Dictadouce

April 24th, 2009

La Folha de São Paulo, l’un des plus importants quotidiens du pays, bien à droite au niveau économique, mais qui se marque aussi par une nette préférence pour tout ce qui n’est pas Lula, bronzé, peu éduqué, petit, carrément brun, de gauche, trop intello, et vous avez saisi l’idée, ce quotidien, donc, a sorti récemment de jolies réflexions sur la dictature militaire qui sévit ici entre 1964 et 1988 ((Je dis 1988, bien qu’entre 1985 et 1989 ait sévi un président civil, mais clairement du parti des militaires. 1988 marque une rupture avec l’adoption d’une constitution qui promettait beaucoup de choses… à ceux qui y croyaient.)).

C’est au détour d’un article qui critiquait (pour la énième fois) le régime vénézuélien actuel, que la Folha, par l’entremise d’un éditorialiste, s’est permise de comparer les régimes militaires d’Amérique Latine, genre Pinochet, Stroesnner et le brésilien en particulier, avec le gouvernement élu au suffrage universel du président Chávez Fria.

Pour arriver à la conclusion que les généraux du pays de Pelé et de la Samba avaient été finalement assez cools. La preuve, Pelé pouvait y faire de la pub et la samba pouvait être dansée, même mal, par les touristes ((Y compris Pierre Richard dans le Retour du Grand Blond, pourtant excellent.)).

Et adopter l’expression “Ditabranda”, que l’on pourrait traduire par le titre repris ci-dessus… ((Ou plus précisément, mais ça perd son sel en jeu de mot, dictasouple.))

Dictadouce…

Plusieurs de ses collègues lui ont emboîté le pas quand les critiques ont commencé à fuser. Mal leur en a pris.

Indignations d’intellos, désabonnements et autres manifestations se sont naturellement succédées. Et de remuer la merde, naturellement, car la Folha et son groupe éditorial, en 1964, avaient clairement pris parti pour la junte putschiste. Elle faisait l’éloge des flingages de résistants (appelés bien sûr terroristes) et se félicitait, à l’instar de la classe entrepreneuriale, du “miracle économique” des annés 71-74, qui fit tout de même dire à l’un des présidents-généraux: “L’économie du Brésil va bien, mais pas le peuple.”

Raison de cette offensive révisionniste ((Le révisionnisme est un mot trop souvent employé de manière péjorative. À l’époque de Dreyfus, les révisionnistes étaient, faut-il le rappeler, ceux qui voulaient revoir le procès du bonhomme.))?
On en distingue plusieurs possibles.

La première serait de tenter de diminuer les mérites des résistants qui, depuis 25 ans, se battent (eux ou leurs familles) pour faire reconnaître leurs droits à des indemnisations, trés contestées du côté des nantis, des résistants parmi lesquels on compte aussi la très probable candidate du PT aux prochaines présidentielles, Dilma Rousseff ((À l’époque, franchement communiste.)), qui fut arrêtée, torturée et emprisonnée plusieurs années ((Le plus ironique est que le fort probable candidat de la droite est également un ancien résistant de gauche devenu, disons, pragmatique, le très sérieux gouverneur de SP, José Serra.)).

La seconde pourrait être une tentative d’auto-réhabilitation, puisque la Folha est mouillée jusqu’au cou dans l’entreprise militaro-putschiste de ’64 qui attire ces dernières années les foudres des historiens et des mouvements cherchant à faire comparaître les bourreaux et leurs commanditaires en justice ((La gauche brésilienne se plaint régulièrement du fait que l’Argentine, le Chili et même certains pays d’Amérique centrale, parviennent à confronter les anciens tortionnaires à la justice, alors que Lula et consorts traînent ici les pieds.)).

Une troisième motivation possible serait, selon certains, de préparer une éventuelle nouvelle fournée de mini-coups à l’échelon des États où la gauche (modérée, hein) a tendance à trop souvent l’emporter.

Enfin, il existe un lien possible avec la crise économique actuelle: le néo-libéralisme s’en est pris plein les dents. Or, celui-ci était bien sûr collé aux basques des dictatures latino-américaines. Les journaux et revues des milieux conservateurs sont ici en pleine panique et développent des arguments de plus en plus incohérents pour tenter de sauver ce qui peut l’être des théories ultralibérales qu’ils ont défendues depuis des dizaines d’années ((Tout en se parant de l’objectivité et de la neutralité journalistique que l’on devine aisément.)). Parmi ces arguments, la défense, même modérée, des régimes qui ont le mieux et le plus contribué à la diffusion de ces théories semble naturelle.

