Archive for the ‘politopics’ Category

ces grands hommes qui ont changé l’histoire…

Saturday, October 16th, 2010

… à condition de n’y pas toucher.

Nelson Mandela était fêté il y a quelques semaines en raison de l’approche de la coupe du monde dans son si beau pays arc-en-ciel.

On se souviendra que l’année dernière sortit un film, Invictus, qui racontait le “courage” du soldat Mandela, cherchant à rapprocher noirs et blancs en offrant à l’Afrique du Sud une publicité phénoménale par le biais de la coupe du monde de rugby -qu’ils gagnèrent.

L’objectif était surtout publicitaire, alors; il s’agissait clairement d’attirer les investisseurs, de les rassurer sur les intentions du nouveau pouvoir, qui ne se voulait pas hostile à l’argent blanc. Morgan freeman, dans les talonettes du héros de Johnny Clegg, le confirmait assez cyniquement. Il y a quelque chose d’incompréhensible dans la geste de Mandela. Admirable, en un sens, mais totalement contradictoire. Au service de la reproduction de ce qui l’a enfermé pendant près de 30 ans.

Quinze ans après, l’appartheid, s’il n’est plus officiel, n’en reste pas moins économiquement vrai. Et s’il y a bien une petite élite noire -c’est-à-dire un petit groupe de mecs qui profitent de la stabilisation du système et qui s’avèrent avoir la peau d’une couleur proche de l’ombre-, il n’en reste pas moins qu’à quelques exceptions près (oui, des blancs sont tombés dans la misère à leur tour), sur les 49 millions d’habitants, ce sont toujours pour la plupart des noirs qui fournissent les plus pauvres, et ce en grande quantité (l’indice Gini est l’un des plus hauts de la planète).

D’avoir pactisé avec le capital blanc n’a donc probablement pas ou que peu amélioré la vie des Sud-Africains.
En plus, par un manque de chance terrible (et une politique absurde), le Sida a notablement fait tomber l’espérance de vie en Afrique du Sud au niveau de 1950.

Autrement dit, le pari développementiste de l’Afrique du Sud de Mandela, dont le mythe émancipateur et communiste ferait bien de s’effondrer, s’est largement planté. Mandela est bien plus un nationaliste traditionnel qu’un socialiste libertaire.

Son objectif n’était pas de changer le cours de l’histoire, non. Et si on peut imaginer qu’il était sincère dans sa prospective, il n’a rien de quelqu’un qui voulait changer l’histoire, comme on peut le lire à droite, au centre-gauche, et même à gauche, parfois.

Une chanson de Perret

Thursday, September 16th, 2010

Aujourd’hui, je vous livre, toute crue, une lettre que m’a écrite une de mes plus chères amies restée au bercail (mon bercail, pas le sein).

Pas de commentaire de ma part, rien qu’une longue réflexion émotionnelle, mais toujours, à son image, pétrie de rationnel.

L. me fait penser constamment à une chanson de Pierre Perret, par son enthousiasme, ses sautes de tristesse et ses rebonds fantastiques. Elle a voulu me faire partager ses impressions sur ce qui se passe en ce moment en France.

Je suis loin. Je ne peux que voir cela avec ses yeux.

Mais quels yeux!

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15 septembre 2010

Cher Thierry,

Comment vois-tu l’expulsion de rroms? Moi, je la vois très mal; très mauvaise… Je ne saurais jamais prendre la distance nécessaire pour en juger ((L. est rrom, née en Roumanie, vivant depuis quelques années en Belgique.)); mais que penses-tu des conséquences sociales de cette expulsion?

La France est un grand pouvoir politique et économique; elle peut donner le “la” de la chorale des politiques racistes qui vont se défouler par la suite; déjà, l’année passée, il y a eu des assassinats de rroms en Hongrie, des quartiers rroms brûlés en Roumanie, des enfants rroms maltraités par la police en Slovaquie, des skinheads qui ont attaqué un bidonville de rroms en Angleterre… et ce ne sont ici que des actes qui ont eu un écho dans la presse; au quotidien, ce qu’il y a à faire, c’est de nier tes origines et imiter, avec tout le dégoût que cela t’inspire, les imbéciles autour qui, sans cela, t’attaqueraient sans cesse… ou bien prouver tous les jours que tu es une personne, que tu n’es pas comme ceci, pas comme cela…

