceux qui y croyaient.)).

C’est au détour d’un article qui critiquait (pour la énième fois) le régime vénézuélien actuel, que la Folha, par l’entremise d’un éditorialiste, s’est permise de comparer les régimes militaires d’Amérique Latine, genre Pinochet, Stroesnner et le brésilien en particulier, avec le gouvernement élu au suffrage universel du président Chávez Fria.

Pour arriver à la conclusion que les généraux du pays de Pelé et de la Samba avaient été finalement assez cools. La preuve, Pelé pouvait y faire de la pub et la samba pouvait être dansée, même mal, par les touristes ((Y compris Pierre Richard dans le Retour du Grand Blond, pourtant excellent.)).

Et adopter l’expression “Ditabranda”, que l’on pourrait traduire par le titre repris ci-dessus… ((Ou plus précisément, mais ça perd son sel en jeu de mot, dictasouple.))

Dictadouce…

Plusieurs de ses collègues lui ont emboîté le pas quand les critiques ont commencé à fuser. Mal leur en a pris.

Indignations d’intellos, désabonnements et autres manifestations se sont naturellement succédées. Et de remuer la merde, naturellement, car la Folha et son groupe éditorial, en 1964, avaient clairement pris parti pour la junte putschiste. Elle faisait l’éloge des flingages de résistants (appelés bien sûr terroristes) et se félicitait, à l’instar de la classe entrepreneuriale, du “miracle économique” des annés 71-74, qui fit tout de même dire à l’un des présidents-généraux: “L’économie du Brésil va bien, mais pas le peuple.”

Raison de cette offensive révisionniste ((Le révisionnisme est un mot trop souvent employé de manière péjorative. À l’époque de Dreyfus, les révisionnistes étaient, faut-il le rappeler, ceux qui voulaient revoir le procès du bonhomme.))?
On en distingue plusieurs possibles.

La première serait de tenter de diminuer les mérites des résistants qui, depuis 25 ans, se battent (eux ou leurs familles) pour faire reconnaître leurs droits à des indemnisations, trés contestées du côté des nantis, des résistants parmi lesquels on compte aussi la très probable candidate du PT aux prochaines présidentielles, Dilma Rousseff ((À l’époque, franchement communiste.)), qui fut arrêtée, torturée et emprisonnée plusieurs années ((Le plus ironique est que le fort probable candidat de la droite est également un ancien résistant de gauche devenu, disons, pragmatique, le très sérieux gouverneur de SP, José Serra.)).

La seconde pourrait être une tentative d’auto-réhabilitation, puisque la Folha est mouillée jusqu’au cou dans l’entreprise militaro-putschiste de ’64 qui attire ces dernières années les foudres des historiens et des mouvements cherchant à faire comparaître les bourreaux et leurs commanditaires en justice ((La gauche brésilienne se plaint régulièrement du fait que l’Argentine, le Chili et même certains pays d’Amérique centrale, parviennent à confronter les anciens tortionnaires à la justice, alors que Lula et consorts traînent ici les pieds.)).

Une troisième motivation possible serait, selon certains, de préparer une éventuelle nouvelle fournée de mini-coups à l’échelon des États où la gauche (modérée, hein) a tendance à trop souvent l’emporter.

Enfin, il existe un lien possible avec la crise économique actuelle: le néo-libéralisme s’en est pris plein les dents. Or, celui-ci était bien sûr collé aux basques des dictatures latino-américaines. Les journaux et revues des milieux conservateurs sont ici en pleine panique et développent des arguments de plus en plus incohérents pour tenter de sauver ce qui peut l’être des théories ultralibérales qu’ils ont défendues depuis des dizaines d’années ((Tout en se parant de l’objectivité et de la neutralité journalistique que l’on devine aisément.)). Parmi ces arguments, la défense, même modérée, des régimes qui ont le mieux et le plus contribué à la diffusion de ces théories semble naturelle.