Toujours est-il que ça ne prend pas toujours aussi facilement.

Dans un prochain numéro, si je vous ai suffisamment mis l’eau à la bouche, je vous raconterai un peu les aventures des principaux quotidiens et hebdomadaires que l’on rencontre à São Paulo…

Je suis vicié

April 20th, 2009

“Tu es accro”, me dit Cláudia, en portugais (du Brésil). et c’est pas faux, malheureusement.

Je suis branché trois à quatre fois par jour (ouvrable) sur le site www.imperiaonline.org, qui présente un jeu en ligne, multi-joueurs (c’est pas rien de le dire, on doit être plusieurs milliers sur le même “royaume”), basé sur l’exploitation de fiefs médiévaux et la lutte de seigneurs plus ou moins grands, genre wargame, mais sur une dimension que seul internet pouvait offrir, probablement.

Je ne discuterai pas du réalisme du jeu (les fiefs sont artificiellement écartés les uns des autres, il n’y a pas de géographie précise, la religion ne joue aucun rôle, il y a techniquement moyen de tenir des centaines de milliers de paysans sous sa domination sans posséder un seul soldat, etc.). Par contre, il y a quelques éléments du jeu et des comportements induits par celui-ci qui sont très intéressants -quoiqu’inquiétants, surtout dans mon chef.

Pour commencer, le jeu est basé à la fois sur la compétition et la coopération; naturellement, l’ennemi d’hier peut devenir l’allié de demain et vice versa. Le type qui m’a appris à jouer était l’un de mes voisins. Je lui ai promis qu’en échange de ses conseils, je ne l’attaquerais jamais. Deux semaines après, je commençais à le décimer. Belle mentalité. Mais bon, ce n’est qu’un jeu…

Je suis devenu leader d’une alliance (que j’ai fondée et appelée “Alliance Rebelle”, bonjour la référence de niveau élevé), ce qui, en soit, est déjà bien contradictoire pour un anarchiste, mais bon, ce n’est qu’un jeu…

En tant que leader, je donne des ordres, je coordonne, je nomme aux charges d’officier scientifique, de diplomate, de général… Le tout arbitrairement (et rarement de manière très intelligente). Et surtout, si les joueurs ne m’obéissent pas, j’expulse.

Mais bon, ce n’est qu’un jeu.

Il y a aussi les joueurs qui quittent l’alliance parce qu’elle ne les satisfait pas. C’est leur droit, naturellement, mais le dernier qui l’a fait l’a amèrement regretté: je l’ai sauvagement écrabouillé parce que je le considérais potentiellement dangereux. Il a abandonné ((Par contre je viens d’aider un autre dans le même cas, allez comprendre.)).

Mais ce n’est qu’un jeu…

Enfin, on peut attaquer ses adversaires de plusieurs manières différentes. La principale est de s’en prendre uniquement à leurs armées. La plus lucrative, potentiellement, est de piller les villages, massacrant les paysans… Je l’ai fait quatre fois, j’ai dû tuer une centaine de milliers de paysans.

Maiiiiiiiis, ce n’est qu’un jeu.

Une dimension du jeu très intéressante est celle de pouvoir faire virtuellement ce que vous ne voudriez jamais faire dans la vie réelle. La question, ensuite, est de se demander si, effectivement, vous ne voudriez jamais le faire pour des raisons morales, pour des raisons humanistes, ou bien par crainte de la désapprobation publique?

Et si le jeu avait un effet sur la vie réelle? Et si vous en étiez à moitié conscient, pas tout à fait, mais quand même un peu?

Voir le petit post sur Milgram et Burger pour un début de réponse…

né noir, mort blanc

April 18th, 2009

Machado de Assis est l’une des figures littéraires les plus importantes du Brésil. Un trait de sa vie remarquable est qu’il était considéré comme noir à la naissance (et donc de basse extraction), mais qu’avec la reconnaissance et le succès, il est mort “blanc” -c’est-à-dire qu’il était désormais considéré comme fréquentable.