Instinctivement, depuis que j’ai une conscience, j’ai choisi la deuxième attitude; mais j’ai été entourée par des rroms qui, la plupart de temps, se niaient devant les Roumains même si, dans le dos, ils avaient autant de mépris pour les Roumains que les Roumains pour eux; d’autre part, les Roumains, devant eux, je devais tout le temps dire ou montrer que “ce n’était pas comme ça”, qu’ils avaient tort; mais le lendemain ils oubliaient et de nouveau je devais leur prouver que je n’étais pas inférieure à eux; et puis, les Roumains avaient les écoles; ça leur appartenait et moi j’étais avide de savoir… et je l’ai aspiré comme un éponge pendant les 5 premières années scolaire; puis j’ai gaspillé mon énergie dans des révoltes: je comprenais trop: mes fautes comptaient doublement et mes mérites étaient à peine remarqués; profs et élèves avaient le même regard: du mépris. Et je me suis alors battue; avec les poings; et j’ai commencé à mépriser leur mésestime abêtissante à mon tour. Et je serrais les dents lorsque l’envie de jouer à l’école avec eux était entravée par “je suis tsigane”… et, les rares moments où on oubliait et eux et moi, je jouais avec rage dans les jeux d’équipe et j’étais la meilleure…

Ensuite, à 15 ans et demi, j’ai quitté l’école avec des larmes de colère à cause de deux nouveaux collègues de classe imbéciles. Et j’ai travaillé; de tout mon cœur; dans les champs. Il faisait beau et j’étais forte. Mais après quelques années je me suis rendu compte des perspectives: me marier et vivre la vie sans aucune dignité, supporter la jalousie ou l’envie de faire valoir sa supériorité d’un mari machiste, me laisser abattre par les soucis économiques et sociaux. Ou aller dans la ville et trouver un travail qui me rendrait indépendante? Mais le taux de chômage parmi les gitans augmentait en flèche et en plus je n’avais pas fait d’études; constat amer de la nécessité d’un diplôme. Mais au moins je savais avec certitude ce que je ne voulais pas de la vie; il restait à découvrir ce que je voulais. Mais le contexte ne s’y prêtait pas; souvent je m’arrêtais de penser au futur par crainte de ne pas découvrir que je voulais l’impossible…

Et j’ai commencé à faire tout à l’envers; lorsque j’ai rencontré Henry ce fut la première fois dans ma vie que j’ai eu l’occasion de dire “oui, c’est comme ça…” et plus encore: Henry mettait des mots sur ce que je pensais, sur ce que je ressentais par rapport au monde, à la vie; et il me regardait comme si j’étais une personne; une personne… j’avais 26 ans et lui 62; on a fait équipe et on s’est mariés et on a partagé depuis un quotidien où je ne devais pas démontrer à chaque fois que je sortais que j’étais une personne; j’ai pu alors me concentrer sur autre chose: le savoir. Et j’ai appris des tas des choses; et ça m’a plu. Tellement. Non plus gaspiller son énergie dans une résistance sourde qui mène à un épuisement sans résultat mais apprendre, s’enrichir; arriver à dépasser l’angoisse d’être regardée comme un rien à tout moment et sans aucune raison; juste celle de sa couleur, son origine, des choses dont on n’est pas responsable.

Mes révoltes enfouies, j’ai su aimer un homme, une femme, des arbres et des lieux, et des musiques nouvelles… et découvrir la vie à travers des tas de choses belles ou quelques fois moches.

Je commençais à contourner les gens qui me demandaient “tu es de quelle origine” parce j’en avais marre de répondre et de les observer ensuite prêts à me mettre une étiquette en fonction de leurs connaissances; j’ai toujours voulu être une personne. Et quand j’ai constaté que je répondais beaucoup plus souvent “je suis gitane” que “je m’appelle L.” ce fut désagréable; et je répondais “je suis chinoise, suèdoise, sénégalaise, …” n’importe quoi… En réalité je ne suis qu’une personne; et je m’intéresse aux gens, pas à leurs origines: ce qu’ils aiment, ce qu’ils n’aiment pas, leurs avis, leurs regards, leurs voix, leurs voies… Ils ne sont rien par leur origine; ils sont quelques chose par eux mêmes. C’est juste devant les discriminations que j’ai envie de revendiquer; j’ai revendiqué que je suis gitane devant les Roumains, homosexuelle devant les homophobes, athée en face des croyants, et si je pouvais j’aurais dit que je suis noire en face de ceux qui n’aime pas les noirs, que je suis handicapée en face de ceux qui méprisent les handicapés, etc…

Pourtant je suis si bien lorsque je ne dois rien dire de tout cela; et je suis juste là à bavarder de tout et de rien et sans me douter que l’autre en face te considère autre chose qu’une personne.