Toujours est-il que ça ne prend pas toujours aussi facilement.

Dans un prochain numéro, si je vous ai suffisamment mis l’eau à la bouche, je vous raconterai un peu les aventures des principaux quotidiens et hebdomadaires que l’on rencontre à São Paulo…

C’est pas une surprise

Monday, March 30th, 2009

En tout cas, ce n’est pas une surprise pour ceux qui ouvraient les yeux auparavant: les USA vivent comme un immense système Ponzi.

Ce n’est même pas un immonde gauchiste qui le dit, mais un très keynésien, stiglitzien économiste, le seul réputé avoir anticipé la crise qui est tombée sur la tronche des amerloques (et sur la nôtre ensuite) avec plusieurs années d’avance: Nouriel Roubini.

Cet économiste (dont je lis les chroniques avec assiduité, non par sympathie, mais parce que le gars est compétent) a montré dans un article du Carta Capital ((Daté, c’est pas de ma faute, du premier avril 2009. Ils anticipent un peu, au CC.)) que les USA vivent bien au-dessus de leurs moyens depuis trop longtemps. Appelé “Mr. Doom” jusqu’à l’année dernière parce qu’il prévoyait la catastrophe qui est finalement tombée sur la tronche à tout le monde, il a un petit côté mythe de Cassandre ((Le plus drôle, c’est qu’il est originaire de Turquie, et que Cassandre vient de là-bas aussi.)).

Les banques et les fonds de pension se sont vendus des titres pourris (et pas seulement dans l’immobilier) comme dans une légende médiévale où le prix d’un truc maudit qui apporte du profit est de plus en plus grand et nécessite un investissement toujours plus important, pour finalement arriver à une somme trop grande et c’est le dernier qui se prend la malédiction; ou comme dans ces entreprises de vente de produits diététiques où, pour être accepté, vous devez vendre dix boîtes à dix types, qui vont devoir faire pareil pour être acceptés, à leur tour, et ceci pour arriver aux derniers de la chaîne qui se retrouveront marron.

Sauf qu’ici, c’est ceux du début de la chaîne qui ont marroné tout le monde. C’est parti d’en haut, mais ceux du bas ont tout pris aussi ((J’ai déjà eu l’occasion de dire -sans être très original- que les premières victimes de cette crise ne sont pas les riches comme ils cherchent à nous le faire croire, mais les plus pauvres. C’était notamment ici.)).

Mais ce ne sont pas que les banques, les fonds d’investissement et les joyeux traders qui ont joué aux Ponzi.

Parallèlement, les ménages se sont surendettés pour pouvoir payer leurs dettes; le budget des administrations est en négatif depuis une génération; la balance commerciale est négative depuis bien plus longtemps; le tout faisant que l’économie étatsunienne dépend, et bien trop, d’une croissance artificiellement montée en neige par une surconsommation dont les bénéficiaires indirects sont leurs producteurs établis à l’extérieur, aux premiers rangs desquels la Chine et le Japon, dont les états sont également les créditeurs principaux de la “première puissance mondiale”. Tout cela, je l’avais montré dans un article écrit début 2006 et qui se trouve encore ici. Ça ne me rend pas spécialement fier: je ne l’ai pas sucé de mon pouce, mais de nombreuses analyses de gens plus compétents que moi et pas spécialement de gauche, de données accessibles à tout le monde, d’informations que chacun peut lire tous les jours. Ce qui me rend furax, c’est le côté autruche de la plupart des gens, y compris à gauche, et surtout dans des cénacles d’extrême-gauche. Mais bon…

Passages de l’article de Roubini:

“Madoff n’est que le miroir de notre économie.”

“Nous sommes ((Il ne dit même pas “Notre économie”, mais bien “Nous”.)) un château de cartes qui s’appuie de manière démesurée sur des fonds de pension, des entreprises financières et des entreprises qui font aujourd’hui banqueroute.”