Détail? Sûrement pas. Étonnante capacité de l’homme à se contredire lui-même dans le discours, dans l’esprit, sans même parfois s’en rendre compte.

Cependant, généralement, ce retournement est conscient. Dans le cas de Machado, c’est le regard de l’autre qui a évolué, il n’en était lui-même pas responsable. Mais, le plus souvent, ce sont les choix personnels qui marquent ce regard.

Exemples?

Pascal Smet, responsable politique “socialiste” flamand de Bruxelles (c’est pas de ma faute si on le définit comme cela) est né petit-fils de résistant (c’est lui, en tout cas, qui s’en vantait, lorsqu’il dirigeait l’administration chargée des expulsions en Belgique pour se défendre des accusations de comportement douteux que nous lui assénions). Il mourra, à nos yeux et à moins d’un acte de repentance genre auto-critique à la chinoise, comme l’un des fonctionnaires les plus zélés de la politique d’éloignement des sans-papiers.

Malraux, mort en 1946, serait resté le héros de la gauche. Il est mort gaulliste…

Une seconde chance est souvent ce qui est refusé à la plupart des hommes. Rares sont ceux qui en bénéficient face à la postérité, à la justice des palais, à “l’histoire-qui-juge”, souvent vite…

Curzio Malaparte, s’il était mort avant 1930, aurait été considéré comme un simple pion du fascisme comme des milliers d’autres. Il est décédé bien plus tard, avec la reconnaissance littéraire que l’on sait. De même que Günter Grass, au fond, a eu de la chance de survivre et de dépasser l’horreur d’avoir servi dans les troupes nazies. Et on ne peut que s’en réjouir.

Beigbeder aurait pu mourir jeune et rester le petit con de droite qu’il était. Bon, il ne mourra que petit con de gauche.

Combien d’Albert Speer auraient fini par s’éveiller et rejeter le nazisme s’ils en avaient eu l’occasion, la chance, l’opportunité?

Et combien de membres du MR déchireront-ils leur carte de membre avant de mourir, histoire de se racheter?

Mais aussi, a contrario, combien de communistes des premiers temps seraient devenus staliniens s’ils avaient survécus? Combien de jeunes anarchistes morts en Espagne seraient devenus Johan Vande Lanotte?

Problématique effleurée par Sartre dans Huis-clos…

Anniversaires, je vous hais

April 16th, 2009

Sir Charles Spencer “Charlie” Chaplin aurait eu 120 ans aujourd’hui.

Ça m’amuse toujours de voir les commémorations effectuées par les médias dominants sur un personnage comme Chaplin qui, de son vivant, fut surtout critiqué pour son engagement politique (ambigu) et ses frasques conjugales et moins conjugales par les défenseurs de la loi et de l’ordre moral.

À nous, qui nous gaussons des anniversaires, de la Fox et des médias-qui-mentent en général, nous reste le souvenir du cinéaste et du résistant aux idées dominantes, d’un personnage hors du commun dans le monde du 7e art et des films parmi les plus importants jamais réalisés et joués.

Et ça nous suffit pour l’installer au sein de notre panthéon de mythes fondateurs…

Ça manque un peu, des rues Charlot, des écoles Charlie Chaplin, tiens. (voir post précédent)

Rue des moustaches tombantes

April 15th, 2009

Ça fait un moment que je pense à un truc, trés bête en apparence, mais qui a son importance.

Les noms des rues, les monuments à la gloire des grands esprits.

Ici, à São Paulo, le dernier président de gauche, João Goulart, qui fut renversé par une dictature militaire ((Largement soutenue par le gouvernement amerloque Kennedy, puis Johnson.)), est signalé sur une poignée de ruelles, alors que des dirigeants de la junte, eux, sont répétés inlassablement tous les jours à la radio, parce qu’il y a des bouchons sur les grandes artères. Il n’y a pas eu de révision historique, dans le pays… Et ce n’est pas près de venir.

Il y a même une petite rue Monsanto, juste en face de mon lieu de travail. Je l’emprunte pour aller de l’appartement d’une élève à l’école.

mais bon, elle est petite.

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Je pense, à Bruxelles, à cette large avenue Charles Woeste, ministre du XIXe Siècle, qui s’opposait au Suffrage Universel, mais pas vraiment pour les même raisons que moi.