Et à quoi s’attendre maintenant quand, après des décennies, on nous a de nouveau officiellement étiquetés comme des parias? expulser les rroms… j’ai été choquée qu’en France cela se passe comme ça; je n’ose pas imaginer la vague de violences “banales” … banales? oui, parce que… parce que … je en sais même pas quoi dire, Thierry; je me sens impuissante; et j’aurais voulu ne pas savoir lire… et j’aurais voulu… ne pas connaître cette réalité.

Que faire, Thierry? remettre de nouveau le bouclier et sortir les flèches venimeuses?

Sarkozy n’est pas un type bête; s’il a osé faire ce qu’il a fait c’est qu’il a senti l’opinion publique… J’ai beau dire que c’est Hitler qui a tué les juifs et qu’il est mort; je n’oublie pas que plein des gens l’ont soutenu; et c’étaient des gens qui eux aussi ont haï les juifs; et c’est le cas maintenant: si Sarkozy s’exprime, c’est qu’il sait qu’au moins 50% de la population est de son côté.

Je sens qu’il y aura des choses très injustes que les gitans vivront à cause de ça: des humiliations, des jugements collectifs, des complexes d’infériorité; les conséquences ne seront pas les moindres ni au niveau de l’individu, ni au niveau de la communauté…

Je ne sais pas pourquoi je t’ai raconté tout mon parcours de vie. Peut-être parce que je me sens un peu écrasée… en tout cas ce soir. Mais demain je vais essayer de trouver une attitude; une qui me semblera juste.

Je t’écrirai un jour sur les vacances, sur les gens et sur les… je ne sais plus.

🙂 t’écrire m’a apaisée.

A bientôt Thierry,

Bisou,

L.

Excuse bibendum… pardon, bidon

Sunday, August 22nd, 2010

Couplant mon récent post affirmant mon séparatisme, de circonstance et petitement ironique, et cette petite info qui n’en est guère une, indiquant que le nouvel homme fort (sic) de Flandres se mettait aux ordres du patronat (comme si certains de ses collègues…), je réaffirme simplement qu’une bonne scission permettrait au moins d’y voir clair dans les prétendues rotomontades du récurrent Premier wallon qui se prétend socialiste et dont on ne voit guère concrètement la couleur.

Il est évident que ce petit billet d’humeur est hautement rhétorique et que je n’attends point de l’homme au noeud pap’ la moindre ré-avancée sociale… Car Di Rupo et le Parti Socialiste sont co-responsables, avec tous leurs collègues du PS européen, de la dédémocratisation de la sphère Europe. Ce que le mouvement social de base disait déjà avant Maastricht, réitérait à chaque contre-sommet (en dépit des accusations de nationalisme ou de fascisme de nos grands humanistes, tels Verhofstadt en 2001), repris aujourd’hui par les seuls partis d’extrême-gauche (et par les anars, naturellement), est toujours valable: une Europe ne pouvait se construire sur le commerce et la finance sans devenir anti-démocratique ((S’il était besoin, le règlement en cours (pas certain) de la crise, sur base de “rigueur” et d'”indépendance de la Banque Centrale” ne fait que le démontrer.)).

Du côté du drapeau rouge (qui ne mérite plus de l’être), on essaiera sans doute de nous faire croire que la droite est régionaliste, séparatiste et que donc l’Union, voire l’Europe ((Mais De Wever est-il contre l’europe?)) seraient des remparts sociaux. Cela ne pourrait l’être que si les forces sociales, partis et syndicaux, retrouvaient leur caractère international, altruiste, solidaire, en front commun. Cela ne pourrait arriver que sans les têtes de gondole de tous ces ensembles.

Et donc n’arrivera pas. Ni avec ces partis, ni avec ces syndicats.

Dont acte.

Le plus drôle dans cette histoire, c’est que c’est parce que je suis internationaliste et pour une solidarité mondialisée (et donc opposée à la mondialisation commerciale et financière imbécile, anti-environnementale et anti-sociale) que je deviens confédéraliste ((Notons que le confédéralisme est depuis longtemps -au moins Proudhon et Godwin- une caractéristique de l’anarchie qui prétend que la démocratie devant commencée depuis les localités et horizontalement ne peut se réaliser que dans la confédération ou sous d’autres appellations, communalisme, mutualisme, etc.)). Ridicule? Allons donc, qui est ridicule depuis… depuis quand déjà?

Pourquoi je suis devenu séparatiste…

Saturday, August 7th, 2010

MAIS QUELLE HORREUR, TU ES FOU???