“Un pays qui a dépensé pendant plus de 25 ans plus qu’il n’a reçu, et qui affronte un déficit en compte courant, qui devient le plus grand détenteur de dette externe du monde, est un pays Ponzi…” ((Le problème, c’est que l’économie européenne et d’une bonne partie du monde repose sur cet état de surconsommation des Zuessa.))

Le système Ponzi, pour ceux qui ont la flemme d’aller voir la page wiki que j’ai mise en référence, est une arnaque fondée sur la confiance en un gugusse qui vous vend un papier avec promesse de vous faire part de bénéfices qu’il ne trouvera qu’en continuant à vendre les mêmes papelards à d’autres. Au début, tout va bien, mais dès qu’un premier zouave commence à se poser des questions, le magicien d’Oz apparaît… Et on s’aperçoit qu’il n’y a rien derrière le rideau de fumée…

Nourini fait le parallèle avec la société américaine qui achète trop, qui dépense trop et qui, pour rembourser, continue de dépenser, de s’endetter, d’acheter… (sans compter, mais ça Nourini ne le dit pas, c’est un économiste de droite, pas un samaritain, que les USA se sont servis sur le monde pour enrichir leur classe moyenne, comme d’ailleurs les sociétés européennes en même temps qu’eux).

À force, ça a donc fini par se voir.

“L’explosion de la bulle immobilière, actionnaire, des fonds à risque et des opérations de ‘private equity’ ((J’adoire ces expressions à la mords-moi-le-truc.)) a montré que beaucoup de la “richesse” qui a soutenu l’accélération massive de l’économie et les super-dépenses des agents de celle-ci était fausse.”

Comme je vous le disais: on n’est pas vraiment étonnés, à condition qu’on ait évité de garder pendant toutes ces années le nez dans le caca comme, malheureusement, trop de gens l’ont fait.

“Madoff pourra rester le restant de ses jours en taule. Le gouvernement et les entreprises financières et non-financières peuvent passer la prochaine génération dans la prison de leurs dettes. Ils devront se serrer la ceinture pour payer les pertes encourues pendant une décennie et plus d’accélération irresponsable (de l’économie), sans considérer les risques.
“Américains, regardons-nous nous-mêmes dans le miroir: Madoff ((Bouquet Mystére.)) et Ponzi, c’est nous.”

Européens, n’hésitez pas à vous poser la question: ne sommes-nous pas un peu nous-mêmes des Ponzi, à avoir voulu deuxième voiture, écran géant, frigidaire américain et autres gadgets?

En septembre 2001, beaucoup chantaient “Nous sommes tous américains.”

Et bien ils peuvent danser, maintenant.

Références

Wednesday, March 25th, 2009

Nicolas Sarkozy avait sorti, alors candidat, une jolie formule à l’attention des immigrés, fils d’immigrés, petits-fils d’immigrés qui ne respectaient pas les lois de la République suffisamment à son goût.

“La France, on l’aime ou on la quitte.”

Certains avaient osé le comparer alors à Le Pen.

D’autres avaient alors hurlé à la relativisation du leader d’extrême-droite. Sarkozy, bien sûr, étant de droite, et non d’extrême-quoi que ce soit…

Cette formule savamment distillée, a cependant une origine amusante. Son créateur est un Brésilien. Un certain Médici. Pas Laurent, Catherine, Julien ou Marie, non: Emilio Garrastazu. Le bonhomme fut président du Brésil de 1969 à 1974, lors de ce qu’il est convenu d’appeler “la dictature brésilienne”. Emilio était le “général de planton”, autrement dit le président de garde de la révolution d’extrême-droite qui sévissait alors ((Cinq généraux vont se succéder pour assurer la garde de la république contre le bolchevisme entre 1964 et 1985, avant qu’un zozo civil prenne le relais jusqu’en 1988.)). Il avait prononcé à l’encontre des résistants à la junte militaire cette formule: “Le Brésil, tu l’aimes ou tu le quittes.”