Je pense à l’avenue Léopold III, à l’avenue Baudouin; sans parler de la statue de Léopold II à poil près de la Gare centrale…

Il y a aussi les Rogier, Ducpétiaux et autres “révolutionnaires” de 1830, toutes sommités qui mériteraient surtout un beau placard historique.

À la place de l’avenue Charles Woeste, je verrais bien une Allée des Souris de Laboratoire.

Et sur la Place Albert Ier, un Square des Chevaux morts à la guerre.

Puis, à la place de la statue imbécile d’Elizabeth, une évocation de la musique libre, sans entrave et sans concours.

Et plutôt que de donner aux écoles des noms de politiques de deuxième division, on pourrait (à défaut de les détruire) leur donner des noms plus poétiques, ou de personnages un tant soit peu plus intéressants, comme John Lennon, Henry Miller (ce qui serait cocasse), Anaïs Nin (dont l’histoire serait aussi marrante à raconter) ou, à la limite, Marguerite Yourcenar ((J’ai bien encore d’autres idées, mais elles vont perdre encore en popularité.)).

L’esprit de clocher, plus encore que le chauvinisme, le localisme politique de ceux qui espèrent sans doute gagner après leur mort l’octroi à leur nom d’une impasse ou d’une contre-allée, n’est rien moins qu’un réducteur de pensée.

De toute façon, qui se souvient de Dansaert, Dailly, Jacquemin, Max, Bordet ((Pourtant prix Nobel.))?

Alors une petite suggestion: débaptisez votre avenue et trouvez-lui un nom plus sexy, pour voir.

Burger et Milgram

April 8th, 2009

Qui a vu le film I comme Icare se souvient sans doute mieux de l’expérience de Milgram que d’autres. Au moins superficiellement.

Stanley Milgram est ce psychologue américain qui avait été frappé par la posture tranquille et innocente d’Eichmann, lors de son procès en Israël en 1961-1962, pour avoir été l’un des artisans principaux de l’achemienment des Juifs jusqu’aux camps de concentration et d’extermination, pendant la deuxième guerre mondiale. Eichmann se défendait sobrement, reconnaissant chacun des actes d’acusation, mais refusant de les assumer, prétendant qu’ils n’étaient que l’exécution d’ordres de supérieurs.

Milgram, effrayé par la capacité d’obéissance du bonhomme, mais surtout pas l’insistance avec laquelle il arguait de cette obéissance au “Fürherprinzip” pour justifier de ses actes ((Il se glorifiait lui-même d’avoir 5 millions de morts sur la conscience.)), décida de procéder à une expérience pour s’assurer que ses compatriotes ne suivraient pas la voix du nazisme.

En réalité, il constata que près de deux tiers de la population américaine ((Il étendit ensuite son expérience à d’autres pays, et les résultats ne changèrent guère.)) étaient capables d’infliger consciemment des blessures mortelles à des personnes étrangères, sous prétexte qu’il s’agissait d’un ordre reçu par une autorité (en la matière, une autorité scientifique).

L’expérience de Milgram bouleversa les convictions sur le modèle démocratique, soit-disant porteur de valeurs humanistes ((De mon côté, je pense que le visionnage d’un documentaire sur cette expérience a dû être l’une de mes expériences d’ado les plus importantes et ce fut en tout cas l’un de mes principaux déclics quant à mes convictions politiques.)).

Une expérience de Milgram, édulcorée, à plus petite échelle ((Ce qui tend à montrer que les moyens en science humaine tombent en vrille, faute de sponsors…)), et réalisée par le professeur Burger montre que les choses n’ont malheureusement guère évolué. L’espoir du professeur Burger était que l’éloignement des expériences autoritaires du XXe Siècle aurait assagi la population.

Malheureusement, pour qui fait l’expérience de la gestion par l’Administration des sans-papiers, des chômeurs, des femmes maltraitées, pour ne parler que des cas les plus flagrants en Europe Occidentale ou aux USA, il est évident que ce n’est pas la proximité des régimes autoritaires qui est responsable de cette inclination humaine.

Cependant, il ne peut s’agir de la propre nature humaine, puisque, a contrario, plus de trente pour-cent des cobayes ont refusé de poursuivre l’expérience malgré la pression de l’ordre.