Non, pas du tout. J’en ai marre des mauvaises excuses, c’est tout.

Je constate qu’en France, il existe encore une vraie alternative de gauche, qui gravite, tous partis confondus, aux alentours de 12-15 pourcent. Ce sont des chiffres qu’on pouvait encore trouver en Italie avant que Rifondazione se laisse blouser par le “Parti des Démocrates”. Alors, vous allez me dire, mais thitho devient électoraliste? Tu voudrais qu’on milite dans un parti de “la vraie gauche”? Du “Front des gauches”?

Non, pas du tout, mais j’en ai marre des mauvaises excuses, c’est tout.

J’en ai ras le bol qu’on me réponde chaque fois que j’évoque le problème des partis traditionnels en Belgique que ce sont les seuls qui puissent défendre l’unité de la Belgique, le fédéralisme, les pensions, la sécurité sociale, la solidarité ou que sais-je encore. Il n’y a rien de plus faux: ces partis se contentent de gérer la crise permanente en Belgique et ils sont bien content qu’elle existe. Alors, si c’est pour consacrer autant d’énergie, de papier-journal et de discussions imbéciles à ce sujet, avec ma mère, mon beau-père et mes collègues de travail, autant briser-là tout de suite, et les confronter avec d’autres problèmes. Mais, Thitho, tu veux faire le jeu de l’extrême-droite?

Non, pas du tout, mais j’en ai marre des mauvaises excuses…

C’est tout.

Chronique des élections présidentielles locales V

Tuesday, July 13th, 2010

Résumé des épisodes précédents ((Un, deux , trois et quatre.)) :
Trois candidats principaux se disputent la présidence du Brésil à partir de 2011. Marina Silva et José Serra ont déjà été présentés.

quatrième partie: Dilma Rousseff.

Voilà une personne qui aurait fait rêver plus d’un fan de Che Guevara ou de Salvador Allende. Dilma, née dans la classe moyenne d’origine libanaise, s’est transformée, sous la dictature, en rebelle, en militante de la démocratie, touchée par la grâce du marxisme et de la lutte des peuples contre le pouvoir militaire. Arrêtée, emprisonnée, torturée, elle se flatte d’avoir menti à ses tortionnaires (ce que lui ont reproché, inexplicablement, certains porte-flingues du côté de José Serra).

Dilma Rousseff, après la dictature, se lance dans la politique avec des compétences en économie similaires à celles de son rival principal, José Serra. Elle part de tout en dessous: municipalité, état, à chaque fois comme technicienne, notamment de l’énergie, son dada, mais donc pas comme élue. On le lui rappelle assez aujour’hui: Dilma n’a jamais affronté une urne. Passée du PDT (gauche nationaliste historique) au PT au moment de l’accession de Lula au pouvoir, elle devient ministre de l’énergie. Lula lui fait une confiance telle qu’au moment où son ministre de la “maison civile” (pratiquement son premier ministre) est pris dans un scandale financier, en 2005, il la choisit pour le remplacer, et progressivement elle devient la favorite à sa succession dans son coeur.

Les discours actuels de Dilma ne diffèrent guère de ceux de José Serra: développementisme, redistribution des richesses partielle, meilleure gestion, mais pas de justice pour les victimes de la dictature (à part quelques concessions financières), pas de remise en question fondamentale du statu quo environnemental ni agricole, pas de réforme en faveur des sans-terres. Un mot qui revient souvent dans sa bouche, c’est “méritocratie”, quand elle évoque la fonction publique. Ça devient gênant pour quelqu’un qui est censé avoir adopté Marx.

Enfin, parlons de ses alliances. Son candidat vice-président, Michel Temer, fait partie du très corrompu et très réactionnaire PMDB, pour lequel le PT a renoncé à combattre certains des barons les plus liés au régime militaire, comme José Sarney, par exemple, “colonel” du Maranhão.

À suivre: quelques militants de gauche au Brésil réagissent à la campagne.

Chronique des élections présidentielles locales IV

Sunday, July 4th, 2010

Résumé des épisodes précédents ((Un, deux et trois.)) :
Trois candidats principaux se disputent la présidence du Brésil à partir de 2011. Marina Silva a déjà été présentée.

troisième partie: José Serra.

À l’image de l’ancien président Fernando Henrique Cardoso, José Serra, qui a été son ministre de la santé jusqu’en 2002, pourrait dire “Oubliez tout ce que j’ai écrit.” Leader étudiant en 1964, de gauche, il s’exile au moment du coup d’état, va rejoindre le Chili d’Allende, pour ensuite, après bien des années hors de son pays, rentrer et se ranger dans un parti conservateur, américanophile et largement à la bonne avec les médias de droite et les milieux économiques.