Sarkozy n’aime pas la Princesse de Clèves, mais il a des références quand même.

On est dé-, on est dé-, on est dé-

Wednesday, February 25th, 2009

Oh, le monstre Chávez, petit caudillo d’opérette, qui aspire au pouvoir ad vitam (tel un pape ((Mais, euh, lui, il est élu par une bande de vieux habillés en rouge -argh! Ça veut dire quoi? Vite, la théorie des couleurs en politique!))), et l’horrible Morales qui veut changer la constitution pour priver les latifundiaires de leur plaisir de ne pas pouvoir faire le tour de leur propriété en moins d’un mois, ah, l’immonde Castro ((Mais lequel?)), qui refuse de privatiser la terre des ancêtres de Batista émigrés en Floride et au Mexique…

Alors que le monde est empli de ces belles démocraties soutenues par l’Occident, telles Israël ((Qu’on ne saurait trop être prudent de qualifier de colonialiste; ce serait faire preuve d’antisémitisme. Alors, on va se contenter de dire que l’État d’Israël est un sapin de hanuka.)) ou Haïti ((Consicencieusement libérée par de judicieuses interventions extérieures chaque fois que le président était un immonde méchant pas de droite.)), ou ces splendides monarchies qui, certes, sont encore loin de la liberté d’expression, mais permettent au moins qu’on y commerce à l’aise, telles l’Arabie Saoudite ((Où l’expression d’une autre foi que celle promue par la famille en place est passible de la peine de mort.)) ou de jolies juntes comme la Birmanie ((Promue, comme chacun le sait, par le French Doctor Kouchner, en échange d’une jolie rémunération.)).

Ah ça oui, le commerce, c’est important, et le pluripartisme, dis donc, alors, là… On vient encore de le voir en Israël: on sent qu’il y a pas mal d’options entre la guerre vue par le Likoud, la guerre vue par Kadima, celle vue par les travaillistes et celle vue par Israël Beytenou, on sent qu’on a de la marge…

C’est un peu comme au Brésil: quand on songe que seize partis font partie du gouvernement, dominés par le plus important d’entre eux (le PMDB), héritier de la dictature, et que le principal parti de l’opposition (le PSDB) est une émanation de ce dernier ((Oui, alors, ceux qui pensaient que le PT dirigeait le pays, heu… Non, en fait…)), on ne peut que se demander quand commence et quand termine la démocratie.

Est-il utile de parler des Zuessa? C’est qu’il s’agit d’un modèle de transparence et de respect du droit de tous et de chacun, là-bas, comme les exemples des élections de 2000 et 2004 l’ont montré.

Ah, et puis l’Italie de Berlusconi et des “ex-communistezistoriques”. Voilà un pays qui-ne-fait-pas-rire! La France et son petit nerveux á la fibre naboléonienne, un exemple de sérieux démocratique. La Belgique, et ses circonvolutions pseudo-communautaires, ou comment ne pas résoudre les problèmes pour conserver le pouvoir. On évoque l’Islande, et ses succès financiers qui en firent le pays “où il fait le mieux vivre” ((dixit l’ONU dans un rapport déjà cité ici.))? Quid de l’Union européenne dans son ensemble, qui fait recommencer les réferenda jusqu’à ce qu’ils conviennent à ses classes dirigeantes et les évite quand c’est possible?

Alors, oui, en fustigeant la dernière réforme de la constitution vénézuélienne qui permet à tout élu de se représenter autant de fois qu’il le désire -et sous couvert d’un système de révocation à mi-mandat qui n’existe nulle part ailleurs de manière aussi remarquable), en défendant la propriété privée des princes féodaux andins et en saluant à l’avance la mort prochaine du plus connu des porteurs de training Adidas, c’est certain:

On est dé-, on est dé-, on est dé-

MOCRATES!
————