Pour ma part, je blâme l’ensemble des structures sociales et politiques responsables du système éducatif oppressif, répressif, conservateur, concurrentiel et conformiste. Nous y apprenons à nous plier à des comportements aussi idiots que destructeurs, voire auto-destructeurs, valorisant la consommation maladive, la concurrence ((Qui n’a pas besoin d’adjectif.)), l’obéissance aveugle, l’absence de critique de l’autorité dans la plupart des cas et la crainte de l’autre.

L’apprentissage de l’obéissance aveugle, qu’elle s’exerce à l’armée, dans la rue ou en entreprise, est le fait d’un retard flagrant des conceptions d’éducation de manière générale dans nos sociétés dites civilisées.

La facilité avec laquelle la plupart des gens acceptent la répression de manière générale, les inégalités les plus criantes, tant en fait qu’en droit ((Comment peut-on admettre de telles différences de traitement en justice, entre le pauvre bougre incapable de comprendre les borborygmes du droit et ‘bénéficiant’ d’un avocat de garde et le fils de bonne famille bardé d’une équipe de bavards uniquement consacrés à son problème.)), mais aussi un système économique fondé sur la loi du plus-fort-dès-le-départ-même-si-y-a-des-exceptions-qui-la-cautionnent, tout cela me permet d’affirmer sans crainte que, sans un changement complet de conception de la société, l’expérience de Milgram sera toujours d’actualité, et il sera même chaque fois surprenant de trouver 30 pour-cent de personnes qui refuseront d’obéir à des ordres imbéciles.

À la limite, ce sont eux les imbéciles…

C’est pas une surprise

March 30th, 2009

En tout cas, ce n’est pas une surprise pour ceux qui ouvraient les yeux auparavant: les USA vivent comme un immense système Ponzi.

Ce n’est même pas un immonde gauchiste qui le dit, mais un très keynésien, stiglitzien économiste, le seul réputé avoir anticipé la crise qui est tombée sur la tronche des amerloques (et sur la nôtre ensuite) avec plusieurs années d’avance: Nouriel Roubini.

Cet économiste (dont je lis les chroniques avec assiduité, non par sympathie, mais parce que le gars est compétent) a montré dans un article du Carta Capital ((Daté, c’est pas de ma faute, du premier avril 2009. Ils anticipent un peu, au CC.)) que les USA vivent bien au-dessus de leurs moyens depuis trop longtemps. Appelé “Mr. Doom” jusqu’à l’année dernière parce qu’il prévoyait la catastrophe qui est finalement tombée sur la tronche à tout le monde, il a un petit côté mythe de Cassandre ((Le plus drôle, c’est qu’il est originaire de Turquie, et que Cassandre vient de là-bas aussi.)).

Les banques et les fonds de pension se sont vendus des titres pourris (et pas seulement dans l’immobilier) comme dans une légende médiévale où le prix d’un truc maudit qui apporte du profit est de plus en plus grand et nécessite un investissement toujours plus important, pour finalement arriver à une somme trop grande et c’est le dernier qui se prend la malédiction; ou comme dans ces entreprises de vente de produits diététiques où, pour être accepté, vous devez vendre dix boîtes à dix types, qui vont devoir faire pareil pour être acceptés, à leur tour, et ceci pour arriver aux derniers de la chaîne qui se retrouveront marron.

Sauf qu’ici, c’est ceux du début de la chaîne qui ont marroné tout le monde. C’est parti d’en haut, mais ceux du bas ont tout pris aussi ((J’ai déjà eu l’occasion de dire -sans être très original- que les premières victimes de cette crise ne sont pas les riches comme ils cherchent à nous le faire croire, mais les plus pauvres. C’était notamment ici.)).

Mais ce ne sont pas que les banques, les fonds d’investissement et les joyeux traders qui ont joué aux Ponzi.