Son discours est empreint de contradictions inhérentes à sa position: il vante le système de santé qu’il a contribué à mettre en place et critique ce qu’il est devenu, alors que Lula n’y a pratiquement pas touché (à tort d’ailleurs); il se dit plus à gauche que Lula mais milite dans un parti de droite; il prétend que la Bolsa Familia ((Programme de soutien aux familles les plus pauvres comparables à un minuscule RMI attribué principalement aux mères de famille.)) est une invention de Fernando Henrique Cardoso, mais son parti passe son temps à en critiquer le principe et les pratiques; il est issu de la résistance (passive) à la dictature alors que son parti en est pratiquement issu ((Jusqu’à certains de ses membres qui ont reproché à Dilma Rousseff, sa concurrente, d’avoir fait partie des “terroristes” durant la période “militaire” et d’avoir menti sous la torture.)).

Maire de São Paulo, ministre de la Santé, puis gouverneur de l’État de São Paulo, José Serra n’a pas exactement la fibre négociatrice dans la peau. Pendant les trois dernières années de son exercice ((Il vient de “renoncer” à sa charge pour se présenter aux présidentielles.)), il a envoyé la police contre les étudiants, refusé de discuter avec les enseignants tant qu’ils étaient en grève et envoyé un corps de police contre un autre qui réclamait des ajustements de salaire promis. Son souci de la sécurité l’empêche de condamner les plus de mille morts par an provoquées par la police et la police militaire parmi les “civils” des favelas, un grand nombre d’entre elles ressemblant plus à des exécutions qu’à des actes de légitime défense. Comme candidat à la présidentielle, il a décidé de s’approprier ce thème, alors qu’il ne fait pas partie des prérogatives du président. C’est son petit côté Johan Vande Lanotte: j’étais de gauche, mais j’appuie sur la gachette en direction du peuple.

Économiquement, Serra prétend faire la même chose que Lula en mieux. Voilà un argument qui signifie tout et son contraire. Il n’y a pas grand’chose à en tirer de positif.

Prochain épisode: Dilma Rousseff.

Chronique des élections présidentielles locales III

Sunday, June 27th, 2010

Résumé des épisodes précédents:
Trois candidats, principalement, se disputent le siège de la présidence à partir de l’an prochain, au Brésil: José Serra, Dilma Rousseff et Marina Silva. Beaucoup d’intérêts s’entrechoquent autour d’eux.

Troisième partie: Marina Silva, actuellement créditée de 8 à 12% des voix au premier tour.

Membre du PT de la première heure, ex-ministre de l’environnement du Président Lula pendant près de six ans, Marina Silva a un parcours pour le moins atypique.

Originaire d’Acre, elle a grandi dans une famille très pauvre, dépourvue de droits scolaires pendant toute son enfance et n’a appris à lire et à écrire -contre le désir de son père- que… grâce à une maladie qui a failli la tuer et l’a clouée au lit suffisamment longtemps pour lui laisser le loisir de s’instruire. Elle ira ensuite jusqu’à l’université; à son crédit, malgré sa réussite, de refuser de servir d’exemple pour montrer que, même partant de rien, on peut arriver à tout: pour elle, être une exception ne permet pas de déterminer une règle. Et de continuer de réclamer un meilleur enseignement public.

Ensuite, elle a failli entrer au couvent. C’est un mariage qui l’en empêchera (elle a divorcé depuis). Plus tard, de catholique, elle virera évangéliste -c’est-à-dire membre d’une secte religieuse protestante. Entretemps, elle aura rencontré Chico Mendes, LE militant seringueiro des années 80′, assassiné pour avoir été une véritable épine dans le pieds des gros propriétaires terriens. Elle se consacrera à corps perdu à la cause de Chico Mendes.

Militante historique du PT depuis ses origines ou presque, Marina sera longtemps derrière Lula. Aujourd’hui, elle a quitté son parti, rejoint le PV (parti prétendument vert) et se présente aux élections sous cette couleur. D’aucuns estiment qu’elle pique des voix à Dilma Rousseff, la candidate de Lula, et qu’elle risque de soutenir indirectement José Serra. Sachant qu’il y a deux tours d’élections, ce raisonnement est pour le moins sujet à caution. Mais soit.

Revenons à la personne de Marina Silva.