Parallèlement, les ménages se sont surendettés pour pouvoir payer leurs dettes; le budget des administrations est en négatif depuis une génération; la balance commerciale est négative depuis bien plus longtemps; le tout faisant que l’économie étatsunienne dépend, et bien trop, d’une croissance artificiellement montée en neige par une surconsommation dont les bénéficiaires indirects sont leurs producteurs établis à l’extérieur, aux premiers rangs desquels la Chine et le Japon, dont les états sont également les créditeurs principaux de la “première puissance mondiale”. Tout cela, je l’avais montré dans un article écrit début 2006 et qui se trouve encore ici. Ça ne me rend pas spécialement fier: je ne l’ai pas sucé de mon pouce, mais de nombreuses analyses de gens plus compétents que moi et pas spécialement de gauche, de données accessibles à tout le monde, d’informations que chacun peut lire tous les jours. Ce qui me rend furax, c’est le côté autruche de la plupart des gens, y compris à gauche, et surtout dans des cénacles d’extrême-gauche. Mais bon…

Passages de l’article de Roubini:

“Madoff n’est que le miroir de notre économie.”

“Nous sommes ((Il ne dit même pas “Notre économie”, mais bien “Nous”.)) un château de cartes qui s’appuie de manière démesurée sur des fonds de pension, des entreprises financières et des entreprises qui font aujourd’hui banqueroute.”

“Un pays qui a dépensé pendant plus de 25 ans plus qu’il n’a reçu, et qui affronte un déficit en compte courant, qui devient le plus grand détenteur de dette externe du monde, est un pays Ponzi…” ((Le problème, c’est que l’économie européenne et d’une bonne partie du monde repose sur cet état de surconsommation des Zuessa.))

Le système Ponzi, pour ceux qui ont la flemme d’aller voir la page wiki que j’ai mise en référence, est une arnaque fondée sur la confiance en un gugusse qui vous vend un papier avec promesse de vous faire part de bénéfices qu’il ne trouvera qu’en continuant à vendre les mêmes papelards à d’autres. Au début, tout va bien, mais dès qu’un premier zouave commence à se poser des questions, le magicien d’Oz apparaît… Et on s’aperçoit qu’il n’y a rien derrière le rideau de fumée…

Nourini fait le parallèle avec la société américaine qui achète trop, qui dépense trop et qui, pour rembourser, continue de dépenser, de s’endetter, d’acheter… (sans compter, mais ça Nourini ne le dit pas, c’est un économiste de droite, pas un samaritain, que les USA se sont servis sur le monde pour enrichir leur classe moyenne, comme d’ailleurs les sociétés européennes en même temps qu’eux).

À force, ça a donc fini par se voir.

“L’explosion de la bulle immobilière, actionnaire, des fonds à risque et des opérations de ‘private equity’ ((J’adoire ces expressions à la mords-moi-le-truc.)) a montré que beaucoup de la “richesse” qui a soutenu l’accélération massive de l’économie et les super-dépenses des agents de celle-ci était fausse.”

Comme je vous le disais: on n’est pas vraiment étonnés, à condition qu’on ait évité de garder pendant toutes ces années le nez dans le caca comme, malheureusement, trop de gens l’ont fait.

“Madoff pourra rester le restant de ses jours en taule. Le gouvernement et les entreprises financières et non-financières peuvent passer la prochaine génération dans la prison de leurs dettes. Ils devront se serrer la ceinture pour payer les pertes encourues pendant une décennie et plus d’accélération irresponsable (de l’économie), sans considérer les risques.
“Américains, regardons-nous nous-mêmes dans le miroir: Madoff ((Bouquet Mystére.)) et Ponzi, c’est nous.”

Européens, n’hésitez pas à vous poser la question: ne sommes-nous pas un peu nous-mêmes des Ponzi, à avoir voulu deuxième voiture, écran géant, frigidaire américain et autres gadgets?

En septembre 2001, beaucoup chantaient “Nous sommes tous américains.”

Et bien ils peuvent danser, maintenant.

Références

March 25th, 2009

Nicolas Sarkozy avait sorti, alors candidat, une jolie formule à l’attention des immigrés, fils d’immigrés, petits-fils d’immigrés qui ne respectaient pas les lois de la République suffisamment à son goût.

“La France, on l’aime ou on la quitte.”

Certains avaient osé le comparer alors à Le Pen.

D’autres avaient alors hurlé à la relativisation du leader d’extrême-droite. Sarkozy, bien sûr, étant de droite, et non d’extrême-quoi que ce soit…

Cette formule savamment distillée, a cependant une origine amusante. Son créateur est un Brésilien. Un certain Médici. Pas Laurent, Catherine, Julien ou Marie, non: Emilio Garrastazu. Le bonhomme fut président du Brésil de 1969 à 1974, lors de ce qu’il est convenu d’appeler “la dictature brésilienne”. Emilio était le “général de planton”, autrement dit le président de garde de la révolution d’extrême-droite qui sévissait alors ((Cinq généraux vont se succéder pour assurer la garde de la république contre le bolchevisme entre 1964 et 1985, avant qu’un zozo civil prenne le relais jusqu’en 1988.)). Il avait prononcé à l’encontre des résistants à la junte militaire cette formule: “Le Brésil, tu l’aimes ou tu le quittes.”

Sarkozy n’aime pas la Princesse de Clèves, mais il a des références quand même.

le réflexe Bekaert-Securitas

March 18th, 2009

Je suppose qu’un jour un expert l’appellera d’une expression similaire…

À la suite du drame de Termonde (qui m’a touché aussi, pensez bien, je conduis mon fils à la crèche tous les jours de la semaine…), c’est la petite phrase émanant de l’association Kind en Gezin et relayée par la Libre qui a attiré le plus mon attention:

“Un tel drame est incompréhensible. Il pose des questions sur la sécurité dans les lieux d’accueil”.

C’est malheureusement un grand classique, suite à ce type d’incidents (agression dans un hôpital, enlèvement d’enfants), tous contre des éléments hyper-fragiles de la société, que ce type de réflexe survienne.

Pour vivre dans une ville qui a fait le pas, depuis longtemps (pour d’autres raisons), d’enfermer écoles, hôpitaux, crèches et autres lieux derrière des forteresses, munies d’équipes de gardiens ((celui de la crèche de mon môme est très sympa, mais bon)), souvent de caméras, et en tout cas de portes blindées, où les empreintes digitales de mes doigts ont été prises pour les mettre sur ma carte d’identité ((Plus choquant peut-être: dès la naissance, Giuliano, mon fils a été fiché pareillement.)), je ne suis guère choqué, mais je me refuse à admettre comme normal, et à accepter, à long, moyen ou court terme, toute tentative de sécuriser à l’extrême nos vies. C’est le contraire qu’il faut faire: parvenir à réduire les risques de ce type, et non se protéger de leurs seuls effets.

Il y aura toujours des risques, comme le dit un lecteur de la Libre ici. L’idée de vouloir se défendre contre ce genre de drames par des moyens de plus en plus coûteux, sophistiqués, mais surtout militaires et inaccessibles à la compréhension de la population, rend le monde toujours plus inhumain et plus neurasténique. Un phénomène effrayant, c’est la facilité d’acceptation de l’escalade.

L’article de la Libre évoqué ci-dessus fait mention d’une première crèche en Belgique dont l’entrée est gardée par un digitaliseur d’empreintes. J’avais déjà vu cette bêtise au CPAS d’Ixelles, il y a près de cinq ans. À multiplier les barrières électriques, électroniques, digitales, et que sais-je, on crée plus un effet de paranoïa que de sécurité. D’après l’article (mais bon, c’est la Libre aussi), seul un père maugréait pour des questions d’investissements, jusqu’à ce qu’on lui dise que l’entreprise l’offrait à titre de publicité.

“Ah, ben alors, comme ça, ça va.”

Les autres parents étaient à la limite de l’enthousiasme. Dans quel environnement leurs enfants vont grandir? Pas au “petit jardin musical” ou au “paradis des enfants”, mais bien dans la “petite cage dorée”.

Eh, tout cela n’est pas neuf: c’est du Michel Foucault, c’est du Vidocq, c’est du Alexandre Jacob…

Pour en revenir à une phrase qui revient ces derniers temps, et raccomodées: la sécurité n’est pas une liberté, ni la première, ni une autre, mais un droit. Enfermer les gens, adultes ou enfants, ce n’est certainement pas les rendre plus libres.

Dire, comme l’ont répété des générations de ministres de l’intérieur (le premier était, si je ne m’abuse, Poniatowski en France, à moins que ce ne fut Poncelet ((Aucun des deux n’était à une clownerie près.)) ), que la sécurité est la première des libertés, est un non-sens doublé du fruit de l’ignorance pure.