Elle a la réputation de défendre exactement ce qu’elle dit, ce qui semble corroboré par sa sortie du gouvernement deux ans avant les élections; jusqu’au début de l’année, elle ne semblait pas destinée à se présenter. Ministre, elle a tenté de défendre, dit-elle, les intérêts de la nature, des peuples indigènes, elle était internationalement reconnue comme ZE militante écologiste. Ce qui ne l’a pas empêchée de participer -six ans!- à un gouvernement qui a poursuivi les programmes d’expansion de l’agriculture et de l’élevage sur les terres de l’Amazonie et de réalisation de gros ouvrages tels des barrages et des usines à gaz, sans compter le programme nucléaire local soutenu par la France: ses luttes avec le ministère de l’énergie et celui de l’agriculture se sont généralement soldées par des échecs. Elle a, semble-t-il, avalé pas mal de couleuvres sous le couvert du “réalisme” économique.

Même si l’on devait supposer une sincérité brimée et frustrée dans son chef, on ne peut s’empêcher de retoquer Marina Silva sur une récente déclaration qu’elle a faite dans le magazine Istoé: à la question “accepteriez-vous le financement de l’entreprise Vale?”, elle a répondu qu’elle estimait que cette entreprise respectait le droit social et l’environnement et que, oui, s’ils la contactaient, elle accepterait leur soutien.

Or, Vale est largement critiquée dans la presse de gauche (Caros Amigos, Brasil de Fato ((Caros Amigos: le site se trouve ici, mais vous devez naviguer dessus pour trouver la référence dans le numéro de mai 2010 de l’article Vale, a mineradora com as mãos sujas de sangue de Tatiana Merlino; et Brasil de Fato: Vale est une transnationale dont les pratiques sociales et environnementales sont combattues dans le monde entier.))) précisément pour son mépris pour les droits du travail et l’environnement dans l’ensemble des régions du monde où elle est active. De Marina, on craint une ignorance maladroite ou une tolérance coupable… Et ce n’est qu’un exemple qu’on pourrait multiplier.

Dans un autre registre, qu’on pourrait peut-être plus aisément lui pardonner, Marina Silva est hautement mystique, mélange allègrement les mérites de la science et de la foi ((Elle estime notamment que, si elle a été guérie de sa grave maladie étant jeune, c’est grâce à Dieu et à la médecine.)), s’oppose à l’avortement, par exemple, et n’accepterait de traiter des questions dites “éthiques” que via des réferendums. Il est clair que l’allusion à la démocratie directe devrait nous plaire ((Encore qu’elle critique fortement le régime vénézuélien pour son système participatif, allez comprendre.)), mais l’on sait parfaitement que l’influence conjuguée de toutes les sectes locales au Brésil amènerait fatalement plutôt à un recul des idées laïques qu’à des avancées.

Au total, même si, des trois candidats principaux, elle est la moins pire, Marina Silva, de jeune militante infatigable, est devenue, comme tous les autres, une jeune (elle a plus ou moins 50 ans) candidate infatigablement opportuniste.

Prochain épisode: José Serra

M. Michel n’est pas prof’ d’histoire

Tuesday, June 22nd, 2010

… et par respect pour mes collègues de germanique, je m’abstiendrai de rappeler de quoi il est gradué…

Dans cet article, Louis Michel se permet de saluer la figure du vieux tyran, Léopold, roi des Belges, mais surtout souverain de l’État Indépendant du Congo.

“Un camp de travail? Certainement pas. En ces temps-là, c’était simplement la façon de faire.”

Ben tiens. L’esclavage est une si jolie tradition qui venait à peine d’être interrompue.

En réalité, le grand homme à la barbe de Saint-Nicolas s’était attribué une fraction importante d’un continent au potentiel économique énorme. Il n’a jamais accompli que le rêve de tout entrepreneur: fonder une start-up qui décoiffe. C’est comme ça qu’il faut le voir, n’est-ce pas, M’sieur Michel?

Ah et puis, l’argument massue: tout le monde faisait ça… C’est beau comme de l’antique… Pourquoi ne pas justifier tous les crimes de masse, dans l’histoire, dans ces conditions? “Tout le monde tuait du protestant”, “C’était la mode de taper sur du juif”, “Qu’est-ce que vous voulez, on avait tous un nègre à la maison”, “Ben, ouais, c’était une sorcière, tout le monde brûle les sorcières”,…

Louis Michel, vous êtes vraiment un imbécile. Tous les historiens un peu sérieux et qui n’ont pas le progrès à la sauce libérale dans la tronche vous le diront.