On appelle droit un accès libre et (théoriquement) gratuit à quelque chose, comme la vie, le travail, la famille ((Pour compliquer, le Grand Dictionnaire Terminologique propose les définitions suivantes: Prérogative reconnue à une personne, dans son intérêt ou État d’une personne ou d’une chose qui répond à certaines règles ou conditions et peut de ce fait bénéficier d’un avantage ou jouir d’un droit.)). Ce sont même des choses presque naturelles. Mais il y a également des droits qui sont le fruit de conquêtes culturelles et sociales, comme le droit à la culture, à l’éducation ou à un toit ((Il y a aussi le droit à la propriété ou à la nation, mais ceux-là, beuh…)).

On appelle liberté une capacité non enfreinte de faire ou d’exprimer quelque chose, comme la liberté de penser, de se déplacer, de choisir son conjoint, ses amis, ses idées et d’exprimer ces dernières, mais aussi de (se faire entuber par la) religion ((Dans le Grand Dictionnaire terminologique, on trouve la définition suivante: la liberté juridique ou civile consiste dans le droit de faire tout ce qui n’est pas défendu par la loi (Or, on ne fait pas la sécurité, on en jouit); Elle se présente comme une prérogative ouvrant à son bénéficiaire, lorsqu’il le désire, un accès inconditionné aux situations juridiques qui se situent dans le cadre de cette liberté. Une liberté est en principe non définie ni causée (susceptible non pas d’abus, mais d’excès); elle est également, en principe, inconditionnée (ainsi se marier ou non, contracter ou non, acquérir ou aliéner, tester, faire concurrence à d’autres commerçants).)).

Et donc, cela ne revient pas au même. Le DROIT À est un phénomène dont vous bénéficiez automatiquement. La LIBERTÉ DE nécessite que vous fassiez un geste pour en jouir… Ou que vous ne le fassiez pas, ce faisant vous exercez votre liberté de ne rien fouttre.

La sécurité est clairement un droit, et non une liberté. Des générations de ministres de l’intérieur, y compris Sarkozy et Alliot-Marie, mais aussi l’actuel maire de Lyon, Gérard collomb, sont donc, au mieux des ignorants, au pire (et au plus vraisemblable) d’ignobles manipulateurs ((Mais ça on le savait déjà…)).

Pourquoi? Parce que le terme liberté, utilisé à toutes les sauces pour justifier l’emprise du marché libéral capitaliste sur nos vies, en est venu à s’édulcorer lui-même et à effacer la force des droits que l’idéologie dominante cherche à faire reculer toujours plus. Plus les droits reculent, et plus ce sont les libertés d’un petit nombre d’exercer sur nos tronches qui prennent du poids. Et, à cette échelle, ce n’est même plus de la liberté, mais des privilèges de classe.

Parce qu’aussi, à construire la sécurité comme une liberté, on contribue à la mettre sur le marché, tout simplement, et à progressivement faire admettre que nous avons la liberté de nous défendre nous-mêmes, et que, finalement, la justice et la police, ça pourrait bien être une affaire privée.

Or, “faire justice soi-même”, c’est le far-west. “Faire la police soi-même”, c’est du Bronson…

Certes, aujourd’hui, ces deux acteurs (police et justice) de la société sont plus au service de ceux qui ont que de ceux qui bossent, mais la destruction des repères des conquêtes du XXe Siècle (droits sociaux, émancipation -partielle- des femmes, liberté sexuelle, etc.) est une longue pente -de plus en plus savonneuse…

Ça glisse…

infaillibilité papapapapapaaaaaaaaale

March 13th, 2009

Extrait de Libé en ligne, ce 13 mars:

“Dans une lettre aux évêques du monde entier publiée aujourd’hui par le Vatican, le pape Benoît XVI reconnaît, non sans prendre maintes précautions de langage, avoir commis des «erreurs» dans cette embarrassante affaire (Williamson) qui empoisonne le Saint-Siège depuis un mois et demi.”

Ça chie des bulles dans le dogme…

Alors ééééévidemment, certains me diront que ça n’a rien à voir avec le concept de l’infaillibilité papale, qui ne concerne que lorsqu’il s’exprime ex cathedra en matière de foi ou de morale…

N’empêche, si l’on se goure à ce point sur ce sujet, qu’est-ce que ça doit être quand il s’agit de définir si Jésus était juif ou arabe…


Si quelqu’un, ce qu’à Dieu ne plaise, avait la présomption de contredire notre définition qu’il soit anathème.” (extrait du dogme de l’infaillibilité papale -c’est joyeux)