Chronique des élections présidentielles locales II

Friday, June 18th, 2010

Résumé de l’épisode précédent:
Petit topo sur les élections présidentielles brésiliennes.
En lice (officiellement à partir de ce week-end):
José Serra, du PSDB, qu’on dit ici du centre, mais que je verrais bien fort à droite, surtout question dialogue social;
Dilma Rousseff, du PT, chouchou de Lula, ex-coco, mais vouée à la Realpolitik et à la méritocratie;
Marina Silva, du PV, ex-ministre de l’environnement de Lula, très populaire, mais qui s’est fait plein d’ennemis aussi, et dont le côté mystique me gène.
-et quelques autres mandaïs, mais disons que, pour parler électoralement, il s’agit de quantités négligeables.

2e Partie: les forces en présence.

-le lobby financier et la banque centrale;
Patron de la Banque Centrale depuis la présidence (de droite) de Fernando Henrique Cardoso, Henrique Meirelles défend avec efficacité les intérêts des banques, grâce au taux d’intérêt régulièrement le plus élevé du monde. Sous prétexte de freiner une inflation qui était, jusqu’aux années 90′, l’un des fléaux du pays, le SELIC tourne toujours autour de 10% (Il est descendu à 8%, mais c’était un plus bas historique qui a été revu à la hausse suite à la crise), quand son homologue américain est virtuellement négatif (inférieur au taux d’inflation) et ceux des pays européens tournent autour de 1 à 2%. Les banques aiment ce taux, car il justifie leurs profits faramineux -sans bouger les oreilles-, alors que leur gestion a été reconnue régulièrement comme parmi les pires du mondes. La Banque Centrale fut et est l’un des cailloux constants dans les chaussures du PT au pouvoir depuis 2002: impossible de sortir de la dépendance des banques qui menacent constamment de replonger le pays dans le chaos pré-Lula. Ce dernier, en fait, a pactisé avec les banques afin d’établir ses grandes politiques de développement et de charité publique. Il a rejoint, ni plus ni moins, les mouvements “réalistes” des socio-démocrates européens.

-le lobby de l'”agronegocio” et les fazendeiros;

Ce lobby est à peu près partout au Congrès. Certains journalistes estiment à un tiers les congressistes qui y sont liés. Et tous les partis importants, ou presque, sont infiltrés par les tenants des grandes propriétés foncières. Leurs arguments sont connus: ils produisent une part majeure du PIB brésilien, sont responsables pour la plus grande partie des exportations du Brésil et nourrissent le peuple. Sauf que ces arguments tombent devant les défenseurs des droits sociaux et de l’environnement, et que les études les plus sérieuses montrent que le marché intérieur est surtout alimenté par l’agriculture familiale. Mais alors que celle-ci est très peu soutenue, l’agrobusiness, lui, reçoit la plus grande partie des subsides de l’état, paie peu voire pas d’impôts et bénéficie d’indulgences bancaires considérables. Leur influence est considérable dans le traitement de la réforme agraire -qui n’avance pas-, de la propriété de la terre -qui est entachée d’innombrables fraudes-, de la tolérance aux engrais chimiques et aux OGM, des droits du travail, des priorités en matière de déplacement des richesses et des capitaux.

-Les partis;
Les principaux partis sont presque tous nés après la dictature, mais deux d’entre eux, le PMDB (droite conservatrice) et le DEM (droite dure), sont les héritiers directs des deux seuls partis autorisés entre 1965 et 1985. Le PSDB (centre-droit genre MR ou UMP) est une dissidence du PMDB. Le PSol (plutôt gauche-extrême-gauche) et le PV (pseudo-écologistes) sont des dissidences du PT (ex-de gauche, genre PS) qui s’est déclaré le grand opposant à la sortie de la dictature. Il y a encore quelques partis, comme le PSB, le PDT, le PCdoB ou le PCB, qui sont des acteurs réguliers de la scène politique, mais plus petits. Leur importance est surtout liée au temps d’antenne à l’époque des campagnes électorales, car ce sont les alliances entre partis qui déterminent les quotas de chaque candidat ou de chaque cartel de partis. Ce qui donne une véritable enchère aux partis… Les défections des élus, qui passent d’un parti à un autre, sont légion, considérées comme un scandale par les uns, et un droit légitime par les autres. Je vous laisse deviner qui pense quoi.

-les mouvements populaires -le MST, et…;
Il faut être franc: les mouvements populaires au Brésil sont sous-considérés. Ils existent, au-delà du MST, mais ils sont terriblement faibles en raison de leurs relations soit au pouvoir en place, soit aux partis, soit aux syndicats. Le MST (avec le MTST) fait figure d’exception, ce qui explique l’extraordinaire campagne de diffamation dont il fait continuellement l’objet dans la presse générale (sauf évidemment dans la presse d’extrême-gauche, qui n’est pas négligeable). Ce mouvement gigantesque a certes des défauts (comme par exemple son aspect mystique prononcé), mais il n’est ni autoritaire, ni centralisé comme il a été parfois dépeint, même s’il suit des règles établies dès l’origine (il existe d’autres mouvements de sans-terre qui ne les suivent pas). Les différentes structures régionales jouissent d’une grande autonomie d’action et, si tout n’est pas horizontal, loin s’en faut, l’appui aux mouvements spontanés est systématique depuis les structures reconnues par les médias comme dirigeantes -et qui en fait suivent surtout les initiatives locales.

-les syndicats;
Ça ne vaut presque pas la peine d’en parler. Les syndicats sont tellement dépendants des financements “publics” qu’ils sont corrompus dans tous les sens. En outre, les droits de grève et de manifestation ici sont tels qu’ils font passer les régions européennes comme de douces localités libertaires.

-le clientélisme;
Sans doute la plus importante des influences politiques au Brésil. Des villes, des régions, des États entiers fonctionnent uniquement sur base des faveurs obtenues auprès des élus qui paient en “paniers de base” le choix qui s’est porté sur eux. Les structures quasi-féodales sont appelées ici “colonélisme”. Il y a un véritable rapport de suzerains à vassaux entre les potentats les plus grands et les plus petits, allant jusqu’aux milices privées, aux rabatteurs, aux informateurs… Le clientélisme au Brésil ferait passer les partis wallons pour des amateurs.

-les médias.
Les principaux médias au Brésil sont
a) les télévisions, parmi lesquelles la Rede Globo fait figure de tf1 locale. Son influence est manifeste et a été dénoncée jusqu’ici sans grand succès en raison de la surprotection dont elle bénéficie au niveau politique, chacun sachant que celui qui l’attaque se retrouve persona non grata sur la chaîne et se prive d’une audience énorme. Deux autres chaînes totalement à la botte de sectes protestantes se partagent le principal du gâteau.
b) les journaux, dont les principaux sont, parmi les quotidiens, la Folha de São Paulo (droite décomplexée perçue de centre-gauche), l’Estado de São Paulo (plus sérieux, plus conservateur, pas plus fréquentable), Globo (lié au consortium de télévision susnommé -berk) et quelques autres quotidiens, dont beaucoup de sports; et parmi les hebdomadaires, on retrouve surtout la Veja (porte-parole de la droite sécuritaire la plus réactionnaire), Época (guère mieux, type Figaro Magazine), IstoÉ (prétendument plus indépendant, mais défendant surtout les intérêts de ses propriétaires et donc pas anticapitaliste du tout), CartaCapital (qu’on pourrait qualifier de Marianne local). Les journaux les plus à gauche sont surtout des bihebdomadaires (Brasil de Fato) ou des mensuels (Caros Amigos), mais n’ont que peu d’audience. Piauí est probablement le meilleur journal en tant qu’outil journalistique, mais il est désabusé et s’est démarqué de toute engagement politique. Les trois derniers que je vous cite ici sont les seuls dont je conseillerais la lecture, à ma connaissance.

Les grandes entreprises:
Vale (privatisée, transnationale, mines), Petrobras (encore nationale, énergie, présente dans le monde), Odebrecht (construction), Camargo Correa (construction) pour certaines des plus influentes nationales; Bayer, Monsanto, les monteurs automobiles, pour les principales étrangères… Ce ne sont que quelques-unes des grandes compagnies qui bloquent toute possibilité d’améliorer les choses au niveau de l’environnement, des impôts, du droit du travail… Une véritable gabegie; il y a vraiment peu à en tirer d’intéressant. On en reparlera dans un prochain numéro.

3e partie à suivre: Marina Silva

En attendant la suite sur les élections locales

Thursday, June 17th, 2010

Je lis qu’aussi bien le parti libéral que la reine des Pays-Bas étaient prêts à engager des discussions pour former une coalition libéraux-extrême-droite-chrétiens-démocrates. Ce sont les derniers qui refusent de discuter “pour l’instant”…

Qui faut-il encore convaincre de ce que les élections sont tout à fait aptes à nier ce que démocratie veut dire?

Et pourquoi? Parce que la raison a été remplacée par le capital. That’s all folks. I’ll never come